Les enfants d'Orion

ARAGO



François Arago est né le 26 février 1786 à Estagel dans les Pyrénées Orientales.
Tenté par une carrière militaire, il prépare seul à 16 ans , l'entrée à l'Ecole Polytechnique en étudiant les oeuvres d'Euler, de Lagrange et de Laplace. Il est admis sixième à l'Ecole( premier des artilleurs) en 1803, à l'âge de 17 ans, et ne tarde pas à se faire remarquer comme une personnalité marquante.
Il s'y lie d'amitié avec Denis Poisson qui , en 1805, lui transmet la proposition d'un poste de secrétaire bibliothécaire de l'Observatoire de Paris, qu'il accepte après avoir reçu l'assurance qu'il gardera son statut d'élève à l'Ecole Polytechnique.
Le bureau le place sous la responsabilité de Jean-Baptiste Biot, avec qui il reprend des travaux de Borda sur la réfraction des gaz, d'un grand intérêt dans les observations astronomiques.

En 1806, Poisson lui demande de remplacer Méchain qui, envoyé en Espagne pour prolonger la mesure de l'arc de méridien jusqu'à Formentera, est mort pendant l'expédition.
Arago et Biot partent alors sur les traces de leur prédécesseur pour achever son travail.
Le jeune homme, en quête d'aventures, n'est pas déçu par la suite de l'expédition : l'Espagne ayant déclaré la guerre à la France, les astronomes sont accusés d'espionnage . Ils frôlent la mort en plusieurs occasions, goûtent au raffinement des geôles espagnoles, s'évadent, s'embarquent clandestinement pour Alger, sont arraisonnés par des Corsaires, se battent pour un plat de pommes de terre, prennent un bateau pour Marseille, accostent de nouveau à Alger par faute du mistral, etc.
La chance finit par leur sourire : le 2 juillet 1809, ils débarquent à Marseille. Sain et saufs, Arago a même réussi, en les cachant sous sa chemise, à préserver les résultats de leurs triangulations. Pendant sa quarantaine sanitaire, il écrit :
" Mes lettres furent considérées par mes parents et mes amis comme des certificats de résurrection, car, depuis longtemps, on me supposait mort. Un grand géomètre avait même proposé au Bureau des Longitudes de ne plus payer mes appointements à mon fondé de pouvoirs ; ce qui peut sembler d'autant plus cruel que ce fondé de pouvoir était mon père. "
Au terme de cet étonnant voyage initiatique, le 18 septembre 1809, Arago fait une entrée triomphale à l'Académie des Sciences : " il y avait cinquante-deux votants ; j'obtins quarante-sept voix, M.Poisson, quatre et M.Nouet, une. J'avais alors vingt-trois ans. "

Quelques mois plus tard, Arago est nommé Professeur à Polytechnique en remplacement de Monge.
Cette ascension ultra-rapide installe Arago à un poste de choix. Au cours des ans, il se lie d'amitié avec de nombreux savants ( Humboldt, Gay-Lussac, Malus, Petit, Fresnel ) et entre dans de violentes polémiques avec Biot ( son ancien compagnon d'aventures), Young, Brewster, Laplace. Pendant une vingtaine d'années, son intérêt scientifique se focalise sur la lumière, puis sur l'électricité et le magnétisme. Toutefois, comme l'écrit l'historien Charles Gillispie : " même pendant cette période productive, il contribua plus à la Science par les encouragements et le soutien qu'il apporta à Fresnel et Ampère que par ses propres travaux. " A ces noms, on pourrait ajouter Fizeau, Foucault, Le Verrier.

En 1813, Arago donne sa première leçon publique d'astronomie à l'Observatoire, un exercice qu'il poursuivra jusqu'en 1846. A la différence de l'Ecole Polytechnique, son auditoire y est d'une grande variété. Mais Arago y démontre de tels talents d'orateur et de vulgarisateur que l'on se presse bientôt dans l'amphithéâtre pour écouter ses leçons. De la même manière, sa contribution régulière à l' " Annuaire du Bureau des Longitudes ", publié au début de chaque année, est attendue avec impatience par tous les lecteurs. Lorsqu'en 1838, son nom sera absent du sommaire pour cause de maladie, les abonnés crieront au scandale. Et Arago sera obligé de rédiger une " notice ", en fait plus de 400 pages consacrées au tonnerre : pour apaiser leur colère, les acheteurs de l'Annuaire recevront gratuitement la notice de M.Arago.
En 1830, cette popularité le propulse vers de plus hautes fonctions. Après qu'il ait été nommé secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, il est élu à la chambre des députés : il occupera son siège , sur les bancs de la gauche, sans interruption jusqu'en 1852, effectuant un cours passage ministériel en 1848.
A l'Observatoire, il fait usage de son pouvoir pour favoriser la montée en puissance d'une industrie française d'instruments d'optique et de précision. Animé par le même souci, il demande à la chambre la création de 10 écoles d'Arts et Métiers : on lui objecte que la dépense serait trop élevée et qu'au surplus l'Etat ne doit au peuple que l'instruction primaire.

En 1835, Arago bouscule les habitudes de la prestigieuse maison. Il met à la disposition des journalistes tous les documents communiqués à l'assemblée. Les feuilletons scientifiques des journaux s'enrichissent de cette manne d'informations. Mais les articles ne sont pas toujours du goût d'Arago et de ses confrères : les faits sont trop souvent déformés. Aussi Arago décide-t-il de faire publier, par l'Académie elle-même, des Comptes rendus hebdomadaires. Cette initiative audacieuse, vite imitée, donne le départ d'une expansion vertigineuse de la littérature spécialisée.
En 1838, l'une de ses dernières contributions scientifiques personnelles consiste à imaginer l'expérience cruciale qui, à ses yeux, doit permettre de trancher entre les théories ondulatoires et corpusculaires de la lumière. Avec l'aide du constructeur Louis Bréguet, il tente plus tard de la mettre en oeuvre dans la salle de la méridienne de l'Observatoire. Sans succès : " Mes prétentions doivent se borner à avoir posé le problème et à avoir indiqué des moyens certains de le résoudre ", écrira-t-il dans un compte-rendu de l'Académie en avril 1850. Gagné par la cécité, il aura en effet légué l'idée à de plus jeunes expérimentateurs.

En dépit d'activités multiples, son flair scientifique ne l'abandonne pas. Qu'on en juge sur ces deux exemples.
En 1839, Arago fait acheter, par le gouvernement français, l'invention de Niepce et Daguerre. Tombée dans le domaine public, la photographie trouve bientôt de nombreuses applications, en Sciences et en Art.
En 1845, Arago lance un jeune répétiteur d'astronomie à l'Ecole polytechnique sur une piste mathématique, susceptible d'expliquer les perturbations de l'orbite d'Uranus. Après plusieurs mois de calculs acharnés, Urbain Le Verrier postulera l'existence d'une planète perturbatrice ; un astronome berlinois l'observera en septembre 1846 et Le Verrier sera l'objet d'un vif engouement populaire. Le poste de directeur de l'Observatoire lui sera offert.

Alexandre de Humboldt évoque la dernière activité de son vieil ami : " Alors qu'il ne voyait plus, Arago dictait. C'est ainsi qu'il a rédigé un des plus beaux traités d'astronomie qui ait jamais été composé ; il l'a appelé Astronomie Populaire. Il explique aux gens les plus étrangers aux sciences les magnifiques phénomènes de la voûte étoilée, sur laquelle les hommes des champs ont plus constamment les yeux que les habitants de la ville. "

L'enfant du petit village d'Estagel s'éteint un dimanche d'octobre 1853, vers six heures.

Texte construit à partir de :
" L'astronomie " N°117 de septembre 2003,
et des Cahiers de Science et Vie : " Comment a-t-on réussi à mesurer la vitesse de la lumière ? " HS N°25 ; Février 1995

Pour aller plus loin : Arago et l'observatoire de Paris, une page du site de l'observatoie de Paris

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mise à jour 17 juillet 2005