Théorie de la relativité




La théorie de la relativité a été élaborée par Albert Einstein au début du XXe siècle. Elle fit sa célébrité et révolutionna la façon d'appréhender le temps, l'espace et la gravité.
Mais de quoi s'agit-il exactement ?
Je propose ici, à tous ceux que la relativité laisse perplexes, quelques explications sans complexité ni formule mathématique, pour mieux comprendre de quoi il en retourne.


Pour Galilée ou Newton, le temps était fixe et absolu. Or depuis Einstein, on sait que le temps et l'espace sont au contraire intimement liés. Ce sont des notions variables et relatives (d'où le nom de la théorie). Il n'y a plus un temps, mais une infinité de temps différents, chacun avec son rythme propre.

En ce sens, la relativité d'Einstein comprend deux théories différentes :

- la première, la relativité restreinte, nous indique que le rythme du temps est lié à la vitesse de celui qui le mesure.
- la seconde, la relativité générale, déclare que le temps est également relatif à la gravité, celle-ci n'étant qu'un effet de la courbure de l'espace-temps.



1) Relativité restreinte (1905) : La vitesse dilate le temps.

Cette théorie nous dit que le temps s'écoule plus lentement pour un observateur qui se déplace rapidement que pour un autre observateur, fixe ou animé d'un mouvement plus lent. Autrement dit, plus on va vite et plus le temps ralentit.

Cet effet s'illustre par le paradoxe des jumeaux de Langevin :
Deux jumeaux se trouvent sur une base de lancement de fusée. L'un reste au sol, l'autre entreprend un long voyage en navette spatiale. Il atteint des vitesses voisines de celle de la lumière, fait le tour de Sirius et revient sur Terre. À son retour, il est accueilli par ses arrière-arrière petits enfants. Les horloges de la base terrienne indiquent que 100 ans ont passé, tandis que lui a à peine changé. Pour l'horloge à bord de la navette spatiale, seulement 3 mois se sont écoulés.

Bien sûr, cette histoire n'est que spéculative car irréalisable aujourd'hui. Malgré tout, la dilatation du temps prédite par la théorie d'Einstein a pu être vérifiée à l'aide d'horloges atomiques très précises (voir paragraphe 3, Preuves de la relativité).
Ces différences de temps sont évidemment imperceptibles et négligeables dans la vie quotidienne mais prennent une grande importance lorsque la vitesse de l'observateur s'approche de celle de la lumière. Pour donner un ordre d'idée, en voyageant à 50% de la vitesse de la lumière, le temps se dilate d'un facteur 1,15. Il faut atteindre 86% de la vitesse de la lumière pour dilater le temps par 2, et 99,9% pour le dilater par 20. À l'extrême, à la vitesse de la lumière, le temps est infini.

La relativité est liée au fait que la vitesse de la lumière dans le vide est la même pour tous les observateurs quel que soit leur mouvement ou le mouvement de la source lumineuse.
Ce principe fut avancé par de multiples expériences scientifiques (notamment avec les travaux de Michelson et Morley en 1887) et dont les résultats montrèrent unanimement que la vitesse de la lumière était la même dans toutes les directions. Or, deux faisceaux lumineux simultanés envoyés perpendiculairement d'un point A, devraient logiquement se décaler à leur arrivée en un point B car un des deux faisceaux se déplace dans le sens de rotation de la Terre et profite donc de la vitesse de celle-ci. Exactement comme quelqu'un qui court à 10 km/h dans un train à 130 km/h, il se déplace à 140 km/h par rapport au sol.
Pourtant, aucun scientifique ne retrouva jamais de décalage, ce qui allait à l'encontre de l'intuition et de la physique courante.
En reprenant ces notions, Einstein conclut que la vitesse de la lumière est une constante universelle (environ 300 000 km/s). Elle est invariable et représente une limite que rien ne peut dépasser. Par le biais d'un raisonnement mathématique et physique subtil, Einstein arrive au bout du compte à la théorie de la relativité restreinte et apporte ainsi une modification fondamentale aux équations de la mécanique de Newton. L'espace et le temps absolus et uniformes de Newton n'ont plus de sens. Il faut parler d'un espace-temps dont la perception dépend de la vitesse.

La relativité restreinte sera également le point de départ qui mènera Einstein à la fameuse relation E = mc2. Cette formule donne l'énergie totale libérée (E) lorsque la masse s'annihile (m), c étant la célérité de la lumière (300 000 km/s).

Mais au fait, pourquoi restreinte... ? Initialement, la théorie de la relativité n'était valable qu'en l'absence de gravité, d'où le nom de théorie restreinte. Elle sera généralisée quelques années plus tard...



2) Relativité générale (1915) : La matière ralentit le temps.

La deuxième étape de la théorie de la relativité concerne la gravitation. Elle fut développée par Einstein à partir de la relativité restreinte, et fut publiée dans sa forme finale en 1916.

Le physicien eut l'idée d'étendre sa théorie, de la généraliser en intégrant la gravité, pour qu'elle soit aussi valable avec les référentiels accélérés.
Pour cela, il est parti du postulat qu'il est impossible pour un observateur de dire s'il subit un mouvement accéléré uniforme, ou s'il est dans un champ gravitationnel. Il arriva à la conclusion que la masse d'inertie est exactement égale à la masse gravitationnelle.
En d'autres termes, il n'y a pas de différence entre gravitation et accélération : c'est le principe d'équivalence.
Par exemple, une personne située dans un ascenseur fermé aura la même sensation d'écrasement vers le bas si l'ascenseur monte très vite, ou s'il se trouve (à l'arrêt) sur une planète beaucoup plus grosse.

Ce principe amène progressivement Einstein jusqu'à la relativité générale car, si la vitesse ralentit le temps, alors l'accélération et donc la gravité ralentissent aussi le temps. Il démontre ainsi que le champ de gravité que la matière engendre retarde le cours du temps de celui qui s'y trouve par rapport à celui qui ne s'y trouve pas. Le temps s'écoule donc relativement plus lentement en bas de la tour Eiffel qu'au sommet (parce qu'en haut la gravité est plus faible, puisqu'on est plus loin de la Terre). Au sommet, la montre avance d'une microseconde par an. De même, un jumeau situé à proximité d'un trou noir vivrait plus longtemps que son frère situé sur Terre.

La perception de l'espace-temps dépend donc de la vitesse, mais aussi de la gravité. L'univers est relatif et quadri-dimensionnel (les 3 dimensions de l'espace + celle du temps).

Einstein a ainsi montré qu'il n'est pas nécessaire de penser la gravité comme une force agissant à distance (comme Newton le présumait). Il la décrit plutôt par rapport à ses effets sur l'espace-temps, c'est à dire une géométrie courbe déterminée par la distribution de matière et d'espace.

Les masses courbent l'espace-temps comme des boules de plomb qui seraient posées sur un filet de trampoline. Dans ce cas, si on lance une bille de façon rectiligne, elle va être "attirée" par la boule de plomb et va tourner autour d'elle. La gravité n'est qu'une conséquence de la courbure le l'espace-temps. De la même façon, si la Terre attire la Lune, c'est parce qu'elle déforme l'espace dans lequel elle est plongée. En fait la trajectoire de la Lune n'est pas une ellipse mais une ligne droite dans un espace courbé par la présence de la Terre.

Cette différence conceptuelle par rapport à Newton est essentielle et en particulier au point de vue mathématique car elle permet de mieux prédire le mouvement des astres. En ce sens la théorie de la relativité est plus "précise" que celle de Newton.
Ceci étant, la relativité générale rejoint la théorie de Newton dans les régions à faible champ gravitationnel. Mais elle fournit la meilleure description si le champ gravitationnel est fort.



3) Preuves de la relativité
:

Depuis les années 1920, les preuves expérimentales de la relativité furent nombreuses à se succéder. Aujourd'hui encore, à chaque fois qu'une avancée technologique le permet, les scientifiques tentent de nouvelles expériences en vue de mettre à défaut la théorie d'Einstein, et pour l'instant, toujours sans succès.


a) Influences de la vitesse et de la gravité sur le temps :

Les effets de la relativité étant extrêmement faibles dans les conditions usuelles de notre quotidien, seules les expériences menées à l'aide d'horloges atomiques ont permis de les mettre en évidence. En effet, la précision de ces dernières a enfin rendu possible la mesure des prédictions relativistes sur le ralentissement du temps. Ainsi dès les années 70, les scientifiques se sont livrés à de nombreuses expérimentations, comparant les temps données par des horloges atomiques embarquées à bord d'avions ou de fusées, soumises à différentes vitesses ou subissant différents champs de gravitation. Et dans chaque cas la théorie fut vérifiée, avec des mesures expérimentales parfaitement en accord avec les prévisions théoriques.
Pour donner un ordre de grandeur, une horloge se déplaçant à 1000 km/h retarde de 1,5 µs/h par rapport à une horloge fixe (relativité restreinte). Pour obtenir un chiffre équivalent en relativité générale, il faut une variation d'altitude de 10 000 mètres entre les 2 horloges. Sauf que dans ce dernier cas, l'horloge qui retarde est celle qui est au sol.


b) Déplacement du périhélie de Mercure :

Le mouvement du périhélie de Mercure est principalement dû aux perturbations des autres planètes. On a observé qu'il est de 574" par siècle. Mais la théorie de la gravitation de Newton prévoit un mouvement de seulement 531" par siècle. Il manque donc 43" que de nombreux scientifiques, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ont tenté d'expliquer sans succès par la physique newtonienne. En revanche, si on utilise les calculs de la relativité, l'erreur disparaît. La théorie de la gravitation d'Einstein donne le résultat correct.


c) Le décalage vers le rouge gravitationnel :

Conséquence de la relativité générale, les raies spectrales émises par, ou près d'un corps massif sont décalées vers le rouge. En effet, la gravitation dilate le temps, donc la fréquence d'émission d'un photon émis dans un champ de gravité important nous apparaît ralentie. Par exemple, le spectre d'un élément sur le Soleil est décalé vers le rouge par rapport au même élément en laboratoire (sur Terre).
De même, le spectre de Sirius B (le compagnon de Sirius, une naine blanche) est décalé vers le rouge. Le décalage est faible mais a pu être mesuré.
À l'extrême, dans un trou noir, l'espace-temps est profondément distordu. Ni la matière, ni la lumière ne peuvent s'en échapper. Et en admettant qu'un peu de lumière arrive à en réchapper, sa longueur d'onde serait tellement allongée par la gravité qu'elle deviendrait complètement invisible. Les trous noirs sont donc de véritables pièges à lumière qu'il n'est pas simple de détecter !

d) Déviation de la lumière au voisinage d'un corps massif :

L'espace-temps est courbé par la matière, donc les étoiles optiquement proches du Soleil, doivent subir un déplacement apparent.
En effet, les photons, en dépit de leur masse nulle, ont eux aussi une trajectoire courbe dans un champ gravitationnel.
Aussi, les rayons lumineux provenant d'étoiles et passant à proximité du Soleil sont déviés.
Ceci a été vérifié pour la première fois lors de l'éclipse de Soleil du 29 mai 1919 où le Soleil occultait l'amas des Hyades. Les mesures ont retrouvé qu'effectivement le Soleil "écartait" légèrement les étoiles sur son passage, avec un déplacement apparent de 1,75", conforme aux valeurs prévues par la gravitation relativiste !


© NASA / ESA / STSCI / HST

Une autre belle démonstration de ce phénomène est l'observation de mirages gravitationnels.
Si un corps suffisamment massif se trouve entre nous (les observateurs) et un autre objet céleste plus lointain, la lumière qui provient de ce dernier va être déformée.

Premier exemple (ci-contre à gauche), la Croix d'Einstein, qui correspond à la multiplication visuelle de l'image d'un quasar lointain (QSO2237+0305) due à la présence fortuite de la galaxie PGC 69457 juste en avant plan (dans la constellation de Pégase).
Autre exemple du célèbre d'effet de lentille gravitationnelle, le quasar Markarian 205, qui se trouve agrandi par la présence en avant-plan de la galaxie NGC 4319 (dans la constellation du Dragon).

Ou encore la présence d'arcs gravitationnels sur les photos de certains amas de galaxies, comme ci-contre à droite dans l'amas Abell 2218 (également dans le Dragon). La masse de l'amas galactique est telle qu'elle courbe la lumière des objets en arrière-plan.

© NASA / ESA / STSCI / HST
4) Intérêt pratique : le GPS

Si la relativité a permis une véritable révolution des concepts, il en existe pour l'instant peu d'applications pratiques. La plus connue est le GPS (Global Positioning System).
Le GPS est un système de positionnement par satellites qui s'est démocratisé en France depuis une dizaine d'années. En détectant au moins 4 satellites (dont les données sont datées précisément grâce à leur horloge atomique), le GPS va calculer les temps de propagation de ces signaux entre les satellites et lui, connaître sa distance par rapport à ceux-ci et, par triangulation, situer précisément en trois dimensions n'importe quel point placé en visibilité des satellites GPS. Sa précision avoisine les 15 mètres pour un récepteur commercial.
L'efficacité de cette mesure est sans précédent car l'appareil est sensible aux effets relativistes. Il est programmé pour corriger la déformation de l'espace-temps prédite par la théorie d'Albert Einstein. Il prend en compte la dilatation du temps pour les corps en mouvements, le retard ou avance des horloges dus à la gravitation terrestre et d'autres plus subtils liés à la rotation et à l'aplatissement terrestres, ou encore les problématiques de la propagation des signaux dans l'ionosphere terrestre.
Si ces effets n'étaient pas pris en compte, il en résulterait une erreur sur la position délivrée d'environ 10 km !


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