MESURE DU TEMPS

Mesure d’un seul instant

    Pour les observations où il n’y a qu’un seul instant à mesurer, deux méthodes sont couramment utilisées. Dans la première, il faut attendre le top de la troisième seconde qui suit celui de la minute pour démarrer le chronomètre. Afin d’éviter une trop grande dérive de celui-ci, on choisira de préférence ce top deux minutes avant l’instant du contact ; par exemple, pour une disparition ayant lieu à 23 h 32 m 25 s, on déclenchera le chronomètre au troisième top qui suit immédiatement le top de la minute 30. Ces trois secondes de décalage nous seront très utiles pour la simple et bonne raison que souvent on est surpris par l’apparition soudaine de ce top minute. Et enfin, à l’instant précis où l’on voit l’étoile disparaître ou réapparaître, appuyer sur le bouton d’arrêt du chronomètre.

    La deuxième méthode consiste à attendre, chronomètre en main et arrêté, l’approche du phénomène et, à l’instant précis du contact, déclencher ce dernier. Appuyer ensuite sur le bouton d’arrêt trois secondes après le top de la minute qui suit l’instant du contact. Il ne reste plus maintenant qu’à faire la différence entre l’instant de départ et d’arrêt du chronomètre pour obtenir l’instant du contact.

Mesure de plusieurs instants

    Lorsqu’il y a plusieurs instants consécutifs à mesurer, comme c’est le cas pour une occultation rasante, il suffit d’enregistrer simultanément sur une bande magnétique qui sera dépouillée plus tard (voir « Le dépouillement ») les tops horaires de la radio et les tops vocaux de tous les instants de contacts observés, sans oublier de signaler l’heure et la minute du début de l’enregistrement. Pour une occultation rasante n’oublions pas de commencer l’enregistrement 15 minutes au moins avant l’instant prévu, car les éphémérides ne donnent que l’instant du milieu du phénomène qui peut, lui, durer une vingtaine de minutes.

    L’observation terminée il ne reste plus qu’à noter, sur un formulaire ad hoc, les résultats des mesures des instants de contacts ainsi obtenus sans oublier, c’est très important, d’ajouter les trois secondes de décalage du début de l’observation.

L’équation personnelle

    Il est un point très important dont il faut absolument tenir compte dans les résultats finaux : l’équation personnelle ou temps de réaction. En effet, entre l’instant où l’on perçoit le phénomène et l’instant où l’on réagit, il s’est écoulé quelques dixièmes de seconde. La connaissance de ce temps de réaction est nécessaire pour permettre une réduction correcte de l’observation. Plus un observateur est expérimenté, mieux il peut estimer cette valeur ; sa personnalité et sa capacité de concentration font que son équation personnelle lui est propre, mais d’autres facteurs peuvent influencer cette équation, facteurs que l’observateur apprendra à mieux connaître avec l’expérience (fatigue, inconfort, état nerveux, concentration, brillance de l’étoile, qualité du ciel, turbulence, phase lunaire...).

    Lorsque l’équation personnelle n’est pas connue, Thomas Van Flandern adopte une valeur de 0,3 seconde dans la réduction des observations visuelles d’occultations analysées à l’ U.S. Naval Observatory. Gordon E. Taylor tient compte d’équations personnelles de 0,3 et 0,5 seconde pour, respectivement, les disparitions et réapparitions lors des observations d’occultations rasantes effectuées par les membres du H.M. Nautical Almanac Office.

    Pour connaître son temps de réaction il existe une méthode toute simple proposée par Victor Slabinski. Sur un chronomètre à affichage numérique, masquez les chiffres des secondes avec une bande de papier. Lorsque vous verrez apparaître le changement des chiffres de la minute, appuyez sur le bouton d’arrêt. Vous lirez alors, en centièmes de seconde, le temps qui vous aura été nécessaire pour réagir. Celui-ci est en moyenne de 0,26 ± 0,04 seconde. En réalité, ce temps de réaction peut varier de deux dixièmes à une seconde en fonction de tous les facteurs énumérés précédemment.

    Des expériences ont été menées afin de cerner ce temps de réaction, notamment par Jean Bourgeois en Belgique sur 237 personnes, hommes et femmes, âgées de 6 à 94 ans, à l’aide d’un simulateur électronique de sa fabrication. Ce simulateur d’occultation a été réalisé selon le principe suivant : à un instant quelconque situé entre 4 et 10 secondes après l’instant où une pression a été exercée sur un bouton, une étoile artificielle disparaît ou apparaît dans un oculaire, tandis qu’un chronographe est mis en marche. Le comptage est arrêté par l’observateur en appuyant sur un bouton à course limitée dès qu’il perçoit le phénomène. Le temps de réaction se lit directement sur un affichage lumineux. Les temps de réaction moyens enregistrés de cette façon sont repris dans le tableau ci-après.

Tableau 1

Temps de réaction moyens mesurés avec un simulateur d’occultation.

Catégorie d’occultation

Magnitude

Temps de réaction moyen

spectaculaire

très favorable

favorable

marginale

£ 4,0

4,0 - 6,5

6,5 - 7,8

7,8 - 8,5

0,26 s ± 0,03 s

0,28 s ± 0,04 s

0,34 s ± 0,05 s

0,47 s ± 0,13 s

   Il ressort également de ces expériences que l’équation personnelle décroît de l’enfance à l’âge adulte. C’est vers l’âge de 25 ans que les sujets semblent parvenir au meilleur temps de réaction. L’équation personnelle est alors en moyenne de 0,26 s ± 0,03 s. Au-delà de 40 ans, la dégradation de l’équation personnelle semble être très faible, mais significative (figure 1). Aucune influence significative du sexe n’a pu être mise en évidence. On a cependant remarqué un écart de 0,03 de seconde à l’avantage des hommes, écart inférieur à la dispersion générale des mesures. Cependant, ces résultats ne sont valables que dans de très bonnes conditions d’observation : occultation au bord obscur d’une Lune pas trop brillante ou chute d’éclat de plus d’une magnitude pour les occultations astéroïdales.

Fig. 1. Diagramme reprenant toutes les mesures et les deux courbes calculées pour les deux sexes. Graphique Jean Bourgeois.

    Une équation a été proposée par Jean Dommanget, astronome professionnel à l’observatoire royal de Belgique. La meilleure expression de l’influence de l’âge (x) sur le temps de réaction manuel (y ) à un phénomène visuel semble être de la forme :

y = a × log2 x + b × log x + c

    Les paramètres a, b et c prennent des valeurs différentes selon le sexe de l’observateur avec, pour les hommes a = 0,640, b –1,98 et c = 1,77, pour les femmes a = 0,508, b –1,78 et c = 1,64. En conclusion, nous dirons qu’une valeur de 0,40 s serait une bonne estimation de l’équation personnelle moyenne dans le cas d’une occultation favorable.

    C’est probablement A. M. Sinzi et H. Suzuki ainsi que T. Mori qui ont réalisé les meilleures expérimentations en ce domaine. Ils ont mis en évidence l’influence de l’éclat de l’étoile occultée sur le temps de réaction. Ces temps de réaction ont été déterminés en comparant les résultats d’observations de véritables occultations par les méthodes visuelles et photoélectriques, effectuées d’un même endroit. Dans le cas d’observations réelles de bonne qualité, les temps de réaction moyens sont de 0,40 s ± 0,10 s pour les occultations favorables, et de 0,60 s ± 0,20 s pour les occultations d’étoiles de faible magnitude, qu’il s’agisse de disparitions ou de réapparitions. Dans le cas d’observations de moins bonne qualité, ces valeurs peuvent atteindre 0,70 s ± 0,20 s et 1,10 s ± 0,50 s respectivement. Des valeurs aussi élevées du temps de réaction peuvent étonner, mais laissent entrevoir que les observateurs ont tendance à sous-estimer leur temps de réaction, surtout dans les cas de réapparitions d’étoiles peu brillantes.

Le dépouillement

    Avant de commencer le dépouillement l’observateur devra contrôler à l’aide d’un chronomètre la durée de quelques minutes enregistrées sur la bande magnétique. En effet, le dépouillement ayant lieu à l’intérieur, bien au chaud, se fait à une autre température que celle existant sur le terrain au moment de l’occultation. Cette différence de température amène presque toujours une légère modification de la vitesse de déroulement de la bande magnétique. Ceci fait, on peut passer au dépouillement proprement dit en commençant par repérer le top de la seconde le plus près du premier top vocal et, deux secondes avant ce dernier, déclencher le chronomètre (ainsi la dérive est presque nulle) et, à l’instant précis où nous entendons le top vocal, arrêter le chronomètre. Recommencer plusieurs fois de suite cette mesure, en faire la moyenne et, en déduisant du résultat final son équation personnelle, on obtient ainsi l’instant le plus proche du premier contact réel. Pratiquer de la même façon pour tous les autres instants de contact enregistrés.

    Il est un autre point donc il faut également tenir compte dans ses résultats, c’est l’incertitude sur l’instant final de l’observation en tenant compte de l’imprécision sur le temps de réaction et sur le dépouillement. Cette incertitude est cotée de la façon suivante : très bonne de 0,1 s à 0,2 s, bonne de 0,3 s à 0,4 s, moyenne de 0,5 s à 0,7 s et faible de 0,8 s à 1 s. Au-delà de la seconde, la mesure devient douteuse et peut être rejetée. Cette précision peut être apparentée avec une « bande d’erreur » et ne doit pas être confondue avec l’équation personnelle.

    Pour terminer, il ne reste plus qu’à calculer, à l’aide de la carte au 1/25 000, la position géographique (l, j et alt au-dessus du niveau de la mer) des postes d’observation sur la Terre et ce, avec la précision d’une seconde de degré au minimum, ce qui fait dans nos régions environ 30 m en latitude et 20 m en longitude.

   Chaque observateur dépouillera son enregistrement avec soin (voir "Le dépouillement"). Celui-ci terminé, il retranscrira ses mesures sur des formulaires ad hoc qu’il renverra au responsable.