L'ARTICLE DE L'ASTRONAUTE No.6 - Septembre 1998



LA NAVETTE SPATIALE AMERICAINE

Par Nicolas Pillet, Association Apollo25



Depuis les années quarante, des agences spatiales se sont formées dans le monde entier: USA, Russie, France, Allemagne, Japon, Chine... Leur principal but: envoyer des machines et des hommes dans l'espace. Pour cela, des fusées ont été construites, toujours plus puissantes: Saturne 5, par exemple a atteint les 2270 tonnes de poussée au décollage! Ces lanceurs ont aussi atteint un niveau de fiabilité époustouflant: Ariane 4 détient 98.5% de réussite! Pour réduire les coûts, on cherche à les faire de plus en plus puissants, de faon à ce qu'ils puissent envoyer plusieurs satellites à la fois en orbite. C'est la même chose pour les vaisseaux habités: que ce soit la capsule Mercury, Gemini, Apollo, Vostok, Voskhod ou Soyouz, ces engins ne peuvent aller et venir de l'espace qu'une seule et unique fois, ce qui élève considérablement leur coût de fabrication.
Avant de construire la première capsule habitée (Vostok), les ingénieurs avaient déjà réalisé des plans d'engins spatiaux dont la construction s'est vite avérée impossible avec les moyens technologiques de l'époque. Ils sont donc revenus au traditionnel vaisseau non-réutilisable qui atterrissait avec des parachutes. Mais cette technique de vols spatiaux habités s'avérant vraiment très coûteuse, les organisations spatiales du monde entier se sont penchées sur leurs planches à dessin et ont essayées de mettre au point un vaisseau spatial habité réutilisable, c'est à dire qui ferait la navette entre la Terre et le cosmos...
Les américains ont été les premiers à mettre au point cette technique et dans la fin des années 1970, un prototype est testé plusieurs fois dans l'atmosphère, largué d'un avion équipé à cet effet: c'est Enterprise! Le 12 avril 1981, c'est l'engin spatial final qui prend son envol de Cap Canaveral: Columbia. Au premier coup d'oeil de cette merveille au décollage, on peut voir une espèce de petit avion posé sur une fusée ordinaire. Mais en réalité, c'est un peu plus complexe...
La navette spatiale américaine est composée de trois éléments principaux: l'orbiteur, le réservoir externe et les "boosters". L'idée de départ était de poser l'orbiteur sur la plate-forme de lancement, et de la faire décoller à l'aide de ses moteurs. Mais ces derniers se sont révélés être trop gourmands pour les réservoirs de l'orbiteur et on a du rajouter sous ce dernier un autre réservoir: la grosse saucisse marron (ET: External Tank) afin de lui permettre de quitter l'atmosphère. Mais voilà, un nouveau problème s'est présenté: les propres moteurs de l'orbiteur se sont révélés pas assez puissants pour amener sur orbite la navette et le réservoir externe (ET). Pour satisfaire à ces besoins, deux fusées d'appoint, les fameux "boosters" (SRB: Solid Rocket Booster) ont été rajoutées pour propulser le tout. Ces derniers brûlent du propergol solide. Les trois moteurs (SSME: Space Shuttle Main Engine) de l'orbiteur, eux, utilisent de l'oxygène liquide (LOX) et de l'hydrogène liquide (LH2).

L'orbiteur de la navette américaine dispose de trois types de moteurs:
  • Les SSME (Space Shuttle Main Engine), les moteurs principaux, au nombre de trois.
  • Les OMS (Orbital Maneuvering System), les moteurs secondaires de déplacement orbital, au nombre de deux.
  • Les micropropulseurs (RCS: Reaction Control System): ils servent aux petites manoeuvres de correction d'attitude et de trajectoire en orbite et sont disposés dans différents endroits de l'orbiteur (principalement le nez et à l'arrière près des OMS).
    Document Apollo 25


  • Deux minutes et dix secondes après le décollage, les fusées d'appoint sont larguées et, comme la navette est encore dans l'atmosphère, elles sont parachutées pour finalement retomber dans l'océan et être récupérées.
    Neuf minutes plus tard, après épuisement de tout son carburant, le réservoir externe est à son tour largué et brûle au contact des couches denses de l'atmosphère. L'orbiteur est alors satellisé.
    Une fois la mission terminée, on referme la soute, on allume les rétrofusées (moteurs OMS: Orbital Maneuvering System), et l'orbiteur quitte son orbite et descend lentement. Arrivé dans les couches denses de l'atmosphère, le bouclier thermique protège l'orbiteur de la chaleur causée par la friction avec les couches denses de l'atmosphère. C'est en planant que l'orbiteur vient se poser sur une piste, comme un avion.

    Nombre de lancements par an de la navette américaine. A ce jour, la navette a effectué 91 missions dont 90 réussies, 9 amarrages avec la station russe Mir, 23 et 9 missions avec respectivement Spacelab et Spacehab (laboratoires orbitaux se trouvant dans la soute de la navette), 20 missions avec EVA (sortie d'un astronaute dans l'espace), 3 missions de lancement de sondes astronomiques (Ulysse, Galiléo et Magellan), 12 missions de lancements de satellites de communication, 5 missions de réparation et d'entretien de satellites en orbite (dont le télescope spatial Hubble), 28 missions comprenant des astronautes étrangers. Document Apollo 25.



    Le bilan des vols de la navette est impressionnant. Cependant, une tragédie est encore dans toutes les mémoires. Le 28 janvier 1986: 5, 4, 3, 2, 1, allumages des boosters et décollage! La 25ème mission du programme navette commence et l'orbiteur "Challenger" s'élance fièrement de Cap Kennedy. Soixante treize secondes plus tard, il explose. Ses sept membres d'équipage trouvent la mort. Il faudra attendre les résultats de l'enquête quelques mois plus tard pour apprendre ce qu'il s'est réellement passé. Un joint défectueux au niveau du booster (SRB) droit a été à l'origine d'une fuite. Dès le décollage, cette fuite a été aperue comme une fumée noire s'échappant du booster. Quelques secondes plus tard, la fumée s'est transformée en flamme, de plus en plus importante. A la 65ème seconde, elle a percé l'ET, au niveau du réservoir LH2. Le réservoir externe a explosé 8 secondes plus tard. L'explosion n'a pas été suffisamment puissante pour détruire la navette ni les boosters. Ces derniers ont continué leur course folle tandis que l'orbiteur, soumis à des forces dynamiques importantes, se disloquait. Le nez s'est séparé du reste du vaisseau, a continué à prendre de l'altitude, avant de retomber, 25 secondes après l'explosion. L'équipage a perdu connaissance 3 à 4 secondes après l'explosion, suite à la dépressurisation de la cabine. Certains astronautes ont cependant eu le temps d'actionner leur réserve d'air personelle (PEAP: Personal Egress Air Pack). Cela les a maintenu en vie mais inconscients. 2mn 45 s après l'explosion, la cabine entrait en contact avec l'eau, soumettant les astronautes à une force brutale de 200 G! Francis Scobbe, Mickael Smith, Judith Resnik, Ellison Onizuka, Ronald McNair, Gregory Jarvis et Christa McAuliffe ont été tués sur le coup.
    Notons que la fuite au niveau d'un joint du booster a été provoquée par un défaut sur ce dernier, aggravé par le froid régnant sur la pas de tir dans la nuit précédant le lancement. Des négligences et des soucis d'économie (quelques milliers de dollars) de la part dela NASA sont à l'origine de cet accident.
    Les conséquences de l'accident, outre la mort de 5 hommes et 2 femmes, sont importantes:

  • le programme des vols de la navette américaine a été retardé de plus d'un an.
  • des milliards de dollars ont été dépensés pour construire la navette "Endeavour" en remplacement de "Challenger".
  • l'impossibilité pour la NASA de lancer des satellites commerciaux par l'intermédiaire de la navette.

    C'est justement cette dernière conséquence qui fut la plus cuisante pour la NASA car le marché de lancement des satellites commerciaux est celui qui rapporte le plus d'argent. L'agence spatiale américaine regretta amèrement d'avoir mis tous ses oeufs dans le même panier et face aux commandes, elle du s'en remettre aux industriels de fusées Delta, Titan, Atlas, etc., pour effectuer les lancements. A cause d'un joint, le meilleur engin spatial à ce jour a donné lieu à un gouffre financier!


    En dehors des missions de lancement de satellites, de sondes, de réparations en orbite, etc., la navette américaine a effectué plusieurs amarrages avec la station spatiale russe "Mir". La première de ces rencontres eu lieu en juin 1995 avec l'étage orbital "Atlantis" (mission STS-71). Puis suivirent les misions STS-74 (1995), STS-76, STS-79 (1996), STS-84 (avec le fran&ecedil;ais Jean-François Clervoy), STS-86 (avec Jean-Loup Chrétien) (1997), STS-89 et STS-91 (1998). La navette américaine emmènera à partir de Décembre 1998 des éléments de l'ISS, la station spatiale internationale.
    Nous parlions plus haut de la catastrophe de Challenger STS-51L en 1986. Il faut savoir que plusieurs solutions de secours existent pour tenter de sauver le vaisseau et son équipage en cas de problèmes à différentes phases du décollage. Nous en présentons ici quelques exemples:

  • Si un moteur principal tombe en panne peu après le lancement, la navette peut revenir au site de départ.
  • Si une telle panne survient plus haut, la navette peut alors se poser sur une des pistes de secours placées un peu partout dans le monde.
  • Si la panne se produit alors que la navette est pratiquement satellisée, elle peut faire un tour de la Terre et venir se poser à Cap Kennedy. Malheureusement, certaines solutions sont extrêmes. Ainsi, si la navette dévie de sa trajectoire et menace les populations au sol, les contrôleurs au sol mettent à feu des charges explosives placées sur le réservoir externe (ET), sacrifiant l'équipage!




    Références:

  • Science & Vie, n.822 (Mars 1986) et n.823 (Avril 1986).
  • Dictionnaire de l'espace, Larousse, 1995.
  • CD-ROM "Emma Interactive" , Diamont Editions, Août 1997.
  • CD-ROM "Des hommes dans l'espace", Babiel/Phije Multimédia.


    Internet:
  • Les résumés des missions navette
  • Toutes les images des programmes navette
  • Le manuel de référence de la navette


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