LE LION (Leo, Leo)

Les Anciens devaient avoir un imaginaire hypertrophié pour voir tant de divines créatures dans les chimères uniformes qui pullulent dans le ciel. Quelques-unes font tout de même l'effort de coller à leur mythe, telle la constellation du Lion, qui a vraiment le physique de l'emploi. Situé entre le Cancer, la Grande Ourse et la Chevelure de Bérénice, le félin a le noble port et l'allure caractéristique d'un sphinx, assis au-dessus de l'horizon, face à l'ouest. L'emplacement de sa tête, de son poitrail et de ses pattes avant est indiqué par un groupe d'étoiles, agencé d'une manière telle qu'il évoque un point d'interrogation inversé. Le Lion doit se contenter de jouer les seconds rôles dans la mythologie : il n'apparaît que rarement, toujours pour croquer de l'humain ou servir de faire-valoir à un héros sans peur et sans reproche. Une histoire beaucoup plus romantique est rapportée par le poète Ovide. A l'époque où les mûriers ne donnaient que des fruits blancs comme neige, vivaient dans Babylone deux jeunes gens, Thisbé et Pyrame, qui s'aimaient d'amour tendre. Comme il se doit, leur passion était contrariée, les parents respectifs ne voulant entendre parler d'union. Bien que séparés, ils cherchaient par tous les moyens à se voir. Un jour ils se donnèrent rendez-vous dans un endroit charmant, sous un grand mûrier blanc à côté d'un ruisseau aux claires eaux murmurantes. Thisbé arriva la première. Elle rêvassait au clair de Lune dans ce cadre si propice quand, soudain, une lionne sortit des bosquets. Elle venait de faire ripaille, sa gueule en était encore toute ensanglantée, et mourrait de soif. Thisbé, épouvantée, s'enfuit en courant, oubliant son voile sur l'herbe. La lionne s'amusa avec, le déchiqueta à belles dents et le poissa du sang de sa dernière victime. Elle étancha ensuite sa soif et partit comme elle était venue, sur la pointe des griffes. Lorsque Pyrame arriva à son tour, il ne retrouva pas la belle Thisbé mais seulement son voile, déchiré et maculé de sang. Son bel amour avait été croqué par un lion... Eperdu de douleur, Pyrame sortit son épée et se la plongea dans le corps. Il agonisait lorsque, Thisbé, dominant sa peur, revint sur les lieux de leur funeste rendez-vous. Devant le corps de son ami, gisant à côté du voile fatal, elle comprit que Pyrame s'était donné la mort par amour pour elle. Elle se saisit à son tour de l'épée et se tua. Depuis, les fruits du mûrier ne sont plus blancs comme neige, mais pourpre, teints à jamais par le sang innocent des amants de Babylone.

Illustration: URANOGRAPHIA de Johannes Hevelius (1611-1687)