Vous allez dans peu de temps mettre sous tension le CCD et réaliser votre première image. Cette image devra être faite dans l'obscurité totale, c'est important. Il n'y a strictement aucun danger à mettre sous tension le CCD alors qu'il reçoit un fort éclairement. Cependant, les tests les plus significatifs seront ceux réalisés dans une obscurité prononcée ; du reste c'est souvent dans cette configuration que vous allez exploiter votre caméra pour les observations astronomiques. Le détecteur étant extrêmement sensible à la lumière, il ne faut pas se contenter d'une simple pénombre. L'obscurité doit être effective dans la pièce où vous vous trouvez et toutes les lumières doivent être éteintes (travailler la nuit est l'idéal pour ne pas être gêné par la lumière du jour qui filtre toujours trop à travers les volets des fenêtres). Baissez aussi la luminosité de l'écran d'ordinateur, si c'est possible. Nous vous suggérons de vous munir d'un épais drap noir pour recouvrir l'ensemble des cartes électroniques, c'est très efficace.
Vous êtes prêts à réaliser la première image. La caméra est connectée au PC par le câble en nappe. Remarquez sur la gauche le drap noir dont vous allez recouvrir les cartes. En même temps, vous devez éteindre toutes les lumières.
 
Vérifiez une dernière fois que le CCD est bien monté à l'endroit. Lancez le logiciel PISCO et mettez sous tension les cartes électroniques. Fermez les volets, éteignez les lumières et recouvrez le CCD par deux ou trois épaisseurs de drap noir. Vous avez avec vous une lampe de poche pour vous permettre d'ajuster les paramètres de PISCO. Réglez PISCO pour une pose en binning 2x2 et un temps d'intégration de zéro seconde. Depuis l'onglet Standard cliquez sur le bouton GO.

Les 5 ou 6 secondes qui vont s'égrener seront probablement parmi les plus longues de votre vie d'astronome amateur !
 
Lorsque PISCO a fini de lire le CCD, l'image s'affiche automatiquement à l'écran. Si tout va bien vous devez voir dans la zone d'histogramme, sous les curseurs de réglage des seuils, l'ensemble de l'intensité des pixels se grouper autour d'un niveau qui peut aller de 2000 à 7000 pas de quantification (c'est le niveau d'offset de votre caméra). Ajustez les curseurs haut et bas de part et d'autre de cette valeur. Si l'image apparaît approximativement uniformément grise, c'est GAGNE, vous avez votre caméra CCD !

Voici à quoi doit ressembler la première image CCD !

Le test en obscurité que vous venez de réaliser est très révélateur du fonctionnement de la caméra. Remarquez que l'image est légèrement plus sombre dans la partie inférieure droite que dans le coin supérieur gauche. Cette différence n'est pas due à l'éclairement du CCD puisque celui-ci est plongé dans l'obscurité. Vous mettez ici en évidence la génération du signal thermique, ou signal d'obscurité, du CCD. Plus un paquet de charges transite longtemps dans la structure CCD, plus il emmagasine des charges thermiques parasites. Or, les pixels situés en bas à droite sont les premiers lus alors que ceux situés dans le coin supérieur droit sont les derniers lus. Ces derniers passent 5 secondes de plus dans le CCD que les premiers, de quoi expliquer la non uniformité de l'image (rappelez-vous que le CCD n'est pas refroidi lors de ce test). Voir ce gradient dans l'image, loin d'être un défaut, est au contraire un signe de bonne santé. Notez encore de faibles lignes verticales qui semblent s'échapper de certains pixels. Ce sont les conséquences de la présence de points chauds, des pixels qui sont affectés d'un signal d'obscurité plus important que la moyenne. Tout ceci disparaîtra dès que vous refroidirez le CCD.
 
Pour poursuivre l'investigation vous allez réaliser l'une derrière l'autre deux images, toujours dans l'obscurité, mais cette fois en binning 1x1. Le mieux est de travailler en mode console. Pour cela, cliquez dans la zone image avec le bouton droit de la souris et exécutez la commande Console. Sélectionnez le binning 1x1 et conservez un temps d'intégration de zéro seconde (c'est la valeur minimum possible). Lancez la pose en cliquant sur GO. Le temps de lecture est cette fois sensiblement plus long : une quinzaine de secondes. Après la numérisation de l'image, sauvegardez celle-ci sur le disque, en lui donnant un nom simple (I par exemple, pour Image). Tapez pour cela la commande SAVE I depuis la console. Relancez l'acquisition d'une image dans les mêmes conditions et sauvegardez-la sous le nom J. Vous allez faire à présent la soustraction de cette dernière image avec l'image I et ajouter à tous les pixels dans le résultat une constante égale à 1000. Cette constante évite d'avoir des pixels très proches du niveau zéro, voire d'intensité négative, compte tenu de la similitude des deux images soustraites. Pour effectuer la soustraction de l'image en mémoire et de l'image I il faut taper dans la console la commande SUB I 1000. Afin de voir le résultat entrez la commande VISU 1400 800. Les deux paramètres de la commande VISU sont respectivement les seuils haut et bas de la visualisation.

L'image que vous observez alors est bien plus uniforme que les images individuelles. En faisant la soustraction deux à deux des images vous avez éliminé leurs défauts systématiques, par exemple le gradient ou les points chauds. Seul subsiste le bruit qui n'est pas corrélé d'une image à l'autre. L'absence de parasites verticaux ou horizontaux ainsi que de structures périodiques est très bon signe.
La soustraction de deux images réalisées en obscurité doit apparaître très uniforme. La granulation traduit la présence du bruit et n'a rien d'anormal. Bien que cela soit discret, notez que le bruit  augmente au fur et à mesure que vous allez vers le coin supérieur gauche de l'image (voir le texte ci-après).
 
Définissez un rectangle d'une centaine de pixels dans le coin inférieur droit de l'image en glissant avec la souris et le bouton gauche enfoncé. Puis cliquez n'importe où dans l'image avec le bouton droit de la souris et lancez la commande Statistique. PISCO ouvre alors une fenêtre où apparaissent des informations statistiques concernant la zone sélectionnée de l'image. La valeur importante est l'écart-type. Vous devez trouver une valeur comprise entre 10 et 15. C'est une mesure du bruit dans l'image exprimée en pas codeurs (ou ADU pour Analog Digital Unit). Dans l'exemple ci-dessous on observe un bruit de 13.94 pas codeurs, mais il faut se rappeler que nous avons soustrait deux images et que dans le résultat de cette opération les bruits s'ajoutent quadratiquement. En fin de compte, le bruit dans une image individuelle est le bruit relevé dans la différence divisé par la racine de deux, soit 1.414. Avec notre exemple, le bruit dans une image est donc 13.94/1.414=9.8 ADU. C'est une valeur normale pour la caméra Audine. On appelle ce bruit, le bruit de lecture de la caméra. Il va diminuer lorsque vous allez refroidir la caméra, jusqu'à une valeur comprise entre 8 et 9 ADU typiquement, ce qui est équivalent à un bruit de 16 à 18 électrons RMS (dans Audine un pas codeur équivaut à un signal de 2 électrons).
La mesure du bruit dans l'image. Notez la zone de mesure sélectionnée dans le coin inférieur droit de l'image.
 
Si vous effectuez la même mesure dans le coin supérieur gauche de l'image vous noterez que le bruit y est sensiblement plus fort en raison de la plus grande importance du signal thermique dans cette région (les paquets de charge qui en proviennent ont transité plus longtemps dans la structure CCD). Le bruit s'égalisera en tout point de l'image à partir du moment où vous refroidirez le CCD.
 
Pour apprécier les effets du courant thermique dans un CCD, effectuez une pose de 10 secondes, toujours dans l'obscurité totale.
Remarquez l'étalement de l'histogramme en raison des points chauds après un temps d'intégration de 10 secondes à la température ambiante.
 
Pour  s'assurer que la caméra répond à l'éclairement, ce qui est la moindre des choses, vous allez lancer une pose de quelques secondes, et pendant cette pose, soulever brièvement le drap noir recouvrant le CCD. Laissez filtrer un peu plus de lumière dans votre laboratoire s'il s'avère que le signal est trop faible. Il faut s'arranger en effet pour que les pixels reçoivent un flux optique permettant d'atteindre une amplitude significative de la dynamique de la caméra. Si tous les pixels sont au niveau 32767, c'est qu'il y a trop de lumière parvenant sur le CCD et que vous saturez le détecteur. Essayez alors une exposition plus brève. Il faudra probablement doser votre action par des essais successifs.
Une image réalisée sous un faible éclairement du CCD. Il n'est pas anormal de voir une image non uniforme compte tenu de la méthode utilisée pour former l'image sur le détecteur.

Tout va bien si la caméra est sensible à la lumière et si l'ensemble de la dynamique est couverte en fonction du flux envoyé (en saturation, le niveau de l'image doit être de 32767).
 

Pour éclairer uniformément le détecteur lors des phases de test vous pouvez contruire une boîte à lumière. Celle présentée sur ces images est contituée de simples plaques de polystyrène rapidement assemblées avec du ruban adhésif. Les cartes électroniques s'enfichent à l'une des extrémités de la boîte. De l'autre coté on trouve une petite ampoule de lampe de poche. Vers le milieu de la boîte est disposé une ou deux épaisseurs de feuille de papier blanc pour constituer un diffuseur de lumière efficace. La lampe doit être fortement sous-alimentée pour ne pas éblouir le CCD : souvent, elle apparaitra éteinte à l'œil alors que le CCD la verra distinctement (rappelez-vous qu'un CCD est très sensible à l'infrarouge et qu'il est capable de voir distinctement l'échauffement de la lampe alors que celle-ci n'émet pas de lumière visible).

L'allure des images que vous obtenez peut dépendre du grade de qualité du CCD. Généralement les CCD de grade 2 présentent, lorsqu'on les éclaire, des structures discrètes en forme d'arc de cercle car ils sont issus du bord du wafer (tranche ronde de silicium) à partir duquel est extrait de nombreux détecteurs à la fois. Ces formes ne sont pas génantes car elles sont gommées lors de la phase de calibration des images CCD (opération flat-field). De plus, les CCD de grade 2 et de grade 1 montrent jusqu'à 3 ou 4 pixels particulièrement chauds, c'est-à-dire des pixels ayant un courant d'obscurité très supérieur à la moyenne. Ces pixels perturbent la lecture du CCD lors du transfert des charges dans la zone image, ce qui produit des structures verticales dans l'image.
 

 
L'image du haut est représentative d'un CCD KAF-0400 grade 2 typique. Elle a été réalisée en éclairant le CCD lors d'une pose de 4 secondes de manière àobtenir un signal couvrant approximativement la moitié de la dynamique. La température du CCD est d'environ +24°C. Les points chauds sont bien visibles. Trois d'entre-eux, particulièrement intenses, perturbent fortement la lecture de 3 colonnes. L'image du centre est la différence de l'image du haut avec une image posée 4 secondes dans l'obscurité totale. Cette opération de calibration a permis de supprimer la plus grande partie des pixels chauds, d'où l'aspect bien régulier de l'image. Cependant, nos 3 colonnes n'ont pu être traitées efficacement (elles apparaissent en noir car l'opération a surcorrigé). Un traitement cosmétique très simple, qui consiste à remplacer les informations des colonnes déficientes à partir de l'information des colonnes adjacentes, permet de gommer entièrement le problème de colonnes malades (image du bas). D'autres techniques, comme le compositage médian, aboutissent à un résultat semblable. Il faut souligner qu'en refroidissant le CCD, il est probable que l'effet des points chauds serait moins important, voire même complètement inexistant. Quant bien même, les colonnes posant problème dans cet exemple représentent 0.4% de la surface du CCD, ce qui est très peu de chose. On voit pire dans la plupart des CCD utilisés dans les observatoires professionnels ! Bref, un CCD de grade 2 est parfaitement utilisable.
 
Ces images montrent deux autres exemples de défaut que vous pouvez rencontrer avec les CCD. A gauche, la lecture du CCD est perturbée par un phénomène de trap (piégeage des charges). A droite, c'est une petite poussière qui s'interpose juste en avant de la surface du silicium (dark cluster). Tous ces défauts ont des échelles qui les rendent très peu génant à l'usage. Ils peuvent être aussi gommés aisément lors de simples opérations de prétraitement des images.

Vous venez de franchir une étape très importante dans la construction de la caméra Audine. Le plus dur est fait : le fonctionnement de votre électronique est démontré. Félicitations. Il ne vous reste plus qu'à effectuer l'intégration mécanique.