LES APPAREILS NUMERIQUES

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La révolution des appareils numériques

Prenez un boîtier photo d'apparence ordinaire, avec l'avantage de la visée directe, la possibilité de changer ou d'enlever les objectifs pour une adaptation sur un télescope... et remplacez le film par un capteur numérique ! Ce pari réussi fait l'immense succès des reflex numériques en astronomie depuis plusieurs années maintenant. Les habitués de la photo argentique n'ont pas été dépaysés. Mieux, ils ont trouvé là un second souffle, avec une sensibilité largement accrue et l'obtention d'images numériques sans passer par un scanner. Les capteurs offrent depuis plusieurs années des performances remarquables, hélas plus ou moins en stagnation à cause de la diminution incessante de la taille des pixels (sauf pour certains modèles extrêmement performants comme le Nkon D3s). Les capteurs sont généralement de 15x22mm (format APS), mais le format 24x36 est peut-être promis à un bel avenir, l'argument marketing majeur étant, souvent en dépit du bon sens, un nombre de pixels toujours plus élevé. Ces capteurs comptent maintenant plus de 10 millions de "pixels". Les photosites mesurent moins de 6 microns, ce qui assure une excellente définition pour la photographie de la Lune en entier par exemple. La course au nombre de pixels entraîne, évidemment et malheureusement, une diminution de leur taille, très préjudiciable en photographie du ciel profond (la sensibilité des pixels est proportionnelle à leur taille). La dynamique (capacité à enregistrer des détails dans des zones très sombres ou très claires) ne cesse de s'améliorer, notamment avec la généralisation du format 14 bits, appelé aussi mode "haute lumière". Le prix des appareils numériques devient de plus en plus abordable et les performances sont sans cesse améliorées. L'apparition du mode "LiveView" sur les reflex numériques, et sa démocratisation durant l'année 2008, a rendu triviale ce qui constituait jusque là l'une des plus grosses difficultés de l'astrophotographie : la mise au point. Les modèles se succèdent à un rythme effréné, ce qui fait toujours douter de l'opportunité d'acheter... Mais c'est ainsi, la révolution numérique est en marche !

Spécial Canon 350D : cliquez ici pour un passage en revue du Canon EOS 350D avec filtre IR modifié.

 

 Le signal thermique

Le capteur d'un APN n'étant pas refroidit, contrairement à celui des cameras CCD par exemple, les pixels réagissent à la chaleur en enregistrant un signal parasite appelé signal thermique. Celui-ci augmente avec le temps de pose, si bien qu'après quelques minutes d'exposition, l'image devient brouillée par une multitude de points colorés : les pixels chauds. Du coup, plus il fera froid dehors, meilleures seront les images ! Ce signal, présent de manière quasi constante d'une image sur l'autre (à temps de pose et températures identiques), sera soustrait grâce ultérieurement à un "dark" : une autre image de même temps d'exposition, réalisée avec le télescope ou l'objectif fermé par son cache.

 

Agrandissement d'une image posée 2 minutes à 800 ISO avec un Nikon D100 muni de son cache ("dark"). On enregistre un signal thermique important, visible sous forme de points bleus, verts et rouges, ainsi qu'un coin clair parasite en haut à gauche de l'image (problème d'électroluminescence, supprimé sur les boîtiers récents).

 

Le bruit

Lorsque l'on agrandit fortement une image numérique, on observe une sorte de granulation, assez semblable au grain des films argentiques. Cette granulation aléatoire provient de ce que l'on appelle le bruit du capteur. Les logiciels internes des boîtiers numériques lissent plus ou moins les images afin de réduire ce bruit. Lorsque ce lissage est trop fort, il va jusqu'à gommer d'office les petites étoiles, qui sont prises pour des points parasites ! Il est bien connu qu'actuellement Nikon, qui gère moins bien le bruit de ses capteurs que Canon, a tendance à trop fortement lisser ses images, même en mode " raw ". En astronomie, la meilleure solution pour réduire le bruit est de réaliser plusieurs images consécutives du même astre, puis de les combiner (cf. ci-dessous).

Combiner des images

Une seule pose donne déjà dans de nombreux cas de bons résultats. Toutefois, à cause de la question du bruit déjà évoquée, la réalisation de plusieurs poses consécutives permet d'améliorer très nettement le rapport signal sur bruit. Cela est notamment indispensable en photographie du ciel profond, ou l'augmentation du contraste sur une pose unique se traduit très vite par un cliché beaucoup trop granuleux. Les images (débarrassées au préalable de leur signal thermique) sont ensuite additionnées avec un logiciel. Cette opération est réalisée automatiquement et très efficacement avec les logiciels développées pour l'astronomie, comme Iris, Prism et bien d'autres encore. La combinaison des images est précédée d'une étape de réalignement, que l'on peut faire sur une seule étoile en l'absence de rotation de champ, sur une zone ou sur tout le cliché (plus long mais parfois préférable). L'addition des images peut être faite de plusieurs manières (arithmétique, médiane etc...). Si les images ont toutes été faites avec un temps de pose identique, l'addition par médiane est très intéressante, puisqu'elle élimine les pixels d'intensité aberrante par rapport à la moyenne. Concrètement, si un avion a laissé une vilaine traînée sur l'une de vos images par exemple, cette traînée sera automatiquement effacée lors de l'addition !

 

Nébuleuse de la Lyre au foyer d'un C14 à F/7. A gauche : une pose brute de seulement 10 secondes à 800 ISO avec un Canon 350D modifié. A droite, l'addition de 90 clichés identiques permet d'augmenter fortement la quantité de détails visibles, malgré une pollution lumineuse très sévère au moment de la prise de vue (Marseille, présence de brumes très diffusantes).

 

Le rendu des couleurs

Un peu comme les pellicules photo, les reflex numériques délivrent un bon rendu des couleurs en lumière du jour, mais ont quelques lacunes en astronomie. La plus importante ne provient pas des filtres colorés disposés sur les pixels, mais d'un filtre anti-IR placé devant le capteur. Celui-ci ne stoppe pas seulement les infrarouges, mais ronge aussi allègrement la partie rouge du spectre visible. L'effet est catastrophique sur les nébuleuses ionisées, dont la principale raie d'émission, la raie H-alpha, est stoppée à 80 ou 90% par ce filtre ! De rouges, les nébuleuses ionisées deviennent bleutées (cf. clichés ci-dessous). La meilleure solution est de remplacer ce filtre d'origine par un filtre mieux adapté à l'astronomie (cf. EOS 350D avec filtre IR modifié). Si l'on peut tenter soi-même l'opération (procédure décrite sur le site de Christian Buil : astrosurf.com/buil), il convient de souligner que plusieurs revendeurs (Hutech, Galileo...) et petites sociétés (Essentiel Electronique) proposent de remplacer le filtre pour un prix qui n'a rien d'astronomique compte-tenu du gain de performance et du risque d'endommagement du boitier pour un non spécialiste.

 

La nébuleuse Dummbbell, photographiée avec le même instrument (Celestron 8). A gauche, 5 poses de 2 minutes à 800 ISO avec un Nikon D100, à F/6. A droite, une pose de 50 minutes sur Fuji 400 Hyper à F/10. La quantité de lumière reçue est à peu près la même compte-tenu de la différence de focale. La dominante bleue de l'image de gauche reflète la bonne réponse à la raie OIII des nébuleuses planétaires, mais avec tout de même un déséquilibre chromatique vers le bleu. Par contre, la réponse à la raie H-alpha, dans le rouge, est quasi inexistante en regard du cliché argentique.

 

Champs d'application

Les reflex numériques permettent de s'attaquer à de nombreux domaines de l'astrophotographie : paysages, conjonctions, constellations, Lune en entier, ciel profond etc... Leur sensibilité (jusqu'à 25% de photons efficaces, contre 5% en moyenne pour un film), leur résolution et leur facilité d'utilisation (on voit immédiatement après la prise de vue si une photo est nette et bien exposée) rendent les reflex numériques bien plus performants pour l'astronomie que la pellicule photo. Cette dernière est d'ailleurs sans doute appelée à disparaître dans un proche avenir. Pour seul exemple, les diapositives ont été retirées des rayons et les astrophotographes adeptes de l'argentique ont perdu leur film "miracle", le TP 2415 ! En photo du ciel profond, les caméras CCD sont supérieures, grâce à une sensibilité très élevée (meilleur rendement quantique, pixels plus gros donc plus sensibles et capteurs noir et blanc permettant à tous les pixels d'être sensibles à toutes les longueurs d'onde). Toutefois, leur prix élevé et leur utilisation plus délicate (pas de "LiveView" pour la mise au point !) les destinent moins au grand public que les appareils photos numériques. Enfin, pour la photographie des planètes, une camera video (même une simple webcam) demeure supérieure grâce à la possibilité de réaliser des dizaines d'images par seconde sans vibration au déclenchement. Le mode video, qui se développe sur les appareils numériques, permet d'envisager maintenant la photo planétaire, mais au prix de fichiers lourds et difficiles à gérer, ainsi que d'une résolution limitée.

 

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