TEST DE LA CAMERA ASI183MM Pro

par  Christian Buil

Avril 2018

Summary: This page contains the optoelectronic test of the ASI183MM Pro (ZWO) camera. This model incorporates the latest generation of Sony CMOS Sensors, the IMX183. This is part of the Exmor R family of this manufacturer, one of the outstanding features is the backside technology illumination. This architecture gives exceptional sensitivity performance, especially in the blue part of the spectrum, as we will see. Despite the very small pixel size (too small) of 2.4 microns, the quantum efficiency of the complete camera is 80% at the peak response for a reading noise less than 2 electrons, a performance previously unknown with amateur CCD cameras. The IMX183 chip coverplate AR coating is also an excellent new for spectrographic applications (i.e. absence of interference fringes phenomena).

On trouve dans cette page le test optoélectronique de la caméra ASI183MM Pro (ZWO). Ce modèle intègre la toute dernière génération des capteurs CMOS Grand-Public de Sony, le IMX183. Celui-ci  fait partie de la famille Exmor R de ce constructeur, dont une des caractéristiques remarquable est d’être aminci, avec un éclairement par la face l’arrière. Cette architecture lui confère des performances en sensibilité exceptionnelles, tout particulièrement dans la partie bleue du spectre, comme on va le voir. Malgré la très petite taille des pixels (trop petite) de 2,4 microns, le rendement quantique équivalent de la caméra complète est de 80% au pic de réponse pour un bruit de lecture inférieur à 2 électrons, une performance inconnue jusqu’alors avec les caméras CCD amateurs. Très bonne nouvelle aussi, les mesures révèlent que le capteur IMX183 utilise un hublot de fermeture traité antireflet, ce qui est indispensable pour un bon usage en spectrographie (élimination du phénomène de franges d’interférences). 

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Les acquisitions de ce test ont été réalisées avec le logiciel PRISM , puis traitées avec le logiciel ISIS.

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Le tableau ci-après résume les principaux résultats pour la caméra ASI183MM Pro, ainsi que ceux de la caméra ATIK460EX, donc le détecteur CCD possède une taille équivalente (voir une évaluation ici). La ATIK460EX étant sans doute la plus employée pour les travaux en spectrographie, il est instructif de situer la ASI183MM par rapport à elle.

A gauche, la caméra ASI183MM Pro, à droite, la caméra ATIK460EX. Noter la différence de couleur de l’image renvoyée de la surface sensible, signe d’une différence de  technologie (substrat aminci vs substrat épais)

Le bruit de lecture de la caméra ASI183MM, exploitée ici avec le gain maximal, apparait très faible, 1,5 électron. C’est à présent une habitude avec les capteurs CMOS modernes. La caméra ATIK460EX est en retrait sur ce point, mais dans les faits, la très petite taille  des pixels de la caméra ZWO est un handicap. A moins que le spectrographe soit conçu spécifiquement, avec d’aussi petits pixels, le spectre est en effet trop finement échantillonné, ce qui réduit la détectabilité. Il est intéressent devant cette situation d’analyser la performance de la caméra ASI183MM en pratiquant un binning 2x2 (un binning logiciel dans le cas d’un capteur CMOS, malheureusement, et non pas analogique).  Le bruit de lecture est multiplié par deux, mais malgré cela il demeure intérieur à celui de la ATIK460EX, alors que la taille des pixels est cette fois proche. 

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En utilisant le réglage 11 dB, le gain électronique de la caméra ASI183MM passe à 1,046 électron /ADU et le bruit de lecture à 2,0 électrons (binning 1x1). Le tableau suivant donne pour d’autres réglages du gain externe (10 x Gdb) la valeur du facteur de conversion en électrons/ADU et le bruit en électrons :

Les caméras CMOS souffrent d’un déficit de dynamique par rapport aux caméras CCD. Ainsi, compte tenu du codage numérique (16 bits) et de la valeur du bruit, la caméra ATIK460EX affiche une dynamique de 3300 environ, alors que la dynamique de la caméra ASI183MM n’est que de 460 avec le réglage de gain poussé à 27 dB. En revanche la dynamique de cette dernièrepasse à 2150 si le gain est réglé à 11 dB (gain dit « unitaire », 1 e-/ADU), et s’approche raisonnablement de la caméra ATIK460EX pour un bruit de 2 e- ou 4 e- suivant que l’on travaille en binning 1x1 ou en binning logiciel 2x2.

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Le courant d’obscurité est plutôt faible, même en CMOS, au point que l’on ne fait presque plus la différence entre une image exposée une seconde et une autre exposée 10 minutes (au problème d’électroluminescence que j’évoque plus loin). Le bruit télégraphique du IMX183 ce fait lui aussi discret, avec une totale absence de parasites dans l’image, comme en témoigne l’extrait d’une image d’offset ci-après (prise au gain maximal) :

L’autre fait marquant est le rendement quantique, très élevée dans le bleu et le violet pour le capteur IMX183. Autour de la raie Halpha les caméras ATIK460EX et ASI183MM sont à égalité. Le graphe ci-après montre le résultat de mes propres mesures du rendement quantique absolue pour l’une et l’autre de ces caméras :

Attention, ces mesures concernent le rendement global des caméras. Il inclut en particulier le hublot de fermeture du boitier caméra, que le lumière traverse avant de parvenir au détecteur. La graphe ci-après montre la transmission mesurée du hublot de verre des caméras ZWO. Le traitement antireflet qui recouvre les faces est efficace dans le visible, mais « absorbe » malheureusement le rayonnement dans l’ultraviolet. Le rendement quantique vrai du capteur CMOS de la caméra ASI183MM peut être calculé en divisant la courbe du rendement apparent ci-dessus, par la courbe de transmission de ce hublot. On constate alors que le rendement quantique du détecteur utilisé seul atteint près de 84% vers 400 nm et 60% vers 380 nm.

Une très bonne nouvelle lors des tests de la caméra ASI183MM est l’absence totale de franges d’interférences lorsqu’elle est utilisé avec un spectrographe LHIRES III (par exemple). Il suffit d’examiner la lumière d’une lampe réfléchie par le capteur pour en avoir les prémices. Ce reflet est très sombre dans le cas de la ASI183MM, aussi sombre que celui renvoyé par le capteur de la caméra ATIK460EX. Cela signifie que Sony a appliqué le même traitement antireflet, très efficace, à la fois sur le hublot de fermeture du ICX694 que sur le hublot du IMX183. Ce simple examen visuel est édifiant. Par exemple, le reflet du détecteur des caméras ATIK414EX ou ASI290MM est très lumineux (réflexion vitreuse)… et les caméras en questions sont victimes du phénomène de franges !

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La société Sony, spécifiquement interrogé sur cette question, a confirmé que le hublot du capteur IMX183 était effectivement traité antireflet. La caméra ASI183MM peut donc être employée sur toutes les catégories de spectrographe (Alpy600, LHIRES, eShel, …).

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Un moins bonne nouvelle, il en faut bien une, est que l’électronique du capteur de la caméra ASI183MM émet une lumière électroluminescence, un mal chronique de tous les CMOS manifestement. Voici l’allure de l’image obtenue après 10 minutes d’exposition dans le noir, affichée avec un haut contraste pour bien montrer les phénomènes :

Ce « glow » représente en moyenne un signal de 1600 électrons par heure. Le temps d’exposition envisagé ici (1 heure) peut paraitre très long, mais il est parfois nécessaire en spectrographie pour capter les plus faibles signaux (c’est aussi un temps d’intégration qui peut être fractionné en expositions plus brèves, mais cela aboutit au même résultat). Les observateurs de surfaces planétaires où du ciel profond en bande spectrale large seront moins sensibles à ce phénomène d’électroluminescence, car, soit il est de très faible intensité compte tenu du temps de pose bref pratiqué, soit il est noyé dans la lumière du fond de ciel, plus intense. Il est bien sur possible de ce débarrasser de cette lumière parasite lors du retrait du signal thermique. Voici le résultat :

Cependant, le bruit de photons demeure, on le voit bien du coté gauche dans l’image ci-dessus. Sur une pose unique d’une heure, ce bruit est de l’ordre de 40 électrons. En spectrographie, une bonne idée est de positionner la trace du spectre dans le partie inférieure du capteur pour éviter cet ajout de bruit.

Evaluons maintenant la caméra ASI183MM Pro lorsqu’elle est utilisée concrètement en spectrographie. On s’appuie comme toujours sur la caméra ATIK460EX pour les comparaisons.

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Pour ce test sur le ciel, j’ai monté successivement les deux caméras sur un spectrographe eShel (Shelyak Inst) modifié pour améliorer le rendement et la finesse des spectres dans la partie bleu-proche UV (utilisation d’un collimateur optimisé UV, utilisation de fibres optiques « high OH », utilisation d’un objectif Canon 135 mm f/2.8 comme objectif de caméra, utilisation d’une lampe halogène flat-field haute température (4700 K)). Le télescope est un Ritchey-Chretien de 10 pouces (RC10) exploité à son foyer direct f/8 (donc, sans réducteur de focale afin d’annuler l’aberration chromatique, critique dans l’UV lorsqu’on emploie  un modèle dioptrique standard de réducteur).

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Dans cette configuration, la surface des deux capteurs n’est par suffisante pour saisir l’ensemble du spectre délivré par le spectrographe eShel. La partie bleue du spectre est ici privilégié volontairement au détriment de la partie rouge. Les ordres observés vont de 43 à 59, soit un domaine spectral compris entre 3775 A à 5160 A. Le doublet du calcium (Ca II) est observé à l’ordre 57. La caméra ASI183MM travaille en binning 3x3 (binning numérique), soit une taille équivalente des pixels de 7,20 microns. La caméra ATIK460EX est quant à elle utilisée en binning 2x2 (binning analogique), soit avec des pixels équivalents de 9,08 microns. 

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Le document ci-dessous montre l’aspect de l’image traitée du spectre de l’étoile HD97633 (type spectral A2V, magnitude V = 3,2, somme de 7 images exposées chacune 300 secondes) :

Spectre 2D de l’étoile HD97633 pris avec la caméra ASI183MM Pro.

Spectre 2D de l’étoile HD97633 pris avec la caméra ATIK460EX.

Ci-après les spectres 1D de HD97633 correspondants (le spectre global obtenu, puis un détail) :

Pour un temps de pose équivalent et pour une étoile relativement brillante, les deux spectres sont très proches l’un de l’autre. Le CMOS est à égalité avec le CCD (noter que l’échantillonnage est légèrement plus fin pour la caméra ASI183MM par rapport à l’échantillonnage ATIK460EX, ce qui désavantage marginalement la première).

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Voici maintenant le résultat de l’observation d’une cible d’éclat bien plus plus faible, l’étoile symbiotique T CrB de magnitude B = 11,0. Le temps de pose est  de 10 x 300 secondes (relativement bref compte tenu de de l’objet). La visualisation à très haut contraste ci-après du spectre 2D obtenu avec la caméra ASI183MM montre la somme des 10 spectres, mais alors que le signal d’obscurité n’est pas soustrait :

Le très fort impact de l’électroluminescence saute immédiatement aux yeux (alors que le nombre de photons reçus de l’étoile est par contraste bien plus réduit). C’est clairement le plus gros inconvénient de cette caméra, d’autant mieux perceptible que l’observation est ici extrême compte tenu de l’objet visé. Un point vraiment remarquable est à souligner : le signal thermique n’est ici pas retiré, et on malgré cela, on a du mal à deviner des pixels chauds (le détecteur est refroidi à -18°C). L’aspect de l’image somme, quasi brute, est très propre pour un temps de pose de 50 minutes !

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Voici l’aspect de cette même image après le traitement complet (soustraction du « dark ») :

L’électroluminescence est très bien éliminée après soustraction du « dark » , mais on remarque la monté du bruit de photons là où le signal parasite était le plus fort. Heureusement, la surface de zone concernée est assez restreinte (un portion du bord droit du détecteur dans cette représentation). Ci-après le document équivalent pour la caméra ATIK460EX :

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Il est instructif d’examiner l’aspect des images brutes sur une pose longue (50 minutes) réalisée sur un objet faible (T CrB). Dans la figure ci-après, qui montre une petite portion d’un spectre échelle, on compare les images brutes pour le temps de pose total avec une caméra ATIK460EX, une caméra ASI1600MM et une caméra ASI183MM (le télescope est le même dans tous les cas). Les températures de fonctionnement sont de -5°C pour la ATIK460EX, de -20°C pour la ASI1600MM, de -18°C pour la ASI183MM :

L’émission en haut à gauche est celle d’une raie de l’hydrogène à 4340 A, celle plus faible, vers le centre, est à la longueur d’onde de 4101 A. On se situe donc dans la partie bleue profond du spectre. La différence d’échelle est la conséquence de la taille des pixels (après binning). La caméra ASI1600MM est affectée du signal thermique le plus élevée des trois. L’électroluminescence est très présente dans l’image ASI183MM. Dans le document ci-après, les images précédentes sont pré-traitées (retrait du signal d’obscurité) :

Il faut être prudent en interprétant ce résultat, car si le temps d’exposition est commun, la manière de l’atteindre (fractionnement) n’est pas similaire. En outre l’échantillonnage n’est pas le même. Mais la tendance est assez claire : on remarque que l’image ASI183MM est moins affectée par la bruit et que le contraste de son spectre plus marqué dans le bleu extrême. C’est la traduction directe du rendement quantité élevée du capteur IMX183 à ces longueurs d’onde. L’effet sur le propfil spectral demeure cependant subtile, ci-après, on compare celui obtenu avec la caméra ASI1600MM (la caméra ATIK460EX donne ici un résultat proche) et la caméra ASI183MM :

La figure suivante détaille la région des raies H & K du Ca II dans la situation d’une étoile de type solaire qui possède une intense activité chromosphérique : l’objet HD130948. L’étude de ce type d’astre avec un pouvoir de résolution proche de R = 10 000 est une des motivations de mon travail d’optimisation des spectrographes dans le proche UV (ici avec un spectrographe échelle rattaché au télescope par une fibre optique afin d’assurer la maximum de cohérence entre des observations successives) :

Pour cette étoile de magnitude B = 6,5 l’émission chromosphérique est bien visible au centre des raies H & K, et ici encore, sans différence très significative de qualité entre les deux caméras pour les conditions d’acquisitions considérées.

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La chaine optique complexe d’un spectrographe échelle à liaison fibre ne facilite pas ce type d’observation dans l’ultraviolet car les nombreux éléments optiques rencontrés tendent à fortement atténuer le flux optique. Malgré cela, j’ai pu observer des objets relativement faibles, comme en témoigne le spectre suivant, celui de l’étoile EK Dra, plus active encore, de magnitude B = 8,2, pris avec la caméra CMOS ASI198MM :

The ASI183MM Pro model is the CMOS camera that was expected.

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However, we regret the presence of electroluminescence, and also especially the small pixel size (a Sony IMX183 sensor type with twice wide pixels would be quite exceptional). For most applications in spectrography, it is unfortunately necessary to practice a binning, but the efficiency of the operation with a CMOS sensor (digital binning) offers a performance gain much lower than that encountered with a CCD camera (analog binning ).

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We appreciate the very low noise, the cleanliness of the generated image (low thermal current, no electronic parasite, moderate telegraphic noise) and finally, the high quantum efficiency (thanks to the thinned backside illumination technology), or even the high speed reading. The fact that Sony use an AR IMX183 cover plate eliminates the classical interference fringes problem, a very good news for who wants to use the ASI183MM for spectrography.

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The ASI183MM camera can thus replace a high quality CCD camera, such as the ATIK460EX, which is very similar in detector surface size. Theoretical calculations and observation results confirm this equivalence. For the ATIK camera users, there is not much gain by switching to the ZWO model. On the other hand, if it is a question of new installation, the lower price of the ASI183MM can be an argument towards this model.

Pour conclure, le modèle ASI183MM Pro est la caméra CMOS que l’on attendait.

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On regrette cependant la présence de l’électroluminescence, et surtout la petite taille des pixels (un capteur type Sony IMX183 avec des pixels deux fois plus larges serait tout à fait exceptionnel). Pour la plupart des applications en spectrographie, il est malheureusement nécessaire de pratiquer un binning, mais l’efficacité de celui-ci, avec un capteur CMOS (binning numérique), offre un gain en performance nettement inférieur à celui rencontré avec une caméra CCD (binning analogique).

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On apprécie le très faible bruit, la propreté de l’image générée (faible courant thermique, pas de parasite électronique, bruit télégraphique contenu) et enfin, le haut rendement quantique grâce à l’éclairement par la face arrière, ou encore la grande vitesse de lecture.  Le fait que Sony à utilisé pour son capteur IMX183 un hublot de fermeture traité antireflet élimine le problème des franges d’interférences, une très bonne nouvelle pour qui veut employer la caméra ASI183MM en spectrographie (en particulier avec un spectrographe type spectrographe LHIRES III).

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La caméra ASI183MM peut ainsi se substituer à une caméra CCD de qualité, comme la ATIK460EX, dont la taille du capteur est fort proche. Les calculs théoriques et les résultats d’observations confirment cette équivalence. Pour le processeur de la caméra ATIK, il n’y a pas vraiment à gagner en passant sur le modèle ZWO. En revanche, s’il est question de s’équiper, le prix inférieur de la ASI183MM peut être un argument envers ce modèle.

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