L'EFFICACITE COMPAREE DE QUELQUES RESEAUX

L'efficacité d'un réseau est un paramètre qui donne le pourcentage d'énergie concentrée dans un ordre et une longueur d'onde donnés. Plus cette efficacité s'approche de 100% meilleur est le réseau pour l'ordre et la longueur considérés.

La règle pour disposer d'un réseau efficace est d'éviter absolument que le flux lumineux soit concentré dans l'ordre 0, mais au contraire de le diriger préférentiellement dans l'ordre 1 (ou -1). Notez que les ordres supérieurs à 1 (ou -1) sont rarement exploités (en tout cas pas ici) et il sera donc bienvenu d'y concentrer un minimum d'énergie.

Pour amener un maximum de flux dans un ordre précis les fabricants donnent aux traits du réseau une forme particulière (une forme de crénaux inclinés). C'est ce que l'on appelle le blaze du réseau.

Cette page donne l'efficacité de divers réseaux à transmission, pas très chers, et utilisables dans le faisceau convergent du télescope pour l'observation à faible résolution.

Pour mesurer l'efficacité on a observé avec une caméra Audine équipée d'un objectif de 80 mm de focale l'impact d'un faisceau laser Hélium-Néon sur un écran. Ce type de laser émet à la longueur d'onde de 632,8 nm, dans le rouge donc. En toute rigueur, les mesures d'efficacité seront valables uniquement pour cette région du spectre, très importante en raison de la présence de la raie de l'hydrogène à 656 nm. En pratique, la courbe spectrale de l'efficacité peut être considérée comme plate sans faire trop d'erreur sur un intervalle spectral de 100 nm (1000 A) au moins centrée sur la longueur d'onde servant à l'estimation.

Le réseau étudié est interposé entre l'objectif et la surface sensible du CCD. On observe sur le CCD autant d'images du spot laser qu'il y a d'ordres. Le flux relatif dans ces taches images est relevé avec l'aide des outils d'analyse photométrique du logiciel QMiPS32 (commande PHOTM).

Le tableau ci-après montre le résultat pour 4 réseaux faciles à trouver : le réseau Cokin, le réseau Jeulin, le réseau Edmund Scientific et le réseau Rainbow. Les ordres supérieurs à 2 en valeur absolue sont ignorés dans cette étude en raison de leur faible contribution en général. Mais à cause de cette approximation on peut estimer que toutes les valeurs d'efficacité sont sur-évaluées de 2 à 3 % environ.
 

Désignation du réseau et prix
Conditionnement
Efficacité
Cokin N°40 
240 traits/mm 
Prix : 300 F
Ordre +2 : 2,2 %  
Ordre +1 : 5,3 %  
Ordre   0 : 85,0 %  
Ordre -1  : 5,3 %  
Ordre -2  : 2,2 %
Jeulin 
100 traits/mm 
Prix : 123 F
Ordre +2 : 2,3 %  
Ordre +1 : 43,0 %  
Ordre   0 : 47,3 %  
Ordre -1  : 5,6 %  
Ordre -2  : 1,8%  
 
Edmund Scientific 
70 traits/mm 
Prix : 1700 F
Ordre +2 : 10,7 %  
Ordre +1 : 56,5 %  
Ordre   0 : 30,4 %  
Ordre -1  : 1,1 %  
Ordre +1 : 1,2 %  
 
 
Rainbow Optics 
200 traits/mm 
Prix : 2400 F 

1593 "E" Street, Hayward, CA 94541 
Tel : (510) 581-8266

Ordre +2 : 0,7 %  
Ordre +1 : 67,6 %  
Ordre   0 : 22,5 %  
Ordre -1  : 6,6 %  
Ordre -2  : 2,6 % 
 
 
Le réseau Cokin est utilisé pour la photographie et ajoute des effets d'irisation dans les images. Il est nullement optimisé pour l'observation scientifique, d'où l'absence de blaze. On note que l'essentiel du signal est directement transmis et se retrouve dans l'ordre 0. Les 5% dans l'ordre 1 (ou -1) sont cependant exploitables pour les premiers pas en spectrographie. Mais pour un travail sur les objets faibles (étoiles plus faibles que la magnitude 5 ou 6 avec un télescope de 200 mm) il est clair que ce réseau n'est pas satisfaisant.

Le réseau Jeulin est conditionné sous un cache diapositive. Le réseau proprement dit (une fine pellicule) est emprisonné entre deux plaques de verre, ce qui assure une bonne planéité à l'ensemble. L'efficacité dans l'ordre +1 (celui qui sera exploité) est tout à fait honorable pour un composant de ce prix. Remarquez la faiblesse de l'ordre -1, ce qui montre que ce réseau est très correctement blazé. Il donne par ailleurs de bonnes images. C'est certainement le meilleurs rapport qualité prix de ce comparatif.

Le réseau Edmund (ref. F46068) se présente sous la forme d'une lame de verre de 25x25 mm de coté et de 3 mm d'épaisseur. Le faible nombre de traits est un atout pour l'observation du spectre d'objets faibles. L'efficacité dans l'ordre +1 est excellente, supérieure à ce qu'indique Edmund Scientific Compagny dans son catalogue. On regrettera simplement un ordre +2 un peu trop lumineux : on aurait préféré que cette énergie soit concentrée dans l'ordre +1. Une réflexion sur la face non gravé provoque un reflet perceptible dans l'image du spectre. Une légère inclinaison de ce réseau dans le faisceau optique devrait permettre de réduire cette image parasite.

Le réseau Rainbow fait partie d'un ensemble prévu essentiellement pour l'observation visuelle des spectres d'étoiles et de nébuleuses. Le réseau a un diamètre libre de 25 mm et il est monté dans un barillet pouvant se visser sur des oculaires. La surface gravée du réseau, qui est toujours très fragile, est ici protégée par une seconde lame de verre qui est en contact. Bien sur, le réseau peut parfaitement voir son usage détournée pour l'observation avec une caméra CCD. On notera que c'est le réseau qui possède la plus grande efficacité dans la partie rouge du spectre d'ordre +1 : près de 68%. C'est la garantie de spectres très lumineux. On regrettera cependant un prix élevé, en partie dû à un accessoire pour l'observation visuelle (lentille cylindrique) qui est inutile pour nos applications. On regrettera aussi un nombre de traits un peut trop important, qui oblige à rapprocher fortement le réseau de la surface sensible. Dans le cas de la caméra Audine, le réseau est placé à l'intérieur même de la caméra, à une dizaine de millimètre seulement en avant de la surface de silicium, afin d'obtenir une faible dispersion, de l'ordre de 50 à 60 A par pixel, nécessaire pour l'observation d'astres plus faibles que la magnitude 15.

En plaçant le réseau aussi proche du CCD, la qualité image s'en ressent. La figure 1 montre les spots diagrammes pour plusieurs longueur d'onde lorsque la surface gravé du réseau Rainbow est placée 8 mm en avant de la surface du CCD (dispersion de 55 A/pixel). On comparera ces taches images avec celles calculées avec le réseau Edmund de 70 traits/mm. Indiscutablement le réseau Rainbow dans ces conditions d'utilisation donne un résultat de moins bonne qualité.
 

 
Figure 1. Spots-diagrammes calculés dans une configuration comprenant le réseau Rainbow situé 8 mm en avant du CCD et disposé dans un faisceau optique ouvert à F/D=4 (l'obstruction centrale de 0,4). L'image de gauche montre l'ordre zéro. Puis, en allant de gauche à droite, on trouve pour l'ordre 1, la tache image à 300 nm, à 500 nm et à 700 nm. En quelque sorte, ces taches sont les images des raies d'un astre hypothétique emmettant seulement à 300, 500 et 700 nm. La cercle vert simule la taille d'une étoile (largeur à mi-hauteur) couvrant deux pixels lorsqu'on utilise un CCD du type KAF-0400 au foyer d'un télescope de 760 mm de focale. Le seeing équivalant est de l'ordre de 4 secondes d'arc. Cet étalement est typique d'une nuit en plaine au cours de laquelle la turbulence est médiocre. L'élargissement est aussi représentatif du résultat final d'une longue pose lorsqu'on inclu les défauts de suivi et les effets de calculs lorsqu'il s'agit d'effectuer le compositage de plusieurs images élémentaires. Dans cette configuration, la résolution spectrale est limitée par les aberrations optiques du réseau plutot que par un effet de seeing.

L'analyse des images de la figure 1 montre une coma chromatique que l'on peut réduire en introduisant un prisme de petit angle dans le faisceau, juste en avant du réseau. Ce prisme peut s'intégré facilement dans le barillet du réseau Rainbow s'il a une diamètre de 25 mm, comme le montre les figures 2 et 3.

Figure 2. En haut, le réseau à diffraction Rainbow. En bas, un prisme de petit angle au sommet (origine Edmund Scientific).
Figure 3. Le prisme de 25 mm de diamètre s'emboite dans le barillet du raiseau Rainbow. Bien sur, l'arrête du prisme doit être orientée correctement  par rapport aux traits du réseau. Il faut s'arranger pour que la direction de l'arrête soit parallèle au traits du réseau et que l'orientation soit telle que la déviation du faisceau incident soit minimale (idéalement pour la longueur d'onde centrale du spectre, l'angle de diffraction produit par le réseau doit être annulé par l'angle de réfraction produit par le prisme). C'est un réglage assez sensible et donc à réaliser avec soin.

Avec un prisme d'angle 3,87° (référence H43651 dans le catalogue Edmund Scientific si on choisi un prisme non traité antireflet (240 F) et H45559 si on choisi prisme traité antireflet large bande (320 F), ce qui est recommandé) on obtient les taches images de la figure 4.
 

 
Figure 4. Même convention que pour la figure 1. L'usage d'un prisme d'angle au sommet de 3,87° (disponible en standart dans le catalogue Edmund Scientific) en avant du réseau Rainbow permet de réduire sensiblement la coma chromatique. La courbure de champ est à présent l'aberration prédominante. Le CCD a été focalisé pour la longueur d'onde de 0,5 µm où l'image est en conséquence quasi-ponctuelle. Il y a un résidu de coma sensible qui peu être annulé en choisissant un prisme d'angle plus important (de l'ordre de 5 ou 6°), mais dans ces conditions l'astigmatisme augmente rapidement et annule le bénéfice de la correction de la coma chromatique. Le compromis réalisé ici est quasiment idéal.
 
Les aberrations optiques sont à présent du même ordre de grandeur que l'étallement naturel des étoiles au foyer du télescope. La résolution spectrale est de l'ordre de 90 A. S'il s'agit d'étudier en détail une région particulière du spectre, il est toujours possible de focaliser de CCD pour avoir la meilleure finesse spectrale dans cette région comme la montre la figure 5.
Figure 5. Le spot-diagramme à la longueur d'onde de 300 nm alors que l'on ai focalisé le dispositf d'observation pour que la mise au point soit optimale à cette longueur d'onde. Evidemment cette focalisation se fait au détriment des autres longueur d'onde.
 
On notera qu'en pratique le domaine spectral couvert par une caméra Audine, même équipée d'un CCD sensibilisé dans le bleu comme l'est le KAF-0401E, ne descend pas en dessous de 330 nm. Les facteurs limititatif sont l'atmosphère qui joue le rôle de filtre dans l'ultraviolet et les verres optiques traversés s'il ne sont pas en silice ou en quartz (voir figure 6). En travaillant sur un domaine spectral plus restreint, disons de 350 nm à 670 nm, la qualité du montage décrit est encore meilleure.
Figure 6. La courbe de transmission spectrale du hublot de la caméra Audine qui est constitué d'un verre standard. La fenêtre de fermeture du CCD a un comportement similaire dans le bleu. L'atmosphère agit dans la même direction. On voit donc qu'il n'est pas aisé d'observer le spectre à des longueur d'ondes plus courtes que 330 nm.

Cette étude montre les conditions d'utilisation du réseau Rainbow dans le cadre d'un spectrographe très faible flux. Ces conditions sont plus complexes qu'avec le réseau Edmund Scientific, qui peut être utilisé seul, sans additif optique. Ce n'est qu'à l'issue d'une phase de test qui est en cours que l'on pourra juger quelle est la meilleure configuration.