Suivi spectroscopique de l'effet Blazhko des étoiles de type RR Lyrae

Campagne 2013

Essai de mesure spectrophotométrique avec un spectrographe Alpy 600

Christian Buil - Observatoire Castanet-Tolosan


Contact pour cette campagne / Contact for the campaign :
jean-francois.leborgne_at_irap.omp.eu (Jean-François Leborgne, IRAP, Toulouse, France)

For detailled informations in english, download:
http://rr-lyr.ast.obs-mip.fr/dokuwiki/lib/exe/fetch.php?media=vtt_rrlyr:rrlyr2013_en.pdf

Objet

Les  étoiles de type RR Lyrae pulsent avec une période de l'ordre de 12 heures et montrent plusieurs phénomènes affectant cette période et l'amplitude des pulsations sur des échelles de temps du mois (effet Blazhko)  à plusieurs années (modulation de l'effet Blazhko et variations séculaires de la période). Ces phénomènes restent largement inexpliqués.

Les échelles de temps impliquées rendent nécessaire l'obtention de mesures photométriques et de spectres avec une fréquence de quelques minutes pendant plusieurs heures pour suivre les pulsations ; ces séries étant répétées a quelques jours d'intervalle durant toute la saison d'observation de l'étoile pour suivre la modulation des pulsations. Si la période de modulation est de l'ordre de l'année ou s'il existe des  modulations secondaires, des observations sur plusieurs années sont nécessaires. Ces contraintes expliquent pourquoi les initiatives de tels programmes d'observation sont rares.

Les campagnes photométriques de ces 5 dernières années ont permis de mettre en évidence l'atténuation spectaculaire de l'effet Blazhko sur RR Lyrae entre 2008 et 2012. Voir : http://rr-lyr.ast.obs-mip.fr/dokuwiki/lib/exe/fetch.php?media=vtt_rrlyr:rrlyr2013_en.pdf, et la page wiki du projet : http://rr-lyr.ast.obs-mip.fr/dokuwiki/doku.php?id=vtt_experiments

Quoique ce phénomène soit connu depuis les années 1960, aucune campagne d'observation aussi intense n'avait encore été effectuée. La modulation de l'effet Blazhko est assez peu étudiée à cause des contraintes observationnelles qu'elles impliquent, on l'a dit. Cette modulation n'est établie avec certitude que pour un très petit nombre d'étoiles.

Sur l’étoile RR Lyrae en particulier, relativement brillante, les observations spectrale des raies de l'hydrogène et de raies métalliques, qui permettent de suivre les déformations des raies dues au passage d'ondes de choc dans l'atmosphère de l'étoile pendant la pulsation, sont tout à fait réalisables par des amateurs.

L’objet RR Lyrae peut être observé utilement avec des résolutions spectrales relativement modestes, s’échelonnant entre R = 500 et R = 1000 typiquement, pour un suivi global des phénomènes sur l’ensemble du spectre visible. Les spectrographes sont alors de la classe d’un LISA (R = 850) ou d’un Alpy 600 (R = 600). Dans ce cas, le diamètre du télescope peut être de seulement 200 mm, ou plus gros bien sûr.

Avec une résolution spectrale de R = 10000 et au-dessus, il devient est possible de bien détailler le profil des raies de l’hydrogène ou métalliques (hélium, calcium, …), lors du passage des ondes de chocs en particulier. Cette performance est celle par exemples d’un spectrographe eShel (R = 10000, observation globale du spectre visible) ou d’un spectrographe Lhires III (R = 12000 à 17000 typiquement, sur des portions du spectre). Ici, le diamètre caractéristique du télescope est de 280 mm et au-dessus.

La capacité à résoudre temporellement les phénomènes est essentielle. Dans le cas de RR Lyrae, un temps d’intégration pour la prise d’un spectre de 10 minutes est un maximum à ne vraiment pas dépasser. Une résolution temporelle de 5 minutes est considérée comme tout à fait satisfaisante Avec des télescope de la classe des 400 à 600 mm, il possible d’abaisser le temps d’intégration à 2 ou 3 minutes sur cet objet avec une résolution de R = 10000.

Il est important que l’ordinateur soit bien à l’heure (mieux que la minute) et que les observations soit datés en Temps Universel.

Il faut enfin observer régulièrement une étoile de référence située à proximité de RR Lyrae pour tenir compte de l’atténuation atmosphérique en fonction de la masse d’air. Ceci est particulier vrai pour les observations à moyenne résolution afin de viser une bonne qualité de restitution du continuum. L’étoile HD184875 de type A2V est un bon choix.


Je présente dans cette page une première tentative d'observation spectrophométrique de l'étoile RR Lyrae. Elle fait suite aux premiers essais de validation de l'observation sur cette étoile en moyenne résolution en 2012, avec un spectrographe LISA - voir ici.

L'idée est réaliser avec le même instrument un suivi photométrique (photométrie UBVR caractéristique) et un suivi spectral (avec ici un pouvoir de résolution de R = 600). C'est une avancée potentiellement importante : il est question de faire disparaitre la frontière entre le monde de la photométrie et de la spectrométrie et de montrer qu'un spectrographe peut être un instrument global qui couvre ces deux domaines (pour des observations photométriques qui ne demandent pas une ultra-précison tout au moins). Cette première observation n'est pas réalisée dans des conditions optimales. Si le spectrographe amployé (le tout nouveau Alpy 600 de la société Shelyak Inst.) est surement proche de l'idéal pour atteindre cet objectif, celui-ci n'était pas encore équipé d'un accessoire à venir prochainement : une fente dite "photométrique", à deux largeurs, permettant de basculer assez rapidement d'un mode photométrique à un mode spectrographique. Si ce petit complément pour le spectrographe Alpy 600 fonctionne comme prévu, le résultat peut être révolutionnaire, en changeant à terme la manière de percevoir l'observation photométrique des étoiles variables en particulier, en ajoutant la dimension spectrale, d'une richesse incomparable.

Le protocole d'observation avec le spectrographe Alpy 600 est comme il se doit assez voisin de celui des photométristes. Il est décrit de manière prélimimaire ici, où il est pris soin de considérer l'attenuation atmosphérique en particulier. Le traitement est réalisée avec le logiciel ISIS.


 
Photographie de l'équipement utilisé. Le diamètre du télescope est très modeste, 200 millimètres seulement (un CN212 Takahashi utilisé au foyer Newton F/4). Le spectrographe est ici exploité avec toutes les options disponibles pour ce système (module de guidage et module d'étalonnage). La caméra science est un modèle Atik460EX. La caméra de guidage est un modèle Atik314L+. L'observation est réalisée dans des conditions urbaines lors d'une nuit de bonne qualité photométrique.

Pour la même date d'observation (nuit du 13 au 14 mai 2013), la figure suivante montre :

- points et ligne noire, une observation photométrique classique réalisée par Jean-Francois Leborgne (système VTT, caméra Audine non filtrée). Chaque point représente un temps d'intégration de 5 minutes.

- points violet, bleu, vert et rouge, les mesures photométriques réalisés sur les spectres Alpy 600 dans respectivement l'équivalent (en gros) de bandes synthétiques UBVR. Les données photométriques pour la bande U sont relevés en sommant le signal du spectre entre 3700 et 3755 A, pour la bande B entre 4130 et 4280 A, pour la bande V entre 5450 et 5600 A et pour la bande R entre 6630 et 6840 A. Le temps d'intégration est de 5 minutes, avec une résolution temporelle évaluée à 5 minutes 15 secondes compte tenu du temps de lecture du CCD (la caméra Atik460EX est utilisée en binning 1x1).

Relevé photomérique de l'étoile RR Lyrae dans la nuit du 13 au 14 mai 2013. En noir les mesures photométriques de J. F. Leborgne.
En rouge, vert, bleu, et en violet, les mesures spectrophotométriques. Les données sur la bande U sont incertaines.

Le pic de brillance est mesuré à HJD 2456426.564+-0.002 (J. F. Leborgne). Pour ma part, j'observe le passage de l'onde de choc à JD 2456426.512, c'est à dire bien avant la date du maximum (le dédoublement de la raie Halpha correspondant à cet événement est bien détectable à la résolution du spectrographe Alpy 600). On note un décrochement de la courbe de lumière à JD 2456426.525, mais il est difficile de savoir s'il s'agit d'un atefact de mesure où s'il s'agit d'un phénomène réel. Ce détail dans la courbe de lumière semble cependant coincider avec une inflection de la courbe de lumière acquise par JFL, qui elle est très fiable. Mais Il faut rester prudent en l'état.

Par définition, les mesures spectrophométriques sont acquises au même moment pour toutes les bandes synthétiques présentées. La différence d'amplitude de l'éclat en fonction de la bande est évidente (variation de l'indice de couleur en fonction de la phase. On notera que l'on a poussé la tentative de mesure jusque dans l'ultraviolet.

Le bruit de mesure des données spectrophométriques est nettement plus élevée que celui relevé dans les mesures photométriques dédiés de J. F. Leborgne. Mais on rappelle qu'il s'agit ici d'une toute première tentative et que l'observation est faite au travers d'une fente très étroites, 23 microns de large. Les effets conjugés des erreurs de suivi, de seeing et de réfraction atmosphérique agissent tous ici au maximum dans le sens de la dégradation de la performance. Compte tenu de ces remarques, on peut considérer ce résultat comme déjà satisfaisant. L'usage d'une fente photométrique devrait à priori grandement l'améliorer.

L'animation ci-après couvre la période allant de JD 2456426.400 à JD 2456426.637 par pas de 0,0025 jour. Les profils spectaux sont tous normalisé à l'intensité mesurée dans la pseudo bande V. Le domaine spectral va de 3700 à 6800 A. Le changement de type spectral de l'étoile en fonction de la phase est bien sur très évident et spectaculaire en un temps si bref sur ce type d'étoile (la période de RR Lyrae est de 12 heures 36 minutes).

L'image suivante est le spectre dynamique correspondant à la même période, affichée en fausses-couleurs. Le temps s'écoule de bas en haut. Les profils spectraux sont toujours normalisé dans le bande V.

L'attenuation de la profondeur des raies de l'hydrogène (vers le centre) correspond au passage de l'onde de choc, un phénomère qui se déroule entre JD 2456426,506 et JD 2456,518 au niveau de Hbeta. Il affecte la quasi totalité des raies de Balmer, mais avec une intensité variable. L'instant où l'onde de choc apparait semble aussi légèrement différent en fonction de la longueur d'onde, à JD 2456426,511 au niveau de la raie Halpha, à JD JD 2456426,513 au niveau de la raie Hepsilon, une information importante pouvant donner accès à la vitesse de propagation de l'onde dans l'épaisseur de l'atmosphère de l'étoile. Le dédoublement proprement dit (traduisant l'état dynamique de l'atmosphère en avant et en arrière de l'onde de choc) n'est perceptible que dans la raie Halpha à la résolution du spectrographe Alpy 600. Après le passage de l'onde de choc, la largeur équivalente des raies de l'hydrogène est brutalement modifiée, puis demeure approximativement constante..

Conclusion

Cette observation montre qu'il est possible de réaliser des mesures spectrophotométriques de qualité honnète sur une étoile variant entre la magitude 7,2 et 7,9 en utilisant un télescope de petite diamètre (200 mm), un spectrographe économique (Alpy 600) et en un temps de pose aussi court que 300 secondes. Des améliorations futures du systèmes devraient encore améliorer ce résultat. Ces données déjà sont tout à fait exploitables dans le contexte d'une collaboration pro-am.

Que vous produisiez des données photométriques, des données spectrales ou des données spectrophotométriques, vous êtes chaleureusement invité à participer à ce programme - contactez JFL. Vous aller apporter votre pierre à la Science et en plus, vous aller constater que l'étoile RR Lyrae est un objet passionnant à observer, qui réserve plein de surprises.


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