Eclipse totale du Soleil du 2 juillet 2019 

Observatoire de la Silla (ESO) - Chili

Par  Christian Buil

Cette page présente succinctement le résultat d’une observation spectrographique de l’éclipse totale de Soleil du 2 juillet 2019 au Chili. Cette expérience a été réalisée en marge de la mission « TAROT Eclipse 2019 », dont le but était de refaire 100 ans après, la fameuse expérience de Eddington (1919) qui a permis de vérifier pour la première fois la théorie de la relativité générale d’Einstein par l’observation de la déviation de la lumière des étoiles au niveau bord solaire. 

​

Fait rarissime, l’éclipse totale du 2 juillet 2019 était visible depuis plusieurs observatoires professionnels au Chili, notamment depuis l’Observatoire Européen Austral de La Silla, où nous avons été invité à observer. Par rapport à Eddington, nous avons bénéficié des moyens qu’offrent notre époque : la logistique de l’ESO, le télescope TAROT, une grande caméra CCD, une puissante informatique d’acquisition et de traitement, du grand chef TAROT (Alain Klotz)… Et suprême luxe : 3 jours de préparation à La Silla même, qui n’ont pas été de trop pour tout mettre en place !

La « team TAROT ». 

De gauche à droite, Jean-François Leborgne, Christian Buil, Eric Denoux, Valérie Desnoux, Alain Klotz.

La mission TAROT a été une opportunité de réaliser un magnifique voyage au Chili. Il nous a emmenés à l’observatoire de Paranal (avec une visite VIP des télescopes du VLT et de l’instrumentation), à l’observatoire de La Silla donc, à San Pedro de Atacama (avec le formidable accueil de Alain Maury), à La Serena… Pour une évocation photographique de ce voyage, ne manquez pas de visiter la page Flickr de Valérie Desnoux

Ci-contre, l’expérience « spectro » de l’éclipse 2019 (en arrière-plan, la structure du télescope TAROT de 25 cm - Télescope à Action Rapide pour les Objets Transitoires).

​

Cette prise de spectre du soleil lors d’une éclipse était l’occasion pour moi de revenir sur une expérience du même type que j’avais faite il y a 20 ans, à l’occasion de l’éclipse de 1999 observée en France. C’était une époque héroïque, au tout début de l’astronomie CCD. Voici ici une page décrivant cette observation de 1999 (on y retrouve déjà Valérie Desnoux, Alain Klotz…).  Une sorte de retour aux sources donc !

​

​

Pour l’éclipse de 2019 j’ai employé un téléobjectif Canon de 135 mm de focale, avec, fixé à l’avant de celui-ci, un montage type « grism » conçu pour l’occasion, constitué d’un réseau à transmission de 300 traits/mm couplé à un prisme de verre d’angle 14,85° (la déviation angulaire de l’ensemble est nulle au centre du spectre photovisuel).  La caméra d’acquisition était un modèle CMOS de la firme ZWO, la ASI1600MM Pro. L’observation s’est déroulée en mode automatique grâce à une séquence programmée à l’avance sur un module autonome ASIair, un élément qui s’est révélé très fiable et efficace pour l’occasion.

​

Le long tube pare-lumière (fait de papier à dessin noir mat) sert à accroître le contraste des images spectrales en bloquant les ordres spectraux parasites et les spectres situés hors champ du Soleil.

​

Le document ci-après montre des images photographiques classiques prises avec une caméra en parallèle de la manip « spectro » (le tout sur une monture StarAdventurer). Les moments de prise de vue correspondent à la fin de l’éclipse, avec une vue de la chromosphère (à gauche) et du diamant (montrant l’émergence de la photosphère du limbe lunaire, à droite).

La figure suivante montre à gauche, l’image du spectre éclair pour la localisation des détails au limbe, et à droite, la partie jaune-rouge du spectre obtenu 30 secondes avant la fin de l’éclipse. On note les détails de la chromosphère dans la raie jaune de l’hélium (D3) et dans la raie rouge de l’hydrogène à 6563 A. La raie Fe X, bien plus diffuse, est associée à la couronne (il s’agit de l’atome de fer ionisé 9 fois à cause de la haute température qui règne dans la couronne). Les anneaux sombres marquent la position des bandes telluriques O2 d’obseoption de l’atmosphère terrestre, et peuvent être vus comme des artefacts :

Ci-après, une séquence de spectres de la région jaune-rouge qui suit la chronologique de sortie d’éclipse, jusqu’au spectre éclair (spectre de la photosphère, ici saturé) :

A suivre, le spectre global, depuis le bleu jusqu’au proche infrarouge, de la chromosphère et de la couronne, avec l’identification des raies. Deux situations sont présentées : (1) lors de la totalité, (2) lors de la sortie d’éclipse. Le pouvoir de résolution dans ces spectres dépasse R=1000 :

La raie coronale du FeXIV à 5303 angströms apparaît ici de très faible intensité, alors qu’elle était forte dans la couronne de l’éclipse de 1999. Tout à droite de ces images, on note la présence des raies du doublet UV du Ca II, mais à l’ordre 2. Tout à droite encore, la raie coronale Fe XI à 7892 A est détectée.

​

Il a fallu tester l’équipement sur les étoiles avant de viser le Soleil. Les nuits précédents l’éclipse ont été propices à cela. Le champ de l’étoile eta Carinae a été visé en particulier. Dans les vues ci-dessous, réalisées avec un téléobjectif de 135 mm, on voit en haut l'image classique du champ de la nébuleuse (pose de 6x20 s), alors que l'entrée de l'objectif est diaphragmé à D=25 mm, et on voit en bas la version spectrographique de ce même champ en ajoutant simplement le grism devant l’objectif  (pose de 4 x 30 s). Pour ces deux prises de vue, j’ai utilisé une caméra couleur ASI294MC.

Compte tenu du type de caméra, on voit ici les vraies couleurs des objets du champ, et notamment des images de la nébuleuse eta Carinae associées à diverses raies d’émission (ce type de spectrographe ne posséde pas de fente d’entrée pour isoler un objet particulier). Aussi, en haut de l’image spectrale, on voit le spectre de l’étoile Be p Carinae (que l’on distingue par une émission intense à la longueur d’onde de la raie rouge Hα)

​

Ci-après, deux versions de l’image du spectre de eta Carinae, en couleur et en monochrome. En bas de ce document, le profil spectral étalonné de eta Carinae pris avec la manip «Spectro éclipse».  Le pouvoir de résolution est de R=1200 dans le jaune, ce qui est fort honorable pour un montage « grism-objectif » économique. 

 

Et pour finir… quelques autres images de ce voyage au Chili  : 

​

Les phases de l’éclipse à La Silla (au premier plan, le télescope NTT, qui lui-même pointait la couronne solaire). Photo Valérie Desnoux. 

Mosaïque du ciel Austral. Photo Valérie Desnoux. 

​

Sur cette vue d’avion, prise entre Santiago et Antofagasta, en regardant bien au centre, vous aller voir l’observatoire de La Silla perdu au milieu du désert (comme un chapelet de constructions). Photo Valérie Desnoux.

Valérie Desnoux et Christian Buil au Paranal.

​

RETOUR