Spectrographe LISA : variations autour de la réponse instrumentale

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On montre dans cette page les paramètres qui influencent la réponse instrumentale du spectrographe LISA. On appuie la démonstration sur des exemples concrêts.



Le setup utilisé. Le spectrographe est attaché à un télescope C11 (D=0.28 m). La caméra d'acquisition est un modèle Atik314L+.


L'importance du réducteur de focale

Pour convertir le rapport F/D du télescope de F/10 à F/6 environ - recommandé pour exploiter le spectrographe au maximum de la capacité de détectabilité, j'utilise un réducteur de focale Alen Gee MarK II (Baader Planetarium).



Le réducteur monté à l'interface télescope du spectrographe LISA.

Comme la plupart des réducteurs, le Alen Gee semble constitué d'un simpe doublet achromatique. La courbe ci-après montre comment évolue typiquement la position du meilleur foyer en fonction de la longueur d'onde avec un composant de ce type. L'axe horizontal représente la valeur de la défocalisation (en microns), l'axe vertical représente la longueur d'onde (en microns).

 

L'aberration chromatique longitudinale d'un objectif doublet.

Suivant le plan de mise au point sélectionné les rayons luminueux seront plus ou moins focalisé à l'entrée de la fente en fonction de leur couleur. Ceci provoque une erreur de radiométrique qui peu être élevée. L'image ci-après indique comment évolue l'allure de l'image du spectre 2D d'une étoile suivant que l'on choisi les plans de mise au point A, B ou C (voir le graphe précédent).

Aspect du spectre de l'étoile HD43378, de type spectral A2V, en fonction du plan de mise au point sélectionné.

Le plan noté "B" est surement le meilleur compromis. Il égalise la focalisation du rouge au bleu et simultanément et il maximise en moyenne le flux entrant dans le spectrographe.

Le problème le plus critique ici est que ce flux entrant dépend de la longueur d'onde, d'où l'apparition d'erreurs photométriques, comme l'indique la figure ci-dessous :

Variation du profil spectral en fonction de la focalisation de l'étoile. Le réducteur est le modèle Alan Gee. Le vrai profil de l'étoile est rerésenté par la courbe verte.

Le défaut de focalisation introduit dans cette démonstration est certe très élevé, mais cet exemple indique qu'il est crucial de bien surveiller ce paramètre pour des travaux spectrophotométriques de qualité. Ce qu'il ne faut surtout pas faire : adopter un certain plan de focalisation lorsqu'on évalue la réponse instrumentale sur une étoile de référence, puis adopter un plan de focalisation significativement différent en observant ensuite les étoiles du programme. La forme du continuum est alors biaisée.

La figure ci-après montre la variation caractéristique du continuum pour deux focalisations successives, supposées satisfaisante, en utilisant le réducteur Baader. Il est difficile de faire bien mieux avec cet équipement.

Variation caractéristique du continuum liée à la sensibilité d'évaluation du meilleur plan de focalisation en associant un réducteur de focale Alan Gee au spectrographe LISA.

On peut chercher des réducteurs de meilleures qualités : des triplets de lentille, une combinaison apochromatique, .... Mais ce sont des produits rares et chers.

Compte tenu de ce qui est dit ci-avant, si on cherche absolument un haute précision spectrophotométrique (ce n'est pas toujours utile, cela dépend du type de travail visé en spectrographie stellaire), une bonne idée est en fin de compte de supprimer le réducteur de focale. En travaillant directement au foyer du télescope on réduit fortement les biais induits par le chromatisme instrumental. C'est le cas de manière naturelle si le télescope est de type Newton, surement la configuration idéale avec LISA si le miroir primaire est ouvert entre F/5 et F/8 environ. Une bonne lunette apochromatique dans la même gamme de rapport d'ouverture constitue aussi un bon choix.

Travailler sans réducteiur de focale avec la plupart des télescopes Schmidt-Cassegrain revient à faire entrer dans le spectrographe LISA un faisceau optique ouvert à F/10. La sanction est une perte de rendement en flux que l'on peut évaluer de 50 à 100% suivant le seeing et la qualité du guidage. Par contre, le télescope apparait bien plus achromatique. De plus, les aberration optique interne du spectrographe LISA sont réduites avec un faisceau fermé et dans cette configuration, il est possible d'atteindre le pouvoir de résolution maximal de l'instrument, disons de R = 1200, avec une bonne uniformité entre 3900 A et 7400 A typiquement, si le fente fait 15 microns de large.

Voyons ce que devient la variabilité de la réponse instrumentale en fonction de la focalisation si on n'utilise pas de réducteur de focale avec le C11 à F/10.


Travailler sans réducteur de focale

Dans les images 2D du spectre de l'étoile HD43378 ci-dessous, l'effet de la défocalisation se traduit par l'élargissement de la trace du spectre, mais contrairement au cas précédent celui-ci est significativement plus homogène en fonction de la longueur d'onde. L'aberration chromatique est donc bien réduite, d'autant plus que l'on travaille à présent à F/10 (la tolérance à la défocalisation est plus élevée).

Images intra-focale, focalisée et extra-focale du spectre de l'étoile HD433378.

Voici les trois profils spectraux correspondants :

Aspect du profil spectral en fonction de la qualité de focalisation de l'étoile sur la fente.

On note encore la présence d'une distorsion de la forme du profil, mais elle est plus modeste. Curieusement le comportement est le même que l'on soit en intra ou extra focal : les courbes Foc A et Foc C sont du même côté par rapport à la focalisation nominale Foc B. Quoiqu'il en soit, le retrait du réducteur de focale à accrue la fiabilité du profil spectral calculé.

Le graphique suivant montre l'allure du spectre après une série de focalisation et de défocalisation, puis en focalisant au jugé sans trop d'effort sur les deux exemples présentés (foc #1, foc #2). On a fait aussi fait figurer dans le graphe le spectre extrait de la librairie Miles (incluse en partie dans la database de ISIS) :

Le résultat de deux focalisation indépendantes (#1, #2). En rouge, le spectre de HD43378 extrait de la base Miles, qui a servit par ailleurs à trouver la réponse instrumentale.
La dispersion des erreurs provoquée par la focalisation est très significatievement réduite en travaillant à F/10.

Extraction du spectre de l'étoile HD 43378 de la librairie MILES. Depuis la version 4 de la database de ISIS, les spectres MILES ont été rougis par l'extinction interstellaire, ce qui leur donne l'aspect réellement observé au télescope. Cette bibliothèque de spectres (plus de 580 disponibles depuis ISIS) est très utile pour évaluer la réponse instrumentale.

ISIS propose un outil puissant pour calculer la réponse spectrale du spectrographe LISA. Lorsque vous cliquez sur le bouton Go, le logiciel procède tout d'abord au traitement complet de votre séquence (ici des spectres de l'étoile HD43378). Cette étoile est dite de "référence" car on connaît par ailleurs son spectre théorique (nommé ici ref_hd43378). Ce spectre provient de la librairie MILES, mais ISIS offre bien d'autres choix. Pour le traitement complet, ISIS se contente d'appuyer virtuellement sur le bouton Go situé dans l'onglet "Général". C'est la raison pour laquelle l'onglet "Général" doit être correctement renseigné. Dans un second temps, le profil spectral traité est divisé par le profil théorique de l'étoile. Le résultat commence à ressembler à la réponse instrumentale, mais ISIS poursuit les opérations en éliminant automatiquement les principales raies spectrales de votre étoile et réalise un lissage pour retirer les aspérités résiduelles (un filtre dont vous pouvez paramétrer la force). Dans l'exemple, le résultat est le fichier de réponse instrumentale reponse_hd43378. Vous pouvez le voir immédiatement au terme du calcul en ouvrant l'onglet "Affichage profil".


Prise en compte de la transmission atmosphérique

L'atmosphère terrestre fait partie de l'instrument et à ce titre, la transmission atmosphérique doit être si possible évaluée lors du calcul de la réponse instrumentale. Dans l'exemple ci-après (copie d'écran) on décide effectivement d'inclure le calcul de la transmission lors de la réduction des spectres. On utilise la capacité de ISIS d'interrogation automatique de SIMBAD pour récupérer les coordonnées équatoriales de l'étoile courante traitée (ici l'objet HD20041), puis calculer la hauteur angulaire de l'astre, puis enfin la transmission de l'atmosphère correspondante. Notez que l'on doit fournir l'indice AOD (Aerosol Optical  Depth), qui mesure le taux de poussières en suspension dans l'air. La nuit été bien claire et correspondait à la saison d'hiver. Un AOD de 0,07 est une réponse correcte.

Dernier point essentiel : si vous cochez la case Atmosphère Auto. pour traiter les spectres stellaires (ce qui est recommandé), il est impératif que cette case soit aussi cochée lorsque vous avez évalué la réponse instrumentale à partir d'une étoile de référence dont on connaît le spectre (ici la référence est l'étoile HD28978 de type spectrale A2V - le spectre est issu de la librairie MILES).

 

A titre d'application, la planche ci-après montre une séquence de spectres acquis durant la même nuit (26 décembre 2011). La réponse instrumentale est construite sur la base du spectre attendu de l'étoile HD28978. L'index AOD choisi est de 0,07 (valeur typique pour l'hiver et une nuit bien claire comme vu précédemment). Dans les graphes, le spectre observé est en bleu, alors qu'en rouge, on trouve le spectre attendu extrait de la librairie MILES (spectres rougis par l'extinction interstellaire dans la version 4 et au-delà de la database ISIS). Les spectres ont été acquis avec une fente de 19 microns de large et avec un télescope C11 utilisé à F/10 de manière à privilégier la résolution spectrale (proche de 1000 ici) et pour améliorer la qualité photométrique (pas de réducteur de focale - ici on n'a pas voulu prendre de risque avec la sensibilité à la focalisation). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'accord est relativement satisfaisant. Cependant on remarque assez systématiquement une sous-évaluation du continuum dans le bleu relativement au rouge. Peut-être cela vient-il du spectre de l'étoile sélectionnée comme référence (HD28978), plus bleu que ce qu'indique MILES ? La prise en compte de la transmission atmosphérique ne semble pas en cause (en hiver l'effet l'indice AOD est assez faible et la courbe de transmission atmosphérique est dominé par la diffusion de Rayleigh, qui est très déterministe). Le choix de l'étoile HD31295 comme référence serait peut-être plus opportun pour réduire l'erreur médiane. Cela reste à investiguer, mais le sujet est difficile. L'évaluation du bon continuum d'une étoile est définitivement un art délicat.

Au passage, les graphes présentés ci-devant ont été tracés à partir du logiciel libre Gnuplot lancé directement depuis ISIS :

Exemple de tracé simultané de deux profils spectraux.


Le flat-field spectral (ou Plage de Lumière Uniforme Spectrale)

Bien que cela soit optionnel, il est vivement recommandé d'effectuer les traitements en fournissant à ISIS une image flat-field :

C'est une condition importante pour éliminer les absorptions d'éventuelles de poussières dans le trajet, les irrégularités de la fente ou encore pour corriger la différence de réponse interpixel du détecteur (défaut dit de PRNU, pour Pixel Response Non Uniformity).

Dans la copie d'écran ci-après, on visualise une image flat-field typique prise parmi une séquence acquise avec la  lampe blanche interne du LISA (tungstène). Ici, la fente fait 19 microns de large et notez le temps de pose (20 secondes). Ce temps est ajusté pour que le niveau maximal dans le flat-field ne dépasse pas 58000 pas codeur environ (caméra Atik314L+). On prend une marge de sécurité par rapport au niveau maximal possible (65535) pour être sur de ne pas saturer le détecteur et limiter les éventuelles erreurs de non-linéarité. Notez encore dans l'exemple comment sont nommées les images flat-field (l'étoile traitée est HD43378). J'utilise toujours cette méthode. Remarquez enfin qu'il n'est pas du tout obligatoire d'acquérir une séquence d'images "tungstène" à chaque objet observé, car c'est une procédure longue. Je fais au moins un flat-field par nuit et plus si le télescope est fortement dépointé pour tenir compte des flexions de l'instrument.

Affichage de l'image HD43378_TUNG-1 (l'extension _TUNG est ajoutée au moment de l'acquisition pour pouvoir facilement repérer les images de ce type, tout comme j'utilise l'extension _NEON pour les spectres du néon interne). Pour obtenir un flat-field final de haute qualité (surtout dans le bleu, où le flux de la lampe est faible) il est important de moyenner un grand nombre d'images de ce type, 15 à 20 typiquement, voir plus.

On utilise un outil spécifique de l'onglet "LISA" pour déterminer le flat-field acquis avec la lampe blanche interne du spectrographe LISA (le calcul élimine le gradient vertical). Pensez aussi à exploiter l'assistant qui préremplit la plupart des champs, y compris dans l'onglet "Général". C'est commode et cela limite les erreurs :

Le calcul proprement dit de la réponse instrumentale est automatisé :

Il faut cependant faire un choix manuel du coefficient de lissage, ce qui demande de l'attention. On procède pas essais successifs en faisant un bon compromis. La figure ci-après montre comment évolue l'allure de la réponse en fonction du coefficient (les valeurs peuvent changer en fonction du type de spectre et de la nature des bruits résiduels). Pour voir le résultat après chaque évaluation, ouvrir l'onglet "Affichage profil" :

Coefficient = 0,0
 

Coefficient = 0,5
 

Coefficient = 4,5

Coefficient = 15,0

Dans cet exemple, sans lissage (coefficient nul), bruit et artefacts sont bien présents. Ces structures ne caractérisent pas une réponse instrumentale type. Avec un coefficient le 15, le lissage est excessif : la courbe de réponse réelle n'est plus correctement ajustée, surtout autour de 4000 A, où elle évolue rapidement dans mon exemplaire de LISA. On choisit finalement la valeur de 4,5, intermédiaire :


Réponse du spectrographe LISA en s'aidant des spectres observés et théoriques d'une étoile (HD43378). Le flat-field est produit par la lampe blanche interne du LISA.

Une bosse est présente vers 4000 A. Elle est en fait le résultat d'une absorption instrumentale qui se produit dans la voie optique d'étalonnage pour la région bleu-vert du spectre. Cet accident dans cette région est une source d'erreur potentielle dans l'évaluation du continuum (car la réponse varie vite et on est donc sensible aux déformations de l'instrument par effet gravité) .  La plupart des spectrographes LISA ne présentent pas cette structure bien particulière à 4000 A - disons que mon exemplaire  à un "trait de caractère" particulier.

On peut choisir aussi d'utiliser un spot lumineux externe :

La pupille du télescope est éclairée par une lampe halogène. L'entrée du télescope est recouverte d'une épaisseur de papier calque. Dans ces conditions, la courbe de réponse instrumentale est nettement plus homogène (résultat ci-dessous). En contrepartie, la procédure d'acquisition est notoirement plus complexe et l'orientation du télescope peut faire perdre de la précision à cause des flexions différentielles relativement aux observations stellaires. Remarquez que j'ai malgré tout essayé de limiter ce problème mécanique (du reste assez modeste avec le spectrographe LISA) en faisant en sorte que le télescope pointe vers le haut.


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