POURQUOI ET COMMENT REGLER LA FOCALISATION INTERNE
DU SPECTROGRAPHE LHIRES III


Cette note technique précise comment évolue la qualité image délivrée par le spectrographe LHIRES III en fonction de la focaliation interne de l'instrument (mise à l'infini du doublet interne). On se sert pour celà de smulations optiques réalisées avec l'aide du logiciel Zemax et de taches images faites en laboratoire et sur le ciel.

 


 

1. TACHES IMAGES EN FONCTION DE LA FOCALISATION DU DOUBLET

Les taches images ci-après sont calculées pour longueur d'onde de 656 nm placée au centre du champ du spectrographe. La fente d'entrée est considérée comme infiniment fine, mais en revanche, pour une raison de lisibilité, on considère que l'étoile éclaire la fente sur une hauteur de 20 microns environ (un seeing de 2 secondes d'arc avec une distance focale du télescope de 2 mètres). L'axe de la dispersion est horizontal - la résolution spectrale est donc fonction de la largeur de la tache dans cette représentation. Le cadre qui entoure chaque tache image à une taille de 100 x 100 microns. La côte DX correspond au déplacement du doublet interne du spectrographe (on rappelle qu'un tour complet du barillet porte objectif signifie un déplacement de ce dernier de 1 mm - ainsi un mouvement de DX = 0.1 mm par exemple équivaut à une rotation de 36° du barillet). La position DX = 0 correspond à la meilleure focalisation sur un critère de résolution spectrale (l'image est la plus étroite). Le télescope est considéré comme ouvert à f/8.

La tache image s'élargie de manière plus marquée et rapide lorsque DX devient négatif (le doublet s'éloigne alors du réseau). L'image de la fente à même tendance à ce dédoubler dans ces conditions. On note que la défocalisation est sensible dès que l'angle de rotation du barillet porte objectif s'éloigne de 15° environ du plan de mise au point optimum. C'est typiquement la sensibilité qu'il faut rechercher lors la mise au point.

L'allure théorique des taches images ci-dessus peut être retrouvée en simulant une étoile artificielle. Par exemple, un minuscule trou peu être réalisé dans un ruban adhésif métallique à l'aide d'une fine épingle de couture. Ce ruban est ensuite collé sur la fente largement ouverte. On montre ci-après l'image du trou sur le capteur lorsqu'il est éclairé par la lampe néon interne du spectrographe. On utilise une raie spectrale intense du néon au voisinage de la raie de l'hydrogène Halpha. Les défocalisations du doublet (DX) sont similaires à celles de la simulation numérique, ainsi que l'ordre des images.

Le caractère général est fort proche. Il ne peut être strictement identique car le trou n'est pas infiniment petit et son contour n'est pas strictement régulier (phénomènes de diffraction parasite).

Ces images d'étoile artificielle ont été réalisée avec un boîtier reflex Canon 350D modifié (filtre Baader UV/IR) auquel est associé un doubleur de focale Canon pour bien échantillonner l'image (la dispersion inverse est d'environ de 0.043 A/pixel).

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Prise de vue d'une d'étoile artificielle.
 

2. TACHES IMAGES EN FONCTION DU CHAMP

Dans les taches images présentée ci-après l'objet observé est considéré comme ponctuel, avec un plan de mise au point optimisé pour la longueur d'onde centrale (6563 anstroms dans cet exemple). On analyse la largeur de la tache image pour les longueurs d'onde de 6520, 6563 et 6600 ansgtroms (valeurs extrêmes couverte lorsque la raie Halpha est centrée en utilisant un capteur CCD type KAF-0400.

On remarque qu'en partant du centre du champ (longueur d'onde central) la figure d'astigmatisme tourne. Pour une focalisation optimale au centre du champ, la résolution spectrale est toujours meilleures pour les grandes longueur d'onde que pour les courtes.

Les taches images de la figure suivante sont équivalentes, mais en ajoute une fente éclairée sur 35 microns de hauteur (seeing de 3.6 microns au foyer d'un télescope de 2000 mm de distance focale). Si le télescope est ouvert à f/10 on trouve (la cadre à une taille de 100 microns de coté) :

Les résolution spectrales affichées sont approximatives. Il faut tenir compte du fait que le spectre peut être corrigé géométriquement pour "redresser" les raies spectrales avant le binning. Surtout, contrairement au calcul ci-dessus, la fente d'entrée n'est pas infiniment fine. Pour avoir une idée de la résolution spectrale effective, on peut ajouter linéairement à la largeur physique de la fente, l'étalement lié aux aberrations optiques (et effets géométriques). Par exemple à 6563 angstroms, si la largeur physique de la fente est de 26 microns, la largeur observée de l'image d'une raie sera de 26+8=34 microns. Comme avec le réseau de 2400 traits/mm la dispersion est d'environ 78 microns/A, la largeur à mi-hauteur d'une raie sera de 0.44 A, soit un pouvoir de résolution de 6563/0.41=15000. On note que vers 6520 A (extrémité bleu du spectre enregistré), le pouvoir de résolution chute à 12000 environ.

Si le télescope est plus lumineux, ouvert à f/8 dans l'exemple ci-après, l'importance des aberrations optiques augmente, et la résolution spectrale est dégradée :

LHIRES III est utilisable avec un télescope à f/8, mais il faut toujours se rappeler qu'il est optimisé pour des instruments à f/10 ou plus fermé que cette valeur.

On peut retrouver ces allures de taches en faisant l'acquisition d'un spectre d'étoile riche en raies fines. Ci-après, le spectre de l'étoile Arcturus obtenui avec un boîtier reflex Canon 350D (filtre Baader UV/IR). Le spectrographe LHIRES III (réseau de 2400 t/mm) est monté sur un Celestron 11. Le temps de pose est de 3 minutes.


Le spectre complet acquis de l'étoile Arcturus au voisinage de la raie Halpha. Voir des informations complémentaires ici.

Détails du spectre à l'échelle 100% :


Bord bleu


Centre


Bord rouge

On voit immédiatement que les raies sont moins nette sur la coté bleu du spectre, en conformité avec ce que nous apprend la forme des taches images calculées par tracé de rayons. L'inclinaison des raies est aussi conforme. La partie "rouge" du spectre est nettement plus homogène, mais il est prudent de ne faire les analyses spectrales que sur une zone restreinte, vers le centre du capteur. En particulier, même en corrigent les distorsions locales de raies, le bord bleu extrême est caractérisé par une résolution spectrale trop dégradée.

3. SENSIBILITE A LA MISE A L'INFINI DU SPECTROGRAPHE

Nominalement, la fente d'entrée doit être mise au foyer objet du doublet interne du spectrographe. Dans cette situation, une image nette du spectre sera obtenue en plaçant le plan du détecteur au foyer image de ce même doublet. A la sortie du doublet, du coté du réseau, les rayons sont parallèles (l'image de la fente se forme à l'infini). Si le détecteur n'est pas positionné au foyer image de l'objectif, mais un peu en avant ou en arrière, il est toujours possible d'obtenir un spectre "net" en tournant le barillet de l'objectif. Si X est l'erreur de position de la caméra par rapport à la côte nominale, on déplaçant le doublet de la valeur X/2 on peut retrouver un spectre focalisé. Mais en faisant ainsi, les rayons qui sortent du doublet coté réseau ne sont plus parallèles. Ceci introduit des aberrations optiques supplémentaires.

Dans l'exemple ci-après on montre la tache image pour les longueurs d'onde de 6520, 6563 et 6600 A alors que l'on a commis une erreur de positionnement 4 mm  de la caméra (celle-ci est avancé de 4 mm par rapport au plan de pose). Pour obtenir une image nette, le doublet doit être déplacé de 2 mm (soit une rotation de 2 tours puisque le pas du filet du barillet porte-objectif est de 1mm/tour). Voici le résultat lorsque l'objet observé est supposé ponctuel (le cadre fait ici 50 microns de coté) :

On constate que la figure d'astigmatisme tourne sensiblement, y compris pour la longueur d'onde centrale (6563 A), alors que l'axe de dispersion est toujours horizontal dans cette figure.

La dégradation de la qualité image devient encore plus évidente si on tiens compte du fait que l'étoile n'est pas vue comme un point, mais qu'elle présente un disque de seeing. Si la taille linéaire du disque de seeing est de 35 microns au foyer, les taches images deviennent (le cadre fait 100 microns de coté) :

Par rapport à une configuration où le spectrographe est correctement mis à l'infini, l'erreur de 2 mm sur le doublet conduit à une dégradation de la résolution spectrale au niveau de la raie Halpha d'un facteur deux. La dégradation atteint un facteur 3 dans le rouge !

Il ne faut surtout pas oublier de régler le collimateur dans un spectrographe. Son rôle doit bien être celui de rejeter l'image de la fente à l'infini au niveau du réseau. Dans le cas de LHIRES III il faut s'arranger pour que l'erreur de position de la caméra ne soit pas bien supérieure à 2 mm (1 mm sur la position du doublet).

Comment régler la mise à l'infini du spectrographe (la collimation) ?

1 - Retirer le support du réseau à diffraction.

2 - Depuis l'ouverture ainsi libérée, observer la fente avec un équipement qui donne une image nette d'un objet à l'infini. Par exemple, une petite lunette avec réticule. Mais le plus simple est d'utiliser un boîtier reflex numérique équipé d'un téléobjectif d'une focale si possible égale ou supérieure à 200 mm (c'est-à-dire au moins égale à la distance focale du doublet principal de LHIRES III). A la rigueur, un téléobjectif de 135 mm peut encore donner un résultat correct, mais de manière moins confortable (petite baisse de précision, mais avec un effet assez marginal en pratique). Dans l'exemple de la photographie ci-dessous on se sert d'un objectif de 400 mm de focale. Au préalable, cet objectif est focalisée à l'infini en visant un objet lointain et en s'assistant de l'autofocus du boîtier. Une fois cela fait, l'autofocus est débrayé lors des mesures sur le spectrographe.


Observation de la fente avec un téléobjectif.

3 - La fente est éclairée avec une lumière blanche (lampe de bureau, ...) par l'ouverture d'interface avec le télescope. On peut aussi se servir de la lampe néon intégrée comme source de lumière.

4 - Compte tenu que la fente est légèrement hors axe par rapport au doublet interne du spectrographe, il est normal que pour centrer l'image de la fente sur le capteur du boîtier reflex on doivent donner un petit angle dans le plan au téléobjectif.

5 - Faire une photographie de la fente. Apprécier sa netteté. Tourner d'un quart de tour le barillet porte doublet, et refaire une photo. Analyser si l'image est plus nette ou moins nette. Suivant le cas, tourner dans un sens ou dans un autre le barillet et par approche successive, obtenir une image de fente bien nette.


Photographie de la fente éclairée par la lampe d'étalonnage néon. Chercher à la rendre la plus fine possible.

C'est le test important à réaliser. C'est lui qui garanti la bonne collimation.

6 - A ce stade, le doublet envoi bien une image de la fente à l'infini. Repérer la position sur le doublet :


Une bout de ruban adhésif collé sur le barillet sert de repère pour la mise à l'infini.
On voit ici le barillet par l'une des trappes d'accès.

7 - Il reste à vérifier que la caméra est bien au foyer du doublet. Si par exemple la caméra est un boîtier reflex, utiliser le doublet comme un petit téléobjectif (de 200 mm de focale) et avec cet ensemble, viser un objet à grande distance :


La caméra du spectrographe est ici un boîtier reflex. Lors du réglage, et alors que le réseau à diffraction est retiré,
cette caméra sert en quelque sorte d'oculaire à la petite lunette constituée par le doublet.


Le doublet achromatique vu par le plan de pose du réseau. Noter un masque en papier Canson noir autour
du barillet de manière à mieux isoler la cavité réseau de la lumière parasite.

Ci-après, une image caractéristique réalisée avec le doublet du spectrographe utilisé comme objectif de l'appareil photo numérique :

 

Attention, cette observation permet seulement d'approcher la mise au point. En effet, l'image optimale n'est pas nécessairement la plus nette car le meilleur plan de mise au point pour la fonction spectrographie présente une figure d'astigmatisme. Cette petite expérience est facultative, mais plaisante à réaliser.

 8 - L'ajustement final est réalisé en focalisant la caméra elle-même, en l'avançant ou en la reculant. Il ne faut plus déplacer le doublet, si ce n'est pour un ajustement fin de la mise au point, pour la touche finale. Le plus simple pour cela est de remettre le réseau en place et d'observer la netteté des raies du néon de la lampe interne.


Les raies du néon au voisinage de la raie Halpha (la dispersion est verticale - appareil photo 350D).
La focalisation n'est pas correcte, remarquer le dédoublement des raies.

 
La focalisation est bien réalisée. A la fin, on agit sur le doublet, légèrement (on peut tolérer un demi tour
par rapport à la position trouvée lors de la collimation et à la limite un tour complet dans les cas difficiles, mais pas plus).
Il est possible apprécier aisément l'évolution de la finesse des raies sur un rotation de moins de 1/4 de tour
du barillet. C'est ce niveau de précision qu'il faut viser.

Le spectrographe LHIRES III est ainsi conçu qu'en montant un boîtier reflex avec la bague T de la marque, la mise à l'infini du spectrographe est quasi automatique. Observer un spectre net (en tournant le barillet du doublet) garanti que l'image de la fente est à l'infini dans l'espace du réseau.

Une petite difficulté surgit avec les appareils photo entièrement défiltré (le filtre de rejection infrarouge d'origine est retiré). Dans ce cas, il faut avancer le boîtier de 1,6 mm environ vers le spectrographe pour retrouver un spectre net (afin de compenser la perte de chemin optique à cause du retrait du filtre). J'ai pour cela aminci de 1,3 mm une rondelle assurant l'interface bague T avec le spectrographe. On en peut l'amincir plus car l'appareil photo est alors trop plaqué au spectrographe et ne peut plus être monté (c'est le cas pour le Canon 350D). L'écart de 0,3 mm par rapport à la côte optimale  n'a qu'un effet marginal sur la qualité image. C'est un cas caractéristique où il faut agir sur le barillet pour assurer la netteté au final, mais la rotation étant faible, la collimation demeure suffisamment assurée.


En bas à gauche, la rondelle d'interface d'origine. En bas à droite, une rondelle du même type, mais amincie de 1,3 mm.


4. INVERSION DU DOUBLET

Ce tromper de sens de montage du doublet achromatique de 200 mm de focale conduit à une dégradation considérable de la qualité image. En particulier, l'objectif travaillant à l'envers il ne corrige pas du tout l'aberration de sphéricité. Un spectre est sûrement observable, mais difficile à focaliser car peu contrasté compte tenu de la diffusion. La résolution spectrale est très médiocre. Les taches images correspondant à cette inversion sont présentée ci-dessous :

Pensez à bien à identifier le sens de montage du doublet lors de l'intégration d'un kit LHIRES !

Comment reconnaître le sens de montage du doublet (voir figure ci-dessous) ?

- Méthode 1 : identifier la face la plus bombée du doublet en mettant un face puis l'autre sur une surface plane et en regardant l'objectif de profil. La face la plus bombée est a orienter vers le réseau.

- Méthode 2 : il y a une très légère différence d'épaisseur des deux lentilles collé quand on examine le champ. La lentille la plus mince sur le bord (2.8 mm) est celle qui doit être orientée vers le réseau.

Sens de montage du doublet de 200 mm de focale.


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