Observatoire de Castanet-Tolosan
Etat de la pollution lumineuse


Je réalise la plupart de mes observations spectrographiques dans un milieu semi-urbain, au sud de la ville de Toulouse, dans la commune de Castanet-Tolosan. La pollution lumineuse est sévère, provenant d’une grande quantité de lampadaires, type boule, éclairant généreusement la voûte céleste, contre tout bon sens et au détriment de la chaussée. Il est difficile de voir des étoiles de magnitude 3 dans un tel ciel.



L'observatoire de Castanet-Tolosan.



La pollution lumineuse à l'observatoire de Castanet-Tolosan est provient pour l'essentiel
de lampadaires boules à vapeur de sodium haute-pression, ce qui donne une tonalité jaune caractéristique au ciel nocturne.

De nouveaux lotissement ce construisent régulièrement autour de l'observatoire, toujours accompagnées de leur éclairage boule au sodium - la périphérie de Toulouse s'étend de plus en plus. Un nouveau type de lampadaire a même fait son apparition dans mon paysage nocturne déjà bien chargé, très blanchâtre, ne s'allumant fort heureusement que par intermittence, au passage de piétons. Après avoir craint un instant des lampes de type LED (probablement la plus grande catastrophe en matière d'éclairage urbain pour nous astronomes, car l'essentiel du spectre électromagnétique visible est affecté, mais aussi pour les usagers, soumis à une lumière très agressive), fort heureusement dans mon malheur, ce nouvel éclairage provient de lampes à phosphores fluorescents excités par des raies du mercure, du même type que les lampes à basse consommation d'énergie. C'est un moindre mal...

On évalue dans cette page les dégâts occasionnés par cette pollution lumineuse et l'impact lors d'observations spectrographiques, l’une des rares activités astronomiques de pointe envisageable dans un tel environnement.
 

Pollution lumineuse observée depuis le site de Castanet-Tolosan,
provenant pour l'essentiel par des lampes sodium haute-pression.
 

Par intermitence, au passage de piétons, une rampe de lampadaires s'allume durant une période de 5 minutes. Cet éclairage d'apparence blanche s'avère produit par des lampes fluorescentes.


Images de la partie visible du spectre (colorés artificiellement) obtenues avec un spectrographe LISA (résolution de R = 1000), équipé d'une caméra Atik460EX et monté à l'arrière d'un télescope Celestron 9.

L'image du haut montre le spectre observé lorsque le télescope pointe vers des lampes sodium. La pollution est essentiellement centrée autour du doublet jaune du sodium, donnant cette lumière jaune si caractéristique (à l'endroit même du doublet du sodium, vers 5895 A, le gaz haute pression est très absorbant, ce qui produit l'échancrure noire au centre de la zone d'émission).

La deuxième image en partant du haut est le spectre de l'éclairage "blanc" récemment installé. Les raies très fines (dont une intense dans le bleu), sont produites par de la vapeur de mercure. Les raies ultraviolettes de ce gaz excitent un dépôt fluorescent déposé sur la face intérieure de la lampe, qui produit la distribution de raies observées dans le visible. Ces raies sont assez diffuses.

La troisième image en partant du haut est réalisée en pointant le télescope vers le ciel, en direction de la brillante nébuleuse planétaire NGC 40 (pose de 5 x 600 s par une nuit assez pure). Le spectre montre à la fois les raies d'émission type d'une nébuleuse planétaire, mais aussi la pollution sous-jacente - largement dominée par les lampes sodium HPS. On note que la région de la raie Halpha (dans le rouge) est assez peu affectée par la pollution. C’est ce qui permet de réaliser dans un tel observatoire des études de valeurs scientifiques dès lors que l'instrument est bien adapté à la situation. Ici j'utilise un spectrographe capable de bien discriminer ce qui provient des astres et ce qui provient des lampadaires. Le doublet bleu vert de l’oxygène des nébuleuses [O III] est lui-même bien détaché grâce à la résolution spectrale du spectrographe (c’est une autre affaire avec des filtres spectraux, qui doivent ici être de bande passante très étroite pour éliminer la pollution dans cette partie du spectre). Par ailleurs, le fond de ciel dans l'infrarouge ou le bleu profond est très sombre. En revanche, la raie jaune de l'hélium, à 5876 A, est fortement affectée par la pollution.

En bas, le spectre 2D de la nébuleuse NGC 40 après avoir retiré numériquement la brillance du fond de ciel (une procédure standard en spectrographie). Malheureusement, le bruit de photons induit par le fond parasite ne pas être éliminé, ce qui limite la détectabilité dans la partie jaune.


Les conditions d'observation de la nébuleuse NGC 40. La fente d'entrée du spectrographe LISA (le trait noir vertical), de 23 microns de large, est positionnée pour obtenir une section du spectre de la partie est de la nébuleuse. Le fente est bien visible par contraste, car le fond de ciel est très lumineux (concernant cette nébuleuse, voir ici).

 

Détail de la partie jaune-rouge du spectre de la nova Monocerotis 2012, pris en novembre 2012, avec un Celestron 9 et un spectrographe Lhires III équipé d'un réseau de 600 traits/mm (somme de 8 poses de 300 secondes). La raie Halpha est très élargie par la vitesse d'expansion des gaz (effet Doppler) - voir ici pour plus de détails. Noter la présence de deux raies fines de la pollution lumineuse, à 6154 et 6161 A, qui peuvent aider à étalonner les spectres en longueur d'onde absolue (la pollution peut avoir malgré tout du bon). Tout à gauche, au cœur de l'absorption du doublet jaune du sodium, les raies de ce doublet sont très faiblement visibles en émission.

Spectre des lampadaires au sodium haute-pression (spectrographe LISA, R = 1000). On note que la zone de la raie Halpha (6563 A)
est faiblement polluée par une lumière parasite diffuse provenant du pied de l'émission jaune (fond continu).

Spectres des lampes "basse consommation" de l'éclairage urbain (spectrographe LISA, R = 1000).

Spectre de la nébuluse NGC 40 avec superposition du spectre de la pollution lumineuse pris au même moment.

Le spectre de la nébuleuse NGC 40 après le retrait numérique du fond de ciel (traitement ISIS).
Le spectrographe permet de bien faire le distinguo entre ce qui est artificiel et naturel. C'est l’une des raisons qui explique que l’on
puisse conduire des observations très efficaces en ville. Clairement, astronomie et astrophysique sont encore du domaine du possible
dans notre environnement urbain si on s’équipe d’un bon spectrographe.



Assez loin vers l'horizon (à 3 ou 4 km de mon observatoire), les lampes d'un stade peuvent aussi s'allumer. On est ici confronté à un éclairage à base d'iodures métalliques (iodures de mercure, de sodium, d'indium, de thallium), à l'origine d'un spectre très riche en raies. En haut, on reconnait le spectre d'une lampe sodium haute pression. En bas, le spectre des lampes de "mon" stade, avec deux contrastes d'affichage. En regard de l'éclairage ambiant au sodium qui perture mon observatoire, ces lampes, rarement mise allumées dans mon cas, ne causent pas de gène bien perceptible (heureusement, car le contenu spectral rendrait pour le coup impossible la pratique de la spectrographie astronomique !).
 



Comme on peut le constater, le spectre du ciel nocturne urbain de mon observatoire est peu pollué dans le rouge profond et l'infrarouge (c'est une situation générale en ville). C'est au point que les raies qui dominent cette partie du spectre sont en fait les raies de la fluorescence de la haute atmosphère terrestre (radical OH). Ici, on est presque a égalité avec la pollution nocturne présente dans les meilleurs observatoires terrestres ! L'image ci-dessus montre une observation dans le rouge profond du microquasar SS433 réalisée depuis l'observatoire de Castanet-Tolosan avec un spectragraphe LISA (version IR à R = 800). monté sur un telescope C11 (temps de pose de 10 x 600 s = 6000 s). Pour plus d'informations sur les microquasars,
clichez ici.

Image en négatif à haut contraste du ciel nocturne dans l'infrarouge. Seule une raie intense du sodium à 8190 A polue la région.

Identification des raies du ciel nocturne dans le rouge profond. Les raies indiquées en bleu proviennent des lampes sodium HPS. On note la raie coronale à 6300 A, faiblement visible (l'une des raies qui illumine les aurores boréales). Les raies OH de la haute atmosphère font l'essentiel de la  signature spectrale dans l'infrarouge. Cliquez sur la graphe pour agrandir.
 


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