Osez les petits diamètres en spectographie !


Cette page décrit le mode opératoire et les performances atteintes lorsqu'on associe un spectrographe LISA ou LHIRES III à un télescope de petit diamètre - ici des lunettes de 85 à 106 mm de diamètre seulement. Les lunettes astronomiques en question sont optimisées pour la photographie astronomique grand-champ. Il s'agit des modèles FSQ-85ED et FSQ-106 de la marque Takahashi, des instruments réputés pour leur très haute qualité optique. Dans les deux cas, ce sont de lunettes apochromatiques, c'est-à-dire qu'elles présentent une aberration chromatique faible, une propriété importante en spectrographie.

Certes, la surface collectrice photonique est ici bien plus réduite que celle des télescopes habituellement utilisés en spectrographie, dans la gamme des C8 à C14 pour fixer les idées (soit des diamètres allant ce 200 à 355 mm). La sanction est immédiate : la magnitude limite atteinte pour un temps d'intégration donné est dégradé avec nos petits instruments. On donne une évaluation de cette perte en détectabilité à la fin de la page.

Cependant, l'usage d'un instrument de petit diamètre n'a pas que des désavantages. En particulier, nous sommes moins sensibles à la turbulence et il est donc possible d'utiliser une fente significativement plus étroite, et donc gagner en résolution spectrale. Sur le papier, le gain en résolution est inversement proportionnel au diamètre du télescope. Par exemple, en passant d'un diamètre de 280 mm à un diamètre de 85 mm, la résolution spectrale doit croitre d'un facteur 3 ! En pratique ce n'est pas le cas en raison des aberrations optiques propres au spectrographe et du phénomène de diffraction. En revanche, si on décide de travailler à iso résolution spectrale avec un petit diamètre de télescope, et donc sans modifier la fente, la finesse des images au foyer permet de collecter un flux supérieur (la fente bloque moins les rayons de l'étoile pour un seeing donné). Donc la perte en magnitude limite liée au diamètre du télescope est en partie compensée par le gain en transmission de la fente.

On peut encore souligner qu'il est en règle générale plus facile d'utiliser un petit télescope : grâce au grand champ de vue les objets sont plus faciles à pointer. L'autoguidage est aussi plus simple. De plus, la monture est plus compacte, ce qui est un atout en termes de mobilité, un avantage tout à fait décisif pour certains observateurs.

Enfin, dans le cas particulier des lunettes astronomiques, la mise en route de l'instrument est souvent plus rapide et le fonctionnement plus sur par rapport à celui d'un télescope de gros diamètre (insensibilité au déréglages en particulier). J'ai personnellement toujours apprécié l'usage des lunettes pour ces dernières raisons. Et puis... une lunette astronomique, est tout simplement plus belle qu'un télescope à mon gout personnel, ce qui ajoute de l'agrément au plaisir d'usage !

Les photographies ci-après illustrent le dispositif expérimental avec une lunette FSQ-106. On utilise ici un spectrographe LISA (société Shelyak) monté directement au foyer via le coulant 31,75 mm :

Adaptation du spectrographe LISA sur une lunette FSQ-106. La caméra d'acquisition principale est un modèle ATIK314L+ (boitier rouge).
La caméra de guidage est un modèle ATIK Titan (boitier bleu).

Le diamètre de l'objectif réfracteur de la lunette FSQ-106 (un quadruplet en fait) est de 106 mm et le rapport F/D de 5, soit la limite juste acceptée par LISA (il est possible de travailler avec un télescope plus ouvert encore, mais c'est alors LISA qui fixe l'ouverture effective du système à F/5 – et dans ce cas, le télescope n’est pas utilisé optimalement et du flux optique est perdu). La lunette FSQ-106  est l'un des premiers modèles de cette série, constituée de verres fluorine. La fluorine est un produit cher et difficile à utiliser (il est hygroscopique) qui a été remplacé dans la version actuelle de la FSQ-106 par du verre ED (FSQ-106ED). Elle  offre le même degré de performance que le modèle initial à base de fluorine.

Voici un test de cette configuration en visant la nébuleuse d''Orion. La photographie ci-après est l'image caractéristique de la nébuleuse M42 délivrée par la caméra de guidage de LISA (temps de pose de 5 secondes). Le trait vertical sombre est l'image de la fente d'entrée du spectrographe, d'une largeur de 23 microns :

Pose de 5 secondes de la nébuleuse Messier 42 réalisé à partir d'une caméra FSQ-106 et la caméra de guidage ATIK Titan. La fente d'entrée (ici de 23 microns de large à intercepte une région de la nébuleuse facile à identifier : le dispositif LISA montre simultanément l'objet et la fente. Grace à la courte focale de la lunette (F = 530 mm), le champ couvert par la fente longue est particulièrement grand.
 



Image 2D du spectre de la nébuleuse d'Orion. Temps de pose de 11 x 120 secondes (22 minutes cumulé). Lunette FSQ-106 et spectrographe LISA. En haut une vue avec affichage positif, en bas une vue en négatif à haut contraste pour montrer les raies faibles. On note que la nébuleuse produit un faible spectre continu en plus du spectre de raies en émission. Fente de 23 microns.

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Profil spectral étalonné de Messier 42 affiché avec deux niveaux de contraste sur même graphique.
On note que des raies très faibles relativement à Halpha peuvent être détectées.

Ci-après, image de la nébuleuse Messier 1 prise avec la caméra de guidage ATIK Titan qui équipe le spectrographe LISA. Le temps de pose est de 30 secondes. La fente de 23 microns coupe l'image de la nébuleuse en deux. Cette fente est bien visible car le ciel est très lumineux (pollution lumineuse + forte Lune) :

Pose de 30 secondes centrée sur le résidu de supernova Messier 1. La brillance du fond de ciel, très élevée à l'observatoire de Castanet, et noie quasiment le signal de la nébuleuse en imagerie traditionnelle.


Le spectre correspondant de la nébuleuse Messier 1. Le temps de pose est de 5 x 600 secondes. Les raies en émission son considérablement déformées par l'effet Doppler associé à la vitesse d'expansion des gaz. A droite, on trouve essentiellement les raies d'émissions de l'hydrogène, de l'azote et du soufre. La partie à gauche est dominée par la raie de l'oxygène interdite à 5007 angströms. Cette dernière forme un anneau quasi complet, ce qui est impressionnant. Cet anneau mesure 17 pixels bord à bord suivant l'axe spectral. Sachant que la dispersion moyenne du spectrographe LISA dans la configuration utilisée (caméra Atik 314L+) est de 2,57 angströms/pixel, on déduit que l'anneau est large de 43,7 A, ce qui représente une vitesse d'expansion des gaz de +/-1300 km/s par rapport à la position de repos.




Image brute du spectre de Messier 1, avant le retrait du fond de ciel ou encore du signal thermique. Le spectre de la nébuleuse est noyé dans la lumière de lampadaire à haute pression de sodium. De plus, le fond de ciel est illuminé par la lumière de la pleine Lune (spectre solaire en arrière fond). Malgré ces difficultés, après traitement, le spectre de la nébuleuse peu êtrait assez efficacement.

Ci-après l'image 2D d'un spectre d'étoile chaude issus de la lunette FSQ-106 (F/D = 5) et du spectrographe LISA (fente de 23 microns) :

Spectre à deux dimensions de l'étoile HD43378, de type spectral A3V. Deux contrastes d'affichage sont proposés afin de mieux détailler la largeur du spectre en ces diverses parties. Comme à l'accoutumé, le bleu est à gauche et le rouge à droite.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. 

Le premier constat est que le spectre est très fin. Le chromatisme est très bien maitrisé du rouge jusqu'au bleu, jusqu'à la longueur d'onde de 4320 A environ. La lunette apochromatique fait très bien le travail. Pour une longueur d'onde plus courte que cette limite, en direction de l'ultraviolet, le spectre s'évase et la résolution spectrale ce dégrade. Il est difficile de savoir qui de la lunette ou du spectrographe est le responsable majoritairement. Cette responsabilité est probablement partagée, mais il faut souligner que le spectrographe LISA délivre sur le papier des spectres corrects que pour des longueurs supérieures à 4000 A dès lors que le faisceau d'entrée est ouvert à F/5 (la limite acceptable pour ce spectrographe). Donc le résultat est cohérent avec l'attendu.

On s'intéresse à présent à la voie de guidage/pointage. La courte focale de la lunette offre un champ généreux et des étoiles très fines. L'exemple caractéristique ci-après montre comment est visée puis guidée une étoile :
 

 

Aspect de l'étoile Be HD248390, de magnitude V=10.1, au voisinage de la fente d'entrée du spectrographe LISA. L'instrument est la lunette FSQ106 utilisée à F/5 et la caméra guidage est le modèle Atik Titan, La fente fait 23 microns de large. Elle est particulièrement bien visible car le fond de ciel est généreusement illuminé par une forte Lune et la pollution lumineuse.

 

L'étoile HD248390 est à présent positionné dans la fente d'entrée du spectrographe pour réaliser son spectre. L'étoile cible disparait quasi totalement. On note la finesse des images. Le temps de pose est ici de 15 secondes, mais lors de l'acquistion du spectre, le guidage est réalisé sur une étoile brillante du champ avec un temps de pose qui n'est plus que de 2 secondes.

Malgré le petit diamètre du télescope, il est possible de réaliser un travail scientifique, par exemple participer au programme de surveillance des étoiles Be (BeSS). Ici l'exemple de la faible étoile Be HD248390 (V = 10) :



Le spectre de l'étoile HD248390. On remarque la raie Halpha est en intense émission.
Notre configuration permet sans grosse difficultée d'observer des étoiles aussi faibles que la magnitude 10.

L'usage du spectrographe LISA a aussi testé sur une lunette moins couteuse que la FSQ-106, mais aussi de plus petit diamètre, à savoir la FSQ-85ED :



Le spectrographe LISA monté au foyer direct d'une lunette FSQ-85ED.

Le diamètre de la lunette FSQ-85ED est de 85 mm, avec un objectif ouvert à F/5,3 (soit une distance focale de 450 mm). Le spectre est encore plus fin suivant l'axe spatial (perpendiculaire à la dispersion), pas bien plus large que 1 pixels du détecteur de la caméra Atik314L+ (1 pixel = 6,45 microns). Le risque d'aliasing est sérieux. C'est phénomène de battement de l'image du spectre enregistrée en raison d'un échantillonnage insuffisant de l'information. Cela peut conduire à l'apparition de structure périodique artificielle dans l'allure du profil spectral.

Dans l'exemple suivant on montre deux extraits d'images brutes du spectre de l'étoile HD43378. En haut, le spectre acquis en faisant bien attention à ce que la trace du spectre soit parallèle aux lignes. L'écart angulaire (défaut de tilt ou d'inclinaison de la trace), est inférieur à 0,01°. En bas, le spectre de cette même étoile, mais en ayant volontairement pivoté d'un petit angle la caméra autour de son axe optique. Le défaut d'angle de tilt est maintenant de 0,79°.



 

Spectres bruts de l'étoile HD43378 obtenues en plaçant le spectrographe au foyer F/5,3 de la lunette FSQ-85ED. Lors de l'acquisition du spectre du haut la caméra est soigneusemennt orienté pour que la trace du specrtre soit bien horizontal. En bas, l'orientation de la caméra est volontairement déréglée. Le temps de pose est ici de 60 secondes avec une fente de 23 microns.

Lorsque le tilt est significatif et que le spectre est bien fin (c'est le cas ici, la largeur est proche de 1 pixel), la trace de ce dernier ce projète sur des structures intrapixels variables avec la longueur d'onde. Le résultat ce traduit par des erreurs photométriques comme l'illutre le graphique ci-après :



En bleu, le profil spectral associé à un trace de spectre bien horizontale. En rouge, le produit spectral extrait de la trace incliné (tilté) de 0,79°. Dans cette dernière situation, des "vagues" artificielles typiques apparaissent dans le profil.

L'enseignement à tirer est qu'il faut toujours veiller à ce que la trace du spectre soit bien horizontale (par rapport à la grille de pixels du détecteur) au moment de l'acquisition. C'est particulièrement vrai avec une configuration télescopique qui produit un spectre spatialement fin, sous peine d'introduire des erreurs significative d'évaluation du continuum. C'est le cas ici avec les lunettes FSQ-85 et FSQ-106 qui génèrent des spectres très fins sur un large domaine spectral. Un moyen pour contrer cette difficulté est de décaler légèrement l'image de l’étoile suivant l'axe long de la fente entre deux acquisitions élémentaires du spectre. L'erreur radiométrique est alors réduite par moyenne au moment de l'addition de ces poses élémentaires. J'ai choisi une autre approche (pas incompatible), qui permet de faire deux pierres deux coups en gagnant aussi sur la résolution spectrale.

L'idée est d'introduction une lentille de Barlow 2X dans le chemin optique de la lunette FSQ-85ED. Le but est double :

- augmenter la largeur du spectre du fait que la focale passe de 450 mm à 900 mm environ et donc réduire les risques l'erreur radiométrique illustrés ci-avant ;

- améliorer la qualité image dans l'ultraviolet en profitant du fait que le spectrographe (et la lunette) produit des images moins aberrantes à F/10 qu'à F/5.

La photographie suivante expose le montage expérimental. La lentille de Barlow (doublet négatif achromatique) est un modèle Astrophysics de 2 pouces :

La distance focale de la lentille de Barlow Astrophysics utilisée a été mesurée de f = -132mm. Elle est positionné à environ 140 mm
de distance de la fente d'entrée du spectrographe LISA (notez le tube allonge entre la lunette et le spectrographe).

Une fois la lentille de Barlow mise en place, le faisceau est ouvert à f/10,5 environ à l'entrée du spectrographe. Dans ces conditions, voici l'allure du spectre 2D observé :

Trace du spectre de l'étoile HD103578 de type spectral A3V capturé avec la lunette FSQ-85ED associée à une lentille de Barlow Astrophysics de 2 pouces. Le rapport F/D final est de 10,5 - c'est-à-dire que la focale est portée à 892 mm. On note immédiatement la quasi absence de chromatisme marqué : le spectre est lisible jusqu'à l'ultraviolet à 3750 A et garde approximativement la même largeur (même point de focalisation du bleu au rouge).

Les images ci-après permetent d'apprécier le changement de champ lorsqu'on vise la nébuleuse d'Orion avant et après l'utilisation d'une lentille de Barlow :

 

Aspect de la nébuleuse d'Orion (M42) depuis la caméra de guidage du spectrographe LISA accroché à une lunette de FSQ-85EDX F/5,3 (distance focale de 450 mm). Temps de pose de 1 seconde.

 

 

La nébuleuse d'Orion avec le spectrographe LISA attaché à une lunette FSQ-85EDX équipée d'une lentille de Barlow 2X (modèle Astrophysics). L'instrument est à présent ouvert à F/10,5 (distance focale de 982 mm). La finesse des étoiles demeure excellente. Temps de pose de 8 secondes.

Après la mise en place de la lentille de Barlow la distance focale de la lunette demeure suffisamment courte pour continuer à utiliser une fente de 23 microns de large sans une perte très notable de rendement (la transmission de fente demeure importante, l'angle correspondant sur le ciel est de 4,8 seconde d'arc).

Le graphe qui suit est très instructif. Il permet de juger comment évolue la résolution spectrale en fonction de la longueur d'onde pour une configuration à F/5,3 et une configuration à F/10,5 et donc, le gain de l'ajout de la lentille de Barlow :

Aspect du profil spectral de l'étoile HD43378 en fonction du rapport d'ouverture du faisceau à l'entrée du spectrographe LISA. En bleu, un faisceau à F/5,3 qui optimise le rendement sur des objets surfaciques mais qui dégrade la résolution spectrale dans l'ultraviolet. En rouge, le résultat avec un faisceau à F/10,5.

Dans les conditions de réglage du spectrographe LISA utilisé, la résolution spectrale chute brutalement pour des longueurs d'onde plus courtes que 4250 A avec un faisceau d'entrée ouvert à F/5,3. Pour des longueurs d'onde plus grande, la résolution spectrale est voisine de R=1200, ce qui est voisin de la performance maximale du spectrographe LISA.

Avec un faisceau ouvert à f/10,5 (courbe rouge), l'excellence de la résolution spectrale est prolongée jusqu'à une longueur d'onde de 3870 A environ, c'est-à-dire dans l'ultraviolet, une zone du spectre astrophysiquement intéressente (cette partie du spectre contient en particulier les fameuses raies H&K du calcium ionisé). On note dans ce graphique comment la série de Balmer de l'hydrogène est très bien défini jusque dans le proche ultraviolet alors que ces même raies sont gommées lorsqu'on travaille à f/5 (courbe bleu). En revanche, les spectres sont très similaires pour les longueurs d'onde supérieures à 4200 A environ.

De cette analyse on peut conclure que l'usage d'un faisceau ouvert à f/10 (environ) à l'entrée du spectrographe LISA est recommandé si on veut détailler la partie ultraviolette du spectre, ce qui impose ici l'usage d’une lentille de Barlow. La qualité du spectre est alors "superlative" dans l'ensemble du domaine spectral couvert avec une caméra Atik314L+. Si on se limite à l'étude du spectre à partir du bleu  moyen ou si on désire acquérir le spectre d’objets faibles à surface étendue, il est en revanche recommandé de travailler au rapport d'ouverture naturel des lunettes FSQ-XXX (soit environ f/5). Il ne faut pas hésiter à modifier le point de fonctionnement de son instrument en fonction de l'objectif visé.

La séquence de profils spectraux LISA qui suit est une comparaison entre les résultats LISA - en rouge, et les spectres issus de la librairie MILES - en bleu (la résolution spectrales des spectres MILES est ramenée à celle du spectrographe LISA). La lunette est le modèle FSQ-85ED travaillant à f/10 grâce au un complément optique "extender" décrit ci-avant.

L'allure des profils est remarquablement identique entre les deux familles de spectres. Ceci valide la configuration optique testée ici et démontre une très bonne consistance astrophysique des produits délivrés, alors même que la taille l'instrument utilisé est relativement modeste.

Ci-après, le résultat d'une observation de l'étoile Be Kappa Dra avec la lunette FSQ-85ED utilisée à f/10,5 (fente de 23 microns). Le spectre révèle de nombreux détails jusque dans le bleu. Notez que le continuum a été normalisé à l'unité pour toutes les longueurs d'onde pour disposer de l'intensité relative des raies et mieux détailler celles-ci :

 

Détail du spectre de Kappa Dra, dans la partie bleu-verte du spectre :

Une étoile Be nettement plus faible que Kappa Dra : l'objet FF Cam, de magnitude magnitude V=7,9 (une heure de pose environ avec la lunette FSQ-85ED à F/10.5) :

 

Pour finir, le beau spectre d'une étoile Be complexe (système multiple), l'étoile Beta de la Lyre, toujours obtenu avec un instrument de 85 mm de diamètre (le continuum est rectifié à l'unité) :

Le tableau ci-après indique la magnitude limite attendue avec le spectrographe LISA pour une étoile AOV (rapport signal sur bruit de 10 à l'élément de résolution) lorsqu'il est associé à un télescope Celestron 11 (D = 280 mm) et à des lunettes de 85 et 106 mm. Dans tous les cas, on considère que le seeing est de 4 secondes d'arc, que la fente fait 23 microns de large, que la caméra est une Atik313L+ utilisée en binning 1x1, et que le temps de pose est d'une heure (addition de 6 poses de 600 secondes) :

Instrument

Magnitude limite

Celestron 11 F/5.6

14.9

Celestron 11 F/10

14.4

FSQ-106 F/5

13.3

FSQ-85ED F/5.3

12.8

FSQ-85ED F/10.5

12.7

A rapport d'ouverture identique, le passage d'un diamètre de 280 mm à 85 mm fait chuter la détectivité de 1,7 magnitude. C'est très significatif bien sûr. L'observation du spectre de lointaines supernovae est à priori interdite à la lunette (voir ci-après cependant...), mais le nombre d'objets faibles observables est encore notable. Bien au-delà de la simple découverte ou de l'initiation, l'usage d'un spectrographe tel que LISA sur une lunette courte moderne permet de conduire un passionnant travail de recherche en astronomie !

Comparaison du spectre de la supernova SN2012A pris à un jour d'intervalle avec le même spectrographe, mais d'une part avec un Celestron 11 F/6  (en bleu) et une lunette FSQ-85ED F/5 (en rouge). La magnitude supernova est évaluée à V = 13.8 (source AAVSO) :


Profils spectraux comparés de la supernova SN2012A, pris avec un Celestron 11 et une lunette FSQ-85ED. Dans le premier cas le rapport signal sur bruit est évalué à 18 environ et dans le second cas à 5 seulement. Cependant les principaux traits de la supernova sont détectables dans le spectre acquis avec la lunette de 85 mm malgré la magnitude de 13,8 de la cible (par exemple une raie Halpha très élargie flanquée d'un profil P-Cygnii dans cette supernova de type II). Une forte pollution lumineuse n'aide pas non plus la détectabilité.

On note dans l'exemple précédent que la l'intensité des raies nébulaires et bien plus intense dans le spectre pris avec la lunette de 85 mm. L'explication est que la courte focale de la lunette ne permet pas de discréminer angulairement aussi facilement la supernova et une région HII voisine.



Spectre 2D de la supernova SN2012A acquis avec la lunette FSQ-85ED. Le fond de ciel a été retiré, mais des artefacts des très intenses raies de la pollution lunineuse relativement à l'intensité de la supernova demeurent visibles.



Une image classique de la SN2012A faite juste après l'observation spectrale avec la même lunette (FSQ-85ED + caméra QSI-583 - pose de 10 x 60 s).

Un autre exemple de comparaison entre un spectre acquis avec un Celestron 11 et une lunette FSQ-85ED - ici le quasar 3C273 de magnitude 12,5 :


Le spectre du quasar 3C273 observé avec un C11 (courbe bleu) et avec une lunette FSQ-85ED (courbe rouge).
L'intense raie en émission vers le centre est la raie Hbeta fortement décalée en direction du rouge.

Les photographies ci-après montrent comment utiliser le spectrographe LHIRES III avec l'astrographe FSQ-85ED. On retrouve approximativement le même ratio de magnitude limite qu'avec le spectrographe LISA pour les télescopes données en exemple. Le spectrographe n'accepte qu'un faisceau d'entrée ouvert à F/10 d'où ici l'usage obligatoire d'une lentille de Barlow pour faire passer la F/D de la lunette FSQ-85ED de 5,3 à 10,5 environ (on utilise une lentille de Barlow compacte de 1 pouce de diamètre et de -78 mm de focale, positionnée à l'intérieur du coulant de 2 pouces de l'interface LHIRES III).

 
Montage du spectrographe LHIRES III sur une lunette de Takahashi FSQ-85ED.
La distance focale de la lunette est doublée en logant une lentille de Barlow de focale f = -78 mm dans le coulant de 50 mm du spectrographe.

Exemple du spectre de l'étoile Capella observée au crépuscule obtenu avec l'installation décrite ci-avant :



Observation simultanée du spectre solaire au crépuscule et du spectre de l'étoile Capella. Pour l'occasion, le spectrographe LHIRES III était équipé d'une fente très fine de 15 microns de large et d'un réseau de 600 traits/mm. Le télescope est une lunette FSQ-85ED utilisée à F/10. Le spectre de l'étoile est volontairement élargi durant la pose de 60 secondes de manière à le rendre plus lisible. On y parvient en actionnant en permanence le mouvement lent en déclinaison de la monture du télescope de manière à ce que l'image de l'étoile se déplace suivant l'axe long de la fente lors de l'exposition. Le mouvement Doppler de Capella est facile à percevoir comme un décalage des raies stellaires entre les deux spectres. Notez la finesse des raies spectrale (le pouvoir de résolution est ici proche de R = 4900).

Le petit diamètre de la lunette facilite l'étalonnage spectral en utilsant une lampe spectrale qui éclaire l'entrée de l'objectif (c'est une configuration optimale car la lumière de la source d'étalonnage suit le même chemin que celui des étoiles) :


Allure comparée des spectres du néon obtenus avec la lampe interne du spectre LHIRES III (en bleu) et une lampe néon FILLY (en rouge)
éclairant l'objectif de la lunette recouvert d'une couche de papier calque (diffuseur).

Avec un spectrographe LHIRES III équipé d'un réseau de 600 traits/mm et une fente de 19 microns il a été mesuré un pouvoir de résolution dans le rouge de R = 3900 en utilisant la lampe néon interne et un pouvoir de résolution de R = 4300 en utilisant une lampe néon externe. L'écart peut s'expliquer par la légère différence d'ouverture des faisceaux pour ces deux sources lorsque la lumière entre dans le spectrographe. Le pouvoir de résolution de 4300 a bien été mesuré sur les étoiles (le pouvoir de résolution grimpe à R=4300 en utilisant une fente de 15 microns de large).

Ci-après le spectre 2D de l'étoile Be V695 Mon, de magnitude 5,2 (spectrographe LHIRES III 600 traits/mm sur lunette FSQ-85 à utilisée à F/D = 10) :

Le profil spectral de V695 Mon (le pouvoir de résolution est évalué à R = 4300) :

Le spectre 2D de l'étoile HD61224 de magnitude 6,5 et de type Be (somme de 7 poses de 300 secondes) obtenu avec une lunette de 85 mm de diamètre et le spectrographe LHIRES III :

Le profil spectral de HD61224 extrait avec l'aide du logiciel ISIS :

Exemple d'observation d'étoile faible :  SU Aur, de type T Tauri et de magnitude V = 9,5, qui affiche des variations rapides de la raies Halpha. Le spectre est saisis ici avec un temp de pose cumulé de 10 x 10 minutes sur la lunette de 85 mm et avec un spectrographe Lhires III (réseau de 600 traits/mm) :


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