RESEAU DANS LE FAISCEAU CONVERGENT : THEORIE


 
L’échelle du spectre dans le plan du CCD en A/mm, encore appelé facteur de plaque P, est calculé par l’équation :
avec, d la distance séparant le réseau du plan focal. Supposons que d=21 mm et que nous travaillons au premier ordre (k=1) avec m=100 traits/mm. Nous avons alors b=3,7° pour une longueur d’onde de 0,65 micron et le facteur de plaque est de P=4752 A/mm. On vérifiera que l'échelle du spectre est pratiquement indépendante de la longueur d’onde, ce qui est bien agréable pour le dépouillement.

Si on considère que le CCD est sensible de 4000 A à 9000 A, l’étendue linéaire du spectre sur sera de (9000-4000)/4752=1,05 mm. De plus, si le CCD utilisé est un KAF-0400, avec des pixels de 9 microns de cotés, il est facile de calculer l’étendue du spectre en pixels : 1,15/0,009=117 pixels. De manière générale, si e est la taille linéaire d’un pixel, celui sous-tendra un élément spectral de dimension :

 
Soit, dans notre exemple, dl=9.10-3 . 4752 = 43 A.

Il ne faut surtout pas confondre la valeur de l'échantillonnage du spectre, calculé à l'étape précédente, avec la résolution spectrale. La valeur théorique de cette dernière est donnée par :

avec :

m = le nombre de traits au millimètre
L = la largeur éclairée du réseau
k = l’ordre du réseau

Si d est la distance séparant le foyer du réseau, la largeur éclairée sur le réseau lors de l’observation d’un objet ponctuel est :

avec, D le diamètre du télescope, F sa distance focale et le rapport d’ouverture F/D. Supposons :  D=190 mm, F=760 mm (N=4) et d=21 mm. On trouve L=5,25 mm et une résolution de 525. Précisons bien qu'il s'agit d'une résolution théorique car dans les faits, le réseau amène son lot d'aberrations optiques qui vont dégrader très largement cette performance.

La principale aberration affectant notre montage est la coma chromatique. Comme son nom l'indique cette aberration sera fonction de la longueur d'onde. La dimension de l’aigrette de coma chromatique exprimée en longueur d’onde est donnée par :

ou, exprimée en dimension linéaire dans le plan du spectre :
En présence de coma chromatique, la résolution devient :
On note que la résolution est indépendante du nombre de traits du réseau et de la distance réseau-foyer.

Avec N=4 et l=6500 A, la coma chromatique atteint 152 A, soit une longueur d’aigrette de 0,032 mm. La résolution est alors de 43. Le seul salut pour améliorer la situation est de travailler avec un télescope moins ouvert, mais ce n'est pas la panacée. D'une part, parce que la réduction du champ de vu n'est pas nécessairement une bonne chose si on souhaite observer de nombreux objets simultanément et d'autre part, parce que l'augmentation de la distance focale accroît de la dimension des étoiles, cette taille finissant alors par devenir la cause prépondérante de perte de résolution (voir plus loin).

La figure 4 montre des taches images dans le plan focal à 3 longueurs d’onde calculées par tracé de rayons dans la configuration optique de l’exemple.

Figure 4. Spot-diagrammes calculés par un tracé exact de rayons à travers un système comprenant un réseau de 100 traits/mm, placé à 21 mm du plan focal dans un faisceau convergent à F/D=4. A gauche pour la longueur d’onde de 0,45 micron, au centre pour la longueur d’onde de 0,65 micron, et à droite  pour la longueur d’onde 0,8 micron. Le trait horizontal représente une dimension de 0,1 mm. L’axe de la dispersion est vertical et les raies spectrales sont disposées horizontalement.
 
Une caractéristique typique d’une aigrette de coma, bien visible sur la figure 4, est que 80% de l’énergie est en fait concentrée dans une moitié de la tache image. Les formules précédentes donnent donc un résultat pessimiste. On leur substitue souvent les relations ci-après, qui tiennent mieux compte de la répartition de l’énergie dans la tache image :
Avec ces nouvelles hypothèses, la coma chromatique n’est plus que de 76 A et la résolution passe à 86.

Les images de la figure 4 sont entachées d'un léger astigmatisme. Dans notre montage celui-ci à une dimension linéaire égale à :

avec, a et b exprimés en radians.

Si a =-b, l’astigmatisme s’annule pour la longueur d’onde l0 correspondant à l’angle d’émergance b. Pour se faire il faut donc incliner le réseau pour égaler les angles d'incidence et de diffraction comme le montre la figure 5.

Figure 5. Inclinaison du réseau pour éliminer l’astigmatisme. Remarquez l'orientation de l’angle d’inclinaison par rapport à l’angle de diffraction de l’ordre exploité.

L’angle a pour corriger l’astigmatisme à la longueur d’onde l0 est fourni en radian par la formule :

L’astigmatisme dans un spectrographe ne détériore que très modérément la résolution spectrale si on s’arrange pour que la surface du détecteur soit placée dans le même plan que la focale tangentielle. Cependant, l’élargissement dans la direction perpendiculaire à la dispersion  peut être une cause de perte de détectivité.  Avec les données de notre exemple, l’élargissement du spectre à l=0,65 micron induit par l’astigmatisme est de 0,024 mm, soit une valeur du même ordre de grandeur que la coma chromatique. Aussi, incliner le réseau par rapport à l’axe optique n’apporte que peu de chose avec ces données numériques.
Figure 6. La tache image à 0,65 microns en inclinant le réseau d’environ 2° par
rapport à l’axe optique.

La dernière aberration qui affecte notre montage est la courbure de champ. En effet, le spectre ne se forme pas sur un plan mais le long d’une surface cylindrique. Le détecteur CCD étant bien sur plan, la focalisation ne pourra pas être réalisée simultanément en tout point du spectre. La présence de l’astigmatisme fait qu’il y a en pratique deux surfaces focales, l’une correspondant à l’image sagittale (l’image d’un objet ponctuel prend une forme allongée le long de la dispersion) avec un rayon de courbure égal à d, l’autre correspond à la focale tangentielle (l’image est allongée perpendiculairement à la dispersion) avec un rayon de courbure égal à d/3. C’est cette dernière surface focale qu'il faut essayer d'ammener au plus près du plan CCD en ajustant la focalisant du télescope, puisque les raies spectrales sont elles mêmes perpendiculaires à la dispersion. Les courbures sagittales et tangentielles ont leur concavité tournées vers le réseau. Une conséquence importante de la courbure de champ est que pour avoir un spectre approximativement net, l’image de l’objet à l’ordre zéro sera plus ou moins flou.

La défocalisation entre l’image d’ordre zéro et un point du spectre correspondant à l’angle de réfraction b est donné par :

A la longueur d’onde de 0,65 micron (b=3,7°) et pour d=21 mm on trouve une défocalisation de 0,13 mm, ce qui est loin d’être négligeable. Donc, il ne faut pas chercher à focaliser absolument l’image d’ordre zéro avec ce type de spectrographe, à moins d’incliner légèrement la caméra CCD par rapport à l’axe optique de manière à ce que le plan du détecteur intercepte à la fois le meilleur foyer de l’ordre zéro et un point donné du spectre.

Il est possible d’améliorer très sensiblement la qualité de notre spectrographe en ajoutant pièce optique : un prisme de petit angle au sommet dont une des faces est accolée au réseau. Si ce dernier est directement gravé sur l’une des faces du prisme on obtient un élément optique appelé GRISM, la contraction de "grating" (réseau en anglais) et de "prisme". La présence du prisme permet d’annuler complètement la coma chromatique à une longueur d’onde l0 choisie à l’avance.

Figure 7. Disposition du prisme à proximité du réseau pour annuler la coma. L’angle de déviation de l’ensemble est devenu pratiquement nul.

Si n est l’indice de réfraction du prisme, on montre que l’angle au sommet du prisme g est calculé par la formule :

Avec les éléments de notre montage et pour n=1,5 on trouve g =4,3°. Notez que puisque la dispersion linéaire est proportionnelle à la distance d séparant le réseau du CCD, et puisque l’angle du prisme est indépendant de cette distance, on a un moyen de moduler très simplement l’étendue du spectre en fonction du type d’objet étudié en modifiant la cote d, par ajout de cales ou de bagues par exemple.

La longueur de l’aigrette de coma résiduelle pour tout autre point du spectre de longueur d’onde l est :

La résolution du spectrographe est alors de l’ordre de 30A sur l’ensemble du spectre (voir la figure 8).
 Figure 8. Spot-diagramme calculés par un tracé exact de rayon à travers un système comprenant un réseau de 100 traits/mm, placé à 21 mm du plan focal et un prisme d’angle au sommet de 3,87°, pour un faisceau convergent à F/D=4. A gauche pour la longueur d’onde de 0,45 micron, au centre pour la longueur d’onde de 0,65 micron, à droite pour la longueur d’onde 0,8 micron. Remarquez que les échelles ont changé par rapport à la figure 3. La coma est quasiment annulée à 0,65 micron et seul subsiste un astigmatisme quasi pur. La dimension des taches images est telle que cette fois c’est la taille du pixel (ou du seeing) qui limite la résolution à 25 A environ. La sélection du prisme de cette simulation n’est pas due au hasard. Ce prisme existe dans le catalogue de nombreux fournisseurs de composants optiques, par exemple Melles Griot à la référence 02PRW003 (1390 F TTC), ou chez Edmond Scientific (pour moins cher, environ 35$).  Notez qu’il est possible d’obtenir des taches images encore plus petites en tournant très légèrement l’ensemble réseau-prisme autour d’un axe parallèle aux traits du réseau, mais cela complique sensiblement le montage, et le gain ne se justifie pas nécessairement compte tenu de la taille des pixels du CCD.

Pour voir un exemple concret d'utilisation du montage GRISM, cliquez ici.

Rappelez-vous pour finir que le FWHM (largeur à mi-hauteur des étoiles) détermine directement la résolution spectrale dans un spectrographe sans fente. Il faut vraiment apporté un soin particulier à la qualité du suivi, à la focalisation et au bon réglage optique du télescope. La turbulence elle-même doit être faible. Pour toute ces raisons, il est souvent plus facile de faire de bonnes images spectrales avec de courtes focales qu'avec des longues (un simple téléobjectif bien corrigé du chromatisme peut être aussi efficace qu'un télescope de 200 mm sur le plan de la résolution spectrale). Si le FWHM est de 2 pixels et si la dispersion est de 47A/pixel, il ne sera pas possible d'obtenir une résolution spectrale meilleure que 2 . 47 = 94 A.

Si vous faites des applications numériques avec le formalisme développé dans cette page, et si vous prenez en considération la dimension de la surface sensible du votre CCD et l'objectif affiché d'étudier des objets faibles, il apparaît que le réseau idéal aura 70 à 150 traits/mm tout au plus. C'est une considération très importante dans le choix du disperseur. Attention, des réseaux ayant 300, 600, voir 1200 traits/mm, sont plus courant que des réseaux ayant 100 traits/mm, pourtant c'est bien ce dernier qu'il faut impérativement sélectionner.