Spectrohéliographie

Partie 1 : traitement avec le logiciel ISIS

Partie 2 : observation avec le spectrographe Alpy 600

by Christian Buil

Partie 1 : traitement avec le logiciel ISIS

Cette page décrit comment utiliser le logiciel ISIS (à partir de la version 5.8 et au dessus) pour traiter des données acquises en mode spectrohéliographique. On rappelle que cette technique consiste à acquérir des spectres successifs et à un rythme régulier alors que l’image du disque solaire défile continûment sur la fente d’entrée du spectrographe (voir l’image ci-dessous). Le mouvement du soleil est obtenu, soit en arrêtant le moteur d’entrainement de la monture, soit en modifiant la vitesse de suivi. Pour d’autres détails sur cette technique cliquer ici ou ici (observations Lhires II).

La caméra électronique à employer est un modèle capable de produire un flux vidéo régulier à une relative haute cadence. En l’espèce, j’ai employé un modèle ASI1600MM (ZWO) équipée d’un capteur CMOS Panasonic mn34230pl.  Une caméra telle que l’ASI178MM, au détecteur de taille plus modeste, serait aussi parfaitement approprié (et même plus agréable à employer car l’ordinateur d’acquisition est sensiblement moins sollicité).  Pour les observations spectrohéliographiques, la zone image acquise est ici circonscrite autour de la raie spectrale d’intérêt (la raie Halpha), ce qui libère de l’espace disque et fluidifie l’acquisition.

 

Le logiciel de capture (FireCapture) produit un fichier vidéo de type SER, qui préserve les 12 bits de dynamique qu’offre la caméra ASI1600MM. Ce fichier peut être lu par le logiciel ISIS pour extraire les trames individuelles, nous verrons comment plus loin.

 

J’ai obtenu les données de cette démonstration lors d’une observation réalisée le 26 novembre 2016 (Castanet-Tolosan). Les conditions était difficiles : soleil proche de l’horizon, très forte turbulence et arrivée imminente de nuages. Le télescope employé est un C8 (Celestron) équipé à l’entrée d’un filtre atténuateur Astrosolar de Baader (filtre version photographique). Le spectrographe est un modèle Lhires III monté avec un réseau de 2400 traits/mm et une fente de 18 microns de large. Un filtre Halpha de 7 nm (diamètre 2 pouces) et placé à l’avant de la caméra pour réduire l’effet de la lumière parasite générée par le spectrographe. Les photographies ci-après montrent cet équipement.

Le fichier traité dans cette démonstration est de type SER (dans ce format, les trames successives sont codés de manière simple sur 16 bits). Les outils pour extraire les données de ce type de fichier se trouvent dans l’onglet « Outils/Vidéo ». Un de ces outils retourne la taille des trames et le nombre de trame dans un fichier SER. Dans l’exemple à gauche, on note que le fichier « Sun_101312.ser » contient 1125 trames.

Il est possible d’extraire l’ensemble des trames d’un fichier SER en une séquence d’images FITS individuelles, comme cela est montré sur l’exemple à droite.  Noter que l’outil en question permet, si on le demande, de réaliser un détourage (délimité par les coordonnées (x1, y1) - (x2, y2)). Dans l’exemple on produit une séquence i-1, i-2, i-3, …, i-1125.fit dans le répertoire de travail. On peut aussi ne décoder qu’une portion d’un fichier SER (on donne alors le numéro des trames d’arrivée et de départ). La valeur du pas correspond au pas d’échantillonnage de l’intervalle ainsi défini. ISIS moyenne les trames dans cet intervalle, ce qui est un moyen de réduire le bruit éventuel.

Nota : vous pouvez choisir d’extraire une seule trame de rang N dans un fichier SER en faisant par exemple :

La forme des raies est très fortement incurvée dans les spectres issus du spectrographe LHIRES III à cause de la configuration hors-plan adoptée dans cet instrument. C’est l’effet de « smile ». A gauche, l’image d’une des trames parmis les 1125.  La courbure des raies est bien visible. Elle doit être rectifiée.

Un outil est spécialement disponible dans ISIS pour corriger l’effet de smile pour toutes les images d’une séquence. Les paramètres de la distorsion sont a trouvé par essais successif (le commande SMILE existe en ligne pour vous aider). Ici les paramètres sont un rayon de courbure de 19000 pixels et une cordonnée du centre de la figure de smile à Y = 0 (environ).  Le but en fixant ces paramètres est d’obtenir des raies bien droites et verticales, comme l’indique l’exemple à droite.

Après la correction des distorsions géométriques des raies, nous pouvons à présent aborder la question de l’obtention de l’image composite. On emploie pour cela l’outil « Scan2Fits », comme illustré ci-dessus. Le résultat recherché est présenté à gauche, après la conversion des images de la séquences de scanning i-1, i-2, … en une image monochromatique, que l’on nomme ici « t.fit » (choix arbitraire). Cette dernière fait 1125 pixels de large et s’avère fortement distordue entre l’axe vertical et horizontal en raison du choix de la fréquence d’acquisition en regard de la vitesse de défilement du disque solaire sur la fente d’entrée du spectrographe. Comme on souhaite isoler l’information contenu dans la raie Halpha, cette coordonnée X représente le centre de la raie en question suivant l’axe horizontal (ici X = 492).

Une proportion plus exacte entre les axes s’obtient en appliquant un facteur d’échelle différent entre ceux-ci via la ligne de commande SCALE et en appliquant ce calcul à l’image précédemment acquise.

La syntaxe de la commande SCALE est :

>scale [input] [output] [x_factor] [y_factor] [mode]

On choisi ici d’étirer l’image d’un facteur 0,8 suivant l’axe horizontal et d’un facteur 0,125 suivant l’axe vertical. L’image ainsi rectifiée géométriquement, que l’on nomme « r.fit », est calculée en faisant :

>scale   t    r   1,6  0,25   2

(le dernier paramètre fixe le mode d’interpolation lors du calcul. Le mode 2 offre une qualité optimale pour le type d’opération réalisé). Le résultat est présenté ci-contre.

On reconduit les mêmes opérations, en isolant cette fois une partie du spectre sans raie spectrale de manière à obtenir une image du continuum. On nomme cette image (par exemple) : « continu.fit ». On la génère à partir de la boite à outil scan2fits en faisant comme ci-contre (noter la nouvelle valeur de la coordonnée X du spectre à partir de laquelle l’image du disque est calculée, ici X = 432). Cette image du continuum solaire est mise à à la même échelle que l’image Halpha.

Ci-contre, l’image continuum du disque solaire ainsi calculée.

Nous allons exploiter cette image du continuum pour corriger le transversalium (stries horizontales liées aux irrégularités de largeur de la fente) et la non uniformité entre le haut et le bas de l’image (vignettage interne du spectrographe).  On repère une zone sans tache, vers le centre du disque, ici comprise entre les coordonnées X = 300 et X = 400, puis on applique la correction du transversalium sur l’image r.fit (image Halpha), comme indiqué à droite. La valeur du coefficient est l’intensité caractéristique de l’image « continu.fit » entre les coordonnées [300-400]. Le seuil défini une valeur d’intensité dans l’image à traiter (r.fit) en deçà de laquelle la correction du transversalium n’est pas réalisé, ce qui évite de produire des artéfacts.

A droite, l’image « rr.fit » de l’atmophère solaire après correction des défauts de transversalium.

A ce stade on peut décider de mieux détourer l’image pour éliminer des effets de bord et des zones qui semblent trop affectées par la bruit. Ici on va réaliser un fenêtrage (cropping). On utilise pour cela la commande en ligne CROP, dont la syntaxe est :

 crop [input] [output] [x1] [y1] [x2] [y2]

Nous faisons dans le cas présent :

>crop rr c 1 29 740 313

ce qui donne le résultat affiché ci-dessous.

On peut remarquer sur ce document que le disque solaire lors de l’acquisition ne se déplacait pas suivant une direction exactement perpendiculaire à l’axe long de la fente. C’est ce qui explique que le bord droit du disque « tombe » par rapport au bord gauche. Il est possible de corriger ce défaut géométrique en pratiquant un glissement des lignes distinct suivant la colonne considéré de l’image (correction du type SLANT).

 

Pour ne perdre aucune information dans l’opération, on commence au préalable à ajouter un peu d’espace en haut et en bas de l’image « c.fit » en produisant l’image « cc.fit » et en s’aidant de la commande en ligne EXTEND :

>extend [output] [input] [dx] [dy]

Ici on ajoute une zone noire de 25 pixels en haut et en bas de l’image en faisant :

>extend  c  cc  0  25

Voici le résultat :

On utilise enfin la commande SLANTY, dont la syntaxe est :

 >slanty [input] [output] [x0] [alpha]

avec x0, la coordonnée horizontale du pivot de rotation (on choisi ici le centre de l’image), et alpha, l’angle de rotation (que l’on trouve à taton). Ici nous allons faire x0=350 et alpha= 1°, d’où la commande :

>slanty cc final 350 1

avec à droite le résultat.

Il ne reste plus qu’à mettre le nord en haut en utilisant l’outil « Image permutation » de l’onglet « Traitement image 1 ». Voir le résultat à droite (remarquer l’indication d’un nombre d’image nul pour empêcher ISIS de réaliser une indexation).

Voici ci-dessus notre image finale d’une portion du disque solaire en lumière de la raie Halpha. Au besoin, d’autres scan peuvent êtres réalisés pour constituer une image globale du disque solaire par une technique de mosaïque.

Image du limbe solaire affiché à haut contraste pour mieux mettre en évidence la présence d’une protubérance.

Partie 2 : observation avec le spectrographe ALPY 600

Le spectrographe Alpy 600 (Sheyliak Instruments) est un instrument très compact et simple d’usage, spécialement conçu pour l’étude du spectre des objets  faibles du ciel à basse résolution spectrale. Ce n’est donc à priori pas du tout un instrument adapté à l’observation du ciel de la chromosphère solaire. Cependant, il est populaire, largement diffusé et d’un coût relativement modeste. Pour ces raisons, il a été très tentant de voir de quoi un tel équipement, hors norme dans le monde des SHG (spectrohéliographes), était capable dans le sujet qui nous intéresse ici. Compte tenu de la dispersion spectrale et de la taille des pixels de la caméra ASI1600MM exploitée, l’échantillonnage du spectre est d’environ 2,1 Angstroms par pixel. On peut donc considérer que la bande passage spectrale est de l’ordre de 2,1 A, ce qui est notoirement supérieure au 0,8 A généralement admis comme nécessaire pour commencer à prendre des images correctes de la chromosphère dans la lumière de la raie Halpha. On va tout de même tenter, et aussi viser les raies H et K du Calcium II, notoirement moins exigeantes en terme de finesse de bande passante.

Vue du spectrographe Alpy 600 exploité en mode spectrohéliographe, fixé à l’arrière d’un télescope Celestron 8 lors de l’observation décrite ici, effectuée le 1 décembre 2016.

Détail du montage. On notera la simplicité et la compacité pour un SHG. Pas de prise de tête ! Le spectrographe Alpy 600 est équipé de son module de guidage sur fente réfléchissante. La caméra de pointage/guidage est une ATIK314L à l’avant de laquelle est disposé une densité optique supplémentaire. La fente d’entrée du spectrographe fait 14 microns de large, la plus étroite actuellement disponible sur ce modèle.

Aspect du spectre solaire en 2 dimensions réalisé avec le spectrographe Alpy 600 et une caméra ASI1600MM. L’affichage est proposé en deux contrastes qui favorisent, soit la partie bleu ,soit la partir rouge. Le filtre BAADER Astrosolar est assez loin d’être neutre spectralement, en étant sensiblement plus transparent dans la partie bleu, avec un pic de transmission particulièrement net vers 475 nm. Le spectrographe est ici équipé d’une fente de 13 microns de large éclairée par le faisceau à f/10 du télescope. La dispersion spectrale moyenne est de 2,1 A/pixel de la caméra ATIK1600MM (exportée en binning 1x1). Noter le léger effet de « smile » (sourire) sur la forme des raies.

Spectre solaire commenté pour vous permettre d’identifier les raies spectrales. Noter les raies du Ca II (H&K) dans le bleu et la raie rouge de l’hydrogène (Halpha), classiquement exploitée pour réaliser des images de l’atmosphère solaire.

Premier résultat obtenu dans le continuum bleu (en haut à gauche) et dans raie K du Ca II (en haut à droite). Ces images sont construisent en groupant de 3 « scan » successifs de la surface solaire, assemblé à postériori par traitement d’image. A gauche, un détail du groupe de tache dans la lumière de la raie K. Durant cette observation, la turbulence atmosphèrique était particulièrement forte. Ce premier essai montre clairement qu’il est possible de réaliser des spectrohéliogramme détaillée et riche d’information dans les raies H et K avec un simple spectrographe Alpy 600 !

L’exercice est bien est bien sur moins bien engagé pour la raie de l’hydrogène à cause de la bande passante trop large (2 A). L’observation a tout de même été essayé. Au final, on peut tout de même détecter les plages faculaires sur le disque (et probablement donc des erruptions), et on peut même deviner la présence d’un filament dans le document Alpy 600 présenté dans la partie supérieure. Ce n’est pas un si mauvais résultat compte tenu du type d’instrument employé.

 

Pour comparaison, ci-contre l’image Halpha du Soleil réalisée au Pic du Midi avec l’instrument CLIMsO quasiment à la même heure. Copyright Les  Observateurs Associés / FIDUCIAL.

A gauche, détail du groupe de tache observé précédemment dans la Ca II H, mais cette fois dans la raie rouge de l’hydrogène avec une bande passante de 2 A.

 

On peut conclure que tout possesseur d’Alpy 600 peut s’essayer, au moins à titre expérimental, à observer la surface solaire et en tirer quelques informations sans avoir à modifier son équipement, et y prendre du plaisir. Ceci multiplie le champ d’application de ce petit spectrographe. On peut anticiper que la disponibilité d’une fente d’entrée plus étroite (9 microns) et l’usage d’une caméra ASI178MM (par exemple), aux pixels plus petits, devrait permettre d’améliorer encore les résultats présentés ici.