DU BON USAGE DES APPAREILS PHOTOGRAPHIQUES NUMERIQUES
EN ASTRONOMIE
Le cas du CANON EOS 10D
(version du 13 octobre 2003)


Nouveau ! Evaluation de la réponse spectrale du CANON EOS 10D - Cliquer ici    

Voir aussi ici d'autres évaluations à partir d'images prises sur le télescope de 1 mètre du Pic du Midi.


Cet article donne quelques indications sur la qualité des appareils photographiques reflex de nouvelle génération pour l'observation du ciel. Compte tenu de la baisse des coûts on assiste en effet à une révolution dans le domaine de l'imagerie astronomique, rendant celle-ci accessible à un plus grand nombre et ouvrant des perspectives complémentaires par rapport aux caméras CCD spécialisées. On évalue ici quelques performances fondamentales d'un des boîtiers numérique reflex vedettes du moment,  le Canon EOS 10D (le Canon EOS 300D, plus économique, semble doté de performances équivalentes pour l'essentiel). Pour la première fois un appareil photographique numérique à objectif interchangeable et à prix raisonnable peut être monté directement au foyer des télescopes avec une simple bague T !

   
A gauche le Canon EOS 10D, à droite le Canon EOS 300D.

Une des clefs du bon usage en astronomie des appareils numériques est la capacité à traiter correctement les images produites, ou dit autrement, la capacité à les exploiter avec les logiciels de traitement d'images astronomique. En effet, les outils de l'infographie traditionnelle, s'ils permettent de faire à la limite des retouches, sont très loin de permettre de tirer tout le partie d'un capteur électronique dans une application aussi pointue et spécifique que l'astronomie. Nous utiliserons des fonctions expérimentales du logiciel Iris pour montrer la démarche de traitement des images du 10D, mais bien d'autres logiciels ont ou auront des capacités similaires à n'en pas douter.

Les images numériques délivrées par les appareils photographiques numériques sont de deux types :

1 - celles dont le volume est réduit en appliquant un algorithme de compression de données. Souvent ceci est couplé avec une amélioration du rendu en couleur, en résolution ou/et en correction de divers défauts cosmétiques grace à un microprocesseur de calcul interne.

2 - celles qui reflètent le signal juste à la sortie du capteur (CCD ou CMOS) sous une forme numérique. On espère alors qu'aucun traitement dans le firmware de l'appareil ne vient triturer l'information.

Pour un usage "domestique" le premier type d'image convient parfaitement. En revanche, le processus de compression se fait souvent avec une perte d'informations (compression du type JPEG) qui distort irrémédiablement le contenu scientifique issue du capteur. Même dans un format comprimé sans perte d'informations comme le TIFF les ajustements qu'effectue le circuit interne de l'appareil rendent l'exploitation passablement aléatoire du moment où on cherche à réaliser des mesures ou même à procéder à des traitement rudimentaire comme l'élimination précise du signal thermique parasite généré par le capteur.

Le second type d'images est dit brut (raw en anglais). Tous les appareils ne donnent pas accès à cette information. Cependant, cette possibilité ce généralise de plus en plus. C'est en tout cas un élément de choix fondamental pour un usage astronomique de l'appareil numérique. Avec le format RAW vous vous trouvez dans la situation d'un observateur qui exploite une caméra CCD spécialisée. C'est en tout cas ce que j'essaye de démontrer dans cet article dans la perspective de l'imagerie du ciel profond.

Les images RAW de cette évaluation ont été fourni par Michel Collart, que je remercie très vivement pour la contribution déterminante à cette étude. Elles ont été acquises avec un télescope Vixen de 200 mm f/4 amélioré par l'adjonction d'un correcteur de champ Televue PARACOR. L'usage d'un correcteur de champ est indispensable compte tenu de la taille généreuse du capteur : 3088 x 2056 pixels de 7 microns de coté. Les images représentent le champ de la nébuleuse M27.

Une image couleur RAW est généralement constituée de trois groupes de pixels disposés en mosaïques. Les pixels physiques correspondant du capteurs sont par exemples recouvert de minuscules filtres rouge, vert et bleu. Cette matrice de filtres couleurs est appelée "Color Filter Array" (CFA) et l'agencement des filtres est appelé une matrice de Bayer. A chaque pixel de l'image RAW correspond donc une sensibilité chromatique, ce qui signifie en schématisant, qu'un pixel donné ne verra qu'une couleur à la fois parmi trois. La figure suivante montre la matrice de Bayer type (noter qu'il y a deux fois plus de pixels verts que de pixels rouges ou bleus) :

Voici le résultat de l'affichage d'une image RAW (champ de la nébuleuse M27 avec une pose unique de 3 minutes) :

Sous Iris on obtient ce résultat en chargeant une image avec la commande LOADCFA, par exemple : LOADCFA IMAGE.CRW. Le multiplexage spatial des couleurs est bien visible sous l'apparence d'un damier.

Pour restituer une image en vrais couleurs à partir de l'image RAW il faut interpoler les pixels manquants dans chacun des plans couleurs. C'est le dé-mozaïquage Le résultat est alors trois images distinctes des canaux rouge, vert et bleu, de même taille que l'image RAW de départ, qu'on affiche ensuite de manière classique pour obtenir une image en vrais couleurs (commande TRICHRO sous Iris par exemple). L'interpolation est une opération assez complexe, qui doit être traitée avec soin car la finesse et l'absence d'artefacts dans le résultat final en dépendent. Iris utilise une méthode reposant sur le gradient de l'image qui s'avère proche de l'optimal. Par exemple pour voir l'image en couleur on fera :

LOADCFA IMAGE.CRW
CFA2RGB  R  G  B
TRICHRO R G B

On peut arriver plus directement au même résultat en faisant (cette commande reconnaît des format Nikon, Canon, Olympus, Minolta, ...) :

LOADCAM  IMAGE.CRW

ou même (remarquer l'absence de l'extension du fichier) :

LOADCANON IMAGE

Il y a une différence subtile entre ces procédures : pour les deux dernières Iris applique une fonction de poids type aux plan couleurs pour obtenir un résultat ayant une balance du blanc correcte la plupart du temps (cela ne veux pas dire qu'il ne faudra pas réaliser des retouches par ailleurs). Cette fonction de poids est caractéristique d'un modèle d'appareil. La première procédure laisse intact le niveau relatif des pixels rouge, vert et bleu, tels qu'ils sont à la sortie du capteur. Il ne faut donc pas être surpris en utilisant le couple LOADCFA et CFA2RGB d'avoir une dominante colorée verte dans l'image couleurs (en général), ce qui signifie que les pixels vert sont alors plus sensible que les pixels rouge et bleu.

Chaque fabriquant propose son propre format d'image RAW. Chez Canon c'est le CRW, chez Nikon c'est le NEF, chez Minolta le MRW, .... Non seulement ces formats se distinguent par la manière de coder l'information numérique, mais aussi par la disposition des filtres colorés et leur nature (RGB, CMY, ...). Un code de lecture spécifique doit être écrit à chaque fois. On trouve fort heureusement de l'information pour cela, cliquer ici par exemple pour ce qui concerne le format CRW. Les dernières versions de Iris permettent de lire et d'afficher directement le RAW pour de nombreux appareils. Une version de développement peut être téléchargée ici (3.83c) qui implémente quelques nouvelles fonctions très spécifiques pour une exploitation optimale du RAW (uniquement pour les Canon D60/10D et 300D dans cette version intermédiaire). L'idée de ces fonctions est de réaliser les opérations fondamentales de pré-traitement (offset, signal d'obscurité, flat-field) directement sur le RAW et non pas sur les plans couleurs obtenus par dé-mozaïquage de la matrice CFA, l'effet d'interpolation (lissage, ...) rendant moins rigoureux et efficace les dites opérations de pré-traitement.

Prenons tout d'abord une image d'offset et affichons là sous sa forme CFA (pose brève de 1/4000 de secondes réalisée dans l'obscurité). On voit ci-après seulement une partie de cette image, dont on rappelle que le format est de 3088x2056 pixels. A droite, on trouve l'histogramme de l'image d'offset complète :

     

On note plusieurs points importants. La matrice CFA n'est pas perceptible dans l'image d'offset, ce qui signifie que les filtres colorés n'ont pas d'influences électrique. Le bruit a une texture bien uniforme, sans effet de parasites marqué et l'histogramme a une forme gaussienne correcte. Un élément extrêmement important est la valeur du niveau d'offset (ou bias) qui n'est jamais nul ni négatif, ce qui signifie que l'on a accès au vrai zéro photométrique des images. C'est la condition absolue pour réaliser un bon pré-traitement puis ensuite, de bonnes analyses du contenu de l'image. Cette condition est ici bien respectée : le niveau médian de l'offset dans le 10D testé est de 130 ADU (ADU = Analog Digital Unit, l'incrément de codage de l'image numérique). La fluctuation RMS du signal d'offset est de 12 ADU. Noter que le 10D code les images sur 12 bits (4096 ADU).

Affichons une image du signal thermique réalisée en posant 180 secondes dans l'obscurité :

  

La grande majorité des pixels est peu affectée par le signal thermique (le niveau médian demeure de 130 ADU avec un histogramme bien symétrique pour le mode principal, tout comme dans une pose brève). Un certains nombres de points chauds sont visibles. Ce type de signal thermique rappelle celui observé dans un CCD du type KAF-0400 bien que la nature du détecteur soit différente (CMOS dans le cas du 10D et CCD dans le cas du KAF). Un seul mode bien gaussien est visible en plus du mode de l'offset (i.e. une seule population de pixels chauds), ce qui laisse espéré une correction simple et efficace du signal d'obscurité. Dans les conditions d'utilisation de l'appareil (saison d'été) les points chauds les plus élevées en 3 minutes de pose ont une intensité de 500 ADU environ, ce qui autorise en théorie une exposition de 20 minutes environ sans qu'il y ai saturation du signal thermique. C'est une performance tout à fait remarquable et capitale pour l'usage astronomique du 10D/300D !

La dernière image de calibration est le flat-field. Celui-ci a été réalisé par Michel Collart sur le fond de ciel en visant le halo rougeâtre de la ville de Paris. Il y a deux raisons qui font que les images flat-field de cette séance d'acquisition sont inexploitables pour le pré-traitement : (1) le temps de pose (15 secondes) est trop bref en regard de la brillance du ciel pour obtenir un signal de niveau suffisant (il devrait atteindre la mi-dynamique au moins). Ici le flat-field n'occupe que les 200 premiers pas de quantification.  (2) le fond de ciel est très rouge à cause la pollution lumineuse ce qui donne une très forte dominante chromatique. En utilisant un tel flat-field pour corriger les images de la nuit les pixels bleu sont très fortement accentués par rapport aux pixels vert et rouge. Le résultat est une image bleu ! Avec un tel détecteur le mieux est de pointer l'ouverture du télescope ou de la lunette sur un écran blanc (carton plume par exemple) éclairé avec une lamp halogène (une simple lampe de bureau). L'ensemble donne alors une lumière suffisamment blanche pour obtenir une bonne correction de premier niveau de la différence de sensibilité des pixels. On voit ci-dessous un agrandissement d'un facteur 10 de la matrice de Bayer d'une portion de l'image flat-field acquise par Michel :

   

Les pixels les plus sombres sont les pixels bleu, les plus intenses sont les pixels rouge et ceux qui sont très légèrement plus faible que les rouges sont les pixels recouverts d'un filtre vert. L'histogramme à droite montre ces trois populations (remarquer le nombre deux fois plus important de pixels verts par rapport aux bleus et aux rouges).

L'image flat-field dans son intégralité mais réduite en taille d'un facteur 5 donne ceci :

Voici en noir et blanc la portion d'image montrant la nébuleuse M27 dans deux représentations différentes (positif et négatif) :

   

Il s'agit du compositage de 14 clichés posés chacun 180 secondes. L'image présentée est la moyenne des 3 plans couleurs afin de tester la détectivité (magnitude limite, extension de la nébuleuse). La magnitude limite est évaluée à 17,7 environ (donc, pour un temps de 42 minutes et un télescope de 200 mm).

Les images suivantes montrent le résultat d'une pose unique de 180 secondes parmi les 14 disponibles :

  

L'image de gauche (moyenne des plans R, V et B) est celle qui apparaît à l'écran après soustraction du signal thermique. A droite, cette même image a été légèrement lissée par une convolution gaussienne (commande GAUSS2 0.6 sous Iris) pour donner un aspect plus naturel aux étoiles sans que l'on perde trop de détails. La magnitude limite ce situe vers 16,5 (donc, avec un télescope de 200 mm et en posant 3 minutes). Il faut souligner que les plans rouge et bleu apportent un gain en détectivité assez faible comparativement au canal vert, tout au moins sur les étoiles. Parfois il semble intéressent de ne conserver que ce canal vert : on n'utilise certe que la moitié de l'information des pixels du capteur, mais le résultat est plus fin, plus résolu, car le canal vert demande un travail d'interpolation moins intensif pour être extrait de la matrice CFA. Voici par exemple le canal vert d'une pose unique de 180 secondes :

En comparaison avec une caméra CCD spécialisée de bonne qualité (CCD refroidi du type KAF-0400 avec des pixels de 9 microns) on peut considérer qu'à temps de pose égal le Canon 10D a une sensibilité en polychromatique plus basse d'un facteur deux à trois (en gros cela ce traduit par une perte d'une bonne magnitude en détectabilité). On en déduit un rendement quantique moyen proche de 25% pour le capteur CMOS équipant le Canon 10D. Des analyses spectrales fines sont nécessaires pour préciser ce résultat.

Les deux graphes suivant montrent une réduction photométrique sommaire des images disponibles pour la moyenne des bandes RVB et pour la bande R. On a utilisé le catalogue USNO-A2 pour cela. La constante des magnitude est de 26,5 en RVB et de 27,1 en R pour une pose de 42 minutes avec le télescope de 200 mm (cela signifie par exemple qu'en R il faut une étoile de magnitude 27,1 pour produire un signal équivalent à un pas codeur au bout de 42 minutes de pose).

      

Soulignons la linéarité de la réponse (à la précision de mesure près), ce qui ouvre des perspectives en photométrie, même si l'organisation en matrice de Bayer n'est pas favorable à la haute précision. La linéarité est aussi un préalable à tout bon pré-traitement des images et tout va bien de ce coté. Il est clair que le RAW traduit bien le signal juste à la sortie capteur et que le circuit d'amplification de celui-ci est linéaire. Le graphe suivant montre un autre dépouillement photométrique du même champ en réalisant un ajustement des étoiles par des gaussiennes pour trouver leur éclat. Dans une certaine mesure, cela permet de relever le signal des étoiles saturés (m=13) pour couvrir une dynamique plus large et confirmer le comportement en linéarité du capteur et de l'electronique du Canon 10D.

Pour les utilisateurs de Iris et à titre indicatif, voici succinctement comment on a obtenu les images noir et blanc présentées ci-dessus :

1 - toutes les images RAW (images de calibration, images du ciel) sont décodés et affichés sous la forme CFA par des couples de commandes telles que (il n'y a pas de commande de type batch pour l'instant pour ces commandes dans la V3.83c) :

LOADCFA OFFSET1.CRW
SAVE O1
LOADCFA OFFSET2.CRW
SAVE O2
...
...

LOAD DARK1.CRW
SAVE N1
LOAD DARK2.CRW
SAVE N2
...
...

LOAD M27-1.CRW
SAVE M27-1
LOAD M27-2.CRW
SAVE M27-2
....
...

2 - On calcule les images de calibration. Il y a 3 offset et 3 dark dans le lot d'images fournit par Michel Collart (dark = longue pose réalisée dans l'obscurité totale) :

SMEDIAN O 3
SAVE OFFSET
SMEDIAN N 3
SUB OFFSET 0
SAVE DARK


Astuce : si l'image flat-field n'est pas disponible (c'est le cas ici), on se contente de créer un aplat parfait si on veut exploiter les fonctions de pré-traitement automatique de Iris (menu Traitement). Ces fonctions demandes en effet obligatoirement une image flat-field en entrée. Pour cela, charger une image qui à le format voulu, par exemple
LOAD OFFSET, puis la remplir avec une valeur unique élevée : FILL 25000, et enfin sauvegarder le résultat : SAVE FLAT. Vous venez de créer un flat field artificiel absolument uniforme. Il ne corrigera bien sur pas l'image (différence de sensibilité inter-pixel, vignettage optique, ...), mais il permet de faire du traitement automatisé. A l'extrême limite, appliquer aux images finales une commande comme SUBSKY qui ajuste un polynôme sur le ciel, mais c'est un pis-aller en cas de non uniformité du fond de ciel flagrante. Bien ce rappeler rien de remplace un bon flat-field obtenu dans les règles !

Noter que Michel n'a acquis que trois offset et trois dark. C'est mieux qu'une seule image mais un nombre plus grand est nécessaire pour réduire le bruit dans ces documents de référence ( 9 à 15 est images est mieux). Il faut s'armer de patience pour acquérir ces images de calibration mais le résultat en vaut la peine. A priori les images de référence ne sont à faire qu'une fois, mais il reste à vérifier leur stabilité dans le temps dans le cas du Canon 10D/300D.

3 - On soustrait l'offset des images du ciel :

SUB2  M27-  OFFSET  I 0 14

4 - On soustrait un noir optimisé à chaque images :

OPT2 I  DARK  I  14

Remarque : dans les images analysées le signal d'obscurité évolue clairement entre le début et la fin de la séquence de prise de vue (il augmente de 20% environ). Le capteur n'est bien sur pas régulé en température, ce qui explique le phénomène (variation de la température ambiante, mais aussi et surtout probablement de la température de l'électronique). La correction du signal thermique est efficiente malgré tout si on retire un noir bien optimisée qui minimise au mieux le bruit de l'image, ce que sait faire OPT2.

5 - Les images sont converties en plans couleurs ou en la moyenne des trois plans (image noir & blanc). Dans le premier cas on utilise la commande CFA2RGB, par exemple : CFA2RGB  R G  B, produit les images R, G et B sur le disque à partir de l'image CFA en mémoire (l'image couleur s'affiche aussi à l'écran automatiquement - mais elle peut être revue plus tard en rappelant les 3 composantes fondamentales en faisant TR R G B). Pour une conversion en N&B on utilise la commande CFA2BW. Par exemple :

LOAD I1
CFA2BW
SAVE J1
LOAD I2
CFA2BW
SAVE J2
...
...
LOAD I14
CFA2BW
SAVE J14


5 - Les images sont recentrées à partir d'une étoile avec la commande
REGISTER (choisir en l'entourant avec un rectangle à la souris une étoile isolée et pas trop brillante). On fera ici par exemple : REGISTER J J 14 (les images non recentrées sont écrasées par les images recentrées). Les acquisitions ont été faites avec un dispositif d'autoguidage. On note cependant un léger bougé systématique dans le même sens probablement dû à un phénomène de flexion mécanique du télescope (les étoiles ne sont pas parfaitement rondes dans les documents utilisés ici). Paradoxalement ce bougé, s'il se produit entre les poses, est une bonne chose car il permet de moyenner un éventuel bruit spatial résiduel (dû par exemple à une soustraction imparfaite du signal thermique). Donc, oui pour l'autoguidage, mais il faut entre les poses s'arranger pour décaler l'image sur le capteur de quelques pixels. Attention à ce piège sournois de l'autoguidage.

6 - Les images sont additionnées avec des commandes comme ADD2, ADD_NORM, COMPOSIT, COMPOSIT2. Par exemple :

ADD2  J  14

Si le niveau du ciel est trop fort dans les images individuelles il réduit significativement la dynamique de l'image finale après addition. Aussi, au besoin, on a le droit d'abaisser artificiellement le niveau du fond de ciel. Par exemple, avant ADD2 faire :

NOFFSET2  J  J 100 14

Le fond de ciel médian est alors ramené au niveau 100 dans toutes les images de la séquence J1...J14. Après addition des 14 images le niveau final du fond de ciel sera de 14 x 100 = 1400 ADU, ce qui est correct en regard du codage interne des images dans Iris (15 bits). Astuce : pour connaître à tout moment le niveau du fond de ciel d'une image (backgroung en anglais), il suffit de taper la commande BG sans paramètres. La normalisation du fond de ciel à une valeur commune pour toutes les images de la séquence (NOFFSET = Normalisation Offset) est de toute manière recommandée avant d'exploiter une technique de compositage qui repose sur la statistique de l'image (cas de COMPOSIT, COMPOSIT2, SMEDIAN, ...).

Il est bien entendu possible de visualiser une image couleur en combinant les plans rouge, vert et bleu, l'appareil est du reste fait pour cela !

Analysons tout d'abord les 3 plans couleurs, successivement de gauche à droite, le rouge, le vert et le bleu :

   

Ces images sont séparées de l'image CFA en utilisant la commande CFA2RGB). Mais avant d'appeler celle-ci il est recommandé d'effectuer la balance du blanc. Pour cela, alors que sous Iris la trichromie est affichée, (1) on appelle la commande BLACK après avoir défini à la souris un zone rectangulaire dans une région sombre - le fond de ciel des 3 couches est alors simultanément amené à zéro, (2) on appelle la commande WHITE2 après avoir entouré d'un petit rectangle une étoile réputée blanche pour l'oeil (de type solaire si possible) - les 3 couches sont alors multipliées par un coefficient égalisant l'intensité de l'étoile. C'est le moyen le plus sur et le plus rigoureux pour réaliser la balance du blanc. A ce stade vous pouvez sauvegarder les 3 plans harmonisés dans des images distinctes en utilisant la commande SAVE_TRICHRO (ou SAVE_TR en abrégé). Par exemple, SAVE_TR R2 G2 B2 produit les fichiers R2, G2, B2 à partir de l'image en vrai couleurs actuellement affichée. Un nouvelle visualisation de l'image couleurs est toujours possible en faisant : TR R2 G2 B2. Cette image peut être conservée dans un fichier BMP 24 bits en faisant SAVEBMP depuis la console.

Les images RVB montrent un déficit de sensibilité dans le rouge, et tout particulièrement au niveau de la raie H-alpha de l'hydrogène et des raies de l'azote interdite. En outre, les couches verte et bleu sont très similaires car il est probable que les brillantes raies [0 III] de l'oxygène (5007 et 4959 A) tombent à cheval sur la coupure des filtres V et B du CFA. C'est un problème malheureusement assez classique avec ce type de détecteurs couleurs. La sensibilité chromatique précise du 10D/300D demeure encore à determiner cependant, ce qui ne sera pas trop difficile dès lors qu'il sera possible de mettre l'appareil à l'extrémité d'un spectrographe. Pour ce qui concerne l'estimation du ratio des raies nébulaires dans le but de restituer de vrais couleurs on peut ce baser sur les spectres calibrés des nébuleuses. Cliquer ici par exemple pour ce qui concerne la nébuleuse M27, et pour voir que ce n'est pas un problème très simple... La solution est à peine ébauchée ici. Voici l'image en couleurs combinant les couches RVB précédentes :

Il est bien sur possible de pousser la saturation des couleurs (sous Iris, la boite de dialogue Balance des blancs du menu Visualisation). Le contraste de couleurs des étoiles est bien mis en évidence mais l'aspect naturel de la nébuleuse disparaît.

Le réflexe pour mieux distinguer les parties rouge de M27 (émissions de l'hydrogène et de l'azote) est de multiplier par un certain coefficient la couche rouge avant d'afficher l'image trichrome. Dans l'exemple suivant on a ainsi multiplié le plan rouge par deux, mais il ne faut pas être surpris alors de trouver une dominante rouge dans la couleurs des étoiles. Il faut choisir entre le rendu du fond de ciel et des étoiles et le rendu de la nébuleuse. Difficile d'avoir les deux en même temps en raison de la nature discrète des raies spectrales dans une nébuleuse.

Le document ci-après montre l'ensemble de l'image de 3088 par 2056 pixels et la situation de la nébuleuse. Ce qui frappe bien sur, c'est la taille gigantesque du champ, encore inhabituelle en astronomie amateur et la quantité considérable d'information qui s'y trouve :

Un petit conseil pour finir sous la forme d'une remarque : nous avons fait ressortir le fond de ciel en gris clair dans cette visualisation. C'est délibéré ! Il faut combattre ces représentations où le ciel est sciemment montré d'un noir d'encre. En fait, le ciel n'est jamais vraiment noir dans la nature et on biaise la réalité en faisant ainsi (et parfois on masque des défauts de l'image plus ou moins consciemment). Mais le pire est qu'un ciel trop noir à l'affichage fait perdre les objets les plus faibles de l'image, alors qu'ils ont été si chèrement acquis. C'est un vrai gaspillage ! L'usage du négatif dans les images du ciel profond en noir et blanc est aussi recommandé pour distinguer les objets les plus tenus. Pour vous aider, par exemple sous Iris,  il faut se rappeler qu'il est possible d'utiliser des seuils négatifs pour la visualisation (par exemple : VISU 5000 -1000) et vous pouvez aussi inverser les seuils (par exemple : VISU 300 900).

Conclusion

La polyvalence de l'appareil photographique Canon 10D/300D s'avère remarquable. Non seulement il s'agit d' un excellent produit pour réaliser des images de "tous les jours", mais bonne surprise, il est haut combien opérationnel pour l'imagerie astronomique. C'est donc le retour en force des appareils photographiques reflex au foyer des télescopes qui s'annonce. Un vrai tournant !

L'analyse montre que le 10D est significativement en retrait par rapport à une caméra astronomique CCD spécialisée pour ce qui concerne la sensibilité, d'un facteur 2 à 3 d'après ces premières évaluations. Mais il faut pondérer ce résultat en remarquant que le 10D acquiert une image en trois couleurs d'un coups alors qu'un CCD monochrome demande bien plus d'effort (3 poses successives du même objet). Pour faire un constat objectif de l'appareil Canon il ne faut pas oublier ce point dès que l'on s'intéresse à l'imagerie couleur du ciel. Le fait que le 10D et tous les appareils de ce type exploitent un détecteur couleur à son revers pour certains travaux en astronomie, notamment ceux ayant traits à la photométrie (les filtres disposés devant les pixels ont probablement une bande passante assez éloigné des standard astronomique et leur couleurs n'est pas très pure, ce qui complique le travail de réduction). Le multiplexage spatial des couleurs peut aussi avoir un effet pervers pour ce qui concerne la résolution des images. Il est clair que les mécanismes d'interpolation de l'image CFA, pour sophistiqués qu'ils soient, introduisent quelques artefacts, mais tout de même modérés d'après ces premiers essais. La dynamique est moyenne, 12 bits, alors qu'elle atteint 15 à 16 bits dans les caméras CCD spécifiques. Mais le RAW apporte un plus très significatif par rapport à un JPEG ou un TIFF standard, où les couleurs ne sont codés que sur 8 bits, et c'est d'un grand bénéfice en astronomie.

L'incapacité de pouvoir lire et sauvegarder une petite partie seulement de la très grande image délivrée par le 10D est un handicap sérieux pour l'imagerie planétaire. On peut difficilement envisager d'acquérir des dizaines d'images à la suite pour effectuer ensuite un trie des meilleures. Il reste cependant à évaluer dans ce domaine les possibilités de commandes et de transfert d'images via l'interface USB1.1 qui équipe les 10D/300D pour une liaison directe à un ordinateur...

Voyons à présent les points positif. D'une manière générale le Canon 10D s'avère en 2003 l'appareil photographique le plus doué pour l'imagerie faible flux (c'est vrai aussi de son prédécesseur le D60 et de la version dérivée économique, le 300D - cliquer ici pour un test de ce dernier dans le contexte de  l'image de tous les jours). Tout repose sur le remarquable détecteur CMOS, qui à température ambiante affiche un courant thermique plus faible d'un bon ordre de grandeur typiquement qu'un capteur CCD MPP de la famille KAF, pourtant déjà très bon sur ce plan. Il est possible comme nous l'avons vu d'exposer à la température ambiante plusieurs minutes avec le 10D sans avoir de soucis de saturation avec les points chauds.

On note par ailleurs avec satisfaction que les mêmes procédures de traitement sont applicables aux images provenant d'un appareil de la classe du 10D (ou du 300D) et aux caméras astronomiques classiques. C'est extrêmement important pour aller plus loin avec son appareil photo et c'est l'occasion d'oublier, pour le traitement des images du ciel, les désastreux logiciels de l'infographie. Ceux-ci sont assurément bien adaptés à la retouche d'images et pour permettre de faire à la limite de la jolie image sur l'écran (et encore, pas mal d'information est perdue), mais un astronome amateur exigeant se doit absolument d'utiliser un vrai logiciel de traitement d'images astronomique, des méthodes éprouvées et rigoureuses. C'est une hérésie de travailler l'image d'une galaxie de la même manière que l'on traite une image de son animal domestique ! A n'en pas douter, bien des logiciels de traitement d'images astronomiques vont fleurir ou s'adapter pour vous permettre de tirer le meilleurs de votre investissement (prix de l'appareil, temps passé sur le télescope, ...). Ils sont ou seront tout aussi simple à utiliser que les logiciels de retouches d'images numérique et considérablement plus puissant dès qu'on se donne la peine de les exploiter.

Le capteur de 22,7 mm x 15,1 mm du 10D/300D fait clairement merveille en imagerie grand-champ. Les programmes de surveillance du ciel (survey) font partie de ces domaines de prédilection. La sensibilité est probablement un peu juste pour trouver de nouveaux astéroïdes (exception faite peut être d'un brillant géocroiseur approchant la Terre). En revanche, on peut légitimement se lancer dans un programme de découverte de comètes ou d'étoiles variables avec un tel appareil numérique. Il y a aussi un créneaux dans le domaine de la recherche des supernovae en pointant le 10D sur de brillants amas de galaxies. Autre exemple, en utilisant un simple objectif photographique de focale modérée (50 à 135 mm) et en exploitant un logiciel de réduction bien adapté (genre Sextractor) il est probablement possible de trouver un nombre de novae important dans notre Galaxie. La grande surface du capteur peut aussi être exploité dans certains domaines de la spectrographie (il facilite la construction d'un spectrographe échelle haute résolution par exemple).  Il est sur que le potentiel scientifique d'un appareil 10D/300D est très fort. On est loin de l'anecdotique et du jouet en ce domaine !

Que l'on puisse faire d'un coup un diagramme couleur-luminosité d'un amas ouvert (le fameux diagramme HR, une des pierres angulaires de la physique stellaire) avec un appareil que l'on achète en grande surface pour 1000 Euros frappe l'imagination et laisse présager ce qu'il est possible de faire en matière pédagogique. La facilité d'utilisation, la légèreté, l'autonomie, le faible coût emporterons la décision de très nombreux amateurs, anciens ou nouveaux, de ce lancer dans l'imagerie numérique astronomique avec ces nouveaux reflex.

Mais attention, l'arrivée de ces nouveaux appareils numériques ne signe pas la mort des caméras spécialisés. Tout d'abord il est possible de trouver des caméras CCD, simples à utiliser et performantes, avec un coût équivalent à celui d'un 300D (par exemple, c'est le cas de la caméra Audine). Ensuite, il faut viser la complémentarité des moyens. Certains travaux passionnant en astronomie et non des moindres, ne seront accessibles longtemps qu'à des caméras CCD faible bruit, sensibles et refroidies et il serait dommage de négliger des pans entiers de l'astronomie d'observation sous prétexte qu'il existe des appareils photos grand publics de haute qualité . En même temps, les spécificités d'un boîtier reflex numérique ouvre aussi d'autres perspective comme on la vu. Il serait désastreux et exécrable de mettre en concurrence ces deux technologies, qui sont en fait équivalentes : toutes deux délivrent une information numérique. Comme toujours, c'est l'usage de l'outil le plus approprié, l'imagination de l'opérateur, son talent sur le télescope, le soin et la rigueur pour traiter les données acquises qui feront la différence. Il faut penser en complémentarité des moyens en fonction de ce que l'on souhaite observer et non pas comparer ce qui ne peut l'être. Un utilisateur de caméras CCD à 10.000 Euros, un utilisateur d'appareil photo numérique, un utilisateur de webcam ou de caméra vidéo parlent en fait le même langage et ont (ou devraient avoir) les mêmes préoccupations !

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