MISSION AU T60 du PIC DU MIDI
14 - 25  JUILLET 2004
SPECTROGRAPHIE HAUTE-RESOLUTION

Version du 4 août 2004

Participants : Valérie Desnoux, Christian Buil, Robert Delmas, André Rondi


L'objet de cette mission sur le télescope de 60 cm du Pic du Midi a été l'évaluation des performances d'un spectrographe type LHIRES2 (voir ici des détails). Une première caractéristique de ce spectrographe est d'être très résolvant. Le pouvoir de résolution effectif d
l/l à 6563 angstroms est de 17 000 avec les réglages retenus pour la mission T60. Cela signifie qu'il est possible de séparer deux raies distantes de 0,4 angstroms au voisinage de la raie rouge de l'hydrogène. Une autre particularité du spectrographe est d'être compact et léger (2 kg tout compris avec la caméra). Il a donc pu être monté directement et instantanément sur le porte oculaire au coulant 31,75 mm du télescope. Ceci représente une nouveauté importante par rapport à la plupart des spectrographes déjà monté sur le T60, facilitant considérablement l'usage de ce type instruments (on peut échanger d'un oculaire, une caméra CCD et un spectrographe en quelques secondes).

Le spectrographe LHIRES2 n'accepte sans vignetage optique qu'un faisceau entrant plus fermé que F/7. Le miroir primaire du T60 étant ouvert à F/3,5 une lentille de barlow a été ajouté pour accroître sa focale. Une lentille de barlow 1,8X a été sélectionné, mais avec une position du foyer allongé compte tenu de l'agencement mécanique du spectrographe. En fin de compte l'augmentation de la distance focale du télescope est de 2,24 fois (mesuré sur étoile double) et son ouverture est portée à F/7,8.

Le spectrographe LHIRES2 intègre une caméra de guidage, qui est pour l'occasion un caméra vidéo très compacte Watec, modèle 903K (sensibilité de 0,0003 LUX). Une webcam aurait aussi fort bien pu faire l'affaire pour cette fonction. Environ 25 % de la lumière collectée par le télescope est envoyée vers la caméra de guidage grace à une lame semi-transparente disposée juste en avant de la fente d'entrée du spectrographe. Cela signifie que seul 75 % du flux de l'étoile est exploitée par le spectrographe.

La largeur de la fente d'entrée est évaluée à 18 microns. Le réseau est un modèle holographique de 2 400 traits/mm par millimètre. La caméra CCD est une Audine équipée d'un CCD KAF-402LE (768 pixels de 9 microns le long de l'axe de la dispersion). La dispersion spectrale moyenne dans le rouge est de 0,115 angstroms par pixel.

L'image ci-après montre le spectrographe au foyer Newton du T60 :

L'instrument est directement monté sur le porte oculaire motorisé du télescope. On peut voir la Barlow, le cube portant le dispositif de guidage, puis ensuite le corps du spectrographe. La tirette en laiton porte la fente et permet d'interposer un trou libre dans le faisceau afin de faciliter certains réglages.

L'image suivante montre un détail du "cube" de guidage. Deux ports de sortie sont disponibles. L'un est utilisé par la caméra, l'autre sert à injecter la lumière d'une lampe spectrale (ici une simple veilleuse néon) ou d'une lampe blanche pour réaliser les flat-fields.

Les ultimes ajustement du spectrographe !...

Un outil bien pratique : une bonne lampe torche pour former un spectre visible à l'oeil en projection sur le détecteur CCD. Sur l'image de droite on peut voir la lumière dispersée du bleu au rouge. L'inclinaison du réseau est ajustée pour centrer la raie Ha (par exemple) sur le capteur. Le domaine spectral couvert en une pose est de seulement 88 angstroms ; il faut donc bien viser !

 

Ambiance de nuit dans le laboratoire. A gauche, l'ordinateur pilotant la caméra. On peut voir sur l'écran le spectre d'une étoile avec une forte émission de la raie Ha. A droite, on trouve le moniteur vidéo qui renvoie l'image qui se forme sur la caméra de guidage. Le guidage est manuel, bien au chaud, en faisant une marque au feutre sur l'écran. Une méthode à l'ancienne, mais malgré tout efficace !

L'opérateur doit en particulier maintenir l'étoile sur un trait qui matérialise la fente d'entrée du spectrographe, qui ne fait qu'une vingtaine de microns de large. La bonne mise en station et la qualité du suivi du T60 nous ont bien facilité la tache. La caméra de guidage offre aussi une assistance pour le pointage et la focalisation de l'étoile sur la fente.

La lampe de calibration sous tension...

Le programme d'observation de la mission comprenait des cibles diverses, pour l'essentiel inspiré par le programme de recherche lancé par ARAS (Astronomical Ring for Access to Spectroscopy) suite à un appel lancé à la communauté professionnelle. Nous avons observé des étoiles Be, des étoiles RS CVn, des étoiles Delta Scuti, des étoiles supergéantes actives. En tout 26 cibles distinctes ont été pointé au moins une fois, en totalisant 28 heures de pose. Par ailleurs, la présence sur le télescope de 2 mètres Bernard Lyot de David Mouillet puis de Pascal Petit a été pour nous l'occasion d'échanges très fructueux, qui ont influencé aussi notre programme initial. Nous avons en particulier eu l'opportunité exceptionnelle de confronter des données obtenues simultanément sur le T60 et sur le TBL équipé du spectrographe MUSICOS ayant une résolution de 30 000 (voir plus loin).

Dans ce qui suit, sucessivement de haut en bas, une pose brute de 300 secondes de l'étoile Beta Capricorne (V=3.08, K0II), le spectre du néon utilisé pour la calibration spectrale (les deux raies visibles sont aux longueurs d'ondes de 6532,8822 et 6598,9529 A) et le profil spectral réduit (après le retrait du signal d'obscurité, l'harmonisation de la sensibilité, l'addition de 4 poses, l'application des corrections géométriques et une extraction optimale) :





 

Image brute du spectre de l'étoile Véga (pose de 120 secondes) dans de mauvaises conditions de seeing. La turbulence étale l'image de l'étoile sur la fente d'entrée. Le prix à payer est un perte de rendement en flux du spectrographe. Cependant, grace à la fente étroite et en réalisant une correction élémentaire de la distortion des raies due à l'optique, il est possible de conserver une haute résolution spectrale. Les raies étroites sont produites par la vapeur d'eau présente dans notre atmosphère. La très large raie au centre est Ha.

Ci-après, comparaison du spectre des étoiles Vega (4 poses de 120 secondes) et Zeta Cas (7 poses de 300 secondes). La raie Ha est au centre. Le décalage de cette raie entre les deux spectres provient principalement de la différence de vitesse des deux étoiles suivant la ligne de visée (effet Doppler de la vitesse radiale). L'effet Doppler induit par la rotation de la Terre autour du Soleil et autour d'elle même n'est pas corrigé sur ces spectres. Les raies fixes sont telluriques (H2O atmosphérique).

Ci-dessous, le décalage spectral en 24 heures observé sur l'étoiles double spectroscopique 10 Pégase, de magnitude V=4,16. Ces profils spectraux ont été obtenu en additionnant 4 poses de 300 secondes. L'écart mesuré est ici de 0,37 angstroms, ce qui représente une différence de vitesse de 16,9 km/s. LHIRES2 permet de mesurer des vitesses radiales avec une précision de 1 km/s.

Les spectres suivant montrent des changement rapides dans le spectre de l'étoile supergéante très lumineuse 15 Sgr. La magnitude apparente de cet objet n'est que de 5,35. Malgré cela le couple LHIRES2 + T60 permet d'observer des variations de signal dans le raie Ha d'amplitudes inférieures à 5% du niveau du continuum avec un pouvoir de résolution de 17 000. Le temps de pose total est de 30 minutes pour le spectre du 20 juillet et de 40 minutes pour le spectre du 21 juillet.

Ci-après, l'évolution sur 3 jours de l'étoile II Peg, de type RS CVn. Il s'agit d'un couple orbital dont la vitesse radiale relative a été annulé sur cette représentation. C'est le type de spectre qui intéresse particulièrement les professionnels Les variations observées dans la raie Ha proviennent de régions actives dans la chromosphère de l'étoile. La précision de ces spectres et la véracité des détails visibles ont pu être confronté avec des spectres obtenus quasi simultanément par le télescope de 2 mètres avec le spectrographe MUSICOS. L'étoile II Peg est une cible potentiellement difficile car elle ne brille que d'une magnitude 7,37 en V. Pour réaliser ces spectres LHIRES2 a été exploité avec un échantillonnage spectral de 0,23 A/pixel en effectuant un binning 2x2 à la lecture du CCD. Le temps de pose cumulé est de 1 heure pour un rapport signal sur bruit au final estimé à 60.

Dans le graphe suivant le continuum des spectres est volontairement décalé de 0,1 entre chaques dates :

Dans le graphe suivant, les spectres sont superposés sur la même base pour comparer l'intensité relative :

Les deux graphiques ci-dessous permettent de comparer des spectres de II Peg réalisés les 21 et 22 juillet, pratiquement simultanément, d'une part sur le télescope de 60 cm, et d'autre part avec le télescope de 2 mètres (spectrographe MUSICOS, avec l'aimable autorisation de Pascal Petit). Les temps de poses sont équivalent, de l'ordre de 3600 secondes.

La puissance du spectrographe MUSICOS et du télescope auquel il est associé est évidente : le rapport signal sur bruit est deux fois supérieur à celui de LHIRES2, le spectre du bleu au rouge est enregistré est un échantillonage de 0,1 angstrom en une seule pose (spectrographe type Echelle) alors que LHIRES2 ne "voit" simultanément qu'un intervalle spectral que de 80 angstroms, l'intallation du TBL mesure la polarisation. Le résultat de LHIRES2 et du T60 est cependant honorable : les principaux traits de caractères de l'émission Ha sont discernables et en bonne cohérence avec les données du TBL. Un spectrographe type LHIRES2 est clairement utilisable pour étudier de manière quantitative et fiable en haute résolution l'évolution de la raie Ha (par exemple) sur des étoiles aussi faibles que la magnitude 7 avec un télescope de la classe des 60 cm.

Et pour finir, l'équipe d'observateur qui s'octroie un peu de repos. De gauche à droite, Christian Buil, Valérie Desnoux, André Rondi et Robert Delmas. En fond, la coupole du télescope de 60 cm (Association T60).

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