Observons les Quasars !

Par Thierry Midavaine

 

 


La Photométrie des Quasars, pourquoi faire ?

Depuis quelques années le Club Eclipse développe un projet autour de la photométrie des quasars. L’utilisation amateur des caméras CCD pour réaliser des mesures photométriques a fait ses preuves sur de nombreux objets tels que les astéroïdes, les étoiles variables ou les supernovae. Ces acquis sont applicables aux quasars, mais pourquoi faire ?

La nature de ces objets mais aussi surtout de l’ensemble du milieu galactique et intergalactique situé entre eux et nous peut laisser sa signature dans leurs fluctuations d’intensité apparente. Les mesures peuvent avoir des conséquences cosmologiques et sur l’astrométrie de précision.

Une liste d’objets est proposée afin d’engager un programme de surveillance amateur.

C'est quoi un quasar ?

Il s’agit de l’espèce la plus énergétique et la plus puissante parmi le bestiaire connu de notre univers. 3C273, avec une magnitude de 12,8 est le plus brillant d’entre eux; il fut aussi la troisième radiosource après le soleil et notre galaxie dont une signature optique fut détectée. En 1963 la mesure de sa vitesse de récession compléta l’exotisme de sa carte d’identité. 3C48 fut le second quasar dont la contre partie optique fut détectée. En 1993 le catalogue des quasars rassemblait 7315 sources dont le z était compris entre 0,1 et 4,9. Les surveys en cours, par les instruments automatiques continuent d’enrichir les catalogues. Aujourd’hui la compréhension globale de ce type d’objet fait l’objet de nombreux débats et suscite de nombreux travaux. Voici ce qui semble acquis (néanmoins parfois controversés) au travers de différentes observations dont certaines très récentes.

Il s’agirait de noyaux très actifs d’une ou plusieurs classes particulières de galaxies jeunes. Ce noyaux serait confiné dans un volume de l’ordre de celui du système solaire soit 20 milliards de km de diamètre. La jeunesse de ces galaxies va approximativement de 1 à 4 milliards d’années après le big-bang, comme le montre l’éloignement de la tranche d’espace où nous pouvons les observer. Sa signature spectrale ne correspond pas à celle d’un corps noir mais plutôt à celle d’un rayonnement synchrotron. En 1995, certaines images du HST sur des quasars proches semblaient montrer des sources ponctuelles nues dénuées d’enveloppes. En 1996 des traitements appliquées sur ces images par McLeod et Riek aux USA ainsi que des images obtenues dans l’infrarouge par la même équipe montre au contraire la présence d’un faible halo comparable à notre voie lactée vue à la même distance. Depuis Bahcall et Disney ont sondé avec le HST différents quasars et leur voisinage. Ils ont ainsi montré que l’on pouvait les trouver indifféremment au centre de galaxies non perturbées spirales, elliptiques aussi bien que dans des galaxies irrégulières en interaction avec des compagnons.

Une explication est récemment avancée sur leur répartition dans l’univers: les quasars résulteraient de la collision violente entre galaxies ou entre étoiles. La densité de ces objets étant plus importante lorsque l’univers était jeune, la probabilité de tels cataclysmes y était alors plus grandes. Ceci expliquerait la relative absence de quasars dans notre banlieue d’univers. Le nombre de ces objets jeunes et actifs déclinerait au profit de la maturation des galaxies.

Trois idées de départ pour les étudier :

J’ai proposé en octobre 1994 aux membres du Club Eclipse, de tenter de mettre en évidence la multiplicité de quasars conséquence d’une lentille gravitationnelle par photométrie. Cette article constitue un extrait de notre projet récapitulant les travaux bibliographiques et théoriques menés au sein du Club.

Actuellement les analyses statistiques montrent une forte dispersion entre les estimations de distance et la magnitude apparente de ces objets. Ceci pourrait être expliqué par une surestimation de l’intensité de certains quasars lointains provoquée par les effets de lentilles gravitationnelles. Ils provoquent la multiplication et la distorsion des images du même objet. Ainsi l’intensité apparente de l’objet est amplifiée. Le phénomène est détectable sur quelques quasars lorsque la dimension de l’écartement entre ces images est supérieure à 1’’ d’arc. Si, par contre, les images multiples tiennent dans moins de 1’’ alors, seul peut-être le HST et quelques observatoires terrestres dotés d’optique adaptative ou des radio-interferométres pourront résoudre sa géométrie.

La première idée que nous proposons d’explorer dans notre projet consiste à chercher à résoudre temporellement les images. En effet, les trajets optiques de chaque image d’un quasar multiple sont différents. Ainsi les éventuelles fluctuations de l’intensité de l’objet sont décalées dans le temps pour chaque image se superposant. Il s’agit pour nous de faire de la photométrie sur quelques objets sélectionnés.

Un autre indicateur serait de détecter des effets de microlentilles gravitationnelles. Si un objet compact, une étoile par exemple, passe à proximité du trajet optique de l’image du quasar, alors nous avons une amplification de son intensité apparente pendant ce passage. Une telle détection peut nous permettre de suspecter la présence d’une galaxie déflectrice entre nous et le quasar, même si celui-ci n’est pas variable. Ainsi la seconde idée rejoint les programmes machos de tenter de découvrir les objets compacts sombres par effet de microlentille gravitationnel. Tandis que la stratégie de ces programmes est de surveiller un grand nombre d’étoile dans les nuages de Magellan ou de notre centre galactique, pour nous elle est de surveiller un nombre limité d’objet très lointain. L’important dans les deux cas est de sonder un volume important de l’univers ou de milieux galactiques pour ainsi augmenter la probabilité de passage d’un objet compact entre nous et les objets surveillés.

Enfin la troisième idée que j’ai construite en 1998 réside dans cette interrogation : Pouvons nous observer la scintillation des quasars provoquée par les milieux galactiques et intergalactiques ? En effet ce milieu est très inhomogène et peut se déplacer à des vitesses vertigineuses. Ne pouvons nous pas être dans une situation comparable à celle que nous connaissons lorsque nous observons la scintillation des étoiles provoquée par l’atmosphère terrestre ?

Les lentilles gravitationnelles et les quasars:

Les débuts

Déjà, le 15 février 1985, Jean Schneider, astronome à l’observatoire de Meudon était venu nous parler du sujet lors d’une réunion du Club Eclipse, lorsque nous avions encore la chance de pouvoir nous réunir à l’observatoire de la Sorbonne. A l’époque il lançait la campagne de surveillance du quasar triple. Cette campagne à laquelle nous participèrent fut organisée sur le télescope de 1 mètre du Pic du Midi avec Pierre Laque. Le récepteur utilisé était constitué d’un intensficateur de 40mm à sortie à fibre optique en contact avec un film photographique. Fréderic Berton à Meudon participa à l’exploitation des clichés par microdensitométrie et numérisation des clichés.

Le premier quasar multiple a été découvert en 1979, il s’agit du quasar double. Le quasar triple, lui, fut découvert en 1981. Dans les années 1980 le sujet fait l’objet de nombreux articles. Comme le montre le schéma suivant (cf. figure 1), les images ont a priori des trajets optiques de longueur différente. Dans le cas du quasar double 0957+561, le décalage temporel mesuré est de 423 jours. Jean Schneider nous précise à ce sujet que huit années de bataille avec les radioastronomes US furent nécessaire. Ils viennent de reconnaître que cette valeur de ~420 jours était la bonne ( ils trouvaient ~ 500 jours). Cet objet est toujours surveillé depuis 15 ans ce qui a permis d’affiner cette mesure. Il a fait l’objet d’une chute brutale de 0,1 magnitude en décembre 1994 et février 1996 successivement pour ses deux composantes. Edwin L Turner a précisé fin 1996 que le retard de la composante sud est de 417 jours.

Mesurer sa distance et la constante de Hubble

Avec l’estimation de la distance de la galaxie déflectrice on peut remonter à la distance du quasar. Le rapport du décalage Doppler sur la distance permet de calculer la constante de Hubble H0 de 63 plus ou moins 12 kilomètres par seconde par Mégaparsec.

Probabilité du phénomène

En 1999 vingt quasars multiples seulement sont connus. Quelle est la probabilité d’alignement d’un quasar avec une galaxie? La réponse est liée aux densités de galaxies et de quasars par unité de champ angulaire observé depuis la Terre. En 1993 Surdej publia une estimation. Pour les quasars de manitude absolue Mv inférieure à -29, il évalue à 1% le nombre de lentille gravitationnelle.

La mesure de la probabilité d’un effet de lentille gravitationnelle sur les quasars a une autre application: l’estimation de la constante cosmologique L . W constitue le paramètre de densité de l’univers. Les observations et les théories la situe dans la fourchette 0,1 - 1. Ceci signifie que l’univers sera toujours en expansion mais que celle ci sera plus ou moins ralentie par l’attraction gravitationnelle liée à la densité de l’univers, le problème commence lorsque la combinaison de H et de W conduit à un âge manifestement trop jeune. Ainsi les théoriciens à commencer par Einstein ont introduit L , cette constante controversée paramétrise l’accélération de la vitesse d’expansion de l’univers. Celle-ci pourrait trouver son explication dans l’énergie du vide; elle provoquerait une force de répulsion s’opposant à l’attraction gravitationnelle. Elle permet de réconcilier l’âge de l’univers calculé avec celui des objets les plus vieux observés. Voici quelques combinaisons de ces constantes:

En 1990 Turner et une équipe d’astronomes japonais proposent une méthode de mesure de cette constante. Elle consiste à quantifier la probabilité d’avoir un effet de lentille gravitationnelle par une galaxie sur un quasar plus lointain. Cette probabilité augmente avec la valeur de la constante cosmologique. Pour des valeurs de L inférieur à 0,2 la probabilité est très faible, par contre elle augmente rapidement pour des valeurs supérieures à 0,8. Ainsi la probabilité est estimée à 1% conduisant à une valeur de L inférieure à 0,6. Ainsi la détection de nouvelles lentilles gravitationnelles pourraient permettre de réviser cette valeur.

L’existence de cette constante L est mise en doute par la majorité de la communauté scientifique. Néanmoins cette hivers 1998 99 elle a fait la une des journaux avec l’annonce de son évaluation à partir de la mesure des distances de supernovae dans des galaxies lointaine. La conclusion est que l’expansion s’accélère !

Pour les galaxies, le Hubble Space Telescope nous fourni en 1997 une estimation grâce à la fameuse image réalisée sur 10 jours en quatre couleurs atteignant une magnitude proche de 30. Cette image est intitulée HDF comme Hubble Deep Field, ou champ profond de Hubble. Dans ce champ de 2,5’ de coté, on dénombre 1500 galaxies de tous types. Le décalage z vers le rouge des galaxies les plus lointaines serait d’environ 3 comme l’indique l’extinction en bande U. La résolution de cette image est d’environ 0,05’’. En 1996 la mesure des contreparties infrarouges des galaxies les plus faibles montre qu’elles sont très éloignées tout en restant plus proches que les quasars les plus distants connus. Elles ont du être formées alors que l’univers était à 20 ou 30% de son âge. Ainsi ce champ de 22500 sec d’arc carré est constitué de 1500 galaxies. Le champs est en moyenne couvert par une galaxie si celle ci présente un diamètre moyen de 4 seconde d’arc ! Compte tenu du fait que l’étendue d’une galaxie est supérieure à sa signature visible. On comprend qu’il est fort probable que la lumière de tous les quasars au de là de z=3 traverse une ou plusieurs galaxies à commencer par leur galaxie hote!

Les causes des variations d’éclats

En 1993 Michael R. S. Hawkins suggère que les variations d’éclat ne sont pas produites par la source d’énergie du quasar mais par le passage de planètes de type Jupiter appartenant aux galaxies interceptant le trajet optique. Dans le numéro du 10 Juin 1996 de Astrophysical Journal, Rudy Schild a publié les fruits d’une surveillance sur le quasar double Q0957+561. D’une part il montre que certaines fluctuations sont biens identiques sur les deux images avec un décalage temporel fixe; elles sont probablement intrinsèques à la source. D’autre part il trouve des variations différentes entre les deux images. La détection de ces fluctuations allant de l’année à quelques jours serait expliquée par le passage d’étoiles mais aussi de planètes de la galaxie déflectrice sur le trajet optique du quasar provoquant des microlentilles gravitationnelles sur l’une des images. La masse à l’origine des effets les plus courts serait équivalente à quelques Terre! La fréquence du phénomène suggère qu’il y a un million d’objets planétaires pour une étoile dans la galaxie déflectrice. Ceci restant à être confirmé et étant fortement mis en doute par la communauté.

Le schéma suivant pose géométriquement le problème : 

figure 1 : schéma géométrique de l’image d’un quasar défléchie par une lentille gravitationnelle

Les quasars : sondes du milieu extragalactique

Les quasars à fort décalage spectral sont des outils pour la cosmologie comme nous venons de le voir mais aussi pour sonder l’univers extragalactique. En effet le spectre d’un quasar à fort décalage spectral va pouvoir présenter sa raie d’émission Lyman a à 121nm dans le visible. Dans les plus courtes longueurs d’onde on découvre une forêt de raies d’absorption correspondant à des nuages d’hydrogène répartis entre le quasar et nous. Ces nuages ont par conséquent un z inférieur et de ce fait la raie d’absorption Lyman a se retrouve à des longueurs d’onde intermédiaires entre celle du quasar et celle de la raie Lyman a au repos dans l’ultra violet. La densité de ces raies sont telles que pour un z compris entre 1,7 et 2,3 on ne dénombre pas moins d’une centaine de nuage ; d’où le nom de forêt Lyman a attribuée à ce type de spectre. Cette forêt démontre s’il était nécessaire que le milieu est très inhomogène. Ce milieu est animé de vitesses très grandes de l’ordre de 1000km/s sinon plus, comme l’indique les vitesses apparentes des jets superluminiques (apparemment supérieures à la vitesse de la lumière pour des raisons relativistes et de perspectives).

Les quasars peuvent ils scintiller ?

Oui, pouvons nous penser à un tel phénomène : les quasars pourraient ils scintiller par les effets du milieu interstellaire inhomogène comme les étoiles scintillent sous les effets de la turbulence atmosphérique ? J’ai énoncé cette idée lors des Rencontres du Ciel et de l’Espace en juin 1998. Voici les ordres de grandeur comparés des deux situations :

  Atmosphère terrestre   Milieu interstellaire  
n-1 à 760mm air 292.6 E-6 Hydrogène 140 E-6
densité molécules/m3 27 E24 HI/m3 galaxie 600 000
n-1 du milieu air 292.6 E-6 n-1 galaxie 3 E-24
épaisseur atmosphère 30 E3 m dim 1 E5AL
épaisseur eq   8 E3 m HI/m3 univers 5 ?
r0   0.1 m dist quasar qq 1 E8 AL
v vitesse du vent 10 100 m/s vitesses 100 1000 km/s
pupille œil 6 mm télescope 1 m
déphasage n-1 x épaisseur 2.3 m déphasage qq mm
fluctuations   quelques µm fluctuations quelques µm ?
         

L’indice de l’air n à la pression atmosphérique est très légèrement supérieur à 1. La valeur de n-1 est directement proportionnelle à la pression du gaz. Il en est de même pour l’hydrogène. La densité de matière est de l’ordre de quelques atomes par m3 à quelques centaine de millier d’atome par m3 dans l’univers et les galaxies respectivement. Cette fluctuation est relativement importante (six ordres de grandeurs). Pour l’atmosphère il y a une décroissance monotone avec l’altitude. Localement les fluctuations de pression sont très inférieures au pour mille (je n’ai jamais vu bouger la colonne de mercure d’un tube de Torricelli avec la même constante de temps que la scintillation). Néanmoins cette fluctuation présente des amplitudes de déphasage de quelques longueur d’onde visible provoquant la scintillation des étoiles. Dans les galaxies les densités moyennes sont de 600 000 atomes d’hydrogène par m3 (107 dans les régions HI des galaxies). En dehors des galaxies des densités aussi faible que 0,05 atome par m3 peuvent être rencontrées. On jauge ainsi l’amplitude des inhomogénéités des grandes structures de l’univers. Ces structures sont en mouvement et perturbent la propagation de la lumière et ainsi peuvent être à l’origine de fluctuations de type scintillation.

Quelle est la constante de temps et l’amplitude de ces phénomènes si ils existent ? Ils dépendent du déphasage et de la déformation induite sur la surface d’onde d’une part et de l’échelle des structures et de leur vitesse de déplacement. Ainsi une galaxie moyenne de 100000AL (année lumière) va créer un déphasage sur l’onde de l’ordre de 3 mm donc bien plus grand que la longueur d’onde. Les raies d’absorption présentent un indice complexe qui a de plus un effet de déphasage supplémentaire sur l’onde. La densité moyenne de l’univers reste un sujet chaud de la cosmologie. Sa fluctuation donnerai un moyen de l’appréhender. Pour 5 atomes d’hydrogène par m3 ce qui correspondrai à la fameuse densité critique de l’univers on obtiendrai un déphasage sur l’onde de 245 nm pour un trajet de un million d’année lumière. On constate ainsi que pour nos quasars se situant à des distances bien plus grandes le déphasage correspond à des ordres de grandeur de l’ordre de cent à mille fois les longueurs d’onde visible.

Par conséquent il ne serait pas étonnant d‘assister à des variations et des gradients d’épaisseur optique égaux à plusieurs fois les longueurs d’onde du visible pour des échelles très supérieures aux pupilles de nos plus gros télescopes. Ainsi lorsque nous observons des quasars au travers de l’univers nous sommes peut être dans une situation comparable à celle que nous connaissons lorsque nous observons les étoiles au travers de l’atmosphère. Si le quasar est plus éloigné l’effet devrait être plus fort comme lorsque nous observons des étoiles plus basse sur l’horizon au travers d’une masse d’air plus importante.

Un tel phénomène est connu en radioastronomie au travers des milieux ionisés. Il était connu pour les radiosources. Plus récemment le phénomène a été observé sur l’amplitude de la signature radio de pulsars. Il est provoqué par le passage de gigantesques nuages ionisés. Le tout se déroule dans notre galaxie. La constante de temps du phénomène est de l’ordre de quelques mois.

Un enjeu pour GAIA

Le projet GAIA vise à préparer le satellite successeur à Hipparcos. Ce dernier avait une résolution angulaire des mesures astrométriques de 2msec. GAIA vise une précision de 10m sec d’arc pour une magnitude limite de 15 ou 16. Ainsi les quasars brillants vont pouvoir entrer dans le catalogue astrométrique. L’enjeu est important car ils vont constituer les sources les plus éloignées ainsi mesurées ; ils vont constituer la référence inertielle ultime. Nous pourrons ainsi mesurer les mouvements de notre galaxie, des galaxies voisines et même des amas proches par rapport a ce référentiel.

Mais ne risque t on pas d’être confronté à un nouveau bruit de mesure angulaire ? Vous voyez où je désire en venir. Si les quasars scintillent, alors, comme les étoiles, le deuxième effet au quel nous devrions être confronté est constitué par un déplacement angulaire aléatoire de la position apparente de l’objet. Ce phénomène devenant d’autant plus grand que l’objet est éloigné (tout le contraire du but recherché par GAIA). Le troisième effet sera peut être l’effet de speckle avec un éclatement de l’objet en plusieurs images. Nous voici revenu aux quasars multiples !

Observons les QUASARS !

Par où commencer?

Avant de commencer à observer il faut d’abord choisir les objets que nous pourrions surveiller. Nous avons compulsés les publications astronomiques et les catalogues pour établir une liste d’une dizaine d’objets. Le choix est guidé vers des quasars brillant de petite magnitude, de fort z, et distribués sur le ciel correctement pour être visible depuis les sites de nos missions. Un premier catalogue nous a permis de tracer le nuage de points sur un graphe en z fonction de la magnitude apparente; chaque point figurant un quasar.

Le z caractérise le décalage D l vers le rouge de l’objet.

(1) D l = l o - l e

l o étant la longueur d’onde observée et l e la longueur d’onde d’émission.

(2) z = D l / l e

La valeur de z est reliée à la vitesse v de récession par la relation relativiste:

1 + v / c

(3) z + 1 = Ö 1 - v2/ c2

En supposant que ce décalage spectral est uniquement lié à l’expansion de l’univers, on déduit de la valeur de z que ces objets sont très éloignés. Ainsi v est rattaché à la distance par la constante H de Hubble. Cette constante est au centre de nombreuses recherches et constitue l’un des programme prioritaire du HST. Enfin cette distance permet d’estimer l’intensité ou la magnitude absolue du quasar à partir de sa magnitude apparente.

Voici le résultat de mon troisième tri réalisé en 1998 sur le catalogue que nous compilons; il rassemble douze quasars de magnitude inférieure à 16. De plus les trois champs de références SA51, SA57, SA68 sont ajoutés à ce tableau classé par ascension droite. Nous avons dénommé ces objets par un petit nom, QA, QB, QC... par ordre d’apparition dans notre sélection. La magnitude absolue de l’objet est précisé. Enfin nous précisons si l’objet est déjà classé comme variable (var) et si il présente un jet super-luminique (SSL) dont la vitesse par rapport à la vitesse de la lumière est donné (Vapp/c).

Catalogue des quasars et champs de réf.

Thierry Midavaine
 jan 1999

 
Objet Ad 2000   Dec 2000   Nom

Mag

Z Vapp/c Mag abs Remarques
               

  

       
  H mn sec °   

   

       

SA68

0

16

36

15

50

 

SA68

  

 

 

  

 

QA

2

38

38,9

16

37

 

0235+164

15,5

0,851

30

-26,2

SSL var

QG

6

30

2,69

69

5

34

0624+691

14,2

0,37

 

 

 

SA51

7

30

36

29

50

 

SA51

 

 

 

 

 

QK

8

31

41,6

52

45

1

APM8279+5255

 

3,87

 

 

 

QB

8

54

48,9

20

6

31

0851+202

14

0,306

3,3

-26,09

SSL var

QC

11

18

17

7

46

 

Quasar triple

15,9

1,722

 

-26,52

var 0,3

QH

11

59

31,9

29

14

44

4C29.45

14,41

0,729

 

 

 

QD

12

29

6,7

2

3

8,6

3C273

12,85

0,158

5,1 - 8,0

-25,97

SSL var

SA57

13

8

36

29

23

 

SA57

 

 

 

 

 

QE

14

36

45,7

63

36

38

1435+638

15

2,068

 

-27,54

 

QJ

15

13

44,9

-10

11

59

1511-100

14,7

1,513

 

 

 

QF

16

34

29

70

31

33

PG1634+706

14,66

1,337

 

-27,3

 

QI

17

19

38,4

48

4

13

PG1718+481

14,6

1,083

 

 

 

QL

19

44

54,9

77

5

52

HS1946+7658

15,8

3,051

 

 

 

 

Première étape: établir des cartes de champs.

Il faut établir des cartes de champ avec les magnitudes des étoiles de référence. En 1995, Timothée ayant un accès à Internet a sorti les champs digitalisés de l’atlas du Palomar par le web sur URL http://stdatu.stsci.edu/dss/. Aujourd’hui l’atlas Real Sky permet de visualiser les champs et de repérer les 12 quasars. Les six premiers du premier catalogue étant visibles en hiver, ils furent au programme des missions de l’époque au T60 du Pic du Midi. Ainsi la mission n°3 du club en février 1996 a permis de réaliser de multiples acquisitions des six Quasars et de leur champs respectifs.

Nous avons pu ainsi établir des cartes de champs de chaque objet avec les étoiles de références pour la surveillance photométrique. Avec ces premières images nous avons commencer à mesurer le rapport signal sur bruit pratique que nous pouvons atteindre et tenter de mesurer d’éventuelles fluctuations. Par ailleurs André a établi une bibliographie de ces objets avec l’aide de Monique Gros que nous remercions ici. Il a pu obtenir, à la bibliothèque de Meudon, des premiers articles relatifs à la photométrie de ces objets.

Si nous avons un doute sur les champs et la position exacte du quasar, comment peut-on s’assurer que l’objet considéré est bien un quasar et non une étoile? Ainsi pour l’un des objets de notre troisième catalogue nous avons un doute sur la position effective de l’objet. Il y a la solution consistant à réaliser un spectre, afin de mesurer un décalage des raies vers le rouge. Ce décalage D l permet d’obtenir la valeur de z = D l / l . Cette mesure est ambitieuse, elle est néanmoins possible par l’amateur pour des quasars brillants ayant un z pas trop petit.

Il existe une autre solution plus accessible permettant de lever dans la plupart des cas l’ambiguïté; elle consiste, avec des filtres U B V par exemple, à mesurer deux indices de couleur et de constater l’écart par rapport au domaine des indices de couleur stellaire. Ainsi en plaçant les objets d’un champ dans un diagramme U-B et B-V ( cf. figure de la ref ) on pourra discriminer le quasar des étoiles, en particulier dans les situations de faible z. La discrimination est possible du fait que la répartition spectrale du rayonnement d’un quasar est éloignée de celle du corps noir, contrairement aux étoiles.

Deuxième étape: le quasar est-il variable ?

En effet il faut ensuite vérifier que le quasar est variable afin de le conserver dans les candidats de notre programme de surveillance. Comme nous l’avons vu, nous avons deux causes principales à cette variabilité: d’une part la variabilité intrinsèque du quasar pouvant être de l’ordre de quelques centième de magnitudes à 0,3 magnitude, d’autre part la variabilité provoquée par des effets de microlentilles gravitationnelles associés au passage d’une étoile sur le trajet optique ou les éventuels effets de scintillement. Les variations intrinsèques d’un quasar apportent une contrainte sur la dimension d de l’objet.

Oui, la durée d’un événement photométrique multipliée par c la vitesse de la lumière donne la dimension maximum de la source. Par contre la durée d’un événement du type microlentille, est lié à la vitesse de déplacement de l’objet compacte cause du phénomène de microlentille gravitationnelle et au rayon d’action de ce phénomène.

Le problème de la limite de détection de la variabilité avec une caméra CCD est classique pour les étoiles, Welch et Stetson proposent une méthode efficace; nous pouvons l’appliquer directement. Pour simplifier le traitement des biais, il est préférable de réaliser les acquisitions, pour cette opération, avec un seul et même instrument. Soit un champ composé d’un quasar q et d’étoiles désignées par: a, b, c, d... Ce champ fait l’objet de plusieurs expositions successives numérotées 1, 2, 3, 4...de durée ti.

Ces expositions sont ensuite restaurées comme il se doit, c’est à dire corrigées du bruit spatial fixe (BSF) par soustraction de l’offset, soustraction de l’obscurité et divisé par la plage de luminance uniforme (PLU ou flat field en anglais). Le signal S obtenu pour chacune de ces étoiles est extrait par exemple par photométrie d’ouverture, ou mieux par fittage d’une gaussienne, ou encore mieux par fittage de la fonction d’appareil effective de l’image. Ce signal S pour le quasar q, peut être comparé à l’étoile a de magnitude ma , à la pose i et permet de mesurer sa magnitude mq par la relation de Pogson:

(4) mqi = mai 5Ö 100 ( log10 Sai - log10 Sqi )

Le signal enregistré avec l’instrument permet de remonter à l’éclairement E reçu à l’entrée du télescope par la relation suivante:

(5) E = S / ( A t h g ti )

Avec A étant la surface effective de votre instrument , t la transmission de l’optique, h le rendement quantique du récepteur, g le gain avant enregistrement et ti le temps d’exposition de la pose i.

ma étant la magnitude de l’étoile a. On appelera K1 le produit A t h g qui est propre à l’instrument utilisé.

Ce signal est également proportionnel à une quantité de photons convertis en photoélectrons par le CCD:

(4) Sai =K2*Nsai

tandis que le flux de photons émis par l’objet étant détecté est donné par:

(5) Fai = Nsai / ti

L’écart type sur le signal s ai résulte de la somme quadratique des différentes sources d’incertitudes dans la prise de mesure comprenant les opérations de restaurations s m . La source d’incertitude incontournable provient de la loi de Poisson décrivant la statistique d’émission de photons d’une source stable:

(6) s ai2 = Ö Nsai + s m2

La moyenne pondérée du flux sur N images devient:

S i=1,N Fai / s i2

(7) Fa = S i=1,N 1 / s i2

L’erreur statistique sur la mesure devient: ( Fai - Fa )2

(8) c 2 = 1/ Ö N -1 S i=1,N s i2

Cette grandeur permet de décider si nous sommes en présence d’une variation de la source ou si nous restons dans le bruit.

Jean Schneider dans une lettre du 3 octobre 1996 nous indique que l’idée de chercher le décalage temporel sans résoudre les deux images est bonne à condition:

- d’avoir la précision photométrique

- d’avoir énormément de points de mesure (des centaines).

Pour quantifier le phénomène, il faut calculer la fonction d’auto-corrélation:

C( t ) = å < m(ti)-m > < m(ti)-m > ...

où m est la moyenne des mesures photomètriques, et m(ti) la magnitude mesurée à l’instant ti .

S’il y a un décalage de T, C(t ), a un deuxième pic à t = T :

Le cas du quasar triple

Il s’agit de l’un des cas les plus étudié. La faible séparation des quatre composantes QA1, QA2, QB et QC le met à la marge de notre étude. Néanmoins il constitue un objet test de référence pour évaluer les capacités de nos moyens et méthodes pour atteindre l’objectif de notre projet sur des nouveaux objets. En effet les moyens habituels des amateurs ne permettent pas de séparer les trois principales composantes, les instruments professionnels séparent QA, QB et QC, QA se décomposant en un objet double serré QA1 et QA2. Enfin les règles des effets de multiplication des mirages gravitationnels imposant un nombre impair d’images font logiquement suspecter une cinquième composante.

La magnitude B moyenne des trois composantes est de 16,4 pour A, 18,7 pour B et 18,2 pour C. La galaxie déflectrice n’était pas découverte en 1986, devant être de magnitude supérieure à 22. Les séparations angulaires sont de 1,76’’entre A et B, de 2,29’’ entre A et C, de 1,95’’ entre B et C et de 0,49’’ entre A1 et A2. Les variations de magnitude à l’échelle de quelques jours est inférieure à 0,03 magnitude et sur quelques mois de 0,3 magnitude. Le décalage temporel entre A et B fut publié en 1989. Avec une magnitude intégrée de 15,9, il constitue l’objet le plus difficile de notre catalogue. Tous les autres quasars retenus sont plus brillants.

Les amateurs peuvent-ils contribuer efficacement ?

Nous invitons les observateurs et les clubs équipés de caméra CCD, à participer à notre projet, les tirages disponibles des cartes de champs vous aidera à retrouver nos douze cibles. Nous attendons vos images. La photométrie est de longue date un domaine de prédilection pour les astronomes amateurs comme le démontrent les résultats obtenus par l’AFOEV, le GEOS ou l’AAVSO. Avec les techniques photographiques, il est possible d’atteindre ou de dépasser des précisions de 0,03 magnitude. Les techniques CCD amateur quant à elles peuvent atteindre une précision de 0,02 en magnitude relative, ou inférieure à 1% en particulier en R . Enfin les amateurs par leur nombre peuvent assurer une surveillance continue que ne peuvent assurer les professionnels. La grande quantité de mesures, par des opérations de correction, de standardisation et de traitement statistique, peuvent permettre d’augmenter la précision des données et ainsi au moins partiellement compenser une limitation en diamètre d’instruments. De ce fait, parallèlement à notre appel vers les amateurs pour contribuer à l’acquisition d’images des premiers objets sélectionnés, nous lançons un appel vers les astronomes professionnels intéressés pour nous conseiller ou pour orienter l’évolution de ce projet.

Le quatrième rassemblement de Carcassonne en 1996 fut l’occasion de promouvoir pour la première fois ce projet auprès des amateurs. Jean Balcaen à Reims, Stéphane Garro à Orcière-Merlette, Gérard Paulhac à Grenoble, Jean Christophe Le Floch à Saint-Véran, Roland Arthaud à Grenoble, Olivier Gadal à Limoux, Laurent Brunetto à Antibes et Olivier Thizy dans les Alpes se sont déclarés partant. Alain Klotz proposa de profiter de ce projet pour expérimenter des procédures de standardisation photométrique entre des observateurs utilisant des CCD, des instruments et des sites différents. Cette opération est proposée aux adhérents de AUDE (l’Association des Utilisateurs de Détecteurs Électroniques), il fait l’objet d’un paragraphe d’introduction joint au bulletin de CCD et Télescope n°6.

Mais que font les professionnels ?

Plusieurs équipes sont sur le sujet et donnent lieu à de nombreux travaux et à de nombreuses publications. Dans le domaine de l’instrumentation la nouveauté vient du coté des télescopes robotisés. Ainsi l’université de Californie Berkeley a financé pour 3MF le développement en sept ans le Katzman Automatic Imaging Telescope (KAIT). Ce télescope depuis le 25 octobre 1996 est à l’observatoire de Lick. Il est équipé d’une caméra CCD et est dédié à la détection de supernovae et la surveillance de quasars.

Prochaine étape

La prochaine étape consiste à développer les moyens de standardiser les observations que nous commençons à recevoir. Vos contributions sur le sujet sont attendues. Ceci dépasse le simple cadre de notre projet et c’est à ce titre qu’il faut que Aude soit dans la boucle. Concrètement nous vous invitons à réaliser des acquisitions sur au moins l’un des trois champs de référence avec ou sans filtre, en tous les cas dans les même conditions d’acquisitions que celles utilisées pour les quasars. Les coordonnées 2000,0 de ces trois champs sont les suivantes: SA51 7h30,6m +29°50’, SA57 13h8,6m +29°23’ et SA68 0h16,6m +15°50’. Ils figurent dans les cartes de champs disponibles.

Ceci termine provisoirement la présentation du projet pour 1999.