Réaliser des images couleurs en CCD s'obtient avec 3 filtres dit « dichroïques », chacun laissant passer une partie du spectre de lumière pour chaque couleur : rouge, vert, bleu.
Lors de l'acquisition, on réalise une série de poses avec le filtre rouge, une série avec le filtre vert et une série avec le filtre bleu.
Plus tard, c'est un traitement « logiciel », appelé « trichromie » qui compose ces images pour l'obtention d'une image couleurs.
Dans la théorie, tout semble simple, si l'on oublie qu'un capteur CCD n'a
pas la même sensibilité dans chaque couleur, et que les filtres ont
des bandes passantes différentes entre deux marques, voire au sein d'une
même marque si l'on tient compte des imperfections de fabrication.
Il semble alors difficile de connaître les proportions à appliquer
aux temps de poses rouge, vert, bleu... Si je pose 3 minutes pour la couche
verte, combien de temps dois-je poser pour la couche rouge et la couche bleue
pour obtenir une bonne coloration à la composition finale ?
Si l'on ne se pose pas cette interrogation, nous pouvons toujours choisir d'appliquer
des temps de poses identiques et nous pouvons penser que le réglage de
la balance des couleurs pourra toujours se faire au moment du traitement sur
l'image finale couleur.
C'est une erreur pour plusieurs raisons :
-
Imaginons que dans la réalité, nous devrions adopter un temps de
pose une fois et demi supérieur pour la couche bleue que pour la couche
verte... En réalisant des poses de durées identiques pour les couches
verte et bleue, nous avons une perte d'information pour la couche bleue qui ne
sera jamais compensée par un réglage de la balance des couleurs.
-
Par un réglage de la balance des couleurs sur l'image finale, nous essaierons
d'obtenir un fond de ciel « neutre », « gris
foncé », une valeur de pixel identique pour le rouge, le vert
et le bleu. Cet ajustement sera certe possible, mais au détriment de la
coloration de l'objet photographié. Inversement, un réglage de la
balance des couleurs pour l'objet photographié (approximatif d'ailleurs
puisque seul l'oeil juge) faussera la coloration du fond de ciel qui ne sera plus
neutre, fond de ciel trop rouge, ou trop vert, ou trop bleu.
Pour toutes ces raisons, la méthode décrite ci-après, est
une méthode logique qui va permettre de déterminer une fois pour
toute les différences (ratios) à appliquer aux temps poses pour
les couches rouges, vertes et bleues en tenant compte des caractéristiques
du capteur CCD et celles des filtres.
Cette méthode s'appuie sur des références photométriques
précises établies et recensées dans le catalogue « Landolt ».
(
/Kitt Peak National Observatory) Chaque étoile recensée est
caractérisée par une magnitude verte, et des magnitudes relatives
B-V (écart de magnitude entre le bleu et le vert) et V-R. (écart
de magnitude entre le vert et le rouge)
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Choisir une étoile du catalogue Landolt.
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Noter les valeurs V, B-V et V-R.
Remarques :
- Si B-V > 0, l'étoile est plus brillante dans le vert que dans le bleu
- Si B-V < 0, l'étoile est plus brillante dans le bleu que dans le vert
- Si V-R > 0, l'étoile est plus brillante dans le rouge que dans le vert
- Si V-R < 0, l'étoile est plus brillante dans le vert que dans le rouge
Ces informations sont importantes et à noter pour la suite de la manipulation.
-
Calculer les ratios « théoriques » de l'étoile,
coefficients entre chaque couleur. En considérant comme référence
la valeur V.
Ratio_R = 2.512 ^ V-R (^ signifie exposant)
Ratio_B = 2.512 ^ B-V
Ratio_V = 1 (référence)
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Faire 3 poses de calibration « pratiques » de l'étoile
choisie avec des temps de poses identiques.
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Pour chaque pose de calibration « pratique », mesurer le
flux ADU « pratique » de l'étoile. N'importe quel
logiciel de traitement d'images astronomiques peut vous fournir cette valeur,
en sélectionnant l'étoile et en demandant son analyse. On obtient
les valeurs :
ADU_pratique_R
ADU_pratique_V
ADU_pratique_B
-
En prenant
ADU_pratique_V
comme référence, calculer les flux ADU
« théoriques » que l'on devrait obtenir si le capteur
CCD avait la même sensibilité pour les trois couleurs et si les filtres
étaient « parfaits ».
ADU_theorique_R = ADU_pratique_V (multiplié ou divisé par) Ratio_R
ADU_theorique_B = ADU_pratique_V (multiplié ou divisé par) Ratio_B
Remarques :
- Si V-R > 0, on multiplie pour obtenir l'ADU_theorique_R
- Si V-R < 0, on divise pour obtenir l'ADU_theorique_R
- Si B-V > 0, on divise pour obtenir l'ADU_theorique_B
- Si B-V < 0, on multiplie pour obtenir l'ADU_theorique_B
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On peut à présent calculer les ratios « pratiques »
à appliquer aux temps de poses pour chaque filtre pour nos futures acquisitions.
En considérant un temps de pose choisi pour le filtre V, on calcule :
Temps de pose filtre Rouge = Temps de pose filtre Vert * ADU_theorique_R / ADU_pratique_R
Temps de pose filtre Bleu = Temps de pose filtre Vert * ADU_theorique_B / ADU_pratique_B
Pour tester cette méthode, voici deux exemples s'appuyant sur deux étoiles
de référence photographiées lors de deux soirées séparées
de quelques jours. Les prises de vue ont été réalisées avec une caméra
MX516 et un jeu de filtres
LRGB Typ II.
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Les étoiles choisies portent les références :
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Les valeurs notées pour ces étoiles sont
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Pour Landolt 97 351 :
- V = 9.781 (magnitude dans le vert)
- B-V = 0.202 (Ratio qui caractérise la différence de magnitude du vert par rapport au bleu)
- V-R = 0.124 (Ratio qui caractérise la différence de magnitude du rouge par rapport au vert)
Ces valeurs nous montre que l'étoile est plus brillante dans le vert que
dans le bleu (B-V>0) et qu'elle est plus brillante dans le rouge que dans le
vert. (V-R>0) On peut dire de manière simpliste que c'est une étoile
« rouge » puisque c'est la couleur dominante.
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Pour Landolt 98 653 :
- V = 9.539
- B-V = -0.004
- V-R = 0.009
Ces valeurs nous montre que l'étoile est légèrement plus
brillante dans le bleu que dans le vert (B-V<0) et qu'elle est légèrement
plus brillante dans le rouge que dans le vert. (V-R>0) Le ratio V-R est cependant
plus important que le ration B-V, on peut donc dire de manière simpliste
que c'est une étoile à légère dominance « rouge ».
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A partir de ces valeurs, nous pouvons calculer les ratios « théoriques ».
- Pour Landolt 97 351 :
Ratio_R = 2.512^0.124 = 1.121
Ratio_B = 2.512^0.202 = 1.204
- Pour Landolt 98 653 :
Ratio_R = 2.512^0.009 = 1.008
Ratio_B = 2.512^-0.004 = 0.996
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Nous réalisons nos poses avec chacun des filtres, nous obtenons 3 images de même temps de pose. figure c figure d
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Les mesures des flux ADU « pratiques » sont :
- Pour Landolt 97 351 :
- ADU_pratique_R = 3781
- ADU_pratique_V = 4692
- ADU_pratique_B = 3856
- Pour Landolt 98 653 :
- ADU_pratique_R = 74814
- ADU_pratique_V = 104956
- ADU_pratique_B = 103769
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Nous pouvons calculer les flux « théoriques » :
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Pour Landolt 97 351 :
ADU_theorique_R = 4692 * 1.121 = 5260
ADU_theorique_B = 4692 / 1.204 = 3897
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Pour Landolt 98 653 :
ADU_theorique_R = 104956 * 1.008 = 105796
ADU_theorique_B = 104956 * 0.996 = 104536
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Nous pouvons finalement calculer les ratios « pratiques »
à appliquer aux temps de poses pour chaque filtre.
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Pour Landolt 97 351 :
Temps de pose filtre rouge = Temps de pose filtre vert * 5260 / 3781
Temps de pose filtre bleu = Temps de pose filtre vert * 3897 / 3856
ce qui nous donne :
Temps de pose filtre Rouge = Temps de pose filtre Vert * 1.39
Temps de pose filtre Bleu = Temps de pose filtre Vert * 1.01
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Pour Landolt 98 653 :
Temps de pose filtre rouge = Temps de pose filtre vert * 105796 / 74814
Temps de pose filtre bleu = Temps de pose filtre vert * 104536 / 103769
ce qui nous donne :
Temps de pose filtre Rouge = Temps de pose filtre Vert * 1.41
Temps de pose filtre Bleu = Temps de pose filtre Vert * 1.01
A titre d'exemple, si nous retenons les valeurs pour Landolt 98 653, si nous posons
120 secondes pour la couche verte, nous devrons poser :
120 * 1.41 = 169 secondes pour la couche rouge
120 * 1.01 = 121 secondes pour la couche bleue
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Nous obtenons pour deux étoiles de références des valeurs
très proches, voire identiques, qui démontrent l'efficacité
de la méthode.
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Il ne faut pas s'étonner des rapports de temps de poses obtenus, dans notre
cas ici, les temps de poses vert et bleu nécessaires sont quasiment identiques,
tandis que pour la couche rouge il faudra poser presque une demi fois plus longtemps
que pour la couche verte. N'oublions que ces coefficients sont déterminés
par le « croisement » de la réponse spectrale du
capteur et de la bande passante des filtres couleurs, ces rapports ne sont donc
pas étonnant. Il est « rassurant » de constater que
les temps de poses nécessaires ne sont pas les mêmes pour les trois
couleurs, ce qui aurait pû être étonnant, sauf dans le cas
de l'utilisation de filtres spécialement réalisés pour les
spécificités du capteur CCD.
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Dans la pratique, considérons que cette manipulation pourrait être
réalisée une seule fois pour une combinaison CCD - filtres R V B.
En théorie, cette manipulation ne donnerait pas le même résultat
suivant la hauteur de l'étoile de référence sur l'horizon,
et cela à cause des perturbations provoquées par notre atmosphère.
Les puristes réaliseront cette manipulation avant chaque prise de vue en
choisissant une étoile de référence proche de l'objet photographié.