NOTE: Ce dossier contient beaucoup d'images et d'animations. Laissez le temps au dossier de se télécharger au complet. Pour les images en ANIMATION GIF présentes dans le document, il est souhaitable de varier la BRILLANCE et le CONTRASTE de votre écran d'ordinateur afin de mieux faire ressortir les astéroïdes faibles sur le fond du ciel.
Découverte de mes astéroïdes 1995 FC21, 1995 SB5, (74503) 1999 DN4 MADOLA et (45580) 2000 CB81 RENÉRACINE.
Par Denis Bergeron
Signets
Introduction
Historique
Nature du projet
Découverte d'un premier astéroïde
inconnu (1995FC21)
Découverte d'un deuxième astéroïde
(1995SB5)
Découverte d'un troisième astéroïde
(74503)1999 DN4 MADOLA
Découverte d'un quatrième astéroïde
(45580) 2000CB81 RENÉRACINE
Conclusion
La technologie des caméras CCD, de nouvelles techniques de traitement informatiques des images et l'avènement du réseau Internet m'ont permis de vivre un événement unique dans la vie d'un astronome amateur soit la découverte de quatre nouveaux astéroïdes. On sait que les caméras CCD sont dotée d'une très grande sensibilité, pouvant aller chercher des objets extrêmement faibles dont la brillance peut parfois atteindre une magnitude aussi faible que +19 avec un petit instrument de 25cm et cela sous un temps de pose aussi court que 5 minutes.
De plus, les images obtenues sont en temps réel; on voit donc immédiatement le résultat de ce que l'on vient de photographier. Ces images sont en fait des informations numériques que l'on peut traiter avec des logiciels spécialisés. Par la suite, on peut les distribuer partout à travers le monde via un modem et grâce au réseau Internet. L'ère de l'autoroute électronique est maintenant une réalité et de plus en plus de gens s'ouvrent à cette nouvelle perspective en se branchant au réseau Internet. Ainsi, il est possible de communiquer avec des gens en Europe, aux États-Unis, au Chili, partout dans le monde afin d'échanger avec d'autres passionnés sur des sujets qui nous intéressent.
J'ai vécu, il y a quelques années, une fantastique aventure en tant qu'astronome amateur dont les conséquences étaient tout à fait inattendues. Il s'agit de la découverte de quatre nouveaux astéroïdes qui ont été baptisés 1995 FC21, 1995 SB5, 1999 DN4 et 2000 CB81 par l'équipe du Dr Brian Marsden du «Minor Planet Center» (MPC). Cet événement tout particulier est une démonstration vivante de ce qu'un astronome amateur même isolé peut réaliser grâce à la technologie moderne. Je tiens cependant à mentionner que n'eut été de la coopération internationale, ces nouveaux astéroïdes seraient passés totalement inaperçus.
Tout a commencé lorsque j'ai lu un article paru dans la revue Sky & Telescope du mois de mars 1995 (page 33) sur un projet d'observation de l'astéroïde/comète 2060 Chiron qui s'approchait du périhélie prévu pour le 14 février 1996. Le projet consistait en la prise de plusieurs images de Chiron réparties sur plusieurs sessions d'observation afin d'y déceler la présence de gaz (coma) autour du noyau. En effet, une coma de gaz a été photographiée autour de Chiron il y a quelques années. Comme l'astre allait atteindre le périhélie (point le plus proche du Soleil) en 1996, on pensait qu'il s'agissait d'un moment idéal pour étudier Chiron. Si la présence de gaz étaient repérée, Chiron pourrait être reconnue comme étant la plus grande comète connue (diamètre 200km). D'ailleurs, le profil de l'orbite de Chiron ressemble plus à celui d'une comète qu'à un astéroïde.
On demandait pour ce projet, la collaboration des
astronomes amateurs équipés de caméras CCD et de bons télescopes. Les amateurs
devaient ensuite envoyer leurs images à un site Internet CHIRON PERIHELION
CAMPAIGN ou CPC pour les faire analyser par des professionnels. C'était
une opportunité parfaite de mettre mes expériences à profit.
Pour photographier Chiron, je m'étais procuré les positions par le biais du réseau Internet directement à l'adresse FTP du groupe Chiron Perihelion Campaign (CPC). À l'aide du logiciel Megastar, j'ai obtenu des cartes célestes précises montrant Chiron par rapport aux étoiles environnantes dont la magnitude limite se situait autour de +15. Par la suite, il me suffisait de centrer Chiron dans ma caméra CCD SBIG ST-6 à lépoque. Pour ce projet, j'utilisais une autre caméra CCD (SBIG ST-4) installée au foyer de mon petit télescope guide (10cm F10 Criterion 4000) afin d'autoguider mon télescope principal (Meade LX-200, 25cm).
Le logiciel d'acquisition des images de la caméra ST-6 (SBIG CCDOPS) permet de prendre automatiquement des images (mode auto-grab). Il me suffisait de déterminer le nombre de poses que je désirais obtenir ainsi que la durée de l'exposition. De cette façon, le logiciel gérait automatiquement la prise des images et la sauvegarde sur l'ordinateur sans mon intervention. A noter ici qu'il ne s'agit pas du mode track and accumulate». Le temps de pose par image était de 5 minutes. Ce temps était suffisant pour me permettre d'atteindre des étoiles aussi faibles que la magnitude +19 et éviter que Chiron ne montre une image étirée due à son déplacement dans le ciel. Durant mes meilleures sessions d'imagerie, je prenais de 25 à 37 images distinctes exposées 5 minutes chacune.
Par la suite, je procédais à la calibration de chacune des images en enlevant l'image noire (dark frame) puis en procédant à la correction des variations de sensibilité des pixels en appliquant une image dite plage de lumière uniforme (flat field). Une fois ces corrections effectuées, il me fallait additionner mes meilleures images via la fonction «moyen/série» du logiciel PRISM selon les deux méthodes suivantes:
Toutes les images sont additionnées par rapport aux étoiles:
En additionnant toutes les images de manière à
superposer les étoiles, on découvre les traînées laissées par tous les
objets qui se sont déplacés comme Chiron et certains astéroïdes.
Toutes les images sont additionnées par rapport à Chiron:
En additionnant toutes les images de manière à les superposer sur Chiron, on découvre toutes les particularités de l'objet. Ainsi, il serait possible de déceler si l'objet possède un halo de gaz (coma). L'image montrerait un seul point (Chiron) mais toutes les étoiles autour présenteraient des traînées. Dans le présent projet, ce mode était de première importance puisque nous visions à déceler toute présence de gaz (coma) autour du noyau de Chiron. Cette méthode est à recommander pour analyser les caractéristiques autour des noyaux des comètes.
Par la suite, je rédigeais (en anglais) un rapport de mes observations avec explications de mes images et j'envoyais le tout directement au groupe CPC aux USA et à Patrick Vanouplines en Belgique via le réseau Internet. Tel était le projet à l'origine.
Sur plusieurs de mes images de Chiron, j'avais détecté la présence
d'astéroïdes dont je ne m'étais guère préoccupé. Puis, en ce matin du 30 mai
1995, je reçois cet important message électronique de Patrick Vanouplines de
Belgique:
«From: pvouplin@vnet3.vub.ac.be
(Patrick VANOUPLINES)
Subject: Red alarm !
Dear Denis,
Remember the 'asteroid' tracks you indicated on the Chiron images you sent to me?
I took a closer look at them ... Two tracks seemed to belong to a same 'minor body' (i.e. an asteroid or a comet). I found out that it concerned an unknown object! I immediately contacted Dr. Brian G. Marsden of the International Astronomical Union. Very late for me (at 1:30 local time) I got that confirmation that this is probably a new object !!!
Now, we still need some additional data.. Let us work together, so that this new object also becomes yours ! I forward you aIl the e-mail message between Marsden and myself, see separate mailings. Especially read Marsden's reply about the success. That will please you!
Read also my reply to Marsden: we should collect more data now. I can do something, like reducing the positions, but then I need some of the original images - please do not send all 25+28 images at once! Marsden also needs the exact geographical coordinates of the place from which you made the pictures.
Best regards,
and CHEERS !»
La teneur du message que Patrick Vanouplines envoya au Dr Marsden était le suivant :
«From: pvouplin@vub.ac.be
(Patrick VANOUPLINES)
Subject: Possible new asteroid !
To: marsden@cfa.harvard.edu
Date: Mon, 29 May 1995 22:01:4 J + 0200 (DST)
Cc: pvouplin@vnet3.vub.ac.be, pvouplin@ vub.ac.be
Dear Brian,
Denis Bergeron (Val-des-Bois, Quebec, Canada), sent me some image files clearly showing Chiron. Denis indicated on his CCD-images also asteroids. This intrigued me. Indeed: on two images (resp. of 1995 March 28 and 1995 March 29), one sees the track of an asteroid. When one elongates the track of the asteroid on the March 28 image, and one extrapolates the length of the track,, one arrive exactly at the track of the asteroid on the second image.Thus, these two asteroids must be one and the same. 0K, nice.
Now, I calculated the positions at three times:- start of the track on the first image, -end of the track on the first image, - end of the track on the second image. Having a subscription on the IAU Computer Services, I checked for possible comets and asteroids in the area, at the forementioned dates and times.
Result: only Chiron should be there...
So, now my obvious question: is this an asteroid (or a comet), not know up to know ? Here are the positions:
1995 Mar 28 3h 21m RA: 11h 24m 54s Decl.: -1d 14' 15"
1995 Mar 28 6h 36m RA: 11h 24m 45s Decl.: -1d 13' 40"
1995 Mar 29 7h 00m RA: 11h 23h 54s Decl.: -1d 11'33"
Looking forward to you reply,
Patrick.»
Et voici la réponse aux messages de Patrick Vanouplines par le Dr Brian Marsden du MPC:
«Message-Id: <9505292328.AA03694@ cfa.harvard.edu>
To: vub.ac.be::pvouplin%cfa.DECNET@cfa.harvard.edu
Cc: BRIAN@cfa.harvard.edu
Subject: Object near Chiron
Dear Patrick,
The positions you sent indicate that the object is NEW. A couple of objects were discovered near Chiron in late March, but they were moving south, rather than north. Can you get better measurements of the positions (reducing with respect to the Guide Star Catalogue, say), and also give some indication of the object's magnitude? We should also need the location of the observatory of Denis Bergeron.
Regards
Brian»
Le contenu des messages de P. Vanouplines disait qu'en analysant mes images de Chiron, il avait remarqué la présence de certains astéroïdes que j'avais signalé dans mes rapports. Comme il avait accès à l'ordinateur du «Minor Planet Center», il pouvait facilement vérifier la position de tous les astéroïdes et comètes connus et ce n'importe où dans le ciel. Or, il s'avérait qu'il ne devait y avoir aucun astéroïde à l'endroit où moi je l'avais signalé près de Chiron sur mes images prises lors de mes sessions du 28 et 29 mars 1995.
À partir de mes images, il a déterminé la magnitude de l'objet (+18) ainsi que quelques positions précises. Il en a fait part directement au Dr Brian Marsden au MPC par courrier électronique. Il a reçu par la suite une confirmation de sa part comme quoi il pouvait s'agir effectivement d'un «nouvel astéroïde». J'ai reçu d'autres messages me demandant d'envoyer toutes mes images prises durant mes sessions des 28 et 29 mars 1995. Suite aux analyses effectuées par le Dr Marsden et P.Vanouplines, il était certain que la traînée apparaissant sur l'image prise le 28 mars 1995 et celle du 29 mars 1995 provenait du même astéroïde (voir image ci-haut). J'avais donc une observation de cet astéroïde suspect répartie sur 2 jours consécutifs comme l'exige le protocole du MPC.
P. Vanouplines me demandait si j'avais d'autres observations de cet objet postérieures au 29 mars 1995. Malheureusement, je n'en possédais aucune puisque je ne m'étais guère occupé de ces astéroïdes à l'époque mais plutôt de Chiron. Pour déterminer l'orbite d'un nouvel astéroïde ou comète, il est très important d'effectuer des mesures astrométriques sur plusieurs jours réparties sur plusieurs mois et dans le cas des astéroïdes sur plusieurs oppositions afin d'obtenir un profil de plus en plus exact de l'orbite. Dans mon cas, une observation sur deux jours consécutif était nettement insuffisante pour en déterminer une orbite précise et en extraire des éphémérides.
Voici la réplique du Dr Marsden à ce sujet :
«Cc: BRIAN@cfa.harvard.edu
Subject: RE- Object near Chiron
Dear Patrick,
What is needed are accurate measures, derived from pixel counts from the catalogued references and an astrometric reduction, and the preparation of the reduced observations according to the following format:
J9JJOOX C1995 04 28.86211 14 00 29.60 -11 23 09.3 16.6 R 540
0f course, we cannot get complete orbits from observations on only two nights, but the measures can be sufficient to identify with past objects for which some kind of reasonably general orbit is available. It is also possible there would be a linkage with other contemporary observations, e.g., in Spacewatch. But there are a lot of objects of magnitude 18 we just don't know. We therefore include two-night sets of observations in our computer files in the hope that something else, some time, will match.
With asteroid discoveries, the point is to get a couple of good positions (and a magnitude) on TWO nearby nights and then report them to us, using the format I showed you. I can then check for identifications, give an MPC designation if there is no obvious one, compute a representative orbit on the assumption that the object is at perihelion, and give you an ephemeris to allow you to try to get TWO more nights on the object, say, a week to 10 days later. If you succeed, we then have observations on four nights and can get a meaningful general orbit, the fact that there are two pairs of nights allowing us to guard against a misidentification of the object. That general orbit should be sufficient to compute a reliable ephemeris for the next month (TWO more nights of observation, please), as well as allow me to search for possible past observations in a more detailed manner. If there is still no past identification, you should try and observe it on two nights each month for as long as you can, before it gets too faint and lost in evening twilight. Then the orbit has a chance 0f being good enough to allow a deliberate recovery at a future opposition. If that succeeds (or if I have found a past observation), and we have observations at multiple oppositions, the object is then well on its way to eventual cataloguing as a numbered minor planet and naming.
Regards
Brian»
Comme cela faisait plus de deux mois que j'avais pris mes images et comme la brillance de cet objet était beaucoup plus faible, il était quasiment impossible de le retracer. Cependant, toutes les observations des objets suspects qui ont été repérés mais qui n'ont pas pu être suivis, comme ce fut le présent cas, sont insérés dans l'ordinateur du Minor Planet Center (MPC). Il est possible que quelqu'un plus tard découvre un nouvel astéroïde qui sera suivi adéquatement et dont l'orbite sera déterminée en précision. Il devient alors possible de vérifier si un nouvel astéroïde récemment découvert peut être relié à d'autres signalé par des observations passées mais dont le suivi de l'astéroïde fut perdu.
Le 29 juin 1995, P. Vanouplines venait de recevoir la confirmation par le Dr Marsden du MPC du nom de ce nouvel astéroïde baptisé: 1995 FC21 . Par le fait même, on m'assigna le code 819 pour la situation géographique de mon observatoire (Val-des-Bois) pour les futures transmissions de mes données astrométriques au MPC. Cet événement m'a ouvert la porte sur un autre domaine où l'astronome amateur peut directement s'impliquer pour l'avancement de la recherche en astronomie soit l'astrométrie.
Avec l'avènement des caméras CCD, des nouveaux logiciels de traitements d'images et d'astrométrie et le réseau Internet, l'amateur peut maintenant se joindre à la communauté internationale qui viennent en aide aux astronomes professionnels sur des projets particuliers. Des centaines d'astéroïdes et quelques comètes découvertes ces dernières années l'ont été par des astronomes amateurs. Les astronomes professionnels ont besoin de mesures astrométriques précises pour établir et raffiner les orbites de comètes et astéroïdes afin d'analyser leur provenance, composition et étudier l'origine de ces astres.
Pour ma part, cet événement particulier m'a ouvert un autre aspect de l'astronomie amateur qui me devenait maintenant accessible: la recherche et le suivi de nouveaux astéroïdes (astrométrie). J'ai étudié plus profondément ce domaine et j'y ai appliqué cette technique qui m'a permis d'en arriver à une seconde découverte d'un autre astéroïde non par hasard cette fois.
En 1999, un astronome a découvert un nouvel astéroïde que le MPC a nommé: 1999 FW22. L'analyse de l'orbite de cet astéroïde a permis de le relier à mon astéroïde 1995 FC21. Comme le MPC vise à encourager les astronomes à suivre les astéroïdes afin de déterminer leurs orbites en précision, la paternité d'une découverte ne revient pas nécessairement au premier découvreur de l'astéroïde mais à celui qui aura (par ses observations et ses mesures astrométriques) permis de raffiner suffisamment l'orbite pour ne plus le perdre. Ainsi, celui qui a découvert l'astéroïde 1999 FW22 (relié à 1995 FC21) est considéré actuellement comme le découvreur de mon astéroïde. Si vous faites une recherche dans le MINOR PLANET AND COMET EPHEMERIS SERVICE sur le site du MPC en entrant dans l'ordinateur 1995 FC21, vous obtiendrez l'information suivante: 1999 FW22=1995 FC21 signifiant que l'astéroïde 1999 FW22 découvert en 1999 est relié à mon astéroïde 1995 FC21.
Suite à ma première découverte d'un nouvel astéroïde 1995 FC21, je me suis mis à faire de l'astrométrie et cela m'a amené à prendre de nouvelles images CCD de d'autres objets célestes afin de recueillir des mesures astrométriques et photométriques très précises que j'envoyais au Dr Brian Marsden au Minor Planet Center (MPC) aux USA.
Grâce aux précieux conseils de Patrick Vanouplines, je me suis procuré le logiciel «Astrometrica» de Herbert Raab et le 19 septembre 1995, j'ai procédé à la prise d'une douzaine d'images CCD de la comète 58P/Jackson-Neujmin qui se trouvait alors près de la constellation du Capricorne. En additionnant mes images, j'ai noté la présence de trois traînées qui révélaient la présence d'astéroïdes (image à droite). J'ai relevé la position très précisément de ces objets et j'ai envoyé un message à Patrick Vanouplines. Ce dernier est allé vérifier sur l'ordinateur du MPC et me confirma qu'AUCUN des trois astéroïdes mentionnés n'apparaissait à la position mentionnée dans la banque de données du MPC.
J'étais donc devant la possibilité de trois autres astéroïdes inconnus. J'avais pour l'occasion identifié sur mes images ces objets par les chiffres #1, #2 et #3 pour les astéroïdes et #4 pour la comète 58P/Jackson-Neujmin (image ci-haut et animation à gauche).
Avant d'envoyer un message au Dr Marsden, il me fallait prendre une autre session d'imagerie afin de confirmer sur une autre journée la présence de ces objets. Malheureusement, les conditions météos ne m'ont jamais donné cette chance. Ce n'est que le 29 septembre 1995 que j'ai pu réussir à avoir un ciel potable. Comme deux de mes astéroïdes étaient extrêmement faibles (mv = +19) sur mes images du 19 septembre, je me suis contenté de rechercher celui qui était le plus brillant (mv = +18) identifié comme étant l'astéroïde #3 sur mon image du 19 septembre 1995. Comme il y avait un délai trop grand entre mes sessions d'imagerie, je me devais d'extrapoler la position approximative où devait se trouver mon astéroïde et de prendre une série d'images (mosaïque) de part et d'autres de cette position afin d'augmenter mes chances de la retrouver. Au cours de cette soirée, j'ai réussi à prendre une vingtaine d'images dans ce secteur.
Le lendemain, j'ai procédé à l'analyse de mes images et j'ai réussi à repérer un astéroïde qui pouvait correspondre à celui que j'avais identifié #3 sur mes images du 19 septembre. Par chance, le ciel était encore clair en cette soirée du 30 septembre et j'en ai profité pour prendre d'autres images de mon astéroïde. J'ai procédé immédiatement à mes analyses après ma session d'imagerie en comparant mes images avec celles de la veille. Je fus stupéfait d'apercevoir à nouveau mon astéroïde. Heureusement que j'avais pris une douzaine d'images du même champ car sur mes premières images, mon astéroïde était complètement invisible car, il était collé sur une étoile brillante. Je ne l'ai repéré qu'à partir de la sixième image. Une fois repéré et confirmé, je me suis empressé alors de prendre des mesures astrométriques et photométriques de celui-ci afin d'envoyer le plus tôt possible mes données à Patrick Vanouplines. Ce dernier alla à nouveau interroger l'ordinateur du MPC et me confirma qu'aucun astéroïde connu n'apparaissait à l'endroit où se situait le mien. Il me convia à communiquer mes données immédiatement au Dr Marsden aux MPC.
Le 02 octobre 1995, je recevais le message suivant du Dr Brian Marsden du MPC:
Dear Mr. Bergeron,
Your object "#4" is indeed 58P/Jackson-Neujmin comet. Your objects "#1 ", "#2" and "#3" remain unidentified, and none of them is equal to the object you observed on Sept. 29 and 30, 1995. That Sept. 29/30 object is also unidentified, but since it was observed on two nights we are giving it a designation: 1995 SB5. It should have been located on Sept. 19 near 2203.7-1743 (2000.0)...
Regards
Brian G. Marsden
Je venais donc de recevoir la confirmation que tous les trois astéroïdes détectés sur mes images du 19 septembre et que j'avais identifiés #1, #2 et #3 étaient non-identifiés et que celui détecté sur mes images du 29 et 30 septembre 1995 (donc sur deux nuits consécutives) ne correspondait pas du tout à celui que nous pensions (#3) mais qu'il s'agissait en fait d'un tout autre astéroïde également non-identifié. Cependant, étant donné que celui-ci avait été confirmé par deux observations distinctes sur deux nuits consécutives, il fut baptisé par le MPC: 1995 SB5.
Encore là, je n'ai jamais réussi à suivre cet objet à
cause des nuages. Le Dr Marsden m'avait envoyé quelques éphémérides pour une
dizaine de jours mais je n'ai jamais pu avoir la chance de la photographier à
nouveau. N'eut été des mauvaises conditions météorologiques, j'aurais
peut-être découvert trois autres astéroïdes durant ce mois.
Ce
fut donc une année très riche en émotions avec la collaboration internationale
sur la recherche sur l'astéroïde/comète 2060 Chiron, l'établissement de liens
à l'étranger entre astronomes amateurs et professionnels et la suite des
événements qui ont conduits à la découverte de deux nouveaux astéroïdes. A ma
grande surprise, j'ai été l'un des rares astronomes amateurs dans le monde
entier à avoir participé à ce projet international et j'ai reçu plusieurs
messages de professionnels me félicitant de la qualité de mes images.
D'ailleurs l'éditeur en chef de la prestigieuse revue américaine «Astronomy»
m'avait envoyé un message me demandant la permission de diffuser quelques-unes
de mes images dans un article sur la photographie de Chiron qui devait
paraître dans un numéro subséquent.
Découverte d'un troisième astéroïde 74503 (1999 DN4) MADOLA
Note: Les petits points blanc qui semblent bouger dans l'image d'animation de droite sont des pixels chauds et n'ont aucun rapport avec un astéroïde ou comète | |
Below are the results of your request from the Minor Planet Center's Minor Planet Ephemeris Service. Ephemerides are for the geocenter.
(74503) 1999 DN4
Display all designations for this object
Perturbed ephemeris below is based on 6-opp elements from MPO 54181. Last observed on 2004 Apr. 16.
Discovery date : 1999 02 23
Discovery site : Val-des-Bois
Discoverer(s) : Bergeron, D.
Further observations? None needed at this time.
On mentionne que l'astéroïde 1999 DN4 porte maintenant le numéro du MPC 74503 et qu'il a été découvert par Denis Bergeron à Val-des-Bois (Québec, Canada) le 23 février 1999.
You requested information on (74503).
Designations that belong: 1999 DN4
(Christian Marois à droite, David Lafrenière au centre, René Doyon à gauche. Photo officielle de Radio-Canada (Luc Lavigne))
Lors du congrès de la FAAQ organisé par notre club d'astronomie (RAAOQ) qui s'est tenu du 24 au 26 septembre 2010 à Gatineau, nous avions reçu le Dr René Doyon comme conférencier invité. A cette occasion, je lui avais remis une plaque souvenir commémorant la découverte de mon astéroïde 74503 MADOLA et de leur découverte des trois planètes extra-solaires autour de l'étoile HD 8799:
Carte du logiciel THE SKY 6 montrant l'image superposée sur la carte céleste et la position des deux astéroïdes dans le champ du CCD à la date de la découverte (10 février 2000).
Au début du mois de décembre 2006, Yvan Dutil m'annonçait que le nom de notre candidat qui avait ressorti en tête de liste par le sondage auprès des astronomes amateurs avait été retenu par le comité de l'UAI. Maintenant l'astéroïde (45580) 2000 CB81 porte officiellement le nom RENERACINE en l'honneur du Dr René Racine qui a été longtemps directeur des observatoires du Mt-Mégantic et de l'observatoire du Canada France Hawaï (CFH). Ainsi, le travail du Dr Racine autant au niveau de l'astronomie professionnelle et son dévouement au niveau de l'astronomie amateure par ses nombreuses participations à nos activités astronomiques est maintenant récompensé. Nous avons le nom d'un astronome professionnel québécois associé à un nouvel astéroïde découvert par un astronome amateur québécois. Nous avons de quoi être très fier de cet honneur.
Je me permet d'ajouter dans ces pages la réponse du Dr Racine suite à l'annonce que nous lui avons faite:
"Chers Denis, Yvan et tou(te)s les
autres,
Je suis vraiment très touché par cette affaire. Je veux témoigner ma
reconnaissance à Denis pour m'avoir donné un de ses astéroïdes,
aux porteurs du dossier, et à ceux et celles qui ont exprimé leur accord à "me
porter au ciel". J'y rejoins ainsi mon collègue "HubertReeves" et mon
observatoire préféré "Mégantic", le premier m'ayant ouvert la porte de
l'astronomie au Québec dans les années 60 et le deuxième en ayant marqué la
route que j'y ai suivie depuis 1976.
Je suis particulièrement sensible au fait que je dois ce merveilleux cadeau de
Noël à des amateurs d'astronomie du Québec qui veulent bien me compter comme un
des leurs. Je le demeure, avec la profonde conviction que l'apport le plus
important de l'astronome 'professionnel' est de permettre à tous de
s'émerveiller face à l'Univers. Et l'astronome 'amateur' est, à cet égard, d'une
efficacité inégalée.
Meilleurs Voeux à tou(te)s pour Noël et pour l'année qui vient. Que 2007 vous
apporte encore découvertes, émerveillement et debeaux cieux étoilés.
René Racine"
______________________________
Vous trouverez également l'impressionnant CV du Dr Racine résumant ses accomplissements:
ainsi que l'entrevue réalisé par notre collègue ANDRÉ CAJOLAIS à l'émission RDI EN DIRECT avec Louis Lemieux, au début du mois de janvier 2007 soulignant la nomination de l'astéroïde RENE RACINE:
Below are the results of your request from the Minor Planet Center's Minor Planet Ephemeris Service. Ephemerides are for the geocenter.
(45580) Reneracine = 2000 CB81
Display all designations for this object / Show naming citation
Perturbed ephemeris below is based on 5-opp elements from MPO 32692. Last observed on 2005 May 8.
Discovery date : 2000 02 10
Discovery site : Val-des-Bois
Discoverer(s) : Bergeron, D.
Further observations? None needed at this time.
Jusqu'à présent, il semble que je sois le premier astronome amateur québécois à avoir découvert officiellement deux astéroïdes (45580) 2000 CB81 (RENERACINE) et (74503) 1999 DN4 (MADOLA) et les deux portent la mention du découvreur sur le site officiel du MPC:
L'astronome amateur d'aujourd'hui est comblé par l'émergence des nouvelles technologies et il peut maintenant contribuer à aider certains professionnels dans certains domaines de recherches. Le Dr Marsden est conscient de cette réalité et il ne cesse d'encourager les amateurs à participer à ses recherches. Grâce au réseau Internet, l'amateur avancé n'est plus seulement confiné à son club ou à sa province, il peut s'ouvrir au monde entier. Il ne faudrait pas se surprendre si dans un avenir rapproché, on voit apparaître de plus en plus de projets internationaux demandant la participation des amateurs dans des domaines de recherches très particuliers comme la détection de supernovae dans les galaxies, la recherche de comètes, l'étude d'étoiles variables particulières, 1'astrométrie, l'étude photométrique de la variation d'éclat d'une étoile reconnu pour avoir une exo-planète, etc.
Il appert cependant que la découverte d'un nouvel astéroïde ou d'une nouvelle comète demande beaucoup de patience, persévérance et un long suivi. Il faut donc établir des liens entre d'autres astronomes répartis partout dans le monde. La liste française AUDE regroupe plusieurs astronomes français et européen qui se spécialisent dans la recherche de nouveaux astéroïdes et par l'envoi au MPC de mesures astrométriques précises. Les nouveaux astéroïdes découverts sont souvent appelé «ASTÉRAUDES». Aussitôt découverts, les mesures sont immédiatement envoyées sur la liste AUDE et au MPC pour en permettre un suivi. Vous pouvez avoir toute l'information sur l'astrométrie et les services offerts par le MPC en consultant l'adresse Internet du MPC.
Peut-être qu'un jour vous aussi aurez votre nom associé à une découverte astronomique.
Bonne chance
Denis Bergeron