Le T250




J’ai fait de magnifiques observations avec mon Newton de 150 mm de fabrication chinoise, malgré sa mauvaise qualité optique, limitante en observation planétaire. Pour avoir un instrument de plus grand diamètre (seule solution pour donner des images encore plus spectaculaires du ciel profond) et de bonne qualité optique pour un budget avoisinant les 1000 euros, à part le marché de l’occasion, il n’y a qu’un seul recours : se le faire soi-même !

Ce sera un Newton (configuration optique la plus simple à réaliser), de 25 cm de diamètre (le meilleur compromis entre les performances et la difficulté de réalisation) à f/6 (les tolérances de fabrication sont plus larges, et l’obstruction centrale réduite). Le champ maximal exploitable sera légèrement supérieur à 1° afin de limiter l’obstruction centrale (de toute manière le porte-oculaire en 31 ,75 mm n’accepte pas d’oculaires offrant plus de champ). La monture sera de type Dobson (moindre coût, facilité de réalisation et d’utilisation), et le tube démontable composé de 8 tubes d’aluminium triangulés, pour plus de rigidité. Une fois démonté, l’instrument devra rentrer dans le coffre de ma Peugeot 106, en laissant de la place pour autre chose !

La taille du miroir débute fin Juillet 2005, le polissage 2 mois plus tard. Le miroir est terminé à Noël 2005. La métallisation (aluminure non protégée) a été effectué à l’Ecole Nationale Supérieure de Physique de Strasbourg (cette solution m’a permit de contourner l’indélicatesse chronique de nombreux transporteurs, j’ai déjà eu des déconvenues avec une certaine entreprise aux véhicules jaunes). La qualité obtenue est d’environ l/10 PTV, et la surface semble douce et régulière. A noter un très léger astigmatisme (à l’appareil de Foucault on ne trouve pas exactement les mêmes mesures sur 2 axes), peut-être du au support de contrôle du miroir, dont j’ai su plus tard qu’il était mal adapté. A noter que le diamètre optique exact est de 251 mm et la focale de 1548 mm. Au final le miroir semble réussi, surtout pour un premier miroir. Ouf !

Ceci fait il me restait à construire toute la mécanique. Pressé, j’ai bâclé certaines pièces, malgré la semaine de révision pour les partielles de Janvier 2006 à la fac, qui a été mise à contribution pour ce beau projet ! Couper droit, percer droit (sans perceuse colonne), ce n’est guère évident. Plusieurs pièces sont réalisées de manière approximative, mais pas d’inquiétude puisque les supports des miroirs sont réglables ! A noter qu’en raison du retard de livraison du fournisseur Astam, j’ai du provisoirement utiliser le miroir secondaire du T150.

Au Printemps 2006 l’instrument est terminé. Le rendu est bon, que ce soit en planétaire ou en ciel profond. Pourtant l’écart en ciel profond avec le T150 n’est pas énorme, car la pollution lumineuse a progressé depuis, et que la cage secondaire n’est pas bafflée du tout. D’excellentes observations de Jupiter ont été effectuées l’Eté 2006, malgré la faible hauteur au-dessus de l’horizon. Cela sert à quelque chose une bonne optique ! L’instrument est lourd (40 kg environ), et présente quelques défauts dont les fixations des tubes imparfaites. Bref, ce T250 est supérieur au T150, mais le rapport performance/emmerdement est moins bon!

La première version,©Carole Schmitt. Oeil,©Carole Schmitt.

Un peu moins d’un an plus tard, au Champ du Feu (massif des Vosges), ce fut la révélation : j’utilise le collimateur laser de Christian Gerling, et je constate que mon télescope est très mal collimaté! De plus le laser met en évidence la moindre flexion due aux fixations des tubes ou au manque de rigidité de l’araignée. En raison de la distance focale relativement longue, de 1548 mm (f/6.1), les tolérances de centrage et de réglage des miroirs (collimation) sont relativement élevées, ce qui a limité les dégâts. Dès l’instrument collimaté j’ai gagné énormément en qualité d’image sur les planètes! Quelques jours plus tard j’achète un collimateur laser, qui est depuis devenu indispensable!

Outre les problèmes de rigidité je me rends compte que le porte-oculaire Astam, bien que très joli, présente un léger jeu, et donc au laser ne semble pas tourner rond. Autrement dit, lors de la mise au point la collimation bouge, c’est inadmissible! Ma décision est prise : je vais améliorer ce télescope. Premier point : changer le porte-oculaire. J’ai opté pour un Moonlite CR1. Lourd mais c’est de la qualité, il n’y a aucun jeu, et le serrage annulaire garanti une reproductibilité de la collimation au laser. Deuxième point : j’ai amélioré les fixations des tubes. Inconvénient : c’est plus long à monter ! J’ai conservé la caisse du primaire que j’ai simplement raccourcie afin de gagner en compacité. L’araignée a été changée mais le mauvais support du secondaire conservé. Au final l’instrument s’avère bien meilleur mécaniquement, mais cela reste l’usine à gaz pour la manutention, le transport, le montage…et le démontage ! Cette version II du T250 est achevée au début de l’Eté 2007. Lors d’une nuit exceptionnelle j’ai pu observer la division d’Encke dans les anses des anneaux de Saturne, avec le Nagler 4,8 (322X)!

La deuxième version du T250,©Bruno Thien.

A l’Automne je déménage dans le Gard pour effectuer ma thèse au Commissariat à l’Energie Atomique. Je fais la connaissance de Jérôme Anduze, avec qui je vais dorénavant partager la plupart de mes observations. Son jardin permet de belles observations mais la pollution lumineuse de la vallée du Rhône est envahissante. Il faut s’en éloigner, vers les Cévennes ou au Mont Ventoux. Mais habitant en appartement, les inconvénients d’un lourd télescope se font de plus en plus sentir. Me revient alors une idée géniale de Pierre Strock , que j’avais je ne sais pourquoi écartée jusqu’à présent : un télescope qui rentre dans une mallette de moins de 10 kg ! L’idée n’est rien de moins que faire une version III du T250! Février 2008, alors en plein chantier de la taille d’un miroir de 300 mm, j’entame la construction d’une telle structure. Jérôme me permet d’utiliser son garage et ses outils, un grand merci à lui! J’adapte légèrement les plans, et n’hésite pas à refaire certaines pièces. Il y a beaucoup de concepts novateurs tels que l'araignée légère, les systèmes de collimation à 2 vis ou encore la structure triangulée en tiges de carbone. Afin de gagner en poids je reviens à un porte-oculaire plus petit : le Kineoptics HC1. Il ne pèse que 62g (contre plus de 400g pour le Moonlite) et la qualité est au rendez-vous. Fin mai 2008 j’ai terminé d’assembler les près de 500 pièces.

La caisse du primaire,©Bruno Thien. La caisse du primaire,©Bruno Thien.

Le rangement,©Bruno Thien. Le télescope rangé,©Bruno Thien.

Le système original de réglage du miroir secondaire à 2 vis, présentait trop de jeu, j’ai donc augmenté la tension du ressort. En octobre 2008 je frôle la catastrophe : l’une des pièces collée a l’Araldite, se détache et le miroir secondaire tombe! Heureusement, cela s’est produit lorsque le télescope était rangé, le miroir n’a donc chute que de quelques cm et a terminé sa course sur le couvercle de protection du miroir primaire. Je decide alors de changer radicalement la conception de cette pièce. Il n'y a plus de ressort, le système mu par 3 vis, repose sur une bille centrale. Le réglage est plus long et plus compliqué mais jouit d'une bonne tenue. Aussi, le vissage des éléments est bien plus sûr que le collage à l'Araldite.

Le nouveau support du miroir secondaire,©Bruno Thien.


Cette nouvelle version s'avère bien plus transportable, d'où une augmentation du nombre de soirées d'observation, malgré un temps de montage et de réglage avoisinant les vingt minutes. Le tube souffre de quelques flexions, vu la faible épaisseur des tiges de carbone c'était prévisible (j’ai utilisé du 6 mm de diamètre comme sur la version originale mais le tube est plus long, mon miroir est à f/6 au lieu d’être à f/5 ! Il aurait fallut utiliser des tiges de 8 mm de diamètre et modifier les plans en conséquence). Mais c'est un instrument transportable, il faut donc en accepter les inconvénients.
Cet instrument transportable a permit d’innombrables et d’inoubliables observations autant des planètes que du ciel profond, au Champ du Feu, au Mont Ventoux, ou dans les gorges de l’Ardèche. L’aluminure non protégée, datant de 2006, est toujours impeccable en 2012. Même avec de la poussière sur le miroir, les galaxies de magnitude 12 sont accessibles! Mais l’instrument n’apportant pas entière satisfaction du point de vue de la rigidité de la structure, il faudrait refaire cette dernière.

Je remercie chaleureusement tout ceux qui par leurs conseils ont contribué au projet : Pierre Strock, Serge Vieillard, Epsilonzéro, Thomas Jacquin, et plein d'autres encore. Je remercie aussi Jérôme Anduze qui m'a prêté son garage et son outillage. Je remercie également la société Le Train Magique pour la fourniture de la micro-visserie.



Mais avec l'arrivée du T500 il me fallait faire de la place. J'ai donc mis en vente les T250 et T300, à contre-coeur. Les miroirs de ce 250 sont en ce moment entre les mains d'un amateur de la Drôme. L'aventure continue donc!






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