Mascotte, mon ami le renard de la Montagne de Lure, le 21 mai 2005 

Des moments merveilleux et intenses au coeur de la forêt

Un an de complicité avec Mascotte ! Pour fêter cet anniversaire, j'ai voulu changer nos petites habitudes et fixer à Mascotte un nouveau point de rendez-vous : non plus à l'orée de la forêt mais au coeur même de la forêt et de l'autre côté de la route qui monte au sommet de Lure, dans la zone où je soupçonne Mascotte d'avoir son terrier. Mascotte allait-il être présent ? Si oui, mettrait-il moins de temps à arriver, ce qui signifierait alors probablement la justesse de mon intuition concernant la proximité de son terrier ?

Je me suis enfoncé dans la forêt en marchant lentement. Après quelque temps, je me suis dit que je n'étais sans doute pas loin de l'endroit où j'avais quitté Mascotte le 7 mai, peut-être même assez près de son terrier. Alors j'ai commencé à siffler, de la manière habituelle qui est la mienne et qui lui est maintenant familière. Il ne s'est pas passé cinq minutes. Je n'ai rien vu, rien entendu, j'ai été totalement surpris. Mascotte est très fort. Pas un bruit, pas un indice, et puis soudain, alors que je m'apprêtais à siffler à nouveau, quelque chose est apparu sur le bord de mon champ de vision. J'ai tourné la tête sur le côté et vers le bas : c'était à peine croyable, Mascotte était là, surgi de nulle part, il marchait silencieusement à mes côtés la tête levée vers moi, à la recherche de mon regard.

Je me suis arrêté net, submergé par cette forme d'émotion profonde et intense que l'on ressent à l'issue d'une longue attente de l'arrivée d'un être cher. J'ai murmuré "Mascotte, Mascotte !" et je me suis légèrement penché vers lui, m'apprêtant à m'asseoir à ses côtés. À ce moment-là, Mascotte a eu un comportement que je n'aurais jamais imaginé, que je ne pensais même pas possible de la part d'un animal sauvage et craintif vis-à-vis des hommes. Peut-être avait-il ressenti ma joie et a-t-il éprouvé quelque chose de comparable. Je ne suis pas prêt d'oublier ce qui s'est passé alors et qui m'a profondément marqué : j'ai vu Mascotte se dresser sur ses deux pattes arrière et venir poser ses deux pattes avant sur ma jambe droite, bien à plat au-dessus de mon genou, à la façon d'un chien venant faire la fête à son maître de retour après une longue absence. Après un an de rencontres et de complicité, le plus beau des cadeaux d'anniversaire que Mascotte pouvait m'offrir ! Je n'ai pas eu la présence d'esprit d'utiliser l'appareil photo, que j'avais en bandoulière, pour fixer ce moment unique. Complètement ému, je me suis assis par terre, près de Mascotte, ne le quittant pas du regard. Il ne m'a pas quitté des yeux lui non plus et, après avoir fait quelques pas, il est venu s'allonger dans les herbes à environ trois mètres de moi.

Ce n'est pas la première fois que Mascotte s'allonge ainsi près de moi, mais ce comportement est assez récent et il m'intrigue de la part d'un animal par ailleurs toujours sur le qui-vive et pratiquement jamais immobile. Je pense que son attitude possède une signification forte et précise, mais je ne sais pas laquelle. Peut-être est-ce tout simplement une marque ostensible de grande confiance et de connivence à mon égard. J'ai lu qu'entre renards celui qui s'allonge devant l'autre fait acte de soumission, mais je suis persuadé que Mascotte ne se comporte pas avec moi comme il le ferait avec un être de son espèce.

Après une vingtaine de secondes, il s'est levé et a adopté une attitude plus classique, venant marcher autour de moi et à mes côtés. J'ai noté que cette fois il n'est pas venu sentir longuement mes chaussures. J'émets l'hypothèse que ce comportement consistant à venir renifler mes pieds constitue une confirmation olfactive de mon identité, qui lui permet de se rassurer. Ce samedi 21 mai, cette vérification n'était sans doute pas nécessaire car, avant que je le découvre marchant à mes côtés, il m'avait sans doute suivi et reniflé de loin depuis un moment. Et puis je portais le même pantalon et les mêmes chaussures que lors de nos deux précédentes rencontres.

Je lui ai parlé avec douceur, comme à l'habitude. Je l'ai trouvé calme et joyeux. J'ai observé ses oreilles et en particulier la base de son oreille droite, dont la blessure a presque totalement disparu. Le haut de sa cuisse droite n'est plus un sujet d'inquiétude non plus, même s'il manque encore une touffe de poils à cet endroit-là. J'ai pris quelques photos, puis, comme à l'accoutumée, je lui ai donné quelques morceaux de poulet cuit qu'il est venu manger dans ma main sans appréhension.

Quelques instants plus tard, un grondement de plus en plus fort et des éclats de voix nous ont sortis de notre tranquillité : à une dizaine de mètres de nous, sur le sentier de randonnée, trois jeunes gens casqués et chevauchant leur engin de motocross arrivaient presque droit sur nous, tout en criant et s'interpellant les uns les autres. Je me suis accroupi dans les broussailles et nous nous sommes cachés. J'ai trouvé cette situation assez invraisemblable et absurde. Mascotte a semblé moins perturbé que moi et, après environ une minute d'inquiétude, j'ai été soulagé de voir les trois motocyclistes s'éloigner. Le calme est progressivement revenu mais, par prudence, j'ai préféré m'éloigner du sentier, m'enfonçant avec Mascotte dans des zones plus sombres et plus denses de la forêt.

J'ai alors fait subir à Mascotte un test de comportement que je préparais depuis longtemps. J'ai sorti de mon grand sac vert non pas une mais deux cuisses de poulet cru. Une dans chaque main. Il les a regardées l'une après l'autre, se pourléchant les babines à l'avance comme dans un dessin animé. J'ai bien vu qu'il était hésitant. Il s'est décidé pour ma main droite, où il est venu calmement prendre le morceau de viande entre ses longues dents impressionnantes. J'ai trouvé son geste plus lent et plus calme que d'habitude. La première cuisse de poulet dans la gueule, il a regardé à plusieurs reprises l'autre cuisse puis mes yeux, puis à nouveau ma main gauche, semblant se dire "Mais qu'est-ce que tu me fais là ? Qu'est-ce que je dois faire ?" Ce que j'espérais s'est alors produit, à peu près comme je l'avais imaginé : après quelques hésitations, il s'est éloigné de moi d'une vingtaine de mètres et s'est arrêté au pied d'un grand arbre, le plus grand de la zone. Là, il a enterré la première cuisse de poulet. En fait, il ne l'a pas vraiment enfouie, se contentant, avec ses pattes avant, de creuser très légèrement en écartant un peu de terre et les quelques brindilles qui se trouvaient à cet endroit. Puis il a déposé la cuisse de poulet et, à ma grande surprise, l'a recouverte de terre et de brindilles non pas à l'aide de ses pattes avant mais avec son museau, par de lents et amples mouvements de son cou effectués de la gauche vers la droite. Je ne sais pas si les chiens procèdent de la même manière. Je suis resté à une dizaine de mètres de lui et je n'ai donc pu photographier la scène que de loin, ne voulant pas le perturber et préférant le laisser faire tranquillement sans le déranger.

Après avoir terminé, il est revenu vers moi, sans doute parfaitement conscient du fait que j'avais tout observé de son manège. À ma grande satisfaction, la suite s'est passée elle aussi comme je l'avais imaginée : Mascotte est venu calmement prendre entre ses puissantes mâchoires la seconde cuisse de poulet, que je tenais toujours dans ma main gauche, puis il est parti dans la direction habituelle, très certainement celle de son terrier. Je l'ai suivi en marchant sur à peine une trentaine de mètres, car la forêt est dense à cet endroit et j'étais trop grand et trop gros pour pouvoir me faufiler comme lui entre les arbres et les branchages. J'ai hésité à l'appeler pour qu'il m'attende. Mais à quoi bon me rapprocher davantage de son terrier ? J'avais déjà eu droit à tant d'émotions. Et Mascotte avait réussi son test. Mon "p'tit loup" est très fort et vraiment merveilleux. J'ai pensé à rester là un moment, dans l'attente de son retour pour venir récupérer la première cuisse de poulet, au pied du grand arbre. Mais je me suis senti comblé. Alors je suis reparti silencieusement vers l'orée de la forêt, en essayant de me faire le plus petit et le plus discret possible. J'avais l'impression étrange et exaltante d'être le détenteur de grands secrets.

Pratiquement un an jour pour jour après notre toute première rencontre, j'ai passé avec Mascotte, ce samedi 21 mai 2005, des moments merveilleux, intenses et d'une grande richesse pour moi. Jamais je n'avais ressenti aussi fort le privilège extraordinaire de partager une relation de confiance sans doute rarissime avec un animal sauvage.

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