Mascotte, mon ami le renard de la Montagne de Lure, le 4 juin 2005 

Les fourberies de Mascotte, ce chenapan, ce voleur...

Je ne sais toujours pas où se trouve exactement le terrier de Mascotte. Mais je pense savoir assez précisément dans quelle zone de la forêt il est situé. C'est dans cette zone que je me suis rendu samedi soir 4 juin, muni comme à l'habitude de mon appareil photo et aussi, cette fois, d'un caméscope. Au contraire de la semaine précédente, lorsque j'étais arrivé à une heure trop précoce, j'ai cette fois attendu 19 heures et une température ambiante mieux adaptée à mon renard préféré et à son manteau de fourrure.

J'ai marché un moment dans cette magnifique forêt de Lure que je commence à bien connaître maintenant. Elle offre une variété extraordinaire de couleurs, de plantes et de parfums : elle est dense et fraîche à certains endroits, tandis que quelques larges chemins de randonnée donnent accès ici et là à des petites clairières illuminées de soleil et magnifiquement colorées en ce moment de jaune (les genêts) et surtout de bleu (les aphyllanthes). Les pommes de pin ajoutent au parfum de toutes les fleurs une touche de senteur irrésistible : c'est un pur bonheur, indescriptible.

À un moment, je me suis arrêté et j'ai pensé : "c'est par ici". La forêt était très calme, les insectes semblaient avoir tous mis fin à leur labeur quotidien et je n'entendais plus que les chants lointains de quelques oiseaux. C'est à ce moment-là seulement que j'ai commencé à appeler mon animal sauvage préféré, celui que j'ai apprivoisé... et qui m'a apprivoisé.

Il n'aura fallu qu'environ deux minutes. Peut-être avait-il déjà repéré ma présence avant même que je commence à l'appeler. Il est venu une nouvelle fois se placer à mes côtés sans attirer mon attention, comme par magie, sans que j'aie pu le voir arriver, silencieusement, "sur la pointe des pattes".

La suite immédiate s'est déroulée à peu près comme à l'habitude : nous avons notre rituel de retrouvailles. J'ai quitté le sentier pour une petite clairière très fleurie, Mascotte pressant le pas à mes côtés. Avant que j'aie eu le temps de m'asseoir par terre, Mascotte a cherché à refermer ses mâchoires sur mes chevilles, comme la semaine dernière. Cette fois, je me suis bien gardé d'écarter brusquement la jambe, ce qui m'a évité une nouvelle légère morsure. J'ai élevé le ton, le menaçant vigoureusement de la voix. Il m'a obéi, faisant un pas en arrière en me regardant d'un air surpris et semblant comprendre que ce n'était pas une chose à faire. Je ne sais toujours pas ce que signifie son comportement. Il ne m'attaque pas véritablement, en tout cas il prend soin de ne pas me blesser, mais son attitude n'est-elle pas la marque d'une certaine agressivité à mon égard ? Je ne pense pas qu'il me taquine ou qu'il cherche à jouer. Il se comporte ainsi depuis que je lui apporte du poulet (cru) sur son territoire. Peut-être n'accepte-t-il pas que je vienne sur son territoire ? Ou tout au moins qu'il doive mendier du poulet alors qu'il se trouve sur son propre territoire de chasse ? Après tout, ce poulet ne lui appartient-il pas dès lors que je suis sur ses terres ? Ou bien se jette-t-il sur mes chevilles plutôt pour me faire part de son impatience ou de sa faim ? Ou pour me faire comprendre qu'à cet endroit il est chez lui, que c'est lui le chef et que j'ai intérêt à lui obéir et lui concéder la nourriture toutes affaires cessantes ?

Il fallait que je mette les choses au point, que je me fasse respecter afin de ne plus me faire mordre : à contrecoeur, j'ai fait ma crise d'autorité, menaçant de la voix et du geste en agitant vaguement les bras. Il s'est calmé et a semblé admettre que c'était moi le chef.

Je me suis assis dans l'herbe, au milieu des myriades de petites fleurs bleues. J'ai posé le caméscope et l'appareil photo, ainsi que le sac à dos. J'ai donné à Mascotte quelques bouts de poulet cuit, qu'il est venu manger calmement dans ma main comme d'habitude. Mascotte s'est ensuite quelque peu éloigné de moi, puis est revenu en trottinant (première des huit photos ci-dessous). Il s'est promené un moment autour de moi, calme, s'arrêtant un instant dans les herbes comme pour méditer et se recueillir (troisième et quatrième des huit photos). Je l'ai ensuite filmé pendant plusieurs minutes. Très coopératif, il est venu approcher le museau jusque sur l'objectif du caméscope. Jusque là tout allait bien, je maîtrisais la situation...

Un animal sauvage est imprévisible, je ne dois jamais l'oublier. Mascotte a sans doute senti la présence de poulet cru dans le sac à dos. Brusquement, alors que je ne m'y attendais pas du tout, il s'est jeté sur le sac à dos, refermant ses puissantes mâchoires sur l'une des sangles. J'ai juste eu le temps de me jeter à mon tour sur le sac à dos, réalisant en un instant que Mascotte allait fuir en emportant le sac. Attrapant l'autre sangle, j'ai tiré violemment pour que Mascotte lâche prise... mais sans succès car, puissamment arc-bouté sur ses pattes, Mascotte tirait de toutes ses forces et ne voulait rien savoir. Il m'a fallu crier à nouveau, presque hurler, pour que Mascotte consente à capituler. Après avoir enfin lâché prise, il a juste fait un pas en arrière, me regardant d'un air un peu hébété et déçu. J'ai probablement adopté l'attitude appropriée car Mascotte ne m'a pas montré les dents et n'a pas fui non plus. Pour parachever ma brillante victoire psychologique, j'ai cru intelligent d'ajouter d'une voix puissante un très grotesque "C'est moi le chef, ici !!!" qui a dû faire se tordre de rire la forêt tout entière... j'en ai encore un peu honte. Dans un instant de pure illumination, j'ai même eu l'idée, pour bien faire comprendre à Mascotte qui était le chef, de gronder bruyamment en lui montrant mes dents d'une façon menaçante et, en théorie, sauvagement animale (imaginez la grimace). J'ai bien failli le faire mais je me suis finalement abstenu. Compte tenu de la taille ridicule de mes canines par rapport aux siennes, cela m'a peut-être évité d'être le premier être humain à voir un renard éclater de rire...

En tout cas, il est maintenant avéré que derrière sa petite frimousse de peluche toute mignonne, Mascotte n'est qu'un voleur de sac à dos, un fripon, un chenapan, un voyou, une canaille, un garnement.

J'ai dû percher temporairement le sac à dos dans les hautes branches d'un arbre. Quelques minutes plus tard, face à Mascotte ramené au rang de dominé, j'ai fièrement redescendu le sac à dos - tout en maintenant mon ascendant psychologique d'une voix ferme et moralisatrice - et je lui ai donné une première petite cuisse de poulet cru. Il est venu la chercher dans ma main, calmement et sans la voler. Il est tout de suite allé l'enterrer puis il est revenu au galop pour réclamer la seconde. Mascotte apprend vite et il se souvient parfaitement des épisodes précédents de l'histoire de nos rencontres. Il est venu gentiment chercher la seconde cuisse de poulet cru dans ma main. Je lui ai donnée et je l'ai regardé partir en marchant tranquillement vers son terrier. Il a eu ce qu'il voulait. Je l'ai suivi un moment sur le chemin de randonnée (dernière des huit photos), jusqu'à ce qu'il quitte le chemin pour s'enfoncer dans des zones très denses où je ne pouvais le suivre sans le perdre de vue.

Je me demande qui est le véritable vainqueur de notre bataille psychologique de ce jour-là.

Sacré Mascotte. Il me manque déjà.

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