Le jeu des 4 erreurs

 

Jouez avec Astrosurf Magazine et découvrez les 4 erreurs ou imprécisions qui se glissent dans le texte ci-dessous. Ces quelques lignes sont extraites d’un article sérieux paru dans une ancienne revue d’astronomie par un auteur français qui n’a plus rien à démontrer en matière de construction de télescope. Et pourtant...

... Pour l’observateur du Ciel Profond, l’instrument doit avoir un gros diamètre et une focale relativement courte (Æ>300 mm et rapport F/D < 5). Le miroir principal, bien que très ouvert, pourra être de qualité moyenne (λ/4 sur l’onde soit λ/8 sur le verre) si les grossissements prévus ne dépassent pas une fois le diamètre de l’instrument. En général, l’observation des objets faibles se fait avec de faibles grossissements et la figure de diffraction reste en dessous de la limite de résolution de l’oeil. Cependant, il est possible d’utiliser de forts grossissements sur certains objets du Ciel Profond (nébuleuses planétaires, amas globulaires) pour augmenter le contraste et mieux percevoir certains détails...”.

Erreur n°1 : un gros diamètre en Ciel Profond ?

En Deep-sky, tout type d’instrument et tout diamètre a son charme, un gros comme un petit. Quel plaisir d’utiliser un petit instrument à plein rendement. Il suffit de feuilleter le guide de J-Raphaël GILIS décrivant les possibilités d'observation avec une modeste L60 ou un T115 ("J'observe le Ciel Profond"). Voir également les performances assez surprenantes d’une simple J15x50 (Cf. Astrosurf mag. n°15 page 16).

Le T800 de Vincent Le Guern fera mieux que mon T356 mais sera forcément moins bon qu’un T2560 dans l’hypothèse qu’il soit équipé pour le visuel. Laissez donc de côté la course au diamètre et poussez plutôt votre propre instrumentation dans ses derniers retranchements. En gros, si votre optique est correcte, laissez-vous surprendre par ses performances. Chaque diamètre a ses propres challenges. Alors, y a-t-il un diamètre optimal en Ciel Profond ? Afin de guider le novice, je vous parlerai succinctement du T300 souvent cité dans les manuels comme le diamètre minimal à posséder pour détailler efficacement les objets galactiques. Pardonnez-moi la mise en scène un peu grossière qui va suivre :

- Un Deep-Skyer expérimenté équipé d’un T300, l’exploitant dans de bonnes conditions de ciel devrait être satisfait de son choix et pourra produire des travaux dignes d’intérêt, notamment des dessins assez détaillés. Les objets Messier et certains NGC contrastés commenceront à prendre une texture particulière à l’oculaire (voir les rubriques régulières de Bruno SALQUE et les dessins attenants).

- Un Deep-Skyer moins expérimenté équipé d’un T400, voire un peu plus, l’exploitant dans des conditions de transparence plus ou moins favorables verra les mêmes détails (pas plus, pas moins) que son collègue précédent. Pourquoi ? L’expérience visuelle, la peur ou l’incapacité de monter en grossissement, le manque de patience à l’oculaire ou que sais-je encore... (cf. homéostasie de l’oeil)

- Notre dernier Deep-Skyer, très expérimenté, ne possède qu’un modeste T250. Mais lui a mis tout les atouts de son côté. Il n’a pas forcément un meilleur ciel que le premier. Son télescope est certainement bien réglé. Son degré de patience est exemplaire. Et il sait jouer du grossissement pour faire varier à sa guise le contraste de l’objet par rapport au fond de ciel. On l’a même vu utiliser toute sorte de filtres, même des colorés ! Son oeil n’est plus qu’un capteur CCD constamment à l’affût de la moindre différence de luminosité. Ainsi, comme par magie, il verra les mêmes détails (ni plus ni moins) que son confrère, pourtant déjà expérimenté, armé du T300. Et chose encore plus surprenante, ses dessins égaleront ceux produits par l’autre amateur au T400 !

Franchement, je ne pense pas que l’exemple ci-dessus soit exagéré. Il traduit par bonheur la diversité de l’homme et de son matériel. Les dessins ainsi produits sont tous différents. Peut-on en dire autant des images brutes CCD produites par des machines souvent au foyer de mêmes instruments apo ?

Erreur n°2 : Un rapport F/D <5 en Ciel Profond ?

C’est la faute la plus répandue et celle qui me fait le plus bondir. En construction instrumentale, il est concevable qu’il soit plus pratique d’opter pour des rapports courts à des fins ergonomiques. Mais les problèmes optiques auront vite fait de les rattraper lorsqu’il faudra choisir des primaires très ouverts ! Des grands noms de l’astronomie amateur, français comme américains, se sont laisser prendre au piège et les livres de vulgarisation sont fréquemment entachés de ce type d’erreur. Rappelons qu’à qualité égale et qu'à Æ identique, un instrument à F/10 aura la même image qu'un instrument analogue à F/5. Et je fais fi des problèmes d’aberration de sphéricité, de coma, des contraintes de collimation, de mise au point délicate et du manque fréquent de bafflage des télescopes très ouverts.

Imprécision n°3 : Qualité moyenne du primaire en Ciel Profond ?

Même si les problèmes optiques grandissent vite avec l’accroissement du diamètre instrumental, on doit se battre pour obtenir un instrument le plus parfait possible autour de 300mm d’ouverture. Fervent défenseur du Deep-Sky “haute résolution”, je puis vous dire pour les avoir vécues les gênes occasionnées par une optique modeste inférieure ou égale à la limite de Rayleigh en sortie : baisse de contraste, moins bonne résolution, sensibilité presque permanente à la turbulence atmosphérique, effondrement des performances à G>D! Si sur une année, vous n’avez jamais de bonnes images télescopiques et que vous maudissez constamment la turbulence, quelque chose ne tourne pas rond avec votre tube. Pour nous, cela se traduit par des dessins moins détaillés avec de possibles confusions (étoiles doubles prises pour des régions HII, étalement exagéré de nébulosités, beaucoup de galaxies sans noyau, Magv limite en recul, etc.).

Aux dernières RAP, l'heureux possesseur du T800 et ancien chroniqueur de CE, Vincent Le Guern pouvait ainsi s’estimer heureux d’avoir réaliser un Dobson avec une précision en sortie légèrement supérieure à λ/4 sur l’onde.

Imprécision n°4 : L’observation des objets faibles se fait avec de faibles grossissements ?

De nombreux objets Deep-sky nécessitent d'employer le grossissement utile voire les grossissements forts pour venir à bout des détails contrastés. C'est souvent le seul moyen de rehausser le contraste de l'objet par rapport au fond de ciel. Vous pouvez consulter utilement le graphe des grossissements usuels en Ciel Profond (Cf. Astrosurf mag. n°12 page 14). De plus, l’expérience vous montrera que des objets comme Helix plus à leur aise dans les grossissements faibles, ne sont pas légion dans le ciel.

Enfin, pour que le jeu soit complet, j’aurais pu terminer ainsi :

- Vous n’avez trouvé qu’une seule erreur sur les 4 : votre cas n’est pas désespéré, vous êtes là pour apprendre !

- Vous avez trouvé les 4 erreurs ou imprécisions : je vous ai fait perdre votre temps mais je me promets de me rattraper dans le prochain numéro sur un sujet plus approfondi.

Aussi je préfère clore en vous proposant le même jeu avec ce morceau choisi d’un ensemble de chroniqueurs Deep-Sky dits expérimentés (année 1999).

... Mais le 115 sait bien vite rappeler à l’astronome avide d’images détaillées qu’il n’a qu’un miroir d’à peine 12cm et qu’il a presque 1m de focale. Son rapport F/D chatouille les 8, ce qui ne le prédispose guère au ciel profond...”

A vous de jouer !!!


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