UN  C14  POUR  QUI,  POURQUOI ?

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Par Fabrice Morat

 

Je dédie cet article à Richard S. qui a su me rassurer sur ce projet de changement de tube dans les heures de doute …

Afin de mieux vous faire comprendre les raisons d'un tel dessein -choix d'un C14-, un rapide historique s'impose. En guise d'introduction, je reprendrai en fait de larges extraits d'une correspondance (année 2000) que j'avais échangée avec J. DRAGESCO qui, comme vous le savez, avait possédé un tel tube pendant  une douzaine d'années.

F.M. "…Possédant un CG11-optique CELESTRON 11 sur monture équatoriale allemande LOSMANDY- depuis 5 ans et l'utilisant essentiellement en ciel profond, une idée de plus en plus obsessionnelle m'envahit depuis peu : et pourquoi pas un C14 ?!

Quelques précisions me concernant: j'habite un chalet en montagne, je peux donc observer fréquemment, à domicile, n'importe quel soir de la semaine; la transparence est bonne, la pollution lumineuse négligeable. Il me faut environ 5mn pour monter mon instrument complet sur la terrasse (un des plus du CG11). L'hiver, la nébuleuse de la Tête de Cheval m'apparaît assez souvent au T280x90+Hb. Paraît-il que je fais partie d'une minorité privilégiée d'astronomes amateurs. Je travaille essentiellement à l'aide des 2 tomes du "Night sky observer's guide" et je m'amuse à pousser mon C11 dans ses derniers retranchements: les nébuleuses et galaxies y étant classées par famille de diamètre instrumental, je me trouve toujours dans le groupe des 12/14" et quelquefois dans celui des 16/18" en ce qui concerne l'aspect des détails soupçonnés ! Heureux! Mais alors, pourquoi vouloir changer ?

Je trouve que le C11, en ciel profond, représente un diamètre de "challenge", à la frontière des grandes optiques: il est grand chez les petits et petit chez les grands; et mes observations le prouvent: je vois parfaitement les objets Messier et parfois, je soupçonne des objets que des télescopes supérieurs voient plus distinctement. Afin de conforter mon jugement sur le système optique idéal pour l'astro-dessin, je décide de participer à la "star-party" française (Rencontres astronomiques du Pilat) près de St Etienne: n'ayant jamais mis l'œil dans un Dobson, j'ai été servi; ce type de télescope très ouvert représentait l'essentiel du parc. Quelle ne fut pas ma déception d'observateur expérimenté lorsque des objets célestes m'apparurent si peu contrastés: dans un T760, l'étoile de M57 invisible! Sur la plupart des Dobsons présents dont certains de fabrication personnelle, toujours les mêmes constatations: coma importante sur les bords, inconfort de l'observation, sensibilité de la monture au vent, mauvais piqué d'image. Seuls semblaient émerger du lot, en terme de qualité d'image et douceur dans le maniement du tube les non moins célèbres OBSESSION (15 et 25" notamment). De jour, malgré une turbulence diurne apparemment importante, j'en ai profité pour jeter un coup d'œil dans une grande lunette de 150mm: je m'attendais à un bon piqué d'image sur les taches solaires mais là encore, nouvelle déception, pas mieux que dans mon T279; je ne pus que faire la triste constatation suivante: même l'instrument le plus parfait optiquement est limité par la turbulence atmosphérique …"

Voici maintenant pour vous les meilleurs moments du retour de courrier de J. DRAGESCO avec son aimable autorisation :

J.D. "…Le tube C14 avait le mérite d'être le seul télescope de ce diamètre aussi léger (en monture CELESTRON) et théoriquement, pouvant être installé par une seule personne, en moins de 30mn. En fait, je n'ai jamais pu fixé le tube du 356 tout seul, trop lourd et difficile à tenir, pas de poignée ! C'est pour cette raison aussi que pas mal d'observatoires l'ont acheté (pour l'emporter en mission). Ceci dit, j'ai trouvé que c'était un instrument MEDIOCRE (j'ai possédé 35 instruments et utilisé bien d'autres de 50mm à 1m06) avec la monture d'origine CELESTRON (trop légère, vibrations, entraînement détestable, erreurs fantaisistes non périodiques) […]

Pour ce qui est du tube optique, il était quelconque. Je suis entré en correspondance avec un opticien américain qui avait travaillé chez CELESTRON, justement sur le C14. Il était parti car il trouvait que l'on ne se donnait pas la peine -à Torrence- de bien fignoler les retouches finales des pièces d'optique. Il s'était donc installer à son compte pour tailler les optiques et … corriger les C14 par trop médiocres (il en a vu   qui étaient à 1l d'erreur !). Il pouvait rendre un C14 presque parfait mais l'opération revenait trop cher. Lorsque j'observais simultanément avec le C14 et la L178 d'ASTROPHYSICS, la planète Jupiter, je voyais mieux les détails dans la lunette. Ceci dit, j'ai quand même réalisé des centaines de photos à haute résolution (mais pas meilleures que celles réalisées par G. THERIN avec un TAKAHASHI de 225mm!) […] C'est sûr que pour un diamètre de 356mm, le C14 est le télescope le plus léger et le plus facile d'utilisation. Si la monture LOSMANDY le supporte bien, vous devriez en être content. Pour le montage du tube C14 sur la G11 par une seule personne, je reste sceptique (mais peut-être que vous êtes un jeune athlète!).
Personnellement, je ne conçois absolument pas l'utilisation d'un C14 avec démontage et remontage à chaque observation…Mon conseil: installez donc votre C14 de façon inamovible
"

Mais où sont les concurrents du C14 ?

A ce stade de l'histoire, je me rendais bien compte la chance que j'avais à pouvoir changer de tube optique: le CG11 était tout bonnement un instrument évolutif, en ce sens que la monture G11 pouvait recevoir d'autres collecteurs de lumière. Et dire qu'en 1996, j'avais failli acheté à la place le MEADE 305 LX200, instrument non évolutif par excellence! Ce sont mes amis du magasin parisien "Le Télescope" que je dois remercier. Sur le marché concurrentiel, les tubes optiques seuls de 12 à 16" et dispos en France ne sont pas nombreux et aucun ne réussit à franchir la double haie du prix et du poids. Voici quand même un rapide tour d'horizon: qui a déjà vu les très rares et réputés QUANTUM OU QUESTAR12 ? A Colmar, le MEWLON300 de TAKA avait pourtant fière allure allongé dans son carton mais poids (27kg) et prix m'ont laissé perplexe. Le catadioptrique MEADE12" répondait à mes exigences mais sa supériorité par rapport au C11 n'était pas importante. Qui est capable de faire un épaulé-jeté avec l'impressionnant SCT MEADE406mm? Pour les mêmes raisons, chez INTES-MICRO, j'écarte d'emblée les Maksutov-Cassegrain de 350 et 400mm ainsi que l'excellent Maksutov-Newton 400/2000. En version Newton, les poids grimpent également vite. Par exemple, la version équatoriale du Starfinder 16"MEADE avoisine les 112kg, ce qui laisse augurer de la masse du tube! Les plus confidentielles maisons ASTAM et CARDOEN proposent des tubes serruriers avec des prix démesurés pour ces derniers. Finalement, la porte semble grande ouverte aux constructeurs de Cassegrain classique à F/D entre 12 et 15.

Pour la suite de l'article, et afin de briser ce monologue, je vous laisse en compagnie de ces amateurs fictifs qui ont tous leur franc-parler: Christophe (Ch.), un des nombreux détracteurs des SCT (télescope Schmidt-Cassegrain). Emmanuel (Em.) se penchera sur les côtés mécanique et optique. Quand à Yann (Yn.), il s'intéressera plutôt aux possibilités visuelles du tube C14 notamment en ciel profond. D'ors et déjà, le dialogue peut commencer.

 Yn.   En tant que Deep-skyer, pourquoi n'as-tu pas choisi un diamètre beaucoup plus important comme un Dobson par exemple?

FM.   Opter pour du dobson, c'est une autre philosophie. Généralement, les dobson, de part leur monture, ne sont pas de véritables instruments scientifiques capables de mesures précises et fiables. Même si les choses sont en train de bouger dans ce domaine (cf. les réalisations de F. GEA et D. VERNET). Je n'ai que trop vu des dessins mal orientés réalisés par ces instruments. Comment voulez-vous par exemple calculer un angle de position précis? Si je ne faisais pas de dessin, peut-être aurais-je opté pour l'OBSESSION de 15", un dobson de taille humaine.

 Ch.   Pour moi, le SCT n'est qu'une optique hybride pour l'astronomie en dilettante, un télescope à tout faire spécialisé dans aucun domaine.

FM.   Cette pensée négative qu'entretiennent certains guides de matériel astro n'est qu'une généralisation hâtive. Elle concerne toutefois les tubes SCT de mauvaise qualité optique et elle aurait pu très bien s'appliquer à n'importe quel autre système optique aberrant. Secundo, je suis fier de pouvoir faire du terrestre avec mon SCT! Inversement, demande donc à un propriétaire d'une lunette s'il n'a jamais braqué un objet Messier! De la même façon, le réfracteur se montre polyvalent en visuel.

 Ch.   Je n'ai jamais vu d'image spectaculaire en planétaire avec ton type d'instrument; le contraste est souvent en retrait dû à sa forte obstruction.

FM.   C'est ce que je croyais avant d'avoir regardé dans le C14. Jusque là, les SCT n'étaient pour moi que des instruments de moyenne résolution. Avec tout le mal que l'on dit sur les SCT, j'en arrivais même à souhaiter de tomber sur un futur tube pas plus mauvais que mon ancien C11. Après différents tests sur le terrain avec le T356, j'ai du revoir mon jugement et considérer que certains SCT, bien réglés, peuvent être de haute résolution un peu comme l'avait été le TSC225 de TAKA pourtant obstrué à 33%.

 Ch.  Avec ton C14 obstrué à 32%, tu pars déjà avec un handicap !

FM.   C'est exact, le rapport de Strehl de mon instrument avoisine les 0,77; ce qui en fait une optique tout juste bonne selon SUITER, en tout cas bien meilleure que les 0,65 de mon ancien tube C11. Ce handicap peut se traduire par une diminution des détails peu contrastés (surface martienne et jovienne, bandes nuageuses de Saturne) durant quelques nuits parfaites sur une année. Et même sur des objets aussi difficiles, l'obstruction ne peut à elle seule rendre un C14 inférieur à une L250 parfaite.

 Ch.  J'ai remarqué que les SCT ont une plus grande sensibilité à la turbulence…

FM.   Pour les SCT de bonne qualité, c'est tout l'inverse qui se produit puisque la lame de fermeture bloque efficacement les échanges thermiques entre l'intérieur du tube et l'extérieur. La turbulence interne est ici fortement diminuée. Mais pour une optique passable, les effets de l'agitation atmosphérique viennent se cumuler aux autres facteurs de dégradation avec au final une image en constante ébullition. Si, sur une année, tu n'as jamais de bonne image télescopique à G>D et tu n'as de cesse de maudire la turbulence, quelque chose ne tourne pas rond avec ton instrument.

 Em.  Sur le terrain, qu'en est-il de la portabilité du tube ?

FM.   C'était une de mes grandes craintes avant l'achat. Serais-je capable de hisser tout seul les 25 kg sur la queue d'aronde ? La réponse est oui même si dans les premiers temps, je m'aidais d'un marchepied. Maintenant, j'effectue tranquillement le classique mouvement d'épaulé-jeté en gardant bien à l'esprit que je n'ai pas droit à l'erreur. Le geste demande force et précision pour une accroche parfaite dans la queue d'aronde. Certains jours, je me sens l'envie de soulever un SCT de 16'' mais peut-on embrasser stricto sensu un tel tube ?

 Em.  La monture G11 tient-elle réellement la route ?

FM.   Elle me permet de travailler efficacement mais on arrive ici en limite de charge avec les 25 kg de contrepoids pour contrebalancer plus de 28 kg de charge. Bien équilibrée, les moteurs ne peinent pas et la précision de suivi de 10'' est conservée. Dans la plupart des positions, les vibrations mettent plus de temps pour s'atténuer qu'avec le C11. Pour infos, aux RAP 2001, j'ai vu des charges de 24kg sur la tige contrepoids et même 27kg sur celle de F. VALBOUSQUET lui-même.

 Em.   Dans ces conditions, pourquoi n'avoir pas opté pour une monture équatoriale allemande plus "lourde" ?

FM.   Le but premier était d'évoluer modestement sur la G11. J'apprécie d'autant plus cette monture en terme de rapidité d'installation. Pour  mettre en place mon CG14 sur la terrasse, il me faut moins de 10mn : monté, branché et pare-buée à poste !  Bien entendu, j'ai lorgné sur d'autres montures comme la Titan de LOSMANDY ou la 1200GTO d'ASTROPHYSICS. Mais entre autres raisons, j'avais peur de perdre du temps et de l'énergie à leur installation. Dans le monde, le C14 se vend bien sur la grosse monture robotisée PARAMOUNT. A une "star-party", mon camarade Patrick SOGORB a préféré la solide NJP160 de TAKA comme réceptacle pour son C14 (moyennant adaptation). Un bon choix assurément ! Je pense que toutes ces belles montures énumérées excellent "en fixe" ou pour un usage sporadique de l'instrumentation (moins de 20 fois par an).

 Em.  Comment as-tu contrôlé la qualité de ton tube ?

FM.   Avec une année seulement de garantie, rien n'est de trop pour tester un gros diamètre. Car il a fallu attendre et attendre encore ces fameuses nuits où tout semble figé dans l'atmosphère (t<0,5''). Cf. aussi encadré. Heureusement, de formidables oppositions planétaires (Jupiter et Saturne) durant l'hiver 2001 m'ont permis de peaufiner la collimation et de passer le tube au Star-test. Verdict : légère surcorrection (l/8) des optiques sans autre défaut par ailleurs. De toute façon, il y a des signes qui ne trompent pas définissant une optique correcte :

-          Excellent comportement au "Snap test" : la mise au point est rapide, précise et sans hésitation même à fort G.

-          Le contraste est au rendez-vous : division de Cassini bien noire, anneau de crêpe légèrement violacé, ombres de toutes sortes bien tranchées, nombreuses taches et festons dans l'atmosphère jovienne, impression de survol sur les planètes géantes à fort grossissement.

-          La Lune reste bien blanche, sans trace de jaune même à fort G.

 Ch.   Ce ne sont pas les défauts qui manquent sur les SCT, à commencer par leur système de focalisation !

FM.   Actuellement les deux défauts les plus dommageables des SCT du marché sont l'aberration de sphéricité et l'aberration de défocalisation. Pour la première très commune, c'est généralement la paire lame de Schmidt + primaire qui est mal corrigée. A moins qu'un mauvais apairage de la lame dans son logement ne vienne brouiller les cartes. De toute façon, il y aura toujours de l'aberration de sphéricité résiduelle dans tout SCT dû à son système de focalisation particulier. En effet, la lame de Schmidt n'a une correction optimale de ce défaut que sur une plage focale limitée et déterminée. Si vous sortez définitivement de cette zone par un changement radical de mise au point, une dégradation du contraste des images n'est pas à exclure. Pour la seconde souvent négligée, elle est engendrée principalement par la qualité mécanique du système de mise au point. Sur le terrain, j'ai pu constaté toutes sortes de choses : des molettes trop souples ou d'autres avec des points durs. Sur certains tubes, il est même impossible de mettre au point convenablement. Dans ces conditions, on peut parler vraiment d'aberration et on peut dire adieu aux travaux de haute résolution. Mais il existe heureusement une solution…

 Ch.  Et pour le reste ?

FM.   Les autres types de défauts demeurent mineurs. Je n'ai pas rencontré d'optiques contraintes ou déformées, d'aberration zonale, de bord rabattu, d'aberration chromatique ou de mamelonnage important. Et l'astigmatisme est quasi-absent. Peut-on en dire autant des gros diamètres artisanaux ou commerciaux associés à d'autres formules optiques? Sur mon C14 par exemple, j'ai essayé de juger les effets de dispersion de la lumière autour d'objets lumineux. Ils ne sont pas flagrants. Lorsque je détecte un tel halo, un rapide coup d'œil dans mon chercheur de qualité (Fluorite L60) me le montre également soit une diffusion d'origine atmosphérique.

 Ch.  Il doit bien falloir toute la nuit à ton C14 pour se mettre à température!

FM.   Une faible turbulence interne a un coût: un plus long "chambrage" du tube. Un SCT ne s'équilibre thermiquement que par conduction. Dans les règles de l'art, pour un gradient d'au moins 10°, il faut 1 à 2h pour que le C14 tempère. Pourtant, en pratique, le problème semble vraiment secondaire car hélas, j'obtiens généralement la même image un quart d'heure ou 2h après sa sortie; la turbulence atmosphérique de 3ème étage étant ici le perturbateur majoritaire. Pour la parade, je conserve l'instrument  dans un endroit entre 10 et15° l'hiver plutôt que 20 ou 25° !

 Em.  Quelle est ta solution pour faire disparaître l'aberration de défocalisation ?

FM.   Ce type d'aberration est dans le cas des SCT directement lié au problème de shifting. Pour mon C14, ce dernier reste inférieur à 30". Il était plus important et donc plus gênant sur l'ancien tube C11. Quoi qu'il en soit, au T356x1380, Saturne se balade mais reste dans le champ minuscule du Nagler  zoom 3-6 lorsqu'on fait osciller le bouton focus. Heureusement, il existe sur le marché  pléthore de porte-oculaires micrométriques. Pour ma part, j'utilise le NGF-S à mise au point électrique de chez JMI. Ainsi équipé, tu peux tirer un trait sur l'aberration de défocalisation !

 Em.  Quel est ton remède pour lutter contre le dépôt de buée ou de givre sur la lame ?

FM.   Sur le C11, j'avais utilisé au début la célèbre ceinture KENDRICKS synonyme de fils électriques, de raquette supplémentaire et de temps d'installation. Et puis, le pare-buée était indispensable. Par souci de simplicité, sur le C14, je n'ai conservé que le pare-buée. Il s'agit de l'extension souple CELESTRON -bien trop courte- sur laquelle je fais coulisser un 2ème pare-soleil extérieur réglable suivant la saison. Une fois déployé à plus de 2,4D, l'ensemble CG14 ressemble désormais plus à la Grosse Bertha avec l'ouverture culminant à presque 3m du sol. Il offre une barrière assez efficace du moment que l'on ne reste pas trop longtemps dans la zone circumzénithale.

 Em.  Est-ce que tu collimates souvent ton C14 ?

FM.   Depuis 4 ans, j'ai collimaté 2 fois mon instrument dont la première fois lors du contrôle du tube. Prochainement, j'aimerai pouvoir peaufiner l'alignement des composants au cours d'une nuit parfaite mais il faut une certaine abnégation car lors de ces moments privilégiés, les images approchent la perfection et il y a beaucoup plus urgent à faire que de grimper sur un tabouret avec sa clé "6 pans" ! Pour le C14 plus particulièrement, je pense qu'il faut savoir s'arrêter dans la finesse de collimation; il faudra se contenter d'une tolérance convenable oscillant autour de la position parfaite car j'ai quelques doutes sur les flexions du grand miroir lors du basculement du tube.

 Em.  Tes réglages de collimation sont-ils stables dans le temps ?

FM.   Apparemment, à en croire les différents auteurs, il y a 2 écoles. Ceux qui ont la "collimatite" aigue souffrent peut-être du manque de pérennité des réglages. A trop vouloir toucher, un jeu pourrait s'installer dans le porte-secondaire. Et ceux qui, comme moi, estiment que les SCT ont peu de chance de se dérégler et peuvent rester performants pendant des années. En tout cas, le tube C14 a passé l'épreuve du chemin cahoteux du Pilat (RAP 2003) avec succès !

 Yn.  Avec le recul, est-ce que le CG14 est un bon poste de travail pour l'astro-dessin ?

FM.   Le confort et la simplicité d'utilisation de la G11 ne sont plus à démontrer. Le tube C14, bien équilibré, se manie comme un C8. Et le suivi fait beaucoup pour la détection des détails faibles ou peu contrastés. Avec le stress en moins, on ne se concentre plus que sur l'image télescopique. Dessiner assis reste possible à condition de dénicher un siège adapté avec une hauteur réglable suffisante. A noter que la plus grande longueur du tube C14 implique une plus grande amplitude de la hauteur de vision; le CG11 étant plus confortable à ce niveau.

 Em.  Pour basculer du CG11 au CG14, quels sont les ajouts obligatoires sur l'ensemble ?

FM.   Un contrepoids de 10 kg supplémentaire, c'est tout ! J'en ai rajouté un autre de 5 kg pour compenser le poids de la FS60, de sa platine, du Telrad et du système NGF-S. Enfin, 2 masselottes de 5 kg avec adaptateur LOSMANDY viennent coulisser sous la queue d'aronde    pour soulager le poids de l'arrière du tube.

 Em.   La platine CELESTRON14, conçue pour la CI-700, est-elle bien adaptée à la queue d'aronde LOSMANDY ?

FM.   La compatibilité est quasi-parfaite. Le coulissage est même plus doux et plus agréable à l'usage que la platine originelle LOSMANDY aux angles agressifs. Il faudra simplement veiller à assurer convenablement le serrage du tube par la vis de blocage. Puis je peaufine l'ancrage du tube toujours par cette vis en faisant basculer le tube de part et d'autre du méridien.

 Yn.   Par rapport aux 2 tomes du Night Sky observer's guide, dans quelle classe instrumentale te situes-tu en visuel ?

FM.   16/18" et parfois 20/22".

 Yn.  Quels sont tes meilleurs souvenirs visuels au C14 ?

FM.   Bizarrement, c'est en planétaire que j'ai eu mes meilleures surprises: les satellites galiléens individuellement reconnaissables; Saturne bien sûr avec son anneau de crêpe diaphane, le reste des anneaux n'étant que microsillons; des cratères lunaires au relief saisissant; sans oublier les taches solaires finement ciselées. En fait, lorsque la turbulence atmosphérique passe sous la barre des 0,5", c'est un monde nouveau qui s'offre à nous. En ciel profond, les teintes rouge sombre, délicates signatures de l'hydrogène ionisé, que prennent les ailes de M42 sont une vision permanente et non plus élusive si le ciel est limpide. Finalement, couleur et sensation de relief semblent être la clé du plaisir à l'oculaire.

 Yn.   Les gains en magnitude limite instrumentale valent-ils la chandelle par rapport au tube précédent ?

FM.   Sous un ciel à MvlonUmi = 6,7; avec le C11, j'atteignais Magv16 pour les étoiles et Magv14,5/15 pour des galaxies à brillance surfacique élevée. Avec le T356, j'atteins actuellement Magv17,7 en visuel dans la région de M57 et certaines galaxies autour de Magv16 sont possibles. Bien entendu, les écarts seraient plus resserrés si l'on avait comparé 2 tubes de même qualité optique.

 Yn.  Quels sont tes challenges personnels en Deep-sky ?

FM.   Pour moi, chaque objet dans le ciel peut être source de défi à l'oculaire, un Messier comme un PK. Il suffit de lui consacrer un temps d'observation suffisant. Au C11, j'allais de surprise en surprise et les objets réputés difficiles, voire impossibles pour ce diamètre, tombaient un par un. Aussi, je ne me suis jamais arrêté sur la barrière de la Magv limite instrumentale. Avec le C14, l'aventure continue. Voici une petite liste de nébuleuses et galaxies plus ou moins faciles à l'oculaire du T356 : étoile centrale de M57, noyau de la petite galaxie IC1296 (près de M57), X-nebulae, Pease1 (nébuleuse planétaire extra-galactique dans M15), néb. de Mc Neil, néb. de Patchik, JE 1 et "sa" faible galaxie,…

Enfin cette anecdote: un soir, en braquant le champ immense des Dentelles du Cygne, le ciel était correct et pourtant, je trouvais une des dentelles principales un peu pâlotte bien qu'assez détaillée. Au bout de quelques secondes, je me rendis compte que je me baladai avec la raquette non pas sur NGC6960 mais sur le triangle de Pickering, une des dentelles anonymes intermédiaires ! Avec un tel luxe de détails, c'est promis, je la dessinerai cet été !

 Yn.  C11 puis C14 ! Vas-tu rentrer dans la course au diamètre en tant que deep skyer ?

FM.   Non bien sûr. J'apprécie trop la chance précieuse d'être tombé sur une bonne optique commerciale pour me risquer à changer d'instrument. Je resterai donc "petit" chez les "grands". Le challenge n'en est que plus passionnant.

 

La conversation continue, laissons les entre eux. Pour terminer sur une note optimiste, je vous laisse méditer cet axiome de J. DRAGESCO :

"On n'a pas besoin d'un télescope parfait pour faire du bon travail; les professionnels en savent quelque chose"

 

 

 

OBSERVATION EXCEPTIONNELLE ET EXPERIMENTALE  DE SATURNE A TRES FORT GROSSISSEMENT AU C14

 

Le 15 janv. 2005 à 0hTU; P = 1028 hPa (®); q = -6,7°C; H = 74%; S1 (t = 0,4" !); T4 (MvlonGem = 4 !); présence de brouillard…; collimation perfectible.

Le globe saturnien n'était qu'un immense ellipsoïde d'un jaune sale du à l'épaisse couche de stratus nebulosus.

La stabilité du ciel étant exceptionnelle, le Nagler zoom 3-6 a pris ses ailes :

· A » 690x :  anneaux de diffraction autour des étoiles; Saturne très correct, seule la transparence ternit le spectacle.

· A » 830x :  même chose en plus gros. Aucun détail supplémentaire.

· A » 1040x :  bande nuageuse toujours visible. Mise au point aisée. L'image n'est pas plus sombre qu'à 690x ! Ca ne bouge toujours pas ! Et me voilà transporté en plein XIXème S. au bout d'une grande lunette avec toutefois un rendement moindre…Saturne, plein champ dans l'oculaire, à plus de 1000x, séquence émotion !!!

· A » 1400x :  incroyable, l'image est encore potable et ne semble pas s'assombrir. L'immense division de Cassini est toujours là, la bande nuageuse est un peu plus difficile. Le snap-test est encore concluant. A près de G = 4D, en théorie, il est ridicule de juger la perfection de l'instrument, disons que la qualité optique de mon œil droit est loin d'être "rugueuse". Peut-être du "super-poli", qui sait ?

 

En fin de séance, malgré les 1,20m de pare-buée, des fleurs de gel ponctuent l'extérieur de la lame de Schmidt et progressent de manière structurée, guidées par les particules de poussière.

Il est sage de remettre à plus tard le nettoyage de lame !

 

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