POINTAGE DU CHERCHEUR IDEAL

Fabrice Morat

Autrefois considéré comme l’auxiliaire indispensable de tout bon instrument, le chercheur, à l'heure du tout automatisé, semble avoir perdu de son aura. Pendant des décennies, il n'a reçu aucune avancée technologique majeure de la part des fabricants. Pourtant, ce serait un raccourci hâtif de leur jeter l’opprobre. Les besoins de chacun ont également changé. Et si c'était à nous de formuler les caractéristiques du chercheur idéal pour l'observation visuelle...

Pour ce faire, nous passerons en revue les différentes méthodes de pointage puis mon évolution matérielle sur ce type d’accessoire et enfin ma solution commerciale actuelle pour faire mouche sur n'importe quel objet "Abell" que ce soit un amas lointain de galaxies ou toute "planétaire" barbare !

I - Principales méthodes de recherche :

"A chaque type de ciel et à chaque instrumentation sa méthode de recherche".

1) La recherche aux cercles de coordonnées (,).... la méthode scientifique :

- Matériel nécessaire : catalogue ou atlas + monture équatoriale équipée de cercles et d'un viseur polaire + chercheur moyenne gamme.

- Qualité de transparence de ciel requise : de mauvaise à excellente

- Connaissance du ciel requise : moyenne.

Durant mes premières années d'imprégnation Deep-Sky, j'ai utilisé avec succès cette méthode. Je disposais alors d'une simple monture allemande PERL-VIXEN Super-Polaris et d'un ciel banlieusard (région d'Annecy). A chaque nuit claire, je me donnais pour mission de balayer un des tableaux récapitulatifs (soit une vingtaine d'objets) du "Brunier" (Nébuleuses et galaxies,1981). Je restais donc cantonné dans une partie relativement modeste du ciel (1 à 2 constellations). Ce livre était d'ailleurs bien étudié pour cette méthode puisque les tableaux reprenaient les coordonnées équatoriales des principales étoiles-jalon. Il suffisait d'en pointer une puis de glisser vers l'objet convoité. Si la mise en station est suffisamment rigoureuse, ce mode de recherche, plus scientifique que poétique, reste fiable. A noter que certains amateurs futés emploient une variante de cet exercice en faisant simplement dériver en l'instrument d'un certain nombre de degrés à partir de l'étoile repère. Comme vous le voyez, un chercheur modeste peut suffire puisque il n'aura qu'à pointer des étoiles assez brillantes visibles dans le ciel local.

2) La recherche par cheminement d'étoiles, le STAR-HOPPING …. la méthode naturelle :

- Matériel nécessaire : atlas + chercheur de qualité + pointeur (facultatif mais conseillé).

- Qualité de transparence de ciel requise : de bonne à excellente

- Connaissance du ciel requise : bonne.

... Puis ce fut la plongée dans un ciel astronomiquement plus sérieux en moyenne montagne (région de Thônes). Armé dorénavant d'une G11 LOSMANDY munie de beaux et précis cercles de coordonnées, je m'attendais à utiliser avec fruit la méthode décrite précédemment. Et pourtant, les choses se sont passées autrement. Précisons que j'observais alors d'un balcon et que je n'avais aucune vue sur la Polaire ! Avec un ciel avoisinant MvlonUMi = 6,7 autant dire que l'utilisation des 2 URANOMETRIA ne posait aucun problème. Devant une telle myriade d'étoiles, le jeu consistait à superposer la vue du chercheur avec celle de l'atlas renversé. Il suffisait à partir d'une étoile principale de progresser à "saute-mouton" jusqu'à l'objet recherché par quelques alignements bien assurés. Et ce n'est que beaucoup plus tard, en lisant la littérature outre-atlantique que je découvrais que cette méthode portait un nom : le STAR-HOPPING. En ce sens, on peut dire qu'elle est complètement innée, diaboliquement précise, tout en demandant une certaine dextérité à l'oculaire. Le plaisir est décuplé si l'on possède un chercheur adéquat. En outre, c'est le seul moyen d'être en parfaite harmonie avec la voûte céleste. Attention, cette méthode n'est pas à prendre à la légère et peut très vite être vouée à l'échec ; il suffit d'une seule erreur d'alignement dans ce jeu de pistes !


Le STAR-HOPPING, le secret de la réussite...

Il faut la plus parfaite adéquation du champ résultant et de la magnitude limite de votre chercheur avec ceux de votre carte céleste de recherche.

 

3) La recherche automatisée "GOTO"... La méthode "électronique":

- Matériel nécessaire : pointeur ou chercheur bas de gamme

- Qualité de transparence de ciel requise : tout type de ciel

- Connaissance du ciel requise : minimale.

Je n'ai aucun recul suffisant sur les instruments dits "GOTO". On peut tout de même se risquer aux remarques suivantes :

- Méthode idéale en théorie

- sans contrainte physique

- ergonomique

- non pédagogique et plus proche du virtuel

- précision variable de la méthode suivant la qualité du matériel et du type de protocole.

- plus ou moins silencieuse !

- besoin d'une source d'alimentation

- Aucun besoin d'un chercheur luxueux.

On peut aussi remarquer que ceux qui emploient sur le terrain ce genre d'instrumentation ne sont généralement pas ceux qui observent le plus ou ceux qui observent le plus patiemment les objets du Ciel Profond. Pourquoi ? Primo, parce que cette méthode automatisée pousse ceux qui l'utilisent à effectuer un survol rapide du ciel, façon "Marathon Messier", afin de rentabiliser l'instrument. Secundo, cette méthode d'assistanat, et donc dans l'ère du temps, a tendance à annihiler les forces exigées à déceler les faibles plages nébuleuses d'un objet NGC. Malgré tout, elle devrait satisfaire certains astronomes amateurs avisés.

NOTA : Il existe une variante, à cheval entre celle-ci et la méthode n°1, dite des cercles digitaux. C'est une sorte de "GOTO" manuel. L'instrument doit être muni d'encodeurs optiques. Le choix de la monture est complètement libre. Aussi, je l'ai vu fonctionner sur un Dobson (Obsession de 15") avec succès. Il s'agissait d'observer la nébuleuse du croissant (NGC6888). Son propriétaire n'en fit qu'une bouchée, les yeux rivés sur l'afficheur de son écran de bord !

II - Quelques chercheurs et pointeurs astronomiques :

Voici quelques pièces optiques aux caractéristiques assez communes qui ont suivi mon évolution matérielle. Dans l'absolu, tout bon chercheur devrait être conservé dans sa collection, au même titre qu'une bonne monture ou qu'un bon oculaire. Ainsi, le tube optique serait vendu nu. En réalité, les instruments passent de main en main, presque complets, ce qui prouve la rareté de tomber sur un chercheur adéquat. Depuis les années 80 …

- chercheur réticulé 5x24 d'initiation sur L60

En plastique. Valable uniquement pour pointer la lune, planètes, étoiles et Messiers brillants.

- chercheur réticulé 6x30 sur T215

Suffisant pour la recherche aux cercles. Seuls les plus expérimentés et bénéficiant d'un bon ciel pourront aborder la technique du Star-hopping. Non adapté au diamètre instrumental.

- chercheur PERL-VIXEN 7x50 sur T215

Fabrication personnelle du réticule en fils de colle. Pied long pour dégager suffisamment le chercheur du tube. Bonne qualité d'image sur 6°.

- chercheur CELESTRON 7x50 réticulé éclairé sur T279 (C11).

Ex-fabrication soignée au Japon. Bonne qualité d'image. Confortable (bonnette caoutchoutée). Système variable d'éclairage très pratique. Avec un peu de volonté et un bon ciel, la méthode du Star-hopping est pleinement envisageable. Notons seulement un manque de contraste avec une pupille de plus de 7mm si le ciel est un peu clair. Aussi, avec l'urbanisation galopante, il n'est plus étonnant que les chercheurs 8x50 et 9x50 soient plus répandus.

- chercheur CELESTRON 7x50 (Cf. ci-dessus) + TELRAD sur C11.

Le TELRAD est le plus populaire des pointeurs. Et c'est de loin mon préféré. Son réticule est pour ainsi dire breveté UAI puisque l'on retrouve la triple cible sur les transparents de l'atlas Millenium et dans la plupart des logiciels Deep-sky. Très peu gourmand en piles, très robuste et confortable. Mais le système de fixation par adhésif est à revoir (à protéger absolument de l'exposition solaire). Confection obligatoire d'un mini pare-buée.

Pourquoi un pointeur associé à un chercheur ?

Le recours à un pointeur grossissant 1X se fait sentir rapidement si l'on s'adonne sérieusement au Star-hopping. Lui seul permet de démarrer le cheminement à partir de la bonne étoile.

 

- lunette fluorite TAKAHASHI L60X14 réticulé éclairé + TELRAD sur T356 (C14).

Lunette de qualité transformée en chercheur de luxe. Le plus dur a été de trouver un oculaire réticulé éclairé de longue focale pour abaisser le grossissement au minimum possible. A la limite, le PL25 CCD de chez MEADE, non destiné à un tel usage, a fait l'affaire. Soit au final, 3°15' de champ exploitable. Beaucoup d'objets du ciel profond, mêmes faibles, apparaissent déjà. Il est de mon devoir d'avertir le lecteur sur la difficulté de passer brusquement d'un traditionnel 7X50 à un 14X60 du fait d'un champ deux fois plus restreint et d'un nombre largement plus important d'étoiles faibles. La conséquence ne s'est pas fait attendre: je fus dans l'impossibilité d'utiliser confortablement les petites cartes de recherche du Night sky observer's guide, pourtant si commodes avec le 7X50. J'ai donc du recourir aux atlas supérieurs (URA ou MIL) afin de cheminer à des échelles plus proches de celle du champ résultant.

NOTA1 : Certains observateurs américains utilisent comme solution définitive un chercheur coudé redresseur d'image associé à un pointeur (cf. photo Steve Coe). Le besoin d'avoir une image non renversée est tout à fait légitime. Un tel stratagème présente également un bien meilleur confort d'utilisation. Attention tout de même aux pertes de lumière après passage par les prismes AMICI.

NOTA2 : Par contre, je n'ai jamais compris l'obstination de certains amateurs à vouloir à tout prix acquérir un chercheur coudé (avec un simple prisme standard à réflexion totale) car il faut être rudement doué pour comparer une vue "en miroir" du ciel avec un extrait de carte d'un atlas.

 

III - Le chercheur idéal en observation visuelle :

Afin d'exploiter pleinement la méthode universelle n°2, notre chercheur aurait les exigences suivantes :

- réticule assez fin pour ne pas masquer la cible ou toute étoile guide.

- éclairage faible du réticule avec batterie intégrée.

- suffisamment lumineux. 50mm

- suffisamment contrasté. 4 pupille de sortie 6mm

- champ assez large, bien corrigé et adaptable en fonction des cartes célestes.

- fonction possible de pointeur. G 3x

- visée droite pour un pointage naturel et rapide

- image dite "conforme", c'est-à-dire redressée, fidèlement comparable à l'aspect des cartes.

Soyons réalistes, le chercheur de nos rêves tel que décrit précisément ci-dessus, n'existe pas encore sur le marché de l'amateur. En tout cas, aucun ne réunit simultanément toutes ces caractéristiques. Par exemple, les mono-objectifs de jumelle ne possèdent pas de réticule éclairé. Et les excellents chercheurs TAKA (7x50 et 11x70) présentent une image renversée...En fait, peu de constructeurs se sont véritablement penchés sur la conception d'un bon chercheur. De nos jours, la quasi généralisation des montures robotisées tend à le faire oublier. Pour peu que cet article n'intéresse que les Dobsoniens et les constructeurs amateurs de télescope, je n'en serai pas étonné !

 

IV - Une solution qui n'a rien d'astronomique :

Déjà, au début des années 60, Jean TEXEREAU évoquait la possibilité d'utiliser des grosses lunettes d'artillerie en guide de chercheur. Si vous avez déjà feuilleté des catalogues de chasse de vente par correspondance, vous aurez été sensibles aux belles jumelles ZEISS, SWAROVSKI et LEICA mais aussi aux surprenantes lunettes de visée crépusculaires et autres points rouges. Mais ceci n'est que le début de l'aventure et les obstacles pour dénicher la perle rare susceptible de valider notre petit cahier des charges (cf. §III) sont fort nombreux. Pourtant, en 2001, avant l'achat de la petite fluorite TAKA, j'avais bon espoir d'aboutir dans mes recherches. Voyez-vous, lorsque l'on ne fait pas partie de la confrérie des chasseurs et que l'on préfère observer les oiseaux plutôt que de les tuer, il faut un certain courage pour tenir tête au vendeur et savoir absolument ce que l'on veut. A cette époque, aucune des dizaines de lunettes de visée existantes ne correspondaient vraiment. L'obstacle majeur était le suivant : Le réticule n'était pas invariant suivant le position du zoom. En pratique, le réticule devenait très épais à fort G, pouvant masquer un nombre important d'étoiles. Mon projet tomba à l'eau. En 2005, après une nouvelle étude du marché des lunettes de visée, et un bon contact magasin, mon choix s'est resserré sur une marque ancestrale autrefois prospère en Autriche, KAHLES, au même titre que SWAROWSKI.

Voilà enfin un fabricant qui propose de placer le réticule dans le 2ème plan focal ; le réticule reste alors fin quel que soit G.

Listons les principaux avantages et inconvénients pour nos besoins astronomiques, des lunettes de visée KAHLES, série HELIA CSX.

Avantages :

- réticule invariant d'une grande finesse avec au centre un minuscule point rouge.

- réticule au choix, réglable en azimut et hauteur.

- image conforme : fini les atlas renversés !

- 1 G mini 3x suivant modèle : plus besoin de pointeur

- zoom de qualité sans aberrations supplémentaires : adaptation facile aux échelles des cartes

- visée droite

- champ de vision généreux

- variation d'intensité lumineuse du point rouge avec mémorisation

- optique multi-traitée: transmission lumineuse annoncée à 99,7% par lentille

- bonnette caoutchoutée

- protège objectif à ouverture automatique : fonction de pare buée

- une des plus légères du marché.

- garantie 25 ans

Inconvénients :

- prix astronomique

- chromatisme sensible

- plage de réglage dioptrique trop restreinte : entre -3,5 et +2 dioptries avec une position médiane (0 dioptrie) réglée pour une distance courte (tir à 100m !). Pour l'astronomie, le point "0" aurait du être réglé pour l'infini.

conséquence : un myope ou un hypermétrope même léger, devra conserver ses lunettes pour la visée. Et même avec cela, on se trouve presque en butée de réglage dioptrique pour une visée à l'infini!

- la distance oeil-oculaire ou relief d'oeil est fixée à 9cm. Ce qui ravira le chasseur en lui évitant l'oeil au beurre noir (recul de l'arme après un tir). Il en est tout autrement en astronomie où la position sur l'axe optique, de nuit, à une telle distance, est des plus hasardeuses. Ma solution est la suivante : munissez-vous de bonnettes caoutchoutées de protection de 9cm de long (vendues comme accessoires).

Ces 2 derniers points concernent évidemment toutes les lunettes de visée crépusculaire puisque dédiées à la chasse. Il est rare que j'aborde la question du prix dans mes chroniques mais nous sommes ici devant un cruel dilemme : la plus grosse des KAHLES, la 3-12x56, en parallèle sur mon C14, vous allégera d'environ 1800 €. Soit l'équivalent de 2 petites lunettes fluorites TAKA.!

Aussi, il est difficile de conclure avec cette appréciation de Jean Texereau .

"Un véritable chercheur n'est pas un luxe."

Entendez la comme il vous plaira !!

Références :

"Guide du matériel d'observation de l'astronomie", A. VAN DER ELST

"La construction du télescope d'amateur", J. TEXEREAU

"Deep-Sky Observing", S. COE

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