LES WEBCAMS

L'évaluation a porté sur deux webcams. Il s'agit des modèles Quickcam VC de Logitech et de la Vesta Pro PCVC680K de Philips.

a) Logitech Quickcam VC
Le capteur possède des pixels rectangulaires de 8,2*3,8m. S'agissant d'un capteur interlacé il faut considérer avoir géométriquement à faire à des pixels de 8,2*7,6m. La pleine résolution est obtenue en mode CIF (352*288 pixels) Les autres modes de fonctionnement ne sont pas adaptés à la mesure en dehors du 320*240 qui semble être une fenêtre sur le CIF.
Sans entrer dans le détail des modes couleurs, on retiendra qu'ils se sont immédiatement révélés dépourvus d'intérêt pour les mesures. Seul le noir et blanc donne des résultats constants. Le driver permet de contrôler la luminosité, le contraste, l'exposition et la photosensibilité.
Outre ces réglages, on trouve un curseur de qualité d'image (sic !). En position 0, ce curseur active ce qui semble être une correction du vignettage du très mauvais objectif livré avec la caméra. De grands et larges cercles concentriques gâchent alors l'image obtenue par le télescope.
Les autres positions fournissent des images de plus en plus imprécises jusqu'à l'échelle 5. Seule la position 1 s'est avérée à terme utilisable pour les mesures.
Un bien triste tableau à première vue mais en réalité une caméra qui s'est révélée très agréable à utiliser et qui a fourni des résultats très intéressants malgré les défauts précités. Au titre des avantages, on notera sa capacité à poser plus de 2,5 secondes, des réglages très précis et efficaces du temps de pose et une sensibilité intrinsèque largement au-dessus de ses concurrentes.
Autre avantage pour l'amateur peu fortuné, elle se décline en une version sur port parallèle et fonctionne parfaitement sur n'importe quel PC de base (un P75 de la première génération la pilote sans problème)
Dans une configuration minimale, QCFOCUS de Patrick Chevalley apparaît être le logiciel le plus approprié pour cette caméra. Il est économe en ressources et très rapide. Une fonction d'assistance à la mise au point s'accommode parfaitement des images de la webcam et se révèle également une aide précieuse pour éviter la saturation. Les prises s'effectuent à la volée et sont stockées au choix soit dans un fichier.avi soit dans une série de bitmaps.

b) Philips Vesta Pro
Le capteur est une mosaïque de 640*480 pixels carrés de 5.6m de côté.
La pleine résolution et le champ maximum sont obtenus en mode 640*480. La documentation fournie avec la caméra pourrait faire croire qu'elle possède une dynamique de 12 bits. Il n'en est malheureusement rien. Pour supporter les taux de transfert acceptables par le PC et l'interface USB, l'image subit une compression interne destructive.
Les essais ont montré également de violents effets de seuil lors de captures en couleurs. Là aussi, le mode noir et blanc reste le plus constant d'une séance sur l'autre, c'est donc celui qui a été retenu.
Le driver offre une multitude de contrôle dont l'effet n'apparaît pas toujours évident au premier abord. Le taux de transfert, la luminosité, le contraste, la balance des blancs, le temps d'obturation et le contrôle du gain sont autant de paramètres sur lesquels on peut agir ! La totale méconnaissance du fonctionnement interne de la caméra et de son driver, le mutisme du constructeur sur ces points, apprennent à se montrer méfiants. C'est ainsi que seuls les temps d'obturation et le gain sont modifiés selon la cible visée.
Tous les autres contrôles sont positionnés systématiquement à 50%. La seule certitude est que le taux de transfert agit directement sur la qualité de l'image, il est donc recommandé d'utiliser par prudence le taux le plus bas.
En version standard, les temps d'obturation ne descendent pas en dessous de 1/25 de seconde, seules les étoiles brillantes sont accessibles. Heureusement Bernard Bayle, Laurent Deidda et Alain Demoy ont ingénieusement détourné quelques-unes des fonctions du driver qui autorise maintenant des expositions de 1/6 seconde. En appliquant la modification de l'électronique préconisée par Steve Chambers, la VP peut même atteindre des temps de pose illimités !
Une ombre au tableau cependant, les temps de pose courts (inférieurs à 1 seconde) sont difficilement contrôlables et le temps de pose réel n'est pas parfaitement maîtrisé. Il existe ainsi deux "trous", un entre 1/25s et 1/6s et l'autre entre 1/6s et 1s. Jusqu'à une seconde les trames sont exemptes de bruit, quelques pixels chauds apparaissent au-delà. Cette webcam se révèle beaucoup plus gourmande que sa consœur testée. Il n'a jamais été possible de la faire fonctionner une soirée entière sans plusieurs 'plantages' sur un P166 et elle a continué à créer des problèmes régulièrement sur un P200 à un tel point que j'ai failli l'abandonner. C'était encore une fois sans compter avec l'ingéniosité et la générosité du monde amateur, Axel Canicio en nous offrant la version 1.3 de son Astrosnap a balayé tous ces problèmes d'un revers. Les plantages ne sont plus qu'occasionnels et la seule chose à noter est un ralentissement inexplicable de l'ordinateur lors des appels fréquents du driver de la caméra. Astrosnap est le logiciel utilisé pour les captures avec la VP. Il offre deux fonctionnalités très intéressantes pour les duplicistes : une aide au calage de l'orientation du capteur et la possibilité de ne sauvegarder qu'une partie de la trame.
Un peu plus tard, Christian Buil modifiait aussi son légendaire Iris pour l'adapter aux webcams offrant à la fois la légéreté de QcFcus, le fenêtrage lors de la capture et la possibilité de sauvegarder directement au format fit. Les amateurs n'ont plus dès lors qu'un embarras : celui du choix !


METHODES D'ACQUISITION

Elles ont évolué tout au long de la période d'évaluation en fonction des objectifs fixés et toujours en vue de la détermination d'une méthode standard pour l'avenir.
C'est ainsi que sous les conseils éclairés de Florence et Pascal Mauroy nous sommes passés de la méthode d'étalonnage classique en visuel (mesure de nombreux étalons pour déterminer l'échantillonnage moyen de chaque configuration et analyse de la traînée) à celle consistant à se référer à des étalons à chaque séance.
Cette méthode aura simplifié l'évaluation et assurément fait gagner beaucoup de temps.

a) Organisation d'une séance
Les séances sont commencées aux alentours de 23 heures locales l'hiver et un peu plus tard lorsque les premières chaleurs se font sentir.
La mise en température est primordiale dans cette activité, la webcam apparaît beaucoup plus sensible que l'œil aux effets de la turbulence interne. Un mauvais équilibre thermique interdit toute mise au point précise et provoque des déformations d'images irrémédiables.
Le scénario d'une séance suit un programme que nous avons eu tout lieu de mettre au point :
- l'observatoire est ouvert suffisamment tôt afin que les températures s'équilibrent
- le capteur de la caméra est orienté parallèlement à l'équateur
- la mise au point est affinée
- le premier étalon est capturé
- suivent les étoiles du programme et éventuellement un étalon à intervalles réguliers
- un dernier étalon est capturé en fin de séance

b) Calage préliminaire
Le parallélisme du télescope guide et la justesse des indications des cercles sont vérifiés par la visée d'une première étoile. Il s'agit soit un étalon s'il y en a un de suffisamment brillant proche du méridien, soit d'une étoile de mv 2 à 4. Elle est calée au centre du champ à l'aide d'un oculaire de 7,5 mm (160x). Ces rapides préliminaires accomplis, la webcam remplace l'oculaire et l'on procède à la phase d'orientation du capteur.

c) Paramètres de prise de vue
Les paramètres de prise de vue qui se montrent les plus stables :
- QCVC: mode CIF. Noir et blanc. Qualité toujours à 1. Contraste toujours le plus faible possible. Exposition et luminosité à la demande
- VP : Taux fixé à 5 i/s (1 i/s sur le driver modifié) Noir et blanc. Tous réglages à 50%. Balance des blancs en mode fixation (elle ne bouge pendant la prise de vue) Obturation et gain à la demande.

d) Orientation du capteur
L'axe des x du capteur doit être le plus parallèle possible à l'équateur et l'orientation des quadrants est systématiquement la même. Pour un accès plus facile aux interrupteurs de commande de la VP, j'ai choisi arbitrairement de l'orienter de façon peu académique avec l'Est à gauche et le Nord en haut. La constance de l'orientation paraît importante pour éviter des biais difficilement détectables lors de la réduction, en particulier en présence de pixels rectangulaires. Une mise au point dégrossie est suffisante dans cette phase. La fonction "orientation de la caméra" d'un logiciel tel qu'Astrosnap est une aide précieuse. On peut aussi profiter de la géométrie de l'écran en ouvrant en avant-plan une fenêtre quelconque et en faisant défiler une étoile sur le bord (la course le long du fil avec le micromètre !). Il n'y a aucune difficulté à procéder de la sorte et après quelques courses de l'étoile le capteur est orienté de façon satisfaisante (pour la prise de vue seulement ! Lors de la réduction ce sont les étalons qui donneront l'orientation réelle de la matrice !).

e) Mise au point
C'est assurément le moment le plus délicat de toute séance ! Il est très difficile d'obtenir une mise au point sûre en regardant simplement l'écran. Un masque de Hartmann disposé à l'entrée du tube peut faciliter les choses, c'est pour cette raison que l'on choisit de pointer un astre suffisamment brillant dès le début. Suffisamment brillant ne signifie pas trop brillant, une étoile qui sature le capteur n'est pas d'une grande aide pour la mise au point. On peut se demander à juste titre pourquoi la mise au point précise suit plutôt qu'elle ne précède l'orientation. C'est tout simplement pour éviter qu'un geste un peu brutal lors de la rotation de la caméra ne détruise la mise au point que l'on a si longuement ajustée ! Un dernier coup d'œil sur les cercles et sur le télescope guide nous rassure que tout est parfait pour continuer.

f) Le programme
- Le premier étalon est visité. Cent à cent cinquante trames procurent généralement une grande quantité d'images exploitables.
Si les conditions le nécessitent ce nombre est porté à 300. La qualité des trames est constatée directement à l'écran.
La rapidité de la webcam et de son flux avec l'ordinateur est un grand avantage. Il n'y a aucun tri d'effectué à ce stade, c'est seulement le nombre d'images mesurables qui importe.
- Les visites du programme sont effectuées dans les mêmes conditions.
- D'autres étalons sont visités en cas de longue séance et dans tous les cas au moins un deuxième à la fin des captures.

Un logiciel de cartographie développé spécifiquement et comportant les catalogues Hipparcos, Tycho et WDS est utilisé pour obtenir en temps réel une carte du champ ainsi que les coordonnées d'angle horaire et de déclinaison de l'astre cherché. Il s'agit d'un programme léger fonctionnant en mode DOS fenêtré sous Windows et qui n'interfère pas avec les logiciels de pilotage des caméras.
L'installation décrite ici permet de visiter un couple toutes les 5 à 10 minutes selon la difficulté de réglage des paramètres de prise de vue ou l'attente d'un trou de turbulence lors des nuits agitées.
Par suite de la faible dynamique des webcams, les couples les plus difficiles à acquérir sont ceux présentant un gradient de magnitude supérieur à 2. Le compositage souvent appliqué par les utilisateurs de "vraies CCD" pourrait se révéler d'un certain secours dans ces cas là mais dans le cadre de l'évaluation cette voie a été volontairement négligée afin d'estimer les écarts internes.

EXPERIENCES COMPLEMENTAIRES

Elles portent sur le matériel d'observation et la détermination des caractéristiques utiles des caméras.
a) L'instrument
Le télescope et sa monture sont vérifiés régulièrement.
Stabilité générale, station, dérives et pointés de l'Est à l'Ouest sont contrôlés.
L'instrument ayant servi pendant deux ans à faire des travaux avec un micromètre à fils, ses caractéristiques sont bien connues et il n'y a pas de mauvaises surprises de ce côté.

b) Caméras
Contrairement aux CCD où l'on lit directement le flux enregistré par le capteur, l'image de la webcam peut être affectée tant par l'électronique du système que par les pilotes informatiques.
Il faut garder à l'esprit qu'elles sont construites pour délivrer des images "agréables" sous un éclairage de jour ou d'intérieur. Le mutisme total des constructeurs sur les caractéristiques internes contraignirent à procéder à de nombreux tests et beaucoup de temps fut consacré à déterminer les réglages permettant l'obtention d'une image la moins possible artificiellement enjolivée. Les conclusions sur ces paramètres ont été exposées plus haut.
S'agissant de matériel fabriqué en grande série on pouvait craindre de voir les capteurs changés sans préavis.
La caractéristique la plus importante restant la géométrie des pixels, nous nous sommes assurés par plusieurs expériences menées conjointement avec Sébastien Caillé que les rapports hauteur/largeur des pixels étaient réellement ceux annoncés en effectuant des mesures d'un même couple à différentes orientations de la matrice.
Les tests ont été menés sur les deux types de caméras. Nous ne nous sommes pas attachés à vérifier de manière précise la taille des pixels, celle-ci n'étant pas prise en compte dans le logiciel de réduction. Cependant, un contrôle effectué à l'aide d'une série de trames prises au foyer (seule focale parfaitement connue) nous a rassurés en donnant des valeurs identiques à celles annoncées.


REDUCTIONS

La réduction géométrique étant bien connue il est inutile de s'attarder sur ce domaine. Il semble plus intéressant de parler du choix des logiciels.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas facile de trouver des logiciels spécifiques à la réduction de clichés d'étoiles doubles. Les premières armes furent Winmips et Iris de Christian Buil. Leurs fonctions Centroïd (Winmips) et PSF (Iris) permettent de dépouiller les clichés en déterminant chacune à leur façon les coordonnées (x,y) du centre d'une étoile. La réduction proprement dite est effectuée après recopie des coordonnées dans un tableur.
Transformations des bitmaps en fichier FIT, mesures des centroïdes et transferts dans le tableur se sont révélés des tâches lourdes, fastidieuses et sujettes à erreur.
J'ai finalement opté pour l'écriture d'un logiciel spécifique adapté aux images des webcams et aux méthodes de travail du moment.

Dans sa version actuelle, ce logiciel traite directement les images au format bitmap et intègre dans un seul environnement les fonctions suivantes :
- Tri des images
- Calibration sur les étalons et détermination des quadrants
- Réductions image par image
- Réductions automatique de série de trames
- Mesure des écarts internes
- Génération de logs importables dans d'autres logiciels

L'algorithme principal est une adaptation de la méthode des moments modifiée et donne entière satisfaction pour la mesure de couples séparés. Il se révèle bien adapté aux fonds de ciel élevés et aux faibles rapports S/B caractéristiques des images obtenues par les webcams (cf A comparison of digital centering algorithms - Stone - AJ 97-4).
Ce logiciel subit de constantes évolutions et je le distribue gratuitement sur simple demande.
Les conséquences du compositage sur un éventuel décalage des photocentres étant mal connues, les trames sont mesurées une à une.
Les méthodes sont donc analogues à celles pratiquées en visuel à ceci près que les pointés sont remplacés par la détermination des centroïdes dans chaque trame.
Les moyennes tirées sont les valeurs retenues pour l'observation. La différence majeure avec le visuel réside dans le nombre de pointés, la réduction porte en effet sur autant de trames qu'il paraît bon. De vingt à quarante est un nombre habituel.
Toujours à l'instar du visuel, ce que l'on qualifie de mesure est la moyenne de deux ou trois observations rapprochées dans le temps. Il est à noter que les observations peuvent être effectuées avec des montages optiques différents. Cela a permis par ailleurs de trouver les réglages adéquats en vérifiant la constance des résultats.

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