Dans la continuité de nos articles sur les montures allemandes à
forte capacité de charge, il nous semblait nécessaire d'effectuer
un astrotest sur la NJP160 Takahashi, déjà bien connue des astronomes
amateurs
Cette monture est distribuée depuis plusieurs années par le magasin
Optique Unterlinden, importateur de la gamme Takahashi à Colmar, de même
que par quelques revendeurs comme Optique et Vision ou la Maison de L'astronomie.
Depuis sa conception, cette monture n'a pas subi de modification profonde mis
à part une évolution de l'électronique de la raquette de
commande et de la motorisation. Cette monture ne possède pas de système
de pointage automatique comme c'est le cas chez la plupart des constructeurs,
mais elle est utilisée par des astronomes amateurs avertis pour lesquels
les qualités mécaniques sont un critère de choix très
important. A l'heure où les systèmes PEC (correction de l'erreur
périodique) sont régulièrement utilisés par les
constructeurs pour compenser des erreurs périodiques souvent importantes,
nous étions impatients de tester cette monture qui ne possède
aucune aide électronique pouvant compenser les erreurs mécaniques.
L'un d'entre nous ayant possédé cette monture pendant quelques
années en appréciant ses qualités, nous avons essayé
d'être malgré tout le plus objectif possible dans la rédaction
de cet article.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES CONSTRUCTEUR :
Type de monture : allemande.
Poids : 24 kg.
- Motorisation deux axes (PD7-XY).
- Moteurs pas à pas à quartz 200Pulsion/sec.
- Molettes de mouvement manuel sur les deux axes.
- Vitesses de rattrapage lent: 0,1X à 1,9X.
- Vitesse rapide : 10X la vitesse sidérale.
- 1 tour de vis tangente en 6 minutes.
- 3 contrepoids de 6,5kg
- Capacité de charge 30kg
- Viseur polaire intégré: précision 2' d'arc, réticule
pour hémisphère Nord et Sud jusqu'en 2015.
-Cercles de coordonnées : Ascension droite graduée de 10 mn en
10 mn.
Déclinaison graduée de 2°en 2°.
- Précision de suivi : +/- 5" d'arc.
- Réglage en azimut : +/- 5°.
- Réglage en latitude de 20° à 50°.
- Alimentation 12 Volts.
- Consommation : 400 mA.
- Prix: environ 43000 francs
CARACTERISTIQUES MECANIQUES CONSTRUCTEUR:
Diamètre des axes AD : 40mm.
Matériau : Bronze.
Diamètre vis tangente : 20mm.
Matériau : Fer.
Diamètre roue dentée : 146mm / 240 dents.
Matériau : Bronze.
Diamètre axe de DEC : 40mm.
Matériau : Fer.
Diamètre vis tangente : 18mm.
Matériau : Zinc.
Diamètre roue dentée : 86MM / 144 dents.
En option :
- Trépied colonne fonte d'aluminium ou trépied bois.
- Platine pour instrument.
- Encodeurs pour cercles digitaux JMI / Takahashi.
Premières impressions :
Contrairement aux astrotests précédents qui ont été
effectués avec du matériel neuf, il faut d'abord préciser
que cette monture nous a été prêtée par un astronome
amateur et qu'elle a déjà quelques années de fonctionnement.
La couleur vert clair de la monture fidèle aux instruments de
la gamme Takahashi démontre une certaine fragilité au fil
des années d'utilisation. Il faudra donc éviter au maximum
les chocs si l'on veut préserver cette peinture à l'état
d'origine.
Notre monture étant montée sur un pied colonne haut, elle est
la plus massive et la plus imposante de toutes les montures que nous ayons utilisées
à ce jour. L'impression de robustesse et de stabilité qui s'en
dégage est à son comble. Cette monture est encore transportable,
mais nous sommes à la limite de ce que peuvent supporter nos chères
vertèbres!
La finition est irréprochable même si le look semble d'une autre
époque. La conception mécanique privilégie l'accès
à tous les réglages car les moteurs, les pignons réducteurs
et les vis tangentes sont à l'extérieur du corps de la monture
donc facilement accessibles. Il est vrai que ce choix technique ne facilite
pas les manipulations et le transport de la monture mais il offre l'avantage
de pouvoir maîtriser totalement les réglages mécaniques.
Au bout de chaque axe des vis tangentes, se trouve une molette de gros diamètre
en aluminium permettant les mouvements manuels de la monture. Ces mouvements
s'effectuent avec une douceur exemplaire et offrent l'avantage de pouvoir vérifier
les jeux mécaniques ainsi que d'éventuels points durs. Le système
d'embrayage ou de débrayage des moteurs s'effectue à l'aide de
gros écrous à ailettes situés à l'opposé
des molettes de mouvement manuel. Ils sont facilement accessibles et tombent
instinctivement sous la main même en pleine nuit.
Le réglage en latitude s'effectue à l'aide d'une vis 6 pans creux
et le blocage est assuré par une autre vis de même type positionnée
latéralement. Concernant le réglage en latitude, il nous semble
important de signaler deux problèmes que nous avons rencontrés
lors de l'utilisation de cette monture. Il y a quelques années, lorsque
l'un d'entre nous a acheté cette monture, il a eu la désagréable
surprise de s'apercevoir qu'il était impossible de positionner celle-ci
à notre latitude de 49°, le corps de la monture venant buter sur
l'embase en forme de mortaise à environ 40°d'inclinaison. Il a fallu
pour régler ce problème démonter l'axe de réglage
en latitude, sortir le corps de la monture et limer l'embase d'environ 8 à
10 mm de profondeur pour pouvoir atteindre l'inclinaison de 49°. A cette
période, plusieurs amis ayant acheté cette monture se sont retrouvés
dans le même cas et ont été obligés de pratiquer
la même transformation. Le fabricant japonais, étant sous des latitudes
beaucoup plus basses, ne semble guère se soucier de l'utilisation de
cette monture sous nos latitudes. A ce jour, souhaitons que l'importateur effectue
cette modification avant de livrer cette monture. Le deuxième problème
constaté, de moindre importance, est le fait que cette vis de réglage
en latitude se révèle très peu accessible. En effet, à
49° d'inclinaison il ne reste que très peu d'espace entre l'embase
en forme de mortaise où est située cette vis de réglage
et le corps de la monture. Il est donc nécessaire de modifier une clé
6 pans en la coupant et en la chauffant afin d'augmenter son angle de 90°
à environ 120°.
Le réglage en azimut s'effectue à l'aide de deux vis à
bouton moleté en opposition, ce qui permet le blocage du corps de la
monture une fois ce réglage effectué. L'amplitude de ce réglage
est limitée à environ 5° ce qui oblige un positionnement précis
du trépied colonne dans l'axe de la polaire si l'on ne veut pas être
obligé de redéplacer l'ensemble monture-instrument pour effectuer
la mise en station.
La barre de contrepoids se visse dans le corps de la monture et les
contrepoids viennent se visser sur cette barre qui est filetée sur
toute sa longueur. Ce système est pratique et efficace car il permet
d'effectuer un équilibrage précis en toute sécurité.
Cette monture possède un viseur polaire très précis
mais il faut l'avouer peu pratique à l'utilisation. En effet, celui-ci
impose de fastidieux calculs tenant compte de la longitude du lieu d'observation,
de l'heure locale et de la date si l'on veut obtenir la position exacte
que doit occuper la polaire dans le viseur polaire.
Un abaque en carton livré avec la monture permet d'effectuer une mise
en station très rapidement mais au détriment de la précision.
Pour pallier a ce problème, certains utilisateurs ont écrit un
programme adapté au langage des calculatrices, ce qui permet un calcul
rapide et précis du positionnement de la polaire dans le viseur. Une
mise en station effectuée à l'aide du viseur polaire est alors
tellement précise qu'elle permet de s'affranchir dans la majorité
des cas d'une mise en station par la méthode de Bigourdan.
En ce qui concerne la raquette de commande, elle est assez imposante et d'une
conception "rustique". Le boîtier métallique n'est pas très
agréable à la prise en main et l'investissement d'une protection
caoutchouc utilisée pour les télécommandes de télévision
est indispensable, d'une part pour protéger la raquette d'éventuels
chocs, et d'autre part pour éviter le contact des mains sur du métal
froid en plein hiver. Cette raquette comporte quatre touches directionnelles,
un inverseur à bascule vitesse lente / vitesse rapide agissant sur les
deux axes, deux inverseurs à bascule pour l'inversion de rotation des
moteurs en A.D et en déclinaison, un interrupteur marche / arrêt,
un inverseur à bascule vitesse stellaire / solaire, une prise 8 broches
pour le branchement d'une caméra CCD d'autoguidage, un switch inverseur
Nord / Sud et plusieurs potentiomètres de réglage des vitesses
de correction. A ce sujet, la raquette de commande PD6 - XY qui équipe
notre monture permet de régler à l'aide de potentiomètres
une vitesse de rattrapage différente sur chaque axe. Lors d'une pause
photographique effectuée avec une caméra d'autoguidage, la calibration
du système pour trouver la bonne vitesse de rattrapage devient un peu
fastidieuse. Il semblerait que ce petit désagrément n'existe plus
sur la nouvelle raquette de commande PD7 - XY puisque celle-ci ne posséderait
plus qu'un seul potentiomètre agissant sur les quatre axes de la monture.
Les moteurs de la NJP étant extérieurs au corps de la
monture, il en résulte une certaine dissymétrie qui fait
que l’équilibrage en déclinaison dépend assez fortement
de la position du tube optique, ce phénomène étant
d’autant plus marqué que le tube optique est léger. Mais
il faut dire que la NJP est avant tout destinée à supporter
un instrument d’un poids déjà respectable !
D’autre part, les fils qui relient la raquette au moteur sont parfois une gêne
lorsqu’on fait pivoter le télescope : de ce côté, une conception
momobloc, comme celle de l’EM200 ou de l’Astro-Physics AP600, est plus pratique
à l’utilisation.
Mais pour terminer sur la présentation de cette monture, il
faut avouer qu'aucune monture parmi celles que nous avons eu la chance
d'utiliser pour nos astrotests ne nous a donné une aussi bonne impression
de robustesse et de stabilité que cette NJP 160.
La qualité du suivi :
La NJP a toujours bénéficié d’une excellente réputation
concernant sa précision. Notre monture d’essai n’étant plus toute
neuve, nous étions curieux de voir si cette qualité se retrouvait
après quelques années d’utilisation.
Nos mesures furent sans équivoque de ce côté : notre NJP
fonctionnait comme une neuve. Comme le montrent nos graphiques, l’erreur périodique
s’est révélée très faible : après lissage
pour diminuer les effets de la turbulence, nous avons obtenu une erreur crête
à crête d’environ 5 secondes d’arc (ce qui est en dessous des spécifications
constructeur, Takahashi annonçant une valeur de plus ou moins 5 secondes
d’arc, c’est à dire 10 secondes crête à crête).
La précision de la NJP est donc excellente, sans faire appel
à un quelconque système de correction d’erreur périodique.
Si l’on veut malgré tout tempérer un peu ce jugement, on
peut juste remarquer que cette erreur se fait sur une période de
6 mn, ce qui est plus court que pour la majorité des montures du
commerce, et qu’en plus l’erreur ne suit pas une simple sinusoïde
de période 6 mn, mais présente 3 maximums et 3 minimums sur
cet intervalle. Malgré tout, on peut constater des intervalles de
temps assez longs où l’erreur de suivi ne dépasse pas 2 à
3 secondes d’arc : avec une focale assez courte, les rattrapages à
effectuer seront donc peu nombreux. En tout cas, parmi les montures couramment
commercialisées, nous ne connaissons aucune monture qui soit plus
précise que la NJP.
L’autoguidage permet bien sûr d’aller encore plus loin
dans cette précision, et s’est révélé parfaitement
efficace avec notre ST7, une fois les vitesses de rattrapage correctement
règlées.
Notons enfin que si les moteurs de certaines NJP ont parfois
présenté des vibrations plutôt génantes, ce
n’était pas le cas de notre monture d’essai.
Les évolutions possibles :
La NJP ne dispose à l’origine ni d’un contrôle d’erreur
périodique ni d’un système de pointage automatique. S’il
existe apparemment au Japon une version à pointage automatique (NJP
Temma), celle-ci n’a jamais été jusqu’ici adaptée
pour le marché européen. Cela pourrait malgré tout
être fait dans un avenir proche, Takahashi semblant vouloir enfin
se pencher sur le problème.. De toute façon, il existe d’ores
et déjà la possibilité de faire évoluer la
NJP. On peut par exemple y adjoindre des encodeurs (JMI ou Takahashi) pour
faciliter le pointage à l’aide d’un affichage numérique des
coordonnées. Mais les déplacements du télescope devront
dans ce cas se faire manuellement. Si l’on veut un vrai pointage automatique,
on pourra se tourner vers le système MCMT, commercialisée
par la société Valméca, qui comprend aussi un système
de correction d’erreur périodique. D’après les échos
que nous en avons eu, ce système semble très performant,
mais il faut signaler qu’il nécessite un ordinateur pour le piloter,
et non une simple raquette de commande comme par exemple celle qui équipe
les Meade LX 200. D’autre part le système MCMT comporte ses propres
moteurs : celui qui voudrait acquérir une NJP neuve pour la piloter
ensuite à l’aide de ce système a donc tout intérêt
à l’acheter sans ses moteurs d’origine.
EN CONCLUSION :
A l'utilisation cette monture s'avère d'une efficacité remarquable. Elle a toutes les qualités que l'on peut attendre d'un tel matériel, qui malgré son prix et son poids reste encore abordable pour l'amateur. Ces qualités mécaniques la classe parmi les meilleures montures transportables du marché, voire même la meilleure à ce jour. Certains pourront lui reprocher son esthétique discutable ou le fait qu'elle ne possède pas de système de pointage automatique, mais la NJP offre précision mécanique, stabilité, capacité de charge et agrément d'utilisation : autant de qualités très recherchées et souvent difficiles à réunir.
Rémy Courseaux et Jacques Lafont