La caractérisation et le réglage d'un télescope par méthode Shack Hartmann.

 

 

Le but de cet article est d'exposer une méthode de réglage et de mesure d'un télescope. Je vous présenterai donc le principe de cette méthode, sa mise en œuvre et les résultats obtenus tant au niveau de la mesure de la qualité de mon télescope mais aussi de son réglage.

 


Sommaire

  1. Introduction

  2. Principe Optique
    2.a Le Shack Hartmann.
    2.b Le télescope Schmidt-Cassegrain.

  3. Mise en oeuvre.

  4. Caractérisation d'un télescope.

  5. Réglage de ce télescope.

  6. Quelques liens.

 

 


 


Plantons directement le décor:

Le télescope que je possède est un MEADE LX200 GPS 10" ouvert à 10. Habitant en région parisienne, la météo et la pollution (atmosphérique et lumineuse) ne sont pas des facteurs favorisant l'observation de qualité. Même lorsque la météo est plus clémente, un ciel sans turbulence est plutôt rare. De ce fait, il m'est difficile de pouvoir régler mon télescope de manière optimum. De plus, j'avais une certaine "frustration". J'ai acheté ce télescope sans avoir pu obtenir de Meade un PV de contrôle attestant la qualité de l'optique du tube optique, ne serait-ce que pour informer d'une quelconque qualité. Je voulais donc savoir quelle était la qualité de mon télescope.

De plus, j'ai la chance de travailler dans une société spécialisée dans la mesure optique. Cette société (Imagine Optic) a mis au point un instrument de mesure basée sur la technologie Shack Hartmann permettant de mesurer des systèmes optiques et de pouvoir en déterminer les plus petits défauts jusqu'à λ/1000 rms !!

J'ai donc pu amener mon télescope sur mon lieu de travail afin d'en faire un diagnostic et un réglage.
 


 

Le but de cet article n'est en aucun cas de faire un cours d'optique. Seulement, quelques bases peuvent être utiles pour comprendre le fonctionnement et l'intérêt de ce système de mesure et de réglage.


 


Je ne rechercherai pas à expliquer en long et en large ce principe. Je me contenterai uniquement d'en présenter le fonctionnement.

En quelques mots:
Le principe d'un Shack Hartmann est d'échantillonner un front d'onde et d'en analyser localement son comportement. Pour cela trois composants essentiels doivent être réunis. Le premier est la fonction "Echantillonage" obtenue par une matrice de microlentille. Le second est la fonction "Mesure" réalisée par une matrice CCD. La dernière est la fonction "Calcul" obtenue par un ordinateur.

Un croquis valant souvent bien mieux qu'un étalage de mots, voici un schéma décrivant le principe Shack-Hartmann.

Remarques:
Les couleurs sont, sur cette image, irréelles. Le changement de couleurs de la lumière (Jaune puis bleu) n'est fait que pour une meilleur compréhension du système.

 

Nous avons ici une source ponctuelle (en haut à gauche). De cette source est issu un faisceau lumineux (faisceau jaune). Sur son trajet le faisceau rencontre une matrice de microlentilles (matrice de 5x5, rougeâtre). La fonction des microlentilles étant l'échantillonnage, nous obtenons en sortie de ces microlentilles des petits faisceaux lumineux. Ces petits faisceaux focalisent tous sur le CCD. L'image obtenue par le CCD ( ensemble de 25 taches lumineuses) est alors lue par une électronique et convertie en un signal numérique de manière à être traitée via un calculateur (ordinateur). Un logiciel permet de mesurer la position des taches contenues dans l'image. La position de chacune d'elle est directement issue de la forme de l'onde analysée.

Je termine cette présentation rapide du principe d'analyse de front d'onde par la méthode Shack-Hatmann en disant que cette technique permet de faire des mesures et des réglages en temps réel et d'en déduire une multitude de paramètre comme la PSF (Point Spread Fonction), la MTF (Modulation Transfert Fonction) et j'en passe et des meilleurs.
 


 


Le Schmidt-Cassegrain est une combinaison optique particulière. Elle est composée de deux miroir sphérique. Le primaire étant concave et le secondaire étant convexe. Il existe également une lame de verre dite "lame de Schmidt".
 

Un faisceaux lumineux provenant d'une étoile traverse d'abord la Lame de Schmidt, puis est réfléchie par le Miroir Primaire, le faisceaux est alors réfléchit sur le Miroir Secondaire pour venir converger à la sortie du tube optique de l'instrument.

L'intérêt d'un tel télescope est multiple:

  • La combinaison de deux miroirs sphériques permet de réduire considérablement la longueur du tube optique et donc permet d'épargner une mécanique conséquente. (Pour exemple, le tube de mon télescope fait environ 600 mm de long pour une focale de 2500mm. Une lunette astronomique aurait alors un tube de 2500 mm !!).

  • La lame de Schmidt permet de corriger des aberrations de champs et permet de fermer le tube optique. De cette manière la turbulence à l'intérieure du tube optique se voit très amoindrie. Toutefois, sa mise à température est plus longue que d'autre télescope puisque l'air contenu dans le tube e peut se "mélanger" facilement avec l'ai ambiant .



 


Le concept de la mesure est relativement simple.
Le principe est de faire passer un faisceau de lumière calibré ( dont les défauts sont connus) au travers du télescope et d'en mesurer les déformations induite par l'optique du télescope.

Il n'est pas possible de mettre le capteur que j'utilise directement à la sortie du télescope car la pupille de ce capteur n'est que de 5 x 5 mm. En effet, de cette manière il y aurait un faisceaux de sortie de 254mm de diamètre pour 5x5mm de la pupille du HASO. La mesure ne permettrait que l'analyse de 1/8000ème de la surface de l'optique du télescope !!!

Pour ce faire, le HASO (l'analyseur de surface d'onde) est complété d'un LIP (LIgth Plateform). Ce dernier permet de fournir une source de lumière calibrée et d'ouverture adaptée à l'optique mesurée.
Un faisceau de lumière est alors envoyé dans le tube optique. Ce faisceaux en ressort vers l'infini (la source étant ponctuelle et étant mise au foyer du télescope). Un miroir plan, dit "miroir de référence", est placé à la sortie du télescope de manière à renvoyer le faisceau sur lui même. De cette manière le faisceau est renvoyé vers l'analyseur. La mesure peut alors être faite.

Précisions:
Le "miroir de référence" est d'une qualité bien supérieure aux défauts que l'on désire mesurer et la source de lumière, bien que possédant des défauts, est préalablement mesurée, de manière à ce que ni le miroir de référence ni la source de lumière ne puissent influencer la mesure !

Encore une fois, une image parlant bien mieux que du blabla, voici sur la figure suivante la mise en oeuvre de la mesure.

Les différents éléments principaux de la manip sont représenter par des cadres en pointillé sur l'image de gauche.

Le cadre rouge représente le système HASO et son LIP.
Le cadre
bleu représente le tube optique du télescope.
Le cadre
jaune représente le "miroir de référence".

Dans le détail nous avons les éléments suivants:

Le faisceau, de lumière calibrée, issu du LIP traverse le télescope en se réfléchissant sur le miroir secondaire puis sur le miroir primaire et enfin traverse la lame de schmidt. Le faisceau est alors réfléchi, sur le "miroir de référence", pour revenir sur son chemin et donc re-traverser le télescope. Le faisceau retourne alors vers le capteur pour être analysé.

 



 

La mesure du télescope donne des résultats assez agréables. Pour preuve vous trouverez ci-dessous quelques figures attestant des mesures effectuées et commentées.




Voici la mesure de front d'onde montrant la qualité du télescope. On peut notamment voir en bas à droite des valeurs de 0.037 et 0.178. Ces deux valeurs représentent une quantification selon une "norme" couramment utilisée, selon la longueur d'onde de la mesure. En fait on peut dire que le télescope à une qualité de près de
 λ/6 PV et de λ/30 rms !! (info sur PV et rms)
 


A partir de ces mesures de front d'onde le logiciel d'exploitation du HASO permet de donner une multitude d'informations couramment utilisées dans le domaine de l'optique. En voici quelques exemples:
 




La PSF (Point Spread Function) représente la qualité de ce qui est couramment ( par abus de langage ) appelé par l'ensemble de la communauté des astronomes amateurs "la tache d'Airy" ! On peut voir sur cette figure que cette PSF est très proche de la théorie.
 


 




La MTF (ou FTM: Fonction de Transfert de Modulation) est couramment utilisée dans les tests d'objectifs photo dans les revues spécialisées. La qualité de la FTM donne une indication quant à la possibilité de l'optique à résoudre des détails et quant à la possibilité de différencier des contrastes les plus faibles.
Il faut savoir que la courbe verte est la courbe théorique, c'est à dire qu'une optique des plus parfaite selon la théorie ne peut être au-dessus de cette courbe verte. Or l'analyse du télescope montre une courbe effective (rouge) très très proche de la théorie. C'est un gage de bonne qualité optique.

La forme de la courbe est ici bien différente de celle visible pour les objectifs photos. Elle est due à l'occultation centrale du télescope.
 


 




Il est également possible de visualiser une table montrant les coefficients des défauts selon les polynômes de Zernike. Ces paramètres permettent notamment de les rentrer dans des logiciels de modélisation optique afin de faire des multitudes de calculs.
 

A l'achat de mon télescope, j'étais frustré de ne pouvoir avoir (malgré mon insistance auprès du revendeur) un PV attestant de la qualité du télescope. Or aujourd'hui, avec ces mesures, je connais avec certitude la qualité de mon télescope. On ne peut, peut-être pas, le classer dans une catégorie d'optique extraordinaire. Toutefois, la qualité optique est plus qu'honorable. Je suis donc satisfait de l'achat de mon télescope.

Une chose que j'ai oublié de signaler, est que mon télescope, d'un diamètre de 254mm, n'a pu être testé que sur une pupille limitée à 200 mm en raison d'un miroir de référence de cette taille. Il faut donc reconnaître que les résultats obtenus ne sont que sur une pupille réduite. Toutefois, j'ai effectué plusieurs mesures sur différentes zones de la pupille du télescope de manière à évaluer sa qualité globale. Les résultats obtenus confirment ceux annoncés sur la mesure du miroir sur la pupille centrale de 200mm.
 


 


Le réglage du télescope est d'une facilité déconcertante lorsque la mise en oeuvre est réalisée. En effet, le HASO et son logiciel associé permettent de faire des acquisitions de l'ordre de 10 Hz. Cette vitesse est très largement suffisante pour pouvoir agir sur un élément optique et de pouvoir voir en "temps réel" l'influence sur la qualité de l'optique.

Le réglage m'a donc pris tout au plus 5 minutes !! Ce n'est pas une plaisanterie. Néanmoins, il faut savoir que la mise en oeuvre des différents éléments ( Analyseur, Télescope, Miroir de référence) est bien plus longue du fait de ne pas avoir un banc dédié à une telle manip. Il a donc fallu improviser quant à la disposition des différents éléments.

Les résultats présentés plus haut, montrent la qualité de mon télescope après réglage. Les résultats obtenus avant étaient bien moindres.

Les voici:




On peut voir sur ces mesures la qualité bien plus faible du télescope avant réglage. La qualité de l'optique était alors de λ/4 rms et de λ PV ! Cette qualité se voit notamment sur la MTF où la courbe rouge n'atteint pas la qualité de la courbe théorique (verte). La "tache d'Airy" est alors fortement dégradée !!!
 

 


 


Imagine Optic
Société commercialisant l'analyseur que j'ai utilisé pour caractériser et régler mon télescope.

Observatoire de Paris
Organisme que tout astronome amateur doit connaître. L'observatoire sait, notamment, réaliser des matrices de microlentilles dans ses laboratoires.

Meade
Constructeur d'instruments d'observation astronomique. Il est notamment le fabricant du télescope que je possède.
 
Cyril Cavadore
Site d'une personne s'étant essayé avec brio à faire un système Shack-Hartmann avec une WebCam.

Sup'Optique
Ecole d'ingénieur en optique.
 

 

 

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