Observation visuelle des planètes


Introduction

Lors de mon premier séjour à l'observatoire du Pic de Château Renard en 1997, à la faveur d'une semaine exceptionnelle avec une turbulence systématiquement imperceptible toutes les nuits entre 0 h et 2 h TU, j'avais découvert les possibilités de mon Newton 125/720 qui, pour la première fois et la dernière d'ailleurs, me montrait la Grande Tache Rouge sur Jupiter ainsi que des détails dans les bandes équatoriales, les 2 bandes tropicales et la bande équatoriale centrale. Cela m'avait décidé à l'époque de passer à un diamètre supérieur. Mais quel instrument acheter? J'avais pu lire que, dans le domaine de l'observation planétaire, les lunettes étaient très supérieures aux télescopes à cause de leur obstruction centrale nulle. Cependant j'avais pu constater lors de cette même semaine que mon Newton n'était absolument pas ridicule face à une prestigieuse lunette apochromatique de diamètre 105 mm. Certes cette lunette donnait des images meilleures mais j'avais estimé que mon petit Newton de fabrication japonaise devait être comparable à une très bonne lunette apochromatique de 80 mm tout en restant bien meilleur marché. Il est vrai que l'argument de l'obstruction centrale liée à la présence du miroir secondaire ne m'avait jamais convaincu : l'objectif pour le planétaire n'est pas d'obtenir la meilleure résolution pour un diamètre donné mais bien la meilleure résolution pour un budget donné. Autre grande question dont les conséquences financières ne sont pas à négliger vu le coût d'un oculaire de qualité : quel grossissement utiliser et dans quelles circonstances? Il est souvent affirmé que le grossissement maximal est égal à deux fois et demi le diamètre de l'instrument exprimé en millimètres à cause de la nature ondulatoire de la lumière. Cette explication qui n'en est pas une ne m'a jamais satisfait : la lumière se comporte effectivement comme une onde mais cela n'explique en rien le fait qu'un grossissement trop élevé dégrade les images visuelles. Dernier point et non des moindres : quelle est l'influence de la qualité instrumentale et de la turbulence atmosphérique sur ces paramètres?

Comment répondre à toutes ces questions? Heureusement pour nous, l'optique physique et l'optique statistique nous fournissent un certain nombre d'outils utiles à une première approche du problème. La turbulence atmosphérique est d'ailleurs un sujet sur lequel un certain nombre d'esprits figurant parmi les plus brillants du 20ème siècle se sont penchés.


Résumé

Voici rapidement avant de nous lancer dans une étude approfondie, les grandes lignes des résultats auxquels je suis parvenu en supposant des instruments parfaitement collimatés :

Voilà donc brièvement les conclusions de mes travaux. Jusqu'ici je n'ai pas trouvé d'élément venant contredire ces affirmations, mais il est vrai que faute de temps et d'opportunités je ne suis pas un observateur assidu et que les comptes rendus d'observation circonstanciés sont rares. Pour finir, une description de ce qu'est un instrument astronomique du point de vue de la théorie des systèmes linéaires est présentée en détail (fichier ) avant de conclure par les réponses aux questions posées, en tenant compte de la turbulence atmosphérique et en se limitant au cas des observations visuelles. L'accent a été mis sur les obstructions 0%, 20%, 33% et 40% et les niveaux de qualité optique suivants :

La correspondance entre les valeurs rms et ptv données suppose une répartition des défauts de surface d'onde selon une loi uniforme : en pratique, cette hypothèse est pessimiste et on tiendra compte de préférence des valeurs rms lorsqu'elles sont disponibles.

Il est très difficile de connaître l'état de surface d'onde d'un instrument : seuls quelques instruments très haut de gamme sont livrés avec un véritable bulletin de contrôle. C'est pourtant une information qui devrait accompagner tout matériel prétendant être sérieux, témoignant de plus du souci du fabricant d'une réelle maîtrise de la qualité de production. Néanmoins, en croisant les informations collectées dans les divers salons, sur internet et dans les revues d'astronomie, j'ai pu arriver à dresser le panorama suivant, très incomplet mais justifiant la classification précédente et à considérer avec toute la prudence qui s'impose, tout ceci n'excluant pas les mauvaises surprises :

On recherchera les informations (exemple de bulletin de contrôle ...sans la mesure de la longueur de corrélation) suivantes pour caractériser la qualité optique d'un instrument :

L'étude du niveau de qualité optique requis pour l'observation planétaire repose en particulier sur l'analyse de la réponse des instruments à une mire représentative d'un objet planétaire et sur le calcul du rapport de Strehl. Une simulation effectuée sur Jupiter permet de consolider les résultats obtenus.

J'ai réalisé la comparaison des instruments suivants :

La comparaison repose sur le calcul d'un diamètre effectif qui est celui de l'instrument non obstrué limité par la diffraction donnant une image équivalente. Le calcul du diamètre effectif dépend donc de l'objet observé et du capteur d'image, soit l'œil humain en ce qui nous concerne. Deux critères d'équivalence ont été appliqués sur des mires de barres sinusoïdales de contraste 2, 5 et 10% : un critère dit de résolution effective caractérisant plutôt le rendu général de l'image et un critère dit de fréquence de coupure effective caractérisant plutôt le plus petit détail perceptible. Ces deux critères donnent un classement et des ordres de grandeur comparables : le critère de résolution effective apparaît logiquement plus sévère et donne des diamètres effectifs légèrement plus faibles. J'ai retenu au final le critère de résolution effective appliqué à une mire de contraste 2% qui donne des résultats très proches de mon expérience d'observateur. Une simulation effectuée sur Jupiter permet de relier la notion de diamètre effectif à un niveau de détail obtenu sur un objet bien connu des astronomes amateurs.


Le 18 juin 2006


Mise à jour le 02 février 2007


Bibliographie :

[R1] Edward L. O'Neill, Introduction to Statistical Optics, Addison-Wesley Publishing Company, 1963

[R2] Joseph Goodman, Statistical Optics, Wiley Interscience

[R3] F. G. Smith (Editor), Atmospheric Propagation of Radiation, The Infrared & Electro-Optical Systems Handbook Volume 2

[R4] F. Roddier, The Effects of Atmospheric Turbulence in Optical Astronomy, Progress in Optics Vol. XIX - E. Wolf (Editor), North-Holland Publishing Company (1981)

[R5] J-J Labarthe, Optique ondulatoire; Université Paris-Sud Orsay