De l'importance du miroir secondaire


L'objectif est ici de définir le niveau de qualité requis pour le miroir secondaire d'un télescope Newton. On peut entendre souvent (trop souvent) que la contribution du secondaire à la qualité optique globale d'un télescope Newton est négligeable, de sorte que la précision optique du secondaire peut être très inférieure à celle du primaire sans que les images aient à en souffrir. La démonstration avancée repose sur les principes de l'optique géométrique mais un peu de sens physique permet de mettre en doute non seulement la validité de cette démonstration mais également celle des conclusions qui en découlent : en particulier, l'optique géométrique ne parvenant pas à démontrer la formation de la tache de diffraction, on ne voit pas du tout comment elle pourrait être pertinente pour quantifier l'impact des défauts optiques sur cette même tache de diffraction. Il y a là une erreur majeure de raisonnement d'autant qu'on ne voit pas non plus par quel mécanisme physique l'impact des défauts d'un miroir plan même incliné à 45 degrés sur l'axe optique pourrait être négligeable sur le front d'onde sphérique en sortie du primaire.


Pour arriver à quantifier la contribution du secondaire, il faut raisonner en termes d'optique physique et évaluer l'impact du secondaire sur le front d'onde instrumental.


Contribution du miroir secondaire à l'erreur de front d'onde


Une simple construction géométrique permet de déterminer l'influence d'un défaut de surface du secondaire sur le front d'onde instrumental. Considérons deux surfaces élémentaires du miroir secondaire Σ1 et Σ2 décalées d'une distance δ et deux rayons r1 et r2 originellement en phase frappant respectivement les surfaces Σ1 et Σ2 :



Figure 1 – Différence de marche entre 2 rayons
due à un défaut de polissage d'amplitude δ


La différence de marche entre les rayons r1 et r2 à la sortie du miroir plan est alors :


[1]


En considérant le processus de polissage comme aléatoire, on peut exprimer directement l'écart type du front d'onde émergeant en fonction de l'écart type de l'erreur de polissage :


[2]


Les miroirs plans sont caractérisés par leurs fournisseurs en mesurant l'écart type du front d'onde émergeant à incidence nulle qui est relié à l'erreur de polissage par :


[3]


L'écart type σr de la contribution du secondaire au front d'onde instrumental d'un télescope Newton s'exprime alors en fonction de la spécification σS du fournisseur par la relation :


[4]


Il est parfois avancé que, de par leur processus de réalisation, les miroirs plans présentent un défaut particulier de forme sphérique qui de ce fait n'impacte pas de manière significative les performances optiques de l'instrument, même lorsque ce défaut est de grande amplitude. Des calculs réalisés à la main comme des simulations effectuées sur OSLO invalident ces affirmations : un secondaire plan incliné à 45° affecté d'un défaut de grande amplitude de forme sphérique perturbe gravement le front d'onde instrumental en introduisant notamment un astigmatisme rédhibitoire.


Les figures suivantes illustrent les résultats obtenus sur le front d'onde par simulation pour un défaut sphérique d'amplitude λ sur le miroir secondaire.



Figure 2 – Simulation d'un défaut de forme sphérique
sur le secondaire d'un Newton




Figure 3 – Front d'onde instrumental pour un secondaire incliné à 45° sur l'axe optique
et affecté d'un défaut de sphéricité d'amplitude λ



Le miroir secondaire est donc un élément optique qui doit faire l'objet d'un polissage au moins aussi soigné que le miroir primaire. En revanche, le miroir secondaire est beaucoup moins exigeant que le miroir primaire quant à la longueur de corrélation des défauts de polissage : ramenés au front d'onde instrumental, les défauts du secondaire voient leurs dimensions augmentées au minimum du rapport diamètre du miroir primaire sur le petit ou grand axe du secondaire selon l'orientation considérée (il faudrait en fait prendre en compte l'ellipse inscrite dans le secondaire réellement utilisée).



Figure 4 – Projection des défauts du miroir secondaire sur le front d'onde instrumental



Quel secondaire pour quel primaire ?


Les erreurs de front d'onde apportées par chacun des deux miroirs primaire et secondaire étant indépendantes, leurs contributions respectives à l'erreur de front d'onde globale s'additionnent quadratiquement :


[5]


où :



Une relation similaire lie les amplitudes des erreurs :


[6]


où :



Si on se fixe comme objectif une dégradation de l'état de surface du primaire par le secondaire inférieure à 10%, il vient :


[7']

[7'']



Spécification primaire

Spécification secondaire

Front d'onde instrumental

λ/4

λ/6

λ/3,6

λ/6

λ/10

λ/5,5

λ/8

λ/12

λ/7,2

λ/10

λ/16

λ/9,1

λ/12

λ/20

λ/11


Tableau 1 – Spécification du secondaire en fonction de la précision du primaire et front d'onde
instrumental résultant (amplitude ptv exprimée dans l'hypothèse d'une loi uniforme)



Cette dégradation de 10% peut être considérée comme imperceptible à partir du moment où le primaire est meilleur que λ/6, ce qui est un minimum pour un instrument tourné vers l'observation planétaire. Pour un primaire à λ/4, le front d'onde instrumental résultant est un peu faible et on aura intérêt à compenser par un secondaire légèrement surspécifié.


En toute rigueur, il faudrait tenir compte du fait que seule une partie de la surface du secondaire est utilisée : ceci est un facteur de réduction de la contribution du secondaire à l'erreur instrumentale par rapport à une caractérisation qui porte sur la totalité de la surface. Ce facteur n'est toutefois pas un élément permettant de diminuer l'influence du miroir secondaire de façon significative et a été négligé.


En conclusion, on n'insistera jamais assez sur l'absolue nécessité de recourir à un miroir secondaire de bien meilleure qualité que le miroir primaire afin de préserver les performances d'un primaire d'autant plus coûteux que le niveau de performance demandé pour les observations astronomiques est élevé. Il est indispensable d'investir dans un secondaire de très bonne facture, en rapport avec la qualité du primaire, sachant que le marché permet d'acquérir une telle pièce à un coût largement inférieur au primaire correspondant :



Spécification primaire

Spécification secondaire

Front d'onde instrumental

λ/4

λ/10

λ/3,9

λ/6

λ/10

λ/5,5

λ/8

λ/20

λ/7,7

λ/10

λ/20

λ/9,4

λ/12

λ/20

λ/11


Tableau 2 – Front d'onde instrumental résultant pour le secondaire recommandé en fonction de la
précision du primaire (amplitude ptv exprimée dans l'hypothèse d'une loi uniforme)



le 10 janvier 2012