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A propos des travaux d'Halton Arp

L'interaction inattendue entre NGC 4319 et Mrk 205.

Les redshifts dans le Groupe Local de galaxies (III)

Pourquoi donc Arp a-t-il indiqué que la Voie Lactée et les Nuages de Magellan présentaient un décalage vers le rouge au lieu d'un décalage vers le bleu ? Dans l'article de 1985, Arp indique que le décalage Doppler de M31 est de -58 km/s, aussi pourquoi n'a-t-il pas indiqué dans la figure (7-2) -58 km/s pour la Voie Lactée ?

En fait la valeur aurait même dû être de -115 km/s si Arp n'avait pas fait l'erreur de tenir compte du mouvement de la Voie Lactée dans le Groupe Local. Dave Latham convient que la réponse à cette question demeure mystérieuse.

Dans l'article de 1985 Arp et Sulentic écrivaient : "Un troisième commentaire est le fait que le redshift de M31 vu de notre Galaxie, vaut z = -58 km/s. Si la Voie Lactée a intrinsèquement un redshift positif vis-à-vis de M31, alors depuis M31 la Voile Lactée aurait un z = +58 km/s et à partir de la Voie Lactée M31 présenterait un z = -58 km/s. Le décalage vers le rouge de la Voie Lactée correspond à celui des autres membres de M31, pour lesquels z = +58km/s ce qui ne correspond pas à la valeur admise si les signes du redshift mesuré étaient inversés."

Comprenez-vous ce que Arp est en train de dire ? La Voie Lactée serait observée à partir de M31 comme ayant un redshift négatif, -58 km/s, si seulement la vitesse était prise en compte. Arp n'aime pas cela, puisqu'elle ne correspond pas à celle des autres membres du Groupe Local. Dès lors il postule que la Voie Lactée doit avoir un redshift intrinsèque n'ayant aucun lien avec la vitesse de +116 km/s. Lorsque vous l'ajoutez à la vitesse de récession de -58 km/s, cela donne un total de +58 km/s que Arp prétend avoir mesuré à partir de M31.

Pourquoi Arp choisit-il +116 km/s pour la composante intrinsèque plutôt que -115 ? Apparemment, il y a de la magie entre les nombres +58 et -58. Latham peut seulement conclure que Arp a postulé quelque chose que nous ne pouvons pas mesurer, c'est-à-dire un redshift intrinsèque pour la Voie Lactée de 116 km/s, une manière d'obtenir les résultats qu'il désire. Ce n'est pas de la "bonne science" comme l'on dit car cette manière d'aboutir à des valeurs ad hoc et toute sauf digne d'un scientifique.

Les redshifts dans le Groupe Local

Distribution des redshifts de tous les membres des groupes M31 et M81 relativement à la galaxie dominante. H.Arp, Figure 7-2 p110.

En fait, le problème de la figure 7-2 est plus profond. Je ne peux pas m'imaginer poursuit Latham, comment Arp a déterminé quels redshifts il devait considérer relativement à M31 pour calculer celui des autres membres. Il n'a certainement pas tenu compte du redshift (tel que nous l'observons à partir de la Voie Lactée) qui aurait été projeté le long de la ligne de visée à partir de chaque membre de M31.

Que se produit-il si les calculs de la figure 7-2 sont faits correctement ? Avant tout, considérons le centre masse du Groupe Local, qui n'est pas M31. Ces deux positions ne sont pas complètement différentes, mais faisons-le correctement. Par un heureux hasard, Sandage a justement procédé à ce calcul dans son article de 1986 (c'est un très bel article, et aussi précisément que je puisse le dire, les calculs ont été faits correctement).

Parmi la vingtaine de galaxies que Sandage liste comme étant des membres définitifs, 10 d'entre elles ont une vitesse positive et les 10 autres une vitesse négative (en incluant ici M32 et NGC 205). La vitesse moyenne est de -10 km/s avec une rms de 43 km/s. Arp prétend que les petites galaxies du Groupe Local présentent toutes un décalage Doppler positif : ce phénomène a complètement disparu ! S'il devait y avoir quelque chose, le décalage moyen serait dirigé vers le bleu (mais l'écart par rapport à 0 est hautement significatif).

Incidemment, il existe un désaccord significatif entre Arp et les articles cités ci-dessus à propos des galaxies qui appartiennent réellement au Groupe Local. Par exemple, Sandage et ses collaborateurs prétendent que NGC 404 ne peut pas en être membre parce que les plaques photographiques n'ont pas résolu les plus brillantes étoiles. Ils considèrent que NGC 404 doit être une assez grande galaxie de l'arrière-plan, vue d'une distance assez conséquente.

Il est intéressant que NGC 404 présente le plus grand redshift parmi tous les membres du Groupe Local déterminé par Arp. Si NGC 404 est réellement située bien au-delà des limites du Groupe Local, alors son redshift supérieur est le résultat naturel de sa participation au flux de Hubble, c'est-à-dire à l'expansion de l'univers. Le second plus grand redshift listé par Arp est également et définitivement considéré par Sandage comme n'étant pas un membre. Tout cela pour que des "générations" d'astronomes s'accordent pour définir quelles sont les galaxies appartenant au Groupe Local.

M31 et ses compagnons

Nom

Magn. abs.

Longitude galactique

Latitude galactique

Theta

cZ

cZ rel.

NGC 147

NGC 185

NGC 205

M31

M32

M33

-14.36

-14.59

-15.72

-21.61

-15.53

-19.07

119.8

120.8

120.7

121.1

121.1

133.6

-14.3

-14.5

-21.1

-21.6

-22.0

-31.3

7.4

7.0

0.6

0.0

0.4

14.8

-160

-227

-239

-297

-200

-180

+137

+70

+58

  0

+97

+117

Réalisons le tableau présenté ci-dessus. Noter que M31 est dix fois plus brillante que M33, et au moins 100 fois plus brillante que tous les autres membres (une différence de 2.5 magnitudes correspond à un rapport de brillance d'un facteur 10). La troisième et quatrième colonnes indiquent la longitude et la latitude (en degrés), alors que Theta est la séparation angulaire exprimée en degré entre M31 et son compagnon.

Il y a 15 membres dans un espace de 15° autour de M31. Tous sont plus ou moins à la même distance de nous si l'on se base sur la résolution des Céphéides ou d'autres étoiles brillantes qu'on y trouve. A la distance de M31, environ 2.5 millions d'a.l., une séparation angulaire de 15° correspond à une dimension angulaire projetée d'environ 500000 a.l., ce qui suggère que les membres listés dans la table sont au moins 4 fois plus près de M31 qu'ils ne le sont de la Voie Lactée.

Les deux dernières colonnes donnent le décalage spectral héliocentrique en km/s, et finalement le décalage spectral relativement à M31. Arp utilise une constante de Hubble égale à 75 km/s/Mpc. Un spectre négatif est décalé vers le bleu, alors qu'un spectre positif est décalé vers le rouge. En calculant la dernière colonne, Latham ne s'est pas préoccupé de prendre en compte la petite correction pour la distance angulaire entre M31 et chacun des membres. Il a simplement soustrait le décalage spectral de M31. Dans toutes ces mesures, nous considérons que les décalages spectraux sont entièrement dûs à la vitesse.

En analysant ce tableau Latham ne voit aucune manière d'éviter une conclusion assez brutale de considérer que tous les membres proches de M31 présentent un décalage vers le rouge si nous la prenons pour référence. La plus grande partie de la masse de l'amas d'Andromède résidant vraisemblablement dans M31 elle-même, on ne peut éviter de conclure en accord avec l'idée traditionnelle que les 5 membres se trouvent juste dans la zone de leur orbite autour de M31 qui s'éloigne de notre Galaxie.

La question est maintenant de savoir pourquoi Arp dissipe cette conclusion fondamentale en essayant d'ajouter à cette image notre Galaxie et ses compagnons ? Je suppose que Arp désire rendre sa conclusion plus frappante encore. Mais au lieu de cela il fait une nouvelle erreur qui choque plus qu'elle n'aide sa cause.

Passons à présent à M81 et aux autres membres de l'amas de la Grande Ourse.

L'amas M81 de la Grande Ourse

De prime abord rien ne semble faux dans les données publiées par Arp concernant l'amas M81, mais qui sait si cela ne va pas changer si on s'attache à une analyse détaillée.

L'exemple de M31 est trop évident parce que la galaxie d'Andromède se situe plus près de la Voie Lactée que ne l'est M81 (2.5 contre 10 millions d'a.l.) et que la mesure des distances peut-être réalisée de façon indépendante pour chacun de ses membres.

Ainsi, dans un article consacré à l'échelle des distances cosmiques, Sydney van den Bergh[10] analyse avec beaucoup de détails quels ont été les efforts qui ont permis de mesurer les distances des galaxies du Groupe Local et des amas voisins, efforts principalement fondés sur la résolution des étoiles dans les galaxies candidates. Le fait est que nous savons à partir de ces distances que tous les membres listés par Sandage et Latham sont physiquement proches les uns des autres dans l'espace, la distance moyenne les séparant étant d'environ 500000 a.l.

Le couple M81-M82 de la Grande Ourse photographié par Robert Gendler avec un télescope Ritchey-Chrétien de 317mm f/9 muni d'une caméra CCD SBIG. Une qualité d'image à couper le souffle !

Comment tester le résultat selon lequel les compagnons des galaxies dominantes auraient un redshift supérieur à celui des autres membres ? Et qu'en est-il dans les autres amas de galaxies? Malheureusement concède Latham ils sont tous beaucoup plus éloignés que M81 et il n'est pas possible de déterminer leur distance en toute indépendance afin de déterminer quelle galaxie appartient à quel amas. En principe nous ne devrions pas utiliser les données fournies par le redshift lorsqu'il s'agit d'identifier les amas, car on ne considère que l'aspect du redshift de ces membres. Mais en pratique, nous n'avons pas beaucoup de choix.

Le problème réside dans le fait que dans le Groupe Local, les galaxies les plus petites sont 10000 fois plus pâles que M31. Si vous analysez une région de quelques degrés autour des galaxies brillantes proches, vous découvrirez des milliers de galaxies encore plus pâles autour d'elles, et vous serez contraint de déterminer si ces galaxies sont pâles en raison de leur éloignement (une distance deux fois plus grande les rend 4 fois plus pâle) ou s'il s'agit de membres intrinsèquement pâles.

Cette détermination est indispensable car si vous choisissez un amas contenant par inadvertance des galaxies de l'arrière-plan, vous constaterez inévitablement qu'elles présentent un redshift élevé suite à la loi de Hubble-Lemaître. Puisque le volume d'espace est beaucoup plus grand derrière une galaxie brillante que derrière une galaxie proche, il y aura des erreurs dans l'évaluation du décalage Doppler des galaxies du premier plan, qui conduiront nécessairement à des redshifts élevés.

Résumé de l'analyse des redshifts des galaxies membres

Groupes de galaxies

Rapports +Δz

Δz moyen km/s

Références

M31, M81 et membres

16/19 = 0.84

+72

Arp 1970

Amas proches

37/52 = 0.71

+90

Bottinelli,Gougenheim 1973

 

Classification Byurakan

24/29 = 0.83

+121 (compact)

+46 (moins compact)

Collin-Souffrin, Pecker et al, 1974

Membres certains M31,M81

12/12 = 1.00

+121

Arp 1976

Membres probables M31,M81

18/20 = 0.90

+123

Arp 1976

Membres de l'hémisphère sud

36/51 = 0.71

+122 ±34

Arp 1982

Membres HI

16/23 = 0.70

+63 ±19

Giraud et al 1982; Sulentic 1982

Spirale de Karachentsev,

membres des E

56/94 = 0.60

+100

Arp, Giraud et al 1983

Spirale de Karachentsev

39/53 = 0.74

+49

Arp et Sulentic 1985, AJ, 291

Amas HI (Δz ≤ 600 km/s)

108/159 = 0.68

+64

Arp et Sulentic 1985, AJ, 291

M31 et M81

21/21 = 1.00

+119 ±13

Arp et Sulentic 1985, AJ, 291

Spirale dominante des amas de Huchra & Geller (1983)

33/51 = 0.65

+35

Sulentic, AJ, 286, 441

Source : H.Arp, Figure 7-1, p109.

Au cours des années qui suivirent, Arp fit quelques tentatives pour identifier les amas de galaxies pouvant l'aider à trouver d'autres exemples de redshifts trop élevés. La figure 7-1 de son livre en page 109 (ci-dessus) est le résultat de l'un de ses efforts. Son livre ne contient aucun détails sur la façon dont il a sélectionné ces amas.

Pour cela nous devons revenir à son article original écrit en collaboration avec Sulentic[11], "Analysis of Groups of Galaxies with Accurate Redshifts" de 1985. Dans cet article Arp présente deux groupes, "l'un s'accordant avec les critères définis par Nelson (1973), ne reprenant que les groupements de deux ou plusieurs galaxies manifestement plus proches les une des autres que la moyenne de cette région [...], l'autre groupe étant sélectionné à partir d'une autre méthode dans le catalogue de Rood (1982). Toutes les galaxies plus brillantes que la magnitude 11.8 ont été examinées, en excluant la région l'amas de la Vierge. Pour les galaxies brillantes pour lesquelles nous disposons de tables de redshifts précis, nous avons recherché une région assez étendue d'ascension droite et de déclinaison dans le catalogue afin de trouver des galaxies ayant un redshift similaire."

Voyez-vous pourquoi je suis frustré par cet article, nous demande Latham ? Il ne m'est pas possible de m'y retrouver sans ces mêmes catalogues dit-il, pour confirmer le fait que j'identifie les mêmes amas que Arp, pour la simple raison que je ne sais pas quantitativement ce qu'il a voulu dire par "manifestement proches" ou "assez étendue".

Une autre chose me gêne dans cet article c'est l'emploi embarrassant du signe "±" devant 15 des 91 redshifts de l'une des tables des amas. J'imagine qu'il s'agit des cas où Arp a décidé que la galaxie parente n'était, après tout, peut-être pas la galaxie dominante du groupe. Les décalages spectraux de ces 15 galaxies devraient normalement être négatifs si l'on considère que la galaxie parente est dominante, et positifs si une autre galaxie plus pâle est jugée dominante. Apparemment Arp n'a pas repris ces 15 redshifts négatifs dans son diagramme reproduit dans la figure 7-1 de son livre. En ajoutant les 15 redshifts négatifs aux valeurs figurant à gauche de la figure 7-1 on pourrait neutraliser l'argument de Arp revendiquant qu'il y a un nombre trop élevé de redshifts positifs.

Troisième partie suivie de

Les redshifts dans les amas compacts de galaxies

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[10] S.van den Bergh, Astronomy and Astrophysics, 1, 1989, p111.

[11] H.Arp et J.Sulentic, Astrophysical Journal, 291, 1985, p88.


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