A
propos des travaux d'Halton Arp
Les
redshifts dans les amas compacts (V)
Prenez
à présent le chapitre 5 du livre de Arp, en particulier la section
qui débute à la page 94. "Mais, à ce stade écrit Arp,
j'ai constaté qu'une quintessence de la recherche empêche d'importants
progrès. Un étudiant réalise une thèse se proposant d'étudier
les amas compacts de galaxies de la voûte céleste. Il rapporte
l'existence d'un grand nombre d'amas de ce type et la preuve
statistique qu'ils ne contiennent aucun objet présentant des
redshifts anormaux.
Lorsqu'il
est arrivé dans mon institution pour réaliser son post-doctorat, il
présenta ses résultats lors d'un colloque donné à Caltech. J'ai
indiqué que la plupart de ces amas étaient si pâles qu'il ne
pouvait pas dire quels étaient ceux en interactions multiples et
ceux qui ne l'étaient pas, et pire encore, il n'avait pas examiné
les redshifts et devait assumer qu'il existait des redshift
déviants parmi eux. Mais lui, et le groupe qui le soutenait ont
balayé ces détails et proclamés leurs résultats comme une preuve
qu'il n'existait pas de redshift anormaux ! Bien sûr, tous ceux qui
ont un minimum de connaissance en cette matière savaient
consciemment que les galaxies dont il parlait n'étaient pas autre
chose que les célèbres amas tels ceux le Quintette de Stephan et le
Sextette de Seyfert.
Plus
tard, une répétition de ce travail a montré, à côté
des défauts d'impression et autres erreurs, qu'il avait exagéré
la prédominance de ces amas d'un facteur 10, ce qui est plutôt élevé.
Et, pouvez-vous imaginer que l'on puisse confondre des amas en
interactions tels ceux qui sont illustrés dans les figures 6-9 et
6-10 avec des impressions défectueuses ? Son travail n'a pas été
réfuté, cependant, six ans plus tard le résultat ainsi que son
auteur se sont rétractés. Certaines parmi les personnes ayant
cautionner ce chercheur appartenaient au comité qui allouait le
temps d'observation télescopique et ont critiqué mes travaux et précipité
le refus de mon temps d'observation à Palomar".
Latham dit avoir été fasciné par l'idée qu'une mauvaise
interprétation des défauts d'impression ait pu conduire à
refuser à Arp son temps d'observation télescopique. Voyons comment
la littérature documenta cet épisode.
La réfutation à laquelle
Arp se réfère est l'article publié par Jack Sulentic[18]
en 1983. Sulentic demanda à deux assistants d'examiner les copies
papier des plaques du POSS
à la recherche de quartettes compacts de galaxies similaires aux trois
fameux amas cités plus précédemment présentant des redshifts anormaux.
Pour un total de zones examinées semblable à celui scanné par Rose, les
assistants ont identifié 42 quartettes, contre 33 pour Rose. Cependant, Sulentic prétendait que
31 des 42 candidats devaient être rejetés parce qu'ils n'étaient
pas équivalents au fameux trio. Les raisons de ces rejets étaient
multiples (trio non isolé, trop pâles, taille discordante,
galaxies, défaut d'impression, etc., comme mentionné dans la Table
3. Il réanalysa également les amas compacts candidats identifiés
par Rose et conclut que seulement 9 parmi les 33 candidats étaient
acceptés sans ambiguïté. Il rejeta les autres (pâleur,
marginalité, plus de 3 bras spiraux, etc.).
Sulentic
réduit encore le nombre de quartettes similaires au
fameux trio "en excluant tous les quartettes qui ne sont
manifestement pas en interactions dans les quartettes choisi [...]
cela donne un facteur 10 fois inférieur à l'estimation originale
de Rose." Sulentic ne pousse pas plus loin la signification de
ce qu'il entend par "manifestement en interaction".
Il n'y a dans cet article qu'une seule mention du "défaut
d'impression" (print flaw) et elle est utilisée pour rejeter
l'un des propres candidats d'amas de Sulentic. Il n'est fait nulle
part mention de l'influence des défauts d'impression sur le travail
de Rose.
Dans
mon esprit conclut Latham, la plus sérieuse critique
que l'on puisse faire au travail de Rose est d'avoir présumé que
tous les cas de redshifts anormaux avaient été trouvés. Cette présomption
est prématurée (et presque indubitablement fausse) jusqu'à ce
qu'un relevé complet des redshifts de tous les membres de tous les
quartettes et quintettes soient identifiés dans un échantillon homogène.
Apparemment,
ce sérieux vice dans l'argumentation a été reconnu
par d'autres, notamment par un étudiant, Paul Hickson[19]
qui s'est mis dans l'idée d'identifier un tel échantillonnage et d'en
obtenir autant de mesures de redshifts que possible. Utilisant des
critères plus complexes de compacticité et d'isolement des amas,
Hickson a identifié 100 nouveaux amas sur les plaques du POSS,
partagés en 64 quartettes, 25 quintettes et 11 amas de plus de 5
membres.
Aussi
précisément que l'on puisse les considérer,
Sulentic et Hickson sont passablement d'accord sur les critères
propres de sélection. La principale différence est que Hickson a
couvert un quadrant plus étendu du ciel que Sulentic, lui
permettant d'analyser un échantillonnage plus complet.
Dans
un article important, Hickson, Kindl et Huchra[20]
rapportent l'analyse qu'ils ont effectuée sur 30 quartettes et 10
quintettes pour lesquels ils disposaient de redshifts détaillés.
Parmi les 30 quartettes analysés, quatre contenaient un redshift
anormal; sur les 10 quintettes, quatre contenaient également un
redshift anormal, et un autre contenait deux redshifts (presque
identiques) anormaux. Cela donne un nombre plutôt élevé
d'anomalies, n'est-ce pas ? Voyons comment Hickson et ses collègues
ont examiné la probabilité qu'il pouvait s'agir d'alignements
accidentels.
|
|
Deux
groupes compacts de galaxies en interactions, Hickson 40 (HGC40) à gauche et Hickson 87
(HCG87) à droite, photographiés par le Télescope Spatial Hubble.
Documents Hubble
sIte et Hubble
site. |
|
Reprenant les plaques du POSS, ils ont prudemment analysé le
nombre de champs de galaxies autour de chacun des 26 quartettes pour
lesquels ils disposaient de données complètes sur le redshift. Ils
ont enregistré les coordonnées et les diamètres de toutes les
galaxies plus brillantes que le membre le plus pâle du quartette dans
chacun d'eux. Ensuite, pour chaque quartette ils ont calculé 100000
simulations de Monte Carlo afin de calculer les valeurs
indéterminées du modèle, considérant comme facteur déterminant
l'emplacement des membres du quartette puis en laissant tombé aléatoirement
un nombre approprié de galaxies du champ, dont la distribution des
magnitudes s'écartait de la distribution observée. Enfin, le
programme vérifiait si un quintette créé accidentellement pouvait
satisfaire le critère de sélection du relevé original des amas
compacts.
Ces
astronomes découvrirent que dans 16% des cas ces galaxies formaient des
quintettes accidentellement[21].
"Etant donné que 86.7% (26 de 30) des quartettes complets présentent
des redshifts concordants et que le catalogue de Hickson contient 64
quartettes, le nombre estimé de quartettes ayant une galaxie du champ
s'élève à 0.16 x 0.867 x 64 = 8.85. Ceci représente 35.4% du
nombre total (25) de quintettes repris dans le catalogue. Pour les 10
quintettes pour lesquels nous détenons des données complètes de
vitesses (parmi lesquels quatre sont concordants), le nombre estimé
d'amas ayant une galaxie du champ dont le redshift est anormal selon
l'hypothèse projetée est de 3.5. Nous observons que quatre parmi
les 10 amas ont un redshift discordant, ce qui est en conformité
avec la prédiction."
Suivez-vous cet argument statistique ? Assez compliqué, non
? Il n'est pas étonnant que les premières estimations de
probabilités n'aient pas été suffisamment complexes (ni qu'elles
auraient pu l'être, puisque les échantillons n'ont pas été bien
définis et les redshifts n'étaient pas disponibles).
Comme Hickson
et ses collègues le font remarquer, l'analyse des probabilités de
Sulentic fut entachée d'imperfections parce qu'il n'a considéré
que l'alignement d'une galaxie du champ dans un cercle défini par
le quartette. Cependant, un certain nombre de quintettes qui satisfont
encore le critère de sélection d'amas original peuvent nous amener
à considérer que la galaxie du champ se trouve en dehors du cercle
délimité par le quartette.
Aussi que peut-on
déduire de ce travail ? Visiblement,
l'analyse des amas compacts de Hickson et consorts représente le
meilleur article sur le sujet jamais publié jusqu'ici, étant donné
qu'il a utilisé un critère de sélection bien défini pour
identifier les amas et disposait d'une couverture décente des
redshifts de son échantillon. Le nombre de redshifts anormaux
semble s'accorder assez bien avec le nombre prédit.
Une
chose encore gêne Latham. Parmi trois des quatre quartettes présentant un redshift anormal, la galaxie discordante est
"interne" au cercle qui délimite le quartette restant. La
chance ou plutôt la probabilité que cela se produise accidentellement est d'environ 1 sur 50,
ce qui n'est pas si improbable que cela, spécialement si l'on
considère le faible nombre d'amas impliqué, mais il me laisse
pensif dit-il. Qu'en est-il des quintettes ayant deux redshifts
anormaux ? Faut-il considérer ces galaxies comme deux galaxies
distantes alignées avec un trio de l'avant-plan ? Je ne dispose
malheureusement pas de suffisamment d'informations pour estimer sérieusement la
chance que cela se produise par le fait du hasard.
L'amas
compact de Pégase
Revenons à l'analyse du Quintette de Stephan par Arp évoqué page
précédente. A la page 97 de son livre, Arp décrit la façon dont il déduisit
sa propre interprétation de l'amas.
"Mais ensuite, j'ai réalisé que ce n'était pas les
objets présentant un petit redshift qui étaient anormaux, mais
ceux ayant un redshift élevé. NGC 7320 [du Quintette de Stephan], qui présente un petit
redshift, est une galaxie naine assez normale dont le redshift est
approximativement similaire à celui de sa voisine, la grande
galaxie Sb, NGC 7331 (voir figure 6-12). Ce sont les interactions multiples, les galaxies
qui présentent des redshifts élevés qui sont anormales, comme si
à la même distance la galaxie Sb présentait un petit redshift
comme son compagnon nain."
|
La
galaxie NGC 7331 et les galaxies NGC 7335, NGC 7336, NGC 7337 et NGC 7340 du groupe
Lick Deer photographiées par Bernard
Miller en 2022. Ces galaxies se trouvent à quelques degrés du Quintette de
Stephan (cf. cette photo
générale).
Il s'agit d'un empilement LRGB d'un temps total d'intégration de 18 heures
réalisé au foyer d'un astrographe Planetwave CDK-17 de 432 mm f/6.8 équipé d'une caméra CCD
Apogee CG16M et monté sur une monture équatoriale Paramount ME. |
|
Cette idée, de considérer que les cinq membres du Quintette
de Stephan sont tous situés à la même distance de nous, que
NGC 7320 est normale (sans redshift intrinsèque) et le fait que
les quatre autres galaxies sont anormales, avec un redshift non lié
au courant de Hubble de l'ordre de 5000 km/s, nous conduit à l'une
des sections les plus frappantes de son livre, à la page 100.
"En 1971, le directeur de l'Observatoire de Padova,
L.Rosino, découvrit une supernova dans le membre NGC 7319 présentant
un redshift élevé. Les supernovae sont des indicateurs standards
de distance, en particulier pour les grandes distances, parce que
ces étoiles en explosion sont supposées devenir aussi lumineuses
que toute la galaxie dans laquelle elles apparaissent. A la distance
de NGC 7331/7320, on devrait normalement s'attendre à ce qu'une
supernova soit aussi brillante que la grande galaxie Sb NGC 7331.
C'est un point important en faveur des grandes distances qui nous séparent
des membres présentant de grands redshifts. Mais je dois reconnaître
que la preuve contraire est plus forte encore, et je dois conclure
que les étoiles situées dans des systèmes anormalement décalés
vers le rouge ne deviennent pas aussi brillantes que les galaxies à
faible redshift intrinsèque."
Si
nous comprenons bien ce que Arp nous propose ici, il
n'existait aucune manière d'évaluer les distances relatives des
galaxies en comparant les magnitudes apparentes de leurs étoiles,
parce que les galaxies ayant des redshifts intrinsèques
contiendraient des étoiles intrinsèquement plus pâles laissant
supposer qu'elles sont plus distantes, alors qu'elles ne le seraient
pas réellement. Pour Latham cette affirmation semble épouvantablement
ad hoc. Et, si cela est vrai poursuit-il, je ne vois aucune manière
de résoudre la polémique du décalage vers le rouge.
Echantillon
de galaxies connectées ou en interactions
dont
les redshifts sont très différents |
Galaxie
principale |
Compagnon |
Type
de spectre |
Excès
Redshift |
NGC
7603 |
Comp
SE |
Late
Absorption |
+8300 |
AM0059-402 |
Comp
S |
Late
Absorption |
+9695 |
AM0213-283 |
Comp
N |
Forte
émission, early absorption |
+14021 |
AM0328-222 |
Comp
S |
Emission,
early absorption |
+17925 |
AM2006-295 |
Condensation
SO |
Faible
émission, abs.particulière |
+22350 |
NGC
1232 |
Gal
B |
Emission,
early absorption |
+26210 |
NGC
53 |
Comp
N |
Emission,
early absorption |
+32774 |
AM2054-221 |
Comp
E |
Emission,
Late absorption |
+36460 |
"Late
absorption" décrit un spectre typique des étoiles âgées
de faible luminosité, "Early absorption" est un spectre
typique des étoile jeunes très lumineuses. Une liste complète
d'exemples est présentée dans le magazine Astrophysical
Journal, 263, p70. Adapté de H.Arp, Table 6-1, p86. |
Reste
l'interprétation des images. Sur la figure 6-3 qui se
trouve en page 86 de son livre, Arp nous présente la photographie
d'une galaxie spirale cataloguée AM2006-295 qui serait en
interaction avec un quasar. Arp suggère que le troisième bras en
contact présumé avec le quasar serait en fait une extension du
second (situé au sud) qui se serait divisé en deux parties.
Chacun
peut se rendre compte que cela est tout à fait possible mais il
peut tout aussi bien s'agir d'une extension du premier bras (situé
au nord). Bien que son éclat s'amenuise, il reste encore visible
jusqu'à sa jonction avec le troisième bras. Ce qui reste troublant
dans toutes les images que nous propose Arp est le fait qu'elles
peuvent toutes être interprétées qualitativement et subjectivement.
Cela dépend beaucoup des intentions de son auteur. Les scientifiques
n'aiment pas beaucoup ce facteur de biais.
NGC
4319 et Mrk 205
Le
couple extragalactique suscitant le plus de controverses est formé par la galaxie
NGC 4319 (z=0.006) et le quasar Mrk 205 (z=0.07) situés dans la constellation
du Dragon qui sont séparés l'un de l'autre de 40" et présentés ci-dessous. La différence
de vitesse atteint un facteur 12 mais le couple semble pourtant relié par
un pont de matière. Halton Arp et Geoffrey Burbidge considéraient que
ces deux objets étaient réellement connectés et citaient[22]
d'autres systèmes dans lesquels nous trouvons également des associations
physiques, quartettes, quintettes et autres amas compacts.
|
|
A
gauche, aspect du couple NGC 4319 - Mrk 205 photographié par D.Strange
avec un télescope de 500 mm f/5. Compositage de 3 images CCD exposées 80
secondes chacune. A droite, l'image corrigée sur ordinateur avec le
logiciel IRIS de Christian Buil montre clairement le pont lumineux qui
semble relier les deux objets. Document T.Lombry basé sur une
photographie de D.Strange.
|
|
A
posteriori il n'est pas improbable de trouver d'autres configurations de
ce genre, la chance que nous en trouvions dans un couple de galaxies étant
de (1/2)2, soit
25%. Mais il devient hautement improbable
lorsqu'il concerne des amas plus nombreux, tel VV172 qui comporte 5
membres, dont l'un d'entre eux accuse un mouvement deux fois plus rapide
que ses compagnons[23].
Mais ne plaçons pas la théorie avant les faits ! De deux choses l'une :
soit nous confirmons que ces observations sont dues au hasard (en
observant un échantillon plus vaste et des amas compacts caractéristiques)
et l'interprétation de Arp est biaisée soit nous essayons d'élaborer
une théorie cohérente.
Les
astronomes reconnaissaient que si on pouvait démontrer que la vitesse
augmentait le long du pont lumineux qui a priroi relie ces objets, les idées
de Arp et Burbidge recevraient un réconfort officiel. Mais la brillance
de ce filament est tellement faible, que même aujourd'hui aucune analyse
spectrale n'a été probante. Nous manquons en fait de moyens pour percer
cet apparent mystère.
Un résultat très
intéressant fut obtenu en 1991 par David Bowen et son équipe[24]
qui montrèrent qu'il n'existait aucune trace d'absorption interstellaire de la galaxie
située à l'avant-plan dans le spectre du quasar. Les raies d'absorption
du calcium et du sodium étaient absentes de Mrk 205. Pourtant ces deux
éléments sont communs dans le halo de la Voie Lactée et sont présents
dans le milieu interstellaire, se manifestant lorsque le milieu est
ionisé par l'explosion des supernovae extragalactiques. Ce phénomène
est d'autant plus surprenant que Joseph Silk[25]
25 avait démontré que plusieurs quasars présentaient des raies d'absorption provoquées par
l'association optique avec des galaxies situées à l'avant-plan.
Simon Morris[26]
de l'Université d'Oxford démontra que le même phénomène s'appliquait à
l'association de 3C273 avec les galaxies de l'amas de la Vierge. On
retrouvait une corrélation entre les raies Lyman α du spectre UV du
quasar et les galaxies situées à l'avant-plan.
|
La
galaxie spirale barrée NGC4319 du Dragon et son compagnon exotique la
galaxie de Markarian Mrk 205. Document NASA/ESA/STScI.
|
Ces indices
signifiaient qu'il devait y avoir des raies d'absorption dans le
spectre des quasars, mais il n'y avait aucune trace de ce phénomène
dans le spectre de Mrk 205 mis à part quelques pâles raies du sodium.
Si en
revanche on considère que le quasar est situé au sein même de la galaxie, il
devrait provoquer l'ionisation de l'hydrogène alentour et donner
naissance à de brillantes régions HII, ce qui n'est pas observé non
plus.
Enfin,
les couples de quasars présentant un grand décalage Doppler (z2
> z1)
révélèrent que seul le quasar le plus éloigné (à z2)
présente des raies d'absorption à z=z1
alors que l'inverse ne se produit jamais. Ce phénomène témoigne de la
superposition de la galaxie située à l'avant-plan sur l'objet éloigné.
Il confirme avec force que l'effet Doppler varie bien en fonction de la
distance.
Un
autre argument opposé à la thèse d'Halton Arp est le fait que les
quasars d'amas ne présentent pas le même décalage Doppler que les
galaxies voisines. Ainsi que nous le verrons de façon détaillée en
étudiant les travaux de Arp, des équipes d'astronomes ont
systématiquement analysé les régions extragalactiques éloignées du plan
de la Voie Lactée à partir des données extraites du catalogue de la NASA Extragalactic
Database (NED). En divisant le ciel en zones de 3° autour de
chaque amas de galaxies, les astronomes ont répertorié tous les quasars
existants endéans des limites bien précises. Ils découvrirent une
corrélation entre les amas de galaxies et la distribution des quasars.
L'amas
du Sculpteur par exemple, contient 179 objets extragalactiques dans un
champ de 3° de diamètre, dont 52 quasars. Situé aux alentours de -80°
de latitude sur le plan galactique, cette région se situe pratiquement
à la perpendiculaire de la Voie Lactée et est exempte d'absorption
provoquée par les nuages de poussière galactique. Cette région est
l'une des plus denses.
L'amas de
Hercule qui rassemble 499 objets ne contient que 27 quasars.
Ophiuchus n'en contient que 2. La corrélation entre la distribution des
amas galactiques et les quasars indique que le décalage Doppler moyen
des galaxies d'amas est en général beaucoup plus faible que celui des
quasars présents dans ces groupes. Ce phénomène est à son tour en
contradiction avec la théorie, car la plupart des quasars situés au
sein des amas devraient présenter le même décalage Doppler que ceux-ci.
|
Distribution des radiosources plus
brillantes que 2 Jy à 11 cm (2.7 GHz) basée sur le catalogue Wall et
Peacock. Leur intensité est indiquée en notation logarithmique pour
éviter que Cygnus A n'envahisse toute l'image. Document extrait de
MNRAS,216, 173.
|
|
Quant
à la coupure au-delà de z=2, aujourd'hui l'analyse de la répartition
des quasars est suffisamment complète pour tenter d'expliquer
raisonnablement la quasi absence de quasars aux redshifts de 3 et 4. Il
faut toutefois reconnaître que les corrections de cette coupure
dépendent des modèles. Puisque les autres objets suivent la loi de
Hubble-Lemaître et sachant qu'il existe une corrélation entre les quasars et les
galaxies de Seyfert de Type I, il y a tout lieu de croire que les
quasars anormaux de Arp suivent également cette loi.
Concernant les
présumées éjections
de matière et leurs relations avec les décalages spectraux “anormaux”,
selon l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan[27]
"le point faible [de la théorie de Arp] est l'absence générale de décalage
vers le bleu." En effet, dans une éjection de matière il n'y
a pas de direction privilégiée. Il y a autant de chance pour que la
matière soit éjectée dans notre direction, en produisant une
compression du front d'ondes et un décalage de la lumière vers le bleu.
Jusqu'à ce jour de tels décalages n'existent pas dans les clichés de Arp.
Le
quatrième phénomène controversé est l'effet de lentille
gravitationnelle,
phénomène prédit par la théorie d'Einstein longtemps avant sa découverte. La célèbre "Croix
d'Einstein" G2237+0305 découverte par John Huchra en 1984 représente
une galaxie spirale barrée ordinaire dont le noyau contient quatre
images distinctes d'un quasar distant en plus du noyau. Ces quatre
images du quasar sont corrélées entre elles et présentent des spectres
de raies identiques. Elles sont aussi associées à un effet de
microlensing provoqué par des étoiles individuelles.
A
lire :
Le quasar 8C 0957+561, la double prise
(sur le blog, 2014)
Quasars
associés à des lentilles gravitationnelles
|
|
|
|
A
gauche et au centre, la "Croix d'Einstein" G2237+0305 est constituée de
cinq images d'un seul objet distant. Cette galaxie de 15e magnitude
présente un redshift z=0.0394 et z=1.695, preuve qu'elle est bien
constituée de deux objets situés à des distances différentes. A droite,
le double quasar Q0957+561 situé dans la Grande Ourse photographié par
le Télescope Spatial Hubble dont voici une vue générale du
champ. Ce quasar situé à 8.7 milliards d'années-lumière
(z=1.41) est apparemment associé à une galaxie (YGKOW G1, au centre, en
doré, cf ce schéma)
située à environ 3.7 milliards d'années-lumière (z=0.355) qui mesure
100000 années-lumière de diamètre et "pèse" 10000 milliards de masses
solaires faisant office de lentille gravitationnelle avec des effets de
microlensing. En fait, le quasar est l'objet bleu situé au-dessus à
gauche du centre, l'objet bleu en dessus du centre étant son image.
Documents WIYN
(1999 et 1990) et ESA/NASA/HST.
|
|
Certains
astronomes, tel Thomas Van Flandern (1940-2009), directeur de
l'institut Meta Research considérait que la masse déviante devait être une
petite galaxie de moins de 2 kpc d'envergure. Mais sa trop faible masse
ne peut pas expliquer la disposition des images que nous observons. Or
des études comparatives de la dynamique des noyaux des galaxies[28]
et les analyses des images du Télescope Spatial Hubble[29]
donnent une masse de 1.08 x 1010
M
pour le noyau délimité dans une région de 500 pc au centre de la
galaxie. Ce phénomène est donc bien provoqué par une seule masse
importante située entre le quasar et la galaxie qui incurve les rayons
lumineux qui passent à proximité d'elle ou la traverse.
Toutes ces
observations signifient que dans de tels systèmes, la géométrie de l'image déformée du quasar
requiert une séparation assez grande entre les objets[30].
Ceci ajoute une preuve de plus à la théorie selon laquelle les quasars sont bien situés à leur distance
cosmologique, les ponts de matière n'étant probablement que des effets de perspective.
Malheureusement
Halton Arp nous quitta en 2013 à l'âge de 86 ans sans avoir la réponse définitive à ses questions et
répondu clairement à ses détracteurs.
En guise de conclusion
Au fil du temps,
sans preuve convaincante et définitive venue des grands observatoires, le catalogue
d'Halton Arp ainsi que son livre controversé se sont de plus en
plus transformés en objets poussiéreux à l'image des curiosités d'un
autre temps qu'on ne regarde même plus dans les vieux musées.
Autrement dit, on trouve de moins en moins d'astronomes supportant la
théorie de Arp, ses travaux étant aujourd'hui considérés comme carrément
opposés au modèle cosmologique Standard et donc pratiquement plus supportés par
personne pour des raisons tout à fait étayées et objectives.
Reste
néanmoins un question ouverte vis-à-vis de laquelle tout le monde est d'accord
: la question du redshift dans les ponts de matière reliant les galaxies
particulières en interaction. Si on parvenait à prouver que le
décalage Doppler augmente de manière continue tout le long du pont de
matière reliant les galaxies en interaction, les cosmologistes et les
astrophysiciens seraient dans une impasse conceptuelle et c'est toute
la physique qui serait bouleversée. Et seulement dans ce cas, Arp aurait raison.
Espérons
que les images prises par le Télescope Spatial Hubble
et le télescope spatial James Webb (JWST)
de 6.5 m de diamètre lancé le 25 décembre 2021 ainsi que par les futurs
télescopes géants de 30 et 40 m de diamètre nous permettront de résoudre ces énigmes.
En
attendant, nous verrons à propos des quasars
que les conclusions des analyses détaillées de certains couples suspects
comme NGC 4319/Mrk 205 ou même des amas de galaxies ou de quasars contredisent
la théorie d'Halton Arp et renforcent plus que jamais le modèle cosmologique
Standard ainsi que le modèle unifié des AGN.
Pour
le reste, nous discuterons de l'attitude des scientifiques dans le
dossier consacré à la philosophie
des sciences car elle met en exergue la méthode de travail
des chercheurs et la position de la science dite normale vis-à-vis de
l’anticonformisme et des théories alternatives.
Pour
plus d'informations
Quasars,
Redshifts and Controversies, Interstellar Media/Cambridge University Press, H.Arp,
1987 (et des extraits sur Google
Books)
Seeing
Red, H.Arp, Apeiron, 1998
Revue
du livre "Seeing Red" par Thomas Van Flandern
Burbidge,
G., "Sky & Telescope", January 1988, p38-43
Nature,
336, 6196, p287 (1988), "Book Review: Quasars, redshifts and controversies"
Biographie
d'Halton Arp par Denis Webb
NED
SPGA Atlas
Arp
Atlas de C.Seligman
Arp's
Catalog Of Peculiar Galaxies (RSA Arp)
VLT
Images - Peculiar galaxies (ESO)
On-line
services at ESO (catalogues en ligne)
NED
digital version of Atlas of Pecular galaxies, version
PostScript, version
scannée
Apeiron
(magazine édité jusqu'en 2013).
Retour
à l'Astrophysique
|