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A propos des travaux d'Halton Arp

L'interaction inattendue entre NGC 4319 et Mrk 205.

Les redshifts dans les amas compacts (V)

Prenez à présent le chapitre 5 du livre de Arp, en particulier la section qui débute à la page 94. "Mais, à ce stade écrit Arp, j'ai constaté qu'une quintessence de la recherche empêche d'importants progrès. Un étudiant réalise une thèse se proposant d'étudier les amas compacts de galaxies de la voûte céleste. Il rapporte l'existence d'un grand nombre d'amas de ce type et la preuve statistique qu'ils ne contiennent aucun objet présentant des redshifts anormaux.

Lorsqu'il est arrivé dans mon institution pour réaliser son post-doctorat, il présenta ses résultats lors d'un colloque donné à Caltech. J'ai indiqué que la plupart de ces amas étaient si pâles qu'il ne pouvait pas dire quels étaient ceux en interactions multiples et ceux qui ne l'étaient pas, et pire encore, il n'avait pas examiné les redshifts et devait assumer qu'il existait des redshift déviants parmi eux. Mais lui, et le groupe qui le soutenait ont balayé ces détails et proclamés leurs résultats comme une preuve qu'il n'existait pas de redshift anormaux ! Bien sûr, tous ceux qui ont un minimum de connaissance en cette matière savaient consciemment que les galaxies dont il parlait n'étaient pas autre chose que les célèbres amas tels ceux le Quintette de Stephan et le Sextette de Seyfert.

Plus tard, une répétition de ce travail a montré, à côté des défauts d'impression et autres erreurs, qu'il avait exagéré la prédominance de ces amas d'un facteur 10, ce qui est plutôt élevé. Et, pouvez-vous imaginer que l'on puisse confondre des amas en interactions tels ceux qui sont illustrés dans les figures 6-9 et 6-10 avec des impressions défectueuses ? Son travail n'a pas été réfuté, cependant, six ans plus tard le résultat ainsi que son auteur se sont rétractés. Certaines parmi les personnes ayant cautionner ce chercheur appartenaient au comité qui allouait le temps d'observation télescopique et ont critiqué mes travaux et précipité le refus de mon temps d'observation à Palomar".

Le Sextette de Seyfert en interactions. Document NASA/ESA/STScI.

Latham dit avoir été fasciné par l'idée qu'une mauvaise interprétation des défauts d'impression ait pu conduire à refuser à Arp son temps d'observation télescopique. Voyons comment la littérature documenta cet épisode.

La réfutation à laquelle Arp se réfère est l'article publié par Jack Sulentic[18] en 1983. Sulentic demanda à deux assistants d'examiner les copies papier des plaques du POSS à la recherche de quartettes compacts de galaxies similaires aux trois fameux amas cités plus précédemment présentant des redshifts anormaux. Pour un total de zones examinées semblable à celui scanné par Rose, les assistants ont identifié 42 quartettes, contre 33 pour Rose. Cependant, Sulentic prétendait que 31 des 42 candidats devaient être rejetés parce qu'ils n'étaient pas équivalents au fameux trio. Les raisons de ces rejets étaient multiples (trio non isolé, trop pâles, taille discordante, galaxies, défaut d'impression, etc., comme mentionné dans la Table 3. Il réanalysa également les amas compacts candidats identifiés par Rose et conclut que seulement 9 parmi les 33 candidats étaient acceptés sans ambiguïté. Il rejeta les autres (pâleur, marginalité, plus de 3 bras spiraux, etc.).

Sulentic réduit encore le nombre de quartettes similaires au fameux trio "en excluant tous les quartettes qui ne sont manifestement pas en interactions dans les quartettes choisi [...] cela donne un facteur 10 fois inférieur à l'estimation originale de Rose." Sulentic ne pousse pas plus loin la signification de ce qu'il entend par "manifestement en interaction".

Il n'y a dans cet article qu'une seule mention du "défaut d'impression" (print flaw) et elle est utilisée pour rejeter l'un des propres candidats d'amas de Sulentic. Il n'est fait nulle part mention de l'influence des défauts d'impression sur le travail de Rose.

Dans mon esprit conclut Latham, la plus sérieuse critique que l'on puisse faire au travail de Rose est d'avoir présumé que tous les cas de redshifts anormaux avaient été trouvés. Cette présomption est prématurée (et presque indubitablement fausse) jusqu'à ce qu'un relevé complet des redshifts de tous les membres de tous les quartettes et quintettes soient identifiés dans un échantillon homogène.

Apparemment, ce sérieux vice dans l'argumentation a été reconnu par d'autres, notamment par un étudiant, Paul Hickson[19] qui s'est mis dans l'idée d'identifier un tel échantillonnage et d'en obtenir autant de mesures de redshifts que possible. Utilisant des critères plus complexes de compacticité et d'isolement des amas, Hickson a identifié 100 nouveaux amas sur les plaques du POSS, partagés en 64 quartettes, 25 quintettes et 11 amas de plus de 5 membres.

Aussi précisément que l'on puisse les considérer, Sulentic et Hickson sont passablement d'accord sur les critères propres de sélection. La principale différence est que Hickson a couvert un quadrant plus étendu du ciel que Sulentic, lui permettant d'analyser un échantillonnage plus complet.

Dans un article important, Hickson, Kindl et Huchra[20] rapportent l'analyse qu'ils ont effectuée sur 30 quartettes et 10 quintettes pour lesquels ils disposaient de redshifts détaillés. Parmi les 30 quartettes analysés, quatre contenaient un redshift anormal; sur les 10 quintettes, quatre contenaient également un redshift anormal, et un autre contenait deux redshifts (presque identiques) anormaux. Cela donne un nombre plutôt élevé d'anomalies, n'est-ce pas ? Voyons comment Hickson et ses collègues ont examiné la probabilité qu'il pouvait s'agir d'alignements accidentels.

Deux groupes compacts de galaxies en interactions, Hickson 40 (HGC40) à gauche et Hickson 87 (HCG87) à droite, photographiés par le Télescope Spatial Hubble. Documents Hubble sIte et Hubble site.

Reprenant les plaques du POSS, ils ont prudemment analysé le nombre de champs de galaxies autour de chacun des 26 quartettes pour lesquels ils disposaient de données complètes sur le redshift. Ils ont enregistré les coordonnées et les diamètres de toutes les galaxies plus brillantes que le membre le plus pâle du quartette dans chacun d'eux. Ensuite, pour chaque quartette ils ont calculé 100000 simulations de Monte Carlo afin de calculer les valeurs indéterminées du modèle, considérant comme facteur déterminant l'emplacement des membres du quartette puis en laissant tombé aléatoirement un nombre approprié de galaxies du champ, dont la distribution des magnitudes s'écartait de la distribution observée. Enfin, le programme vérifiait si un quintette créé accidentellement pouvait satisfaire le critère de sélection du relevé original des amas compacts.

Ces astronomes découvrirent que dans 16% des cas ces galaxies formaient des quintettes accidentellement[21]. "Etant donné que 86.7% (26 de 30) des quartettes complets présentent des redshifts concordants et que le catalogue de Hickson contient 64 quartettes, le nombre estimé de quartettes ayant une galaxie du champ s'élève à 0.16 x 0.867 x 64 = 8.85. Ceci représente 35.4% du nombre total (25) de quintettes repris dans le catalogue. Pour les 10 quintettes pour lesquels nous détenons des données complètes de vitesses (parmi lesquels quatre sont concordants), le nombre estimé d'amas ayant une galaxie du champ dont le redshift est anormal selon l'hypothèse projetée est de 3.5. Nous observons que quatre parmi les 10 amas ont un redshift discordant, ce qui est en conformité avec la prédiction."

Suivez-vous cet argument statistique ? Assez compliqué, non ? Il n'est pas étonnant que les premières estimations de probabilités n'aient pas été suffisamment complexes (ni qu'elles auraient pu l'être, puisque les échantillons n'ont pas été bien définis et les redshifts n'étaient pas disponibles).

Comme Hickson et ses collègues le font remarquer, l'analyse des probabilités de Sulentic fut entachée d'imperfections parce qu'il n'a considéré que l'alignement d'une galaxie du champ dans un cercle défini par le quartette. Cependant, un certain nombre de quintettes qui satisfont encore le critère de sélection d'amas original peuvent nous amener à considérer que la galaxie du champ se trouve en dehors du cercle délimité par le quartette.

Aussi que peut-on déduire de ce travail ? Visiblement, l'analyse des amas compacts de Hickson et consorts représente le meilleur article sur le sujet jamais publié jusqu'ici, étant donné qu'il a utilisé un critère de sélection bien défini pour identifier les amas et disposait d'une couverture décente des redshifts de son échantillon. Le nombre de redshifts anormaux semble s'accorder assez bien avec le nombre prédit.

Une chose encore gêne Latham. Parmi trois des quatre quartettes présentant un redshift anormal, la galaxie discordante est "interne" au cercle qui délimite le quartette restant. La chance ou plutôt la probabilité que cela se produise accidentellement est d'environ 1 sur 50, ce qui n'est pas si improbable que cela, spécialement si l'on considère le faible nombre d'amas impliqué, mais il me laisse pensif dit-il. Qu'en est-il des quintettes ayant deux redshifts anormaux ? Faut-il considérer ces galaxies comme deux galaxies distantes alignées avec un trio de l'avant-plan ? Je ne dispose malheureusement pas de suffisamment d'informations pour estimer sérieusement la chance que cela se produise par le fait du hasard.

L'amas compact de Pégase

Revenons à l'analyse du Quintette de Stephan par Arp évoqué page précédente. A la page 97 de son livre, Arp décrit la façon dont il déduisit sa propre interprétation de l'amas.

"Mais ensuite, j'ai réalisé que ce n'était pas les objets présentant un petit redshift qui étaient anormaux, mais ceux ayant un redshift élevé. NGC 7320 [du Quintette de Stephan], qui présente un petit redshift, est une galaxie naine assez normale dont le redshift est approximativement similaire à celui de sa voisine, la grande galaxie Sb, NGC 7331 (voir figure 6-12). Ce sont les interactions multiples, les galaxies qui présentent des redshifts élevés qui sont anormales, comme si à la même distance la galaxie Sb présentait un petit redshift comme son compagnon nain."

La galaxie NGC 7331 et les galaxies NGC 7335, NGC 7336, NGC 7337 et NGC 7340 du groupe Lick Deer photographiées par Bernard Miller en 2022. Ces galaxies se trouvent à quelques degrés du Quintette de Stephan (cf. cette photo générale). Il s'agit d'un empilement LRGB d'un temps total d'intégration de 18 heures réalisé au foyer d'un astrographe Planetwave CDK-17 de 432 mm f/6.8 équipé d'une caméra CCD Apogee CG16M et monté sur une monture équatoriale Paramount ME.

Cette idée, de considérer que les cinq membres du Quintette de Stephan sont tous situés à la même distance de nous, que NGC 7320 est normale (sans redshift intrinsèque) et le fait que les quatre autres galaxies sont anormales, avec un redshift non lié au courant de Hubble de l'ordre de 5000 km/s, nous conduit à l'une des sections les plus frappantes de son livre, à la page 100.

"En 1971, le directeur de l'Observatoire de Padova, L.Rosino, découvrit une supernova dans le membre NGC 7319 présentant un redshift élevé. Les supernovae sont des indicateurs standards de distance, en particulier pour les grandes distances, parce que ces étoiles en explosion sont supposées devenir aussi lumineuses que toute la galaxie dans laquelle elles apparaissent. A la distance de NGC 7331/7320, on devrait normalement s'attendre à ce qu'une supernova soit aussi brillante que la grande galaxie Sb NGC 7331. C'est un point important en faveur des grandes distances qui nous séparent des membres présentant de grands redshifts. Mais je dois reconnaître que la preuve contraire est plus forte encore, et je dois conclure que les étoiles situées dans des systèmes anormalement décalés vers le rouge ne deviennent pas aussi brillantes que les galaxies à faible redshift intrinsèque."

Si nous comprenons bien ce que Arp nous propose ici, il n'existait aucune manière d'évaluer les distances relatives des galaxies en comparant les magnitudes apparentes de leurs étoiles, parce que les galaxies ayant des redshifts intrinsèques contiendraient des étoiles intrinsèquement plus pâles laissant supposer qu'elles sont plus distantes, alors qu'elles ne le seraient pas réellement. Pour Latham cette affirmation semble épouvantablement ad hoc. Et, si cela est vrai poursuit-il, je ne vois aucune manière de résoudre la polémique du décalage vers le rouge.

Echantillon de galaxies connectées ou en interactions

dont les redshifts sont très différents

Galaxie principale

Compagnon

Type de spectre

Excès Redshift

NGC 7603

Comp SE

Late Absorption

+8300

AM0059-402

Comp S

Late Absorption

+9695

AM0213-283

Comp N

Forte émission, early absorption

+14021

AM0328-222

Comp S

Emission, early absorption

+17925

AM2006-295

Condensation SO

Faible émission, abs.particulière

+22350

NGC 1232

Gal B

Emission, early absorption

+26210

NGC 53

Comp N

Emission, early absorption

+32774

AM2054-221

Comp E

Emission, Late absorption

+36460

"Late absorption" décrit un spectre typique des étoiles âgées de faible luminosité, "Early absorption" est un spectre typique des étoile jeunes très lumineuses. Une liste complète d'exemples est présentée dans le magazine Astrophysical Journal, 263, p70. Adapté de H.Arp, Table 6-1, p86.

Reste l'interprétation des images. Sur la figure 6-3 qui se trouve en page 86 de son livre, Arp nous présente la photographie d'une galaxie spirale cataloguée AM2006-295 qui serait en interaction avec un quasar. Arp suggère que le troisième bras en contact présumé avec le quasar serait en fait une extension du second (situé au sud) qui se serait divisé en deux parties.

Chacun peut se rendre compte que cela est tout à fait possible mais il peut tout aussi bien s'agir d'une extension du premier bras (situé au nord). Bien que son éclat s'amenuise, il reste encore visible jusqu'à sa jonction avec le troisième bras. Ce qui reste troublant dans toutes les images que nous propose Arp est le fait qu'elles peuvent toutes être interprétées qualitativement et subjectivement. Cela dépend beaucoup des intentions de son auteur. Les scientifiques n'aiment pas beaucoup ce facteur de biais.

NGC 4319 et Mrk 205

Le couple extragalactique suscitant le plus de controverses est formé par la galaxie NGC 4319 (z=0.006) et le quasar Mrk 205 (z=0.07) situés dans la constellation du Dragon qui sont séparés l'un de l'autre de 40" et présentés ci-dessous. La différence de vitesse atteint un facteur 12 mais le couple semble pourtant relié par un pont de matière. Halton Arp et Geoffrey Burbidge considéraient que ces deux objets étaient réellement connectés et citaient[22] d'autres systèmes dans lesquels nous trouvons également des associations physiques, quartettes, quintettes et autres amas compacts.

A gauche, aspect du couple NGC 4319 - Mrk 205 photographié par D.Strange avec un télescope de 500 mm f/5. Compositage de 3 images CCD exposées 80 secondes chacune. A droite, l'image corrigée sur ordinateur avec le logiciel IRIS de Christian Buil montre clairement le pont lumineux qui semble relier les deux objets. Document T.Lombry basé sur une photographie de D.Strange.

A posteriori il n'est pas improbable de trouver d'autres configurations de ce genre, la chance que nous en trouvions dans un couple de galaxies étant de (1/2)2, soit 25%. Mais il devient hautement improbable lorsqu'il concerne des amas plus nombreux, tel VV172 qui comporte 5 membres, dont l'un d'entre eux accuse un mouvement deux fois plus rapide que ses compagnons[23]. Mais ne plaçons pas la théorie avant les faits ! De deux choses l'une : soit nous confirmons que ces observations sont dues au hasard (en observant un échantillon plus vaste et des amas compacts caractéristiques) et l'interprétation de Arp est biaisée soit nous essayons d'élaborer une théorie cohérente.

Les astronomes reconnaissaient que si on pouvait démontrer que la vitesse augmentait le long du pont lumineux qui a priroi relie ces objets, les idées de Arp et Burbidge recevraient un réconfort officiel. Mais la brillance de ce filament est tellement faible, que même aujourd'hui aucune analyse spectrale n'a été probante. Nous manquons en fait de moyens pour percer cet apparent mystère.

Un résultat très intéressant fut obtenu en 1991 par David Bowen et son équipe[24] qui montrèrent qu'il n'existait aucune trace d'absorption interstellaire de la galaxie située à l'avant-plan dans le spectre du quasar. Les raies d'absorption du calcium et du sodium étaient absentes de Mrk 205. Pourtant ces deux éléments sont communs dans le halo de la Voie Lactée et sont présents dans le milieu interstellaire, se manifestant lorsque le milieu est ionisé par l'explosion des supernovae extragalactiques. Ce phénomène est d'autant plus surprenant que Joseph Silk[25] 25 avait démontré que plusieurs quasars présentaient des raies d'absorption provoquées par l'association optique avec des galaxies situées à l'avant-plan.

Simon Morris[26] de l'Université d'Oxford démontra que le même phénomène s'appliquait à l'association de 3C273 avec les galaxies de l'amas de la Vierge. On retrouvait une corrélation entre les raies Lyman α du spectre UV du quasar et les galaxies situées à l'avant-plan.

La galaxie spirale barrée NGC4319 du Dragon et son compagnon exotique la galaxie de Markarian Mrk 205. Document NASA/ESA/STScI.

Ces indices signifiaient qu'il devait y avoir des raies d'absorption dans le spectre des quasars, mais il n'y avait aucune trace de ce phénomène dans le spectre de Mrk 205 mis à part quelques pâles raies du sodium.

Si en revanche on considère que le quasar est situé au sein même de la galaxie, il devrait provoquer l'ionisation de l'hydrogène alentour et donner naissance à de brillantes régions HII, ce qui n'est pas observé non plus.

Enfin, les couples de quasars présentant un grand décalage Doppler (z2 > z1) révélèrent que seul le quasar le plus éloigné (à z2) présente des raies d'absorption à z=z1 alors que l'inverse ne se produit jamais. Ce phénomène témoigne de la superposition de la galaxie située à l'avant-plan sur l'objet éloigné. Il confirme avec force que l'effet Doppler varie bien en fonction de la distance.

Un autre argument opposé à la thèse d'Halton Arp est le fait que les quasars d'amas ne présentent pas le même décalage Doppler que les galaxies voisines. Ainsi que nous le verrons de façon détaillée en étudiant les travaux de Arp, des équipes d'astronomes ont systématiquement analysé les régions extragalactiques éloignées du plan de la Voie Lactée à partir des données extraites du catalogue de la NASA Extragalactic Database (NED). En divisant le ciel en zones de 3° autour de chaque amas de galaxies, les astronomes ont répertorié tous les quasars existants endéans des limites bien précises. Ils découvrirent une corrélation entre les amas de galaxies et la distribution des quasars.

L'amas du Sculpteur par exemple, contient 179 objets extragalactiques dans un champ de 3° de diamètre, dont 52 quasars. Situé aux alentours de -80° de latitude sur le plan galactique, cette région se situe pratiquement à la perpendiculaire de la Voie Lactée et est exempte d'absorption provoquée par les nuages de poussière galactique. Cette région est l'une des plus denses.

L'amas de Hercule qui rassemble 499 objets ne contient que 27 quasars. Ophiuchus n'en contient que 2. La corrélation entre la distribution des amas galactiques et les quasars indique que le décalage Doppler moyen des galaxies d'amas est en général beaucoup plus faible que celui des quasars présents dans ces groupes. Ce phénomène est à son tour en contradiction avec la théorie, car la plupart des quasars situés au sein des amas devraient présenter le même décalage Doppler que ceux-ci.

Distribution des radiosources plus brillantes que 2 Jy à 11 cm (2.7 GHz) basée sur le catalogue Wall et Peacock. Leur intensité est indiquée en notation logarithmique pour éviter que Cygnus A n'envahisse toute l'image. Document extrait de MNRAS,216, 173.

Quant à la coupure au-delà de z=2, aujourd'hui l'analyse de la répartition des quasars est suffisamment complète pour tenter d'expliquer raisonnablement la quasi absence de quasars aux redshifts de 3 et 4. Il faut toutefois reconnaître que les corrections de cette coupure dépendent des modèles. Puisque les autres objets suivent la loi de Hubble-Lemaître et sachant qu'il existe une corrélation entre les quasars et les galaxies de Seyfert de Type I, il y a tout lieu de croire que les quasars anormaux de Arp suivent également cette loi.

Concernant les présumées éjections de matière et leurs relations avec les décalages spectraux “anormaux”, selon l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan[27] "le point faible [de la théorie de Arp] est l'absence générale de décalage vers le bleu." En effet, dans une éjection de matière il n'y a pas de direction privilégiée. Il y a autant de chance pour que la matière soit éjectée dans notre direction, en produisant une compression du front d'ondes et un décalage de la lumière vers le bleu. Jusqu'à ce jour de tels décalages n'existent pas dans les clichés de Arp.

Le quatrième phénomène controversé est l'effet de lentille gravitationnelle, phénomène prédit par la théorie d'Einstein longtemps avant sa découverte. La célèbre "Croix d'Einstein" G2237+0305 découverte par John Huchra en 1984 représente une galaxie spirale barrée ordinaire dont le noyau contient quatre images distinctes d'un quasar distant en plus du noyau. Ces quatre images du quasar sont corrélées entre elles et présentent des spectres de raies identiques. Elles sont aussi associées à un effet de microlensing provoqué par des étoiles individuelles.

A lire : Le quasar 8C 0957+561, la double prise (sur le blog, 2014)

Quasars associés à des lentilles gravitationnelles

A gauche et au centre, la "Croix d'Einstein" G2237+0305 est constituée de cinq images d'un seul objet distant. Cette galaxie de 15e magnitude présente un redshift z=0.0394 et z=1.695, preuve qu'elle est bien constituée de deux objets situés à des distances différentes. A droite, le double quasar Q0957+561 situé dans la Grande Ourse photographié par le Télescope Spatial Hubble dont voici une vue générale du champ. Ce quasar situé à 8.7 milliards d'années-lumière (z=1.41) est apparemment associé à une galaxie (YGKOW G1, au centre, en doré, cf ce schéma) située à environ 3.7 milliards d'années-lumière (z=0.355) qui mesure 100000 années-lumière de diamètre et "pèse" 10000 milliards de masses solaires faisant office de lentille gravitationnelle avec des effets de microlensing. En fait, le quasar est l'objet bleu situé au-dessus à gauche du centre, l'objet bleu en dessus du centre étant son image. Documents WIYN (1999 et 1990) et ESA/NASA/HST.

Certains astronomes, tel Thomas Van Flandern (1940-2009), directeur de l'institut Meta Research considérait que la masse déviante devait être une petite galaxie de moins de 2 kpc d'envergure. Mais sa trop faible masse ne peut pas expliquer la disposition des images que nous observons. Or des études comparatives de la dynamique des noyaux des galaxies[28] et les analyses des images du Télescope Spatial Hubble[29] donnent une masse de 1.08 x 1010 M pour le noyau délimité dans une région de 500 pc au centre de la galaxie. Ce phénomène est donc bien provoqué par une seule masse importante située entre le quasar et la galaxie qui incurve les rayons lumineux qui passent à proximité d'elle ou la traverse.

Toutes ces observations signifient que dans de tels systèmes, la géométrie de l'image déformée du quasar requiert une séparation assez grande entre les objets[30]. Ceci ajoute une preuve de plus à la théorie selon laquelle les quasars sont bien situés à leur distance cosmologique, les ponts de matière n'étant probablement que des effets de perspective.

Malheureusement Halton Arp nous quitta en 2013 à l'âge de 86 ans sans avoir la réponse définitive à ses questions et répondu clairement à ses détracteurs.

En guise de conclusion

Au fil du temps, sans preuve convaincante et définitive venue des grands observatoires, le catalogue d'Halton Arp ainsi que son livre controversé se sont de plus en plus transformés en objets poussiéreux à l'image des curiosités d'un autre temps qu'on ne regarde même plus dans les vieux musées. Autrement dit, on trouve de moins en moins d'astronomes supportant la théorie de Arp, ses travaux étant aujourd'hui considérés comme carrément opposés au modèle cosmologique Standard et donc pratiquement plus supportés par personne pour des raisons tout à fait étayées et objectives.

Reste néanmoins un question ouverte vis-à-vis de laquelle tout le monde est d'accord : la question du redshift dans les ponts de matière reliant les galaxies particulières en interaction. Si on parvenait à prouver que le décalage Doppler augmente de manière continue tout le long du pont de matière reliant les galaxies en interaction, les cosmologistes et les astrophysiciens seraient dans une impasse conceptuelle et c'est toute la physique qui serait bouleversée. Et seulement dans ce cas, Arp aurait raison.

Espérons que les images prises par le Télescope Spatial Hubble et le télescope spatial James Webb (JWST) de 6.5 m de diamètre lancé le 25 décembre 2021 ainsi que par les futurs télescopes géants de 30 et 40 m de diamètre nous permettront de résoudre ces énigmes.

En attendant, nous verrons à propos des quasars que les conclusions des analyses détaillées de certains couples suspects comme NGC 4319/Mrk 205 ou même des amas de galaxies ou de quasars contredisent la théorie d'Halton Arp et renforcent plus que jamais le modèle cosmologique Standard ainsi que le modèle unifié des AGN.

Pour le reste, nous discuterons de l'attitude des scientifiques dans le dossier consacré à la philosophie des sciences car elle met en exergue la méthode de travail des chercheurs et la position de la science dite normale vis-à-vis de l’anticonformisme et des théories alternatives.

Pour plus d'informations

Quasars, Redshifts and Controversies, Interstellar Media/Cambridge University Press, H.Arp, 1987 (et des extraits sur Google Books)

Seeing Red, H.Arp, Apeiron, 1998

Revue du livre "Seeing Red" par Thomas Van Flandern

Burbidge, G., "Sky & Telescope", January 1988, p38-43

Nature, 336, 6196, p287 (1988), "Book Review: Quasars, redshifts and controversies"

Biographie d'Halton Arp par Denis Webb

NED SPGA Atlas

Arp Atlas de C.Seligman

Arp's Catalog Of Peculiar Galaxies (RSA Arp)

VLT Images - Peculiar galaxies (ESO)

On-line services at ESO (catalogues en ligne)

NED digital version of Atlas of Pecular galaxies, version PostScript, version scannée

Apeiron (magazine édité jusqu'en 2013).

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[18] J.Sulentic, Astrophysical Journal, 270, 1983, p417.

[19] P.Hickson, Astrophysical Journal, 255, 1982, p382.

[20] P.Hickson, M.Kindl et J.Huchra, Astrophysical Journal Letters, 329, 1988, L65.

[21] Il existe malgré tout une ou deux inconsistances logiques dans l'argumentation statistique de Hickson mais ces erreurs ne font pas beaucoup de différences dans la conclusion finale.

[22] H.Arp, "Quasars, Redshifts and Controversies", op.cit, p45.

[23] J.Sulentic et Lorre, Astronomy and Astrophysics, 120, 1983, p36.

[24] D.Bowen et al., "A survey of interstellar CA II absorption in the haloes of low-redshift galaxies", Montly Notices of the Royal Astronomical Society, 249, 1991, p145-158.

[25] J.Silk, "The Big Bang", W.H.Freeman, 1989, p262.

[26] S.Morris, Astrophysical Journal letters, 377, 1991, L21.

[27] T.X.Thuan, "La mélodie secrète", Fayard, 1988.

[28] Lauer, Proceedings of the Astonomical Society of the Pacific, 101, 1989, p445 - Van der Marel, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 1992.

[29] Rix, Schneider et Bahcall, IAS, 1992, 23.

[30] P.Peebles, Nature, 29 aug 1991, p773.


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