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Le projet ELT de 39 m de diamètre.

Les défis technologiques (II)

Depuis la fabrication du miroir de 5 m de diamètre de l'observatoire du Mont Palomar en 1939, en raison de leur masse brute qui dépasse les 40 tonnes, les miroirs des grands télescopes ont été évidés, ce qui a permis de les alléger de 50%. Mais au-delà de 5 mètres, il devient très difficile de les fabriquer en une seule pièce en raison des nombreux problèmes qu'ils entraînent (polissage, contraintes, etc.) et les transporter par la route devient pratiquement impossible. Les opticiens se sont donc tournés vers de nouvelles technologies.

Depuis les années 1990, tous les grands télescopes sont équipés d'un miroir fragmenté ou ultramince. Cette technologie, si elle est couplée à une monture azimutale est particulièrement simple à mettre en oeuvre. Les gains, tant au niveau du poids que du coût financier ont convaincu les commanditaires que des télescopes de 30 ou 40 mètres de diamètre et plus n'étaient pas une chimère d'opticiens.

Les télescopes de Jerry Nelson (1944-2017) par exemple contiennent de multiples miroirs, plus faciles à construire, l'ensemble étant dix fois plus léger qu'un seul miroir monolithique. Le respect de la courbure optimale est confié à un ordinateur tant le contrôle des vérins est complexe.

L'un des plus grands succès de Jerry Nelson sont les deux télescopes jumeaux Keck I et Keck II de 10 m de diamètre installés au sommet du cratère de Mauna Kea sur l'île d'Hawaï, inaugurés en 1991. Dans les deux cas, il s'agit d'un télescope Newton-Cassegrain dont le rapport d’ouverture est compris entre f/1.75 (hyperbolique) et f/25. Le miroir principal est constitué de 36 petits miroirs hexagonaux mesurant chacun 1.8 m d'une extrémité à l'autre. Bien que ces télescopes pèsent 300 tonnes, ils fonctionnent avec une précision du nanomètre. La coupole est aussi haute qu'un building de 8 étages.

Les télescopes Keck sont 4 fois plus lumineux que le télescope Hale de 5 m du Mont Palomar. Leur construction, supportée par la Fondation W.M. Keck, coûta plus de 140 millions de dollars (258 millions de dollars actualisés). Lorsqu'ils sont équipés d'une optique adaptative (voir plus bas) et fonctionnent en interférométrie (Keck-I), leur résolution est équivalente à celle d'un miroir de 85 m de diamètre ! On reviendra sur cette configuration optique.

Ces deux télescopes sont installés auprès des deux télescopes Gemini équipés chacun d'un miroir monolithique de 8.1 m de diamètre recouvert d'une argenture spéciale optimisée pour réfléchir plus de 99% de la lumière et rejeter plus de 99% du rayonnement infrarouge.

Ceci dit, le plus grand succès de Jerry Nelson mais dont il ne verra pas l'aboutissement est le TMT de 30 m de diamètre (voir plus bas).

A voir : SCHOTT goes ELT - LSST Mirror Casting Gallery

Ci-dessus à gauche, comparaison de la taille des miroirs primaires de quelques grands télescopes. Au centre, après polissage et parabolisation, la courbure du miroir concave en Cer-Vit du télescope Victor Blanco de 4 m du CTIO au Chili est vérifiée au laser. Les irrégularités ne doivent pas dépasser λ/20. A droite, le même miroir prêt pour l'aluminure. Ci-dessous à gauche, l'un des 800 segments (dont 133 sont identiques) de 1.4 m fabriqué en Zerodur par SCHOTT pour le futur ELT de l'ESO. Au centre, sortie du four en 2017 du miroir secondaire M2 de 4 m du futur ELT de 39 m de l'ESO chez SCHOTT à Mainz (All.). Lors de la cuisson, la température du verre dépasse 1100°C. Le refroidissement dure un an. Ensuite seulement le miroir est poli puis aluminé sous vide (cf. cet article). A droite, la face arrière du miroir de 5 m du télescope du Mont Palomar. Le fait de l'avoir évidé en nids d'abeilles a permis de l'alléger de 50% soit 20 tonnes. Photographie prise en 1939 et restaurée par l'auteur. Documents Cmglee/Wikimedia, J.Blair/N.Cole/NGS, CTIO, SCHOTT/Science Prings, ESO/SCHOTT et AP,

Une autre conception proposée par l'Américain Roger Angel du Mirror Lab de l'Observatoire Steward (SOML) de l'Université d'Arizona remplace la masse de verre par une structure évidée six fois plus légère en nids d'abeilles. C'est la structure adoptée pour le télescope monolithique MMT de 6.5 m installé au sommet du Mont Hopkins en Arizona en 1996. Il remplaçe la structure en multi-miroir qui avait été installée en 1979. Son défi suivant fut un miroir de 8.4 m de diamètre. Il pense aujourd'hui construire des miroirs pour l'espace constitués d'une membrane d'un rayon de 800 m !

Notons que la structure alvéolaire a fait des émules chez les astronomes amateurs dès la fin des années 1990. Ces miroirs allégés pèsent le tiers de leur équivalent en Pyrex. Ils sont recommandés pour tout type de télescope amateur à partir de 250 mm de diamètre.

L'anglais Ray Wilson, gourou de l'optique formé à l'Imperial College de Londres et travaillant pour l'ESO, a proposé quant à lui un miroir "actif" si peu épais (10 à 20 cm) qu'il se déforme facilement. Sa courbure est réglée par des verrins hydrauliques et des centaines d'actuateurs pilotés en temp réel par ordinateur.

Ainsi, les 43 miroirs segmentés formant le miroir primaire des télescopes Keck I et II de 10 m de diamètre mesurent 7.65 cm d'épaisseur, tandis que le miroir secondaire de 640 mm f/15 de l'optique adaptative du MMT (6.5 m) mis au point en 2000 mesure seulement 1.8 mm d'épaisseur ! Il est contrôlé par 336 actuateurs.

A voir : Une MUSE pour le Very Large Telescope

Gemini Observatory Intro, Gemini Obs

Views from Kitt Peak National Observatory

Ci-dessus à gauche, inspection du miroir de 8.10 m de diamètre du télescope Gemini North avant son installation à Mauna Kea, à Hawaï en 1999. A droite, les 150 actuateurs contrôlent le miroir du VLT de 8.2 m pesant 23 tonnes. Le miroir en forme de ménisque étant très mince (177 mm), ce système permet de compenser les déformations afin d'obtenir une surface idéale à 20 nm près. Ci-dessous à gauche, netttoyage précautionneux à l'eau du miroir du télescope Gemini North. A droite, nettoyage peu conventionnel mais nécessaire de l'un des sept miroirs de 8.4 m du futur GMT au Mirror Lab de l'Observatoire Steward (SOML) à Tucson. Documents Gemini, ESO, Quora et Ray Bertram/U.Az.

Les installations de l'ESO au Mont Paranal

L'observatoire du VLT (Very Large Telescope) de l'ESO fut inaugauré en mars 1999 après 22 ans d'études et de mises au point. Il est installé au nord du Chili, à 12 km de la côte Pacifique et environ 500 km au sud de Santiago, en bordure du désert d'Atacama, au sommet du Mont Cerro Paranal à 2635 m d'altitude.

Comme le précise l'ESO, les astronomes ont choisi cette région pour ses conditions atmosphériques optimales et très stables et son isolement. En effet, l'Atacama est l'un des déserts les plus secs du monde (l'Atacama existe depuis des millions d'années et reçoit en moyenne à peine 10 mm de pluie par an. Bien que la vie ait déserté certains lieux, globalement il abrite 500 espèces végétales mais seulement une poignée d'amphibiens et de reptiles), il présente un taux d'humidité constant à 1% près (entre 3-20% contre 40% minimum en Belgique), le site est situé en haute altitude et donc au-dessus des basses couches polluées et turbulentes (DIMM seeing de 0.92"), il est généralement à l'abri des nuages et bénéfice d'une excellente visibilité, d'un vent très faible et d'un ciel extrêment pur (78% du temps, il convient à la photométrie et la spectroscopie).

Les astronomes avaient le choix entre ce site et celui de Cerro Armazones situé à 20 km de là mais ce dernier était trop venteux, les coupoles étant plus sujettes aux effets de la turbulence. Etant donné que le gouvernement de Pinochet accorda également à l'ESO un territoire de 795 km2 autour du site, le site du Paranal fut finalement choisi. Ceci dit, nous verrons plus bas que le site de Cerro Amazones fut tout de même choisi pour installer le futur ELT de 39 m de diamètre.

Les installations de l'Observatoire de l'ESO au Mont Panaral au Chili au coucher du Soleil. A gauche, la Voie Lactée se profilant derrière le télescope Yepun (UT4). A droite, les quatre télescopes VLT de 8.20 m, le VST de 2.61 m (à l'arrière-plan) et sur la droite deux des quatre télescopes auxiliaires de 1.80 m. Documents ESO 2015 et 2018.

L'observatoire européen dispose de quatre télescopes UT1 à UT4 identiques nommés en langue Mapuche : Antu (le Soleil), Kueyen (La Lune), Melipal (La Croix du Sud) et Yepun (Vénus). Chaque télescope est équipé d'un miroir de 8.20 m de diamètre et de 17.7 cm d'épaisseur dont la surface a été polie avec une précision de 12 nm (écart P-V de λ/100) soit quelque 15 atomes d'épaisseur ! C'est ce qu'on appelle une optique de qualité astronomique. Le rapport focal varie entre f/2 au foyer primaire et f/15 au foyer Nasmyth (coudé).

Un télescope de la classe VLT ou Gemini est capable d'observer des détails d'environ 8 mètres sur la Lune (mais ce ne fut jamais réalisé, cf. cette FAQ). En revanche, en 2002 un seul VLT fut capable d'observer des détails d'environ 130 mètres ou 0.07" d'arc sur le site d'Apollo 11, mais ce fut encore insuffisant pour distinguer le matériel abandonné sur la Lune.

Photographie aérienne de l'ensemble des télescopes installés par l'ESO sur le Mont Paranal. Les quatre VLT et le petit VST sont installés au sommet tandis que le VISTA a été installé sur une colline proche à l'avant-plan. Documents ESO, S.Brunier, G.Hüdepohl et T.Lombry.

Avec un seul de ces télescopes, en 1 heure de pose (temps d'intégration CCD), les astronomes peuvent obtenir des images d'objets célestes de 30e magnitude (par comparaison, les télescopes amateurs de 30-40 cm de diamètre ne dépassent pas la 24e magnitude).

Sur le plan informatique (nous y reviendrons en dernière page), le VLT collecte 30 TB de données chaque nuit qui sont ensuite transmises à l'ESO en Allemagne pour traitement. Il faut bien quelques dizaines d'heures pour traiter l'ensemble des données.

Toute cette profusion de technologie et de personnel (174 personnes travaillent au Mont Paranal) a un prix : le VLT a coûté 350 millions de dollars actualisés (2015), hors frais de fonctionnement annuel (16.9 millions d'euros en 2011) et de personnel. Le coût de la seconde d'observation revient à environ 1.5 €. Compte tenu de l'infrastructure et des ressources c'est vraiment bon marché (même si c'est 200 fois plus cher qu'un itelescope amateur).

Depuis 2009, comme on le voit à gauche, l'ESO a installé le télescope VISTA de 4.1 m sur une colline proche du Mont Paranal, non loin des VLT. Le VISTA (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) dispose d'un miroir primaire en Zerodur ouvert à f/1.0 ou f/3.25 taillé avec une précision de 0.03 micron (1/3000e de la taille d'un cheveu) et est recouvert d'un revêtement d'argent plutôt que d'aluminium. Il est équipé d'un système photographique composé de 16 capteurs CCD refroidis à -200°C offrant une résolution globale de 67 mégapixels. Chaque nuit le VISTA récolte environ 315 GB de données soit 13 disques Blu-Ray !

Le VISTA est dédié à l'étude du ciel aux longueurs d'ondes visible et surtout infrarouge et a notamment à son actif la découverte de très jeunes étoiles dans le pseudo-bulbe de la Voie Lactée, l'identification des galaxies DOG (Galaxies Obscurcies par la Poussière) et d'environ 40000 astéroïdes. Malgré sa taille modeste, c'est donc un télescope de première importance pour la recherche.

Depuis 2011, le Mont Paranal a été complété par le télescope VST (VLT Survey Telescope) de 2.61 m équipé d'une caméra CCD OmegaCAM de 16k x 16k pixels (26 cm de côté !) enregistrant des images de 268 MB. En 10 ans, lorsque le projet Petasky sera terminé, le VST aura photographié 20 milliards d'objets astronomiques et récolté 140 petabytes de données contenant des centaines de caractéristiques pour chaque objet du ciel. Ce sont de "Big Data" !

Une CCD de 3.2 gigapixels sur le Vera Rubin (LSST)

Concernant les moyens CCD, le record actuel détenu par la gigacam de 1.4 gigapixels du Pan-STARRS 1 installé à Hawaï sera bientôt détrôné par le futur télescope Simonyi Survey de l'Observatoire Vera C. Rubin (ex-LSST, Large Synoptic Survey Telescope). Ce télescope de 8.42 m est en cours de construction à 2680 m d'altitude sur le Cerro Pachón, au Chili grâce à des fonds privés et publics auxquels ont contribué les Etats-Unis, le Chili et la France. Le Vera Rubin devrait être opérationnel au plus tard en 2025.

La mission du LSST sera de réaliser des photographies régulières du ciel afin de relever tout changement d'une période à l'autre dans le but de mieux comprendre la nature et les propriétés de l'énergie sombre (ou noire) et la dynamique de l'Univers. Dans ce but, le Vera Rubin sera équipé d'une caméra CCD de 3.2 gigapixels mesurant 1.65 m de diamètre et pesant plus de 3 tonnes ! Ce système CCD offrira un champ supérieur à 3° grâce auxquel le Vera Rubin sera capable d'enregistrer des images de 3 GB toutes les 17 secondes, générant 30 TB de données chaque nuit. Il sera également mis à contribution pour étudier les galaxies lointaines dont le rayonnement est amplifié par les lentilles gravitationnelles.

Le GMT alias Magellan de 21.5 m de diamètre

Malgré leurs performances, on ne peut pas combler le manque de lumière des espaces vides laissés entre les télescopes interférométriques. Il n'existe pas d'autre solution que de construire des télescopes de plus grand diamètre. C'est pour cette raison qu'un consortium de 10 institutions et observatoires américains sont en train de construire le GMT, Giant Magellan Telescope.

En cours de fabrication au Richard Carris Mirror Lab (voir aussi ce lien) de l'Université d'Arizona, il sera constitué de 7 miroirs de 8.4 m de diamètre, offrant un diamètre équivalent à un télescope de 21.5 m d'ouverture. La dimension des miroirs individuels a été déterminée en fonction des contraintes des moyens de transport.

Voici l'aspect du miroir primaire multiple comparé à la taille d'un humain. A cette échelle cyclopéenne, l'être humain ressemble à un jouet !

A voir : Giant Magellanic Telescope : "A Perfect Mirror"

Giant Mirrors to Capture the Universe, U.Arizona, 2012

UA Mirro Lab Casts 3d mirror for GMT, U.Arizona, 2013

Document GMTO/U.Texas

Le verre brut taillé dans une masse de 18 tonnes est une vitrocéramique ClearCeram-Z HS fabriquée par Ohara. Ce matériau est réputé pour son très faible coefficient de dilatation thermique, quasi nul, de 0.0 ±0.1 x 10-7/K, équivalent au Zerodur de Schott. La surface des miroirs sera polie jusqu'à λ/20 dans la lumière verte soit une précision de courbure de 20 nm, l'équivalent de l'épaisseur d'une seule molécule de verre. Après le polissage, la surface sera recouverte d'une couche réfléchissante et d'un revêtement antireflet à base d'oxyde d'aluminium offrant près de 99% de réflectivité.

Le plus grand défi dans la construction de ce miroir segmenté est la forme asymétrique des six miroirs extérieurs. En effet, l'ensemble des miroirs devant respecter une forme concave parabolique, ils ont été taillés comme un "chip" de pomme de terre, plus incurvé sur le bord extérieur que sur le bord intérieur. Ainsi, le bord des miroirs extérieurs "déborde" de 14 nm par rapport à un miroir symétrique, soit 28000 fois la longueur d'onde de la raie verte de référence. C'est de la très haute technologie.

Il va de soi qu'une série d'instruments de tests spécifiques et de procédures de tests ont été spécialement développés pour évaluer la qualité de ces miroirs lorsqu'ils seront terminés.

Tellement grand, le pouvoir de résolution du Magellan sera 12 fois supérieur à celui du Télescope Spatial Hubble !

Le GMT travaillera essentiellement dans le spectre visible entre 350 et 950 nm. Il disposera également d'un spectrographe et d'une optique adaptative (voir plus bas) fonctionnant dans le proche infrarouge entre 900 et 2500 nm.

Ce projet revient à 700 millions de dollars dont un peu plus de 3% sont financés par le secteur privé, l'industriel George P. Mitchell (de Mitchell Energy & Development Corp., The Cynthia et George Mitchell Foundation) ayant généreusement offert 25 millions de dollars.

Selon la BBC, le GMT verra sa première lumière en 2025 (avec 5 ans de retard) à l'Observatoire de Las Campanas, au Chili, où sont déjà installés les deux télescopes Magellan de 6.5 m f/11.

A lire : Challenges in modelling and control of Extremely Large Telescopes, R.Bastaits, ULB

A gauche, la maquette du télescope géant Magellan (GMT) de 21.5 m qui sera installé à Las Campanas, au Chili en 2025. A droite, la maquette du TMT de 30 m de diamètre qui sera opérationnel au sommet du Mauna Kea, à Hawaï, fin 2026. Documents U.Az et NOAJ.

Le TMT de 30 m de diamètre

Entre-temps Jerry Nelson en collaboration avec des instituts américains et japonais dont Canon et la NAOJ ont travaillé sur le projet TMT, Thirty-Meter Telescope, un télescope de 30 m de diamètre. Son miroir est constitué de 492 segments de 1.44 m de longueur chacun. Ils sont en vitrocéramique ClearCeram-Z de Ohara dont voici un article du fabricant.

Comme tous les télescopes, le TMT sera équipé d'une optique adaptative (voir plus bas). Il permettra de travailler aux rapports focaux de f/1 et f/15 pour un champ réel variant entre 15 et 20 minutes d'arc à f/15. Son dôme culminera à 56 m de hauteur.

Le diamètre du TMT le rend particulièrement adapté à l'étude du ciel en infrarouge. C'est pourquoi il sera muni de moyens spectrométriques capables d'analyser le rayonnement des astres entre 310 et 2800 nm, du proche UV au proche IR.

Le TMT est en cours d'installation à Mauna Kea où il rejoindra les télescopes CFHT, Gemini, Keck I et II et Subaru. Sa construction a toutefois été interrompue plusieurs fois suite à des conflits idéologiques avec une association hawaïenne qui s'est opposée à la construction de tout nouveau bâtiment sur leur montagne sacrée. Comme l'explique cet article, fin 2015 de commun accord il a été convenu que le TMT sera le dernier télescope installé au Maunea Kea.

En 2008, on estimait que la construction du TMT coûterait entre 970 millions et 1.4 milliard de dollars (cf. "Science", 2014). C'est l'un des instruments les plus chers jamais construit.

Le TMT devrait voir sa première lumière (NFIRAOS) fin 2026 et sera totalement opérationnel en 2028 soit avec 10 ans de retard sur le planning original.

Le ELT de 39 m de diamètre

En avril 2010, l'ESO présenta le site où sera construit le plus grand télescope du monde, le ELT, "Extremely Large Telescope", de 39 m de diamètre ! Il sera installé à Cerro Armazones évoqué plus haut, également situé dans la désert d'Atacama, au Chili, à 3060 m d'altitude. L'ensemble de la structure mobile pesera plus de 3000 tonnes. Le dôme culminera à 79 m de hauteur et fera 86 m de diamètre !

Le miroir primaire du ELT est ouvert à f/0.98 et est constitué de 798 segments hexagonaux indépendants d'une épaisseur de 5 cm. Les miroirs seront fabriqués en vitrocéramique Zerodur de Schott afin de garantir une stabilité thermique maximale et une précision de polissage à λ/100 (les rugosités de surface seront inférieures à 1 nm).

Le ELT sera équipé d'une optique adaptative (voir plus bas) fabriquée par Teledyne e2v composée de 28 capteurs CMOS de 16 kpixels (800 x 800 pixels) chacun qui ajusteront l'image 700 fois par seconde pour compenser la turbulence atmosphérique.

Illustrations du futur ELT de 39 m. Documents ESO et ESO.

Bien que le Cerro Amazones soit plus venteux que le Cerro Paranal, parmi ses atouts, le site du ELT est également très sec et bénéficie de près de 330 nuits claires par an. Point de vue logistique, il se situe à 20 km à vol d'oiseau du VLT. A terme le ELT sera relié par fibre optique à la même salle de contrôle que celle du VLT et pourra ainsi être piloté à distance. Enfin, le gouvernement du Chili a garanti à l'ESO une zone de protection de plusieurs centaines de kilomètres carrés autour de la montagne.

Le ELT verra sa première lumière en 2025. Il coûtera 1 milliard d'euros soit à peine moins que le prix de construction du TMT (1 milliard de dollars), mais auxquels il faut ajouter les centaines de millions de dollars de frais d'exploitation et de recherches répartis sur plusieurs années. On y reviendra.

Qu'attendent les astronomes d'un télescope de 39 m de diamètre ? Le ELT permettra d'abord de poursuivre la recherche avec une qualité d'image jamais égalée jusqu'à présent. Cet instrument défiant la technologie permettra de valider les lois de l'astronomie, de l'astrophysique à la cosmologie : les mouvements des étoiles, la structure des disques protoplanétaires, les galaxies en interactions, la datation de l'Univers. Il permettra aux astronomes de découvrir des galaxies actives aux limites de l'univers visible, à plus de 13.2 milliards d'années-lumière et de remonter l'histoire de l'Univers jusqu'à la naissance des premières étoiles.

A voir : ESOcast 176 Light: Construire le plus grand télescope optique au monde, ESO, 2018

ESOcast 84: The New E-ELT Design Unveiled, ESO, 2016

Cette vue artistique permet de comparer la taille du futur ELT de 39 m (gauche) avec celle des VLT de 8.2 m (centre gauche) et du GMT de 21.5 m (centre droite). Grand ? Cela devient géant ! Document ESO.

Notons que la plupart des grands instruments sont de conception optique Ritchey-Chrétien, c'est-à-dire qu'ils utilisent une conception de type Cassegrain (le miroir principal est percé en son centre) dont les deux miroirs primaires et secondaires sont hyperboliques afin d'éliminer l'aberration de coma de 3e ordre et celle de sphéricité (mais il subsiste malgré tout une légère coma, de l'astigmatisme et une courbure de champ). Les deux télescopes Gemini North et South de 8.1 m, les quatres VLT de 8.2 m, le Subaru de 8.2 m, le GTC de 10.4 m, les deux télescopes Keck I et II de 10 m ainsi que plusieurs télescopes spatiaux dont le JWST, Hubble et Herschel exploitent cette conception optique.

Enfin, l'ESO dispose également d'installations astronomiques à Cerro La Silla (télescopes de 3.60 m, NTT, MPG, etc.) et sur le plateau de Llano de Chajnantor (ALMA) au Chili.

A voir : Around the World in 80 Telescopes - ESO Supernova - Free material for Planetariums

Palomar (5.08 m) - Palomar Skies - Subaru (8.2 m) - VLT (4x 8.2 m) - Keck I et II (10 m)

Mes 1001 liens, Observatories

Les télescopes solaires

Dans le monde, une trentaine d'observatoires ont dédié au moins un télescope à l'étude du Soleil. Compte tenu de la turbulence atmosphérique, il est pratiquement impossible d'utiliser des instruments de plus d'un mètre diamètre, à moins de disposer d'un site en haute altitude ou d'installer une optique adaptative.

Le plus grand télescope solaire est le Daniel K. Inouye (DKIST) de 4.24 m installé à Maui dans l'archipel d'Hawaï qui vit sa première lumière en 2020. Sa résolution atteint 0.035" soit 25 km à 530 nm (et 30 km à 768 nm). C'est deux fois supérieur à celles des instruments existants.

Pour rappel, une tache solaire doit mesurer au moins 60" (1/30e du diamètre du Soleil) soit au moins 43000 km pour être visible à l'oeil nu (protégé par un filtre solaire) bien qu'en 1989 Alan MacRobert déclara avoir observé un groupe de taches de 22 à 26" avec la prénombre soit mesurant entre 16000 et 19000 km.

Le télescope solaire Daniel K. Inouye, alias DKIST, de 4.24 m de diamètrre installé sur l'île de Maui dans l'archipel d'Hawaï. Lors de sa première lumière le 28 janvier 2020, le DKIST photographia la tache solaire AR 12757 de classe Hsx mesurant 5000 km de diamètre sans compter la pénombre, avec un résolution de 25 km à 530 nm.

Le plus célèbre des télescopes solaires est celui de l'Observatoire Solaire National américain de la NOAA. Il comprend l'impressionnant télescope de la tour solaire McMath-Pierce de 1.60 m de diamètre installé au Kitt Peak en Arizona dont le miroir primaire de l'héliostat mesure de 2.1 m de diamètre. Il est opérationnel depuis 1962.

Parmi les autres grands instruments opérationnels citons également le télescope Dunn (DST) de 1.60 m de diamètre de Sacramento Peak, l'Observatoire Solaire de Big Bear (BBSO) abritant un télescope de 1.60 m de diamètre installé en bordure du lac de Big Bear en Californie, le télescope solaire Gregor de 1.50 m installé à l'Observatoire du Teide où sont également installés le télescope solaire franco-italien Thémis de 90 cm et le Vacuum Tower Telescope (VTT) de 70 cm, l'Observatoire MLSO de Mauna Loa à Hawaï, l'Observatoire embarqué de Haute Altitude HAO et le Télescope Solaire Suédois (SST de 1 m). Tous les autres instruments sont plus modestes (15-70 cm de diamètre).

A consulter : Solar Instruments, UCAR

A gauche, une vue aérienne de l'Observatoire du Kitt Peak (KPNO) en Arizona en direction du sud-est (cf. cette carte du site). A droite, la tour de l'Observatoire solaire McMath-Pierce du Kitt Peak dont voici une vue rapprochée de l'édifice et de l'héliostat. Documents NOAO.

Plusieurs grands télescopes solaires sont également en cours de construction ou le projet est planifié comme le Télescope Solaire Européen (EST) de 4.2 m de diamètre qui devrait être installé aux îles Canaries, probablement dans la décennie 2020, mais dont on a peu d'échos.

Enfin, rappelons que la Chine envisage la construction d'un télescope solaire de 5 à 8 m de diamètre.

N'oublions pas l'astronomie spatiale avec des sondes solaires comme Parker lancée en août 2018, la sonde STEREO-A et l'observatoire orbital SDO. On y reviendra à propos des missions spatiales.

L'optique adaptative

Si nous voulons améliorer les résolutions spatiale et temporelle des images astronomiques sans agrandir indéfiniment la taille du miroir primaire des télescopes terrestres, nous devons trouver un moyen pour supprimer les effets indésirables de l'atmosphère, en particulier sa turbulence qui fait scintiller si joliment les étoiles mais brouille les images.

Pour y parvenir, les ingénieurs ont trouvé un moyen pour soustraire les effets de la turbulence atmosphérique du faisceau lumineux incident avant qu'il n'atteigne les détecteurs photosensibles : c'est l'optique adaptative, OA en abrégé.

Historiquement, l'optique adaptative fut inventée en 1953 par le physicien américain Horace W.Babcock du Caltech mais elle ne fut réellement appliquée que dans les années 1980 par l'armée américaine pour observer en détail les satellites espions survolant son territoire et identifier leur pays d'origine. Cette application ne fut jamais rendue publique.

A voir : Images des optiques adaptatives des VLT, ESO, 2016

First Light of new Laser at Paranal, ESO, 2015

Optique adaptative à faisceaux lasers mutiples installée le 26 avril 2016 sur le VLT 4 "Yepun" du Mont Paranal et sur le Gemini Nord de Mauna Kea. A gauche, on voit deux des canons lasers Raman générant le laser de référence et leur pompe laser associée. Chaque faisceau fait 30 cm de diamètre et est émis à 589 nm avec une puissance de 22 watts. Le faisceau crée une étoile artificielle vers 90 km d'altitude. Documents G.Hüdepohl/ESO, ESO/F.Kamphues et Gemini Obs./AURA.

Les astronomes découvrirent donc par eux-mêmes cette remarquable technologie qui fut seulement inaugurée en 2002 sur les télescopes VLT puis généralisée à tous les observatoires. De quoi s'agit-il ?

Tous les télescopes installés au sol, même en haute altitude, sont sensibles à la turbulence atmosphérique. L'effet de cette turbulence peut être neutralisé en temps réel en utilisant un faisceau laser qui va créer un point brillant - une étoile artificielle - en excitant une fine couche d'atomes de sodium située vers 80-90 km d'altitude, là où les météores se consumment et deviennent colorés. Ce guidage laser fait partie de ce qu'on appelle une optique adaptative (adaptive optics ou AO en anglais).

Cette étoile artificielle ne brillant que par fluorescence, elle doit être maintenue par un tir laser continu. Sa fréquence est d'ordinaire de 589 nm (orangée). Cette étoile artificielle mesure environ un mètre de diamètre et s'étend sur plusieurs dizaines ou centaines de mètres de hauteur mais paraît ponctuelle vue du sol.

Photographie multispectrale des "balles d'Orion" (Orion Bullets). Document Gemini Obs./AURA.

La lumière retransmise par cette étoile artificielle est ensuite analysée par l'optique adaptative placée juste avant le foyer du télescope et va mesurer les déformations locales du front d'ondes. Au coeur de ce système optique se trouve un analyseur de Shack-Hartmann comprenant notamment des microlentilles (baycentres) et un miroir déformable piloté par ordinateur.

Les mesures des déformations vont servir de référence pour piloter ce miroir déformable à base de matériaux de synthèse (cf. les matériaux du futur) et supprimer les effets induits par la turbulence atmosphérique avant que la lumière incidente n'arrive sur le détecteur photosensible. En moyenne, le calculateur temps-réel utilisé en astronomie effectue 500 déformations par seconde du miroir de l'optique adaptative. En général, ce système de correction en temps-réel est appliqué sur le miroir secondaire (ultramince) du télescope au moyen d'actuateurs.

Grâce à ce système très sophistiqué, on peut obtenir des images astronomiques aussi nettes que si le télescope était placé dans l'espace. Cette technologie s'applique à la photographie (et l'analyse spectrale) de tous les corps célestes, du Soleil aux galaxies les plus éloignées.

Outre l'avantage financier que procure cette solution comparée à un télescope spatial, l'optique adaptative offre trois autres avantages.

Le gain en résolution varie normalement en fonction du carré du diamètre du télescope (D2). Avec une optique adaptative, ce gain est proportionnel à D4, ce qui explique la grande netteté des images comparée à un système sans OA. 

Actuellement, sans optique adaptative, le VLT de 8.20 m atteint une résolution de 0.2" à 0.4" selon la turbulence. Avec l'optique adaptative CONICA/NAOS sa résolution atteint 0.002" ou 2 mas à 2 microns et 20 mas à 20 microns. Par comparaison, le télescope spatial JWST de 6.5 m atteint ~0.1" à 2 microns sans optique adaptative et avant traitement d'image. On y reviendra.

En 2012, les télescopes Gemini de 8.1 m ont bénéficié d'une nouvelle génération d'optique adaptative appelée GeMs donnant des images encore plus précises et spectaculaires comme le montre la photographie des "balles d'Orion" présentée ci-dessus à droite. Alors que précédemment les astronomes distinguaient mal le déplacement des "balles" bleues (des zones de poussière dense supersonique), la résolution offerte par le système GeMs a permis de distinguer clairement leurs différentes positions au cours du temps.

Autre avantage, grâce à la vitesse de réaction du calculateur, la sensibilité du télescope est également améliorée, lui permettant de déceler des évènements très rapides (de l'ordre de la minute, tel un flash cosmique) qui autrement seraient noyés dans la turbulence.

Enfin, contrairement à une étoile qui demeure dans un endroit précis du ciel, l'optique adaptative peut couvrir tout le ciel puisque qu'elle se déplace avec le télescope.

A gauche, les optiques adaptatives installées sur les télescope Keck I et II installés au sommet du Mauna Kea à Hawaï. A droite, le faisceau laser de loptique adaptative installée en 2016 sur le 4e VLT Yepun. Documents Babak Tafreshi/NAOJ et ESO/S.Lowery.

Aussi, si un jour vous voyez un faisceau laser sortir de la coupole d'un télescope et se perdre dans la haute atmosphère, si ce n'est pas pour effectuer une mesure de la distance Terre-Lune, dites-vous que les astronomes sont en train de réaliser une photographie avec une optique adaptative.

Enfin, signalons que le système d'optique adaptative installé sur les grands télescopes est un instrument lourd et encombrant. Le premier système appelé NAOS installé sur le VLT mesurait plus de 2 m de diamètre, pesait 800 kg et nécessitait un système cryogénique capable de suivre les mouvements du télescope de manière synchrone. De tels systèmes sont hors de portée des petits observatoires sans parler des amateurs.

Mais de nombreux professionnels (militaires, industriels, microbiologistes, ophtalmologues, etc) et des amateurs avertis étant demandeurs de cette technologie, des optiques adaptatives relativement compactes et bon marché ont été développées, y compris pour les astronomes amateurs. Citons notamment les modèles des sociétés SBIG et OKO. Ces systèmes dont le prix varie entre 800 et 2000$ utilisent non pas un laser mais une véritable étoile-guide pour corriger la turbulence.

A voir : Pourquoi l'Optique Adaptative (vidéo de l'ESPCI)

Effet d'une optique adaptative sur l'image des astres. Ci-dessus à gauche, Uranus photographiée avec le télescope William Herschel de 4.20 m installé aux Canaries. Au centre, Neptune photographiée avec le VLT de l'ESO. A droite, gros-plan sur un tout petit détail de la nébuleuse de la Carène photographiée avec le télescope Gemini Sud installé au Chili. Voici une vidéo de cette nébuleuse. Documents WHT, ESO/VLT et Gemini Obs./AURA et al. Ci-dessous, grâce à l'optique adaptative et une réduction du bruit de speckle par traitement d'image, les télescopes solaires de 1 à 2 m d'ouverture atteignent aujourd'hui une résolution de 0.15-0.12" comme on le voit avec cette image de la région AR 10805 prise le 5 septembre 2005 au Big Bear Solar Observatory (voir aussi cette image où le pont lumineux est quasiment inexistant).

A propos de l'usage des lasers

La puissance du laser d'une optique adaptative est d'environ 20 Watts sinon supérieure, soit 4000 fois la puissance d'un laser grand public de classe 3A délivrant moins de 5 mW ! Il va de soi qu'un laser de puissance ne peut être utilisé qu'en l'absence d'avion ou de satellite dans le ciel, un éblouissement pouvant dramatiquement blesser les pilotes ou éblouir les satellites militaires. C'est la raison pour laquelle ainsi que l'explique cet article, aux Etats-Unis l'usage des lasers de puissance est contrôlé par le Space Command de l'USAF (reprit fin 2019 par l'Air Force Space Command, USSF) ainsi que par l'Admininistration Fédérale de l'Aviation civile (FAA).

Rappelons qu'il est interdit de pointer un rayon laser sur un avion (cf. l'avis de la FAA), le faisceau pouvant éblouir voire blesser les pilotes. Ainsi le pilote d'un B787-9 de Virgin Atlantic éblouit par un laser fut contraint de faire demi-tour (cf. Air Journal, 2021). La sanction pour cet acte infantile peut aller jusqu'à la prison ferme (cf. Ouest-France, 2018) .

Une étude publiée en 2009 par des chercheurs de l'AURA et de la NSF montra que l'interdiction d'utiliser les lasers des optiques adaptatives pendant le passage des avions ou des satellites empêcha les astronomes du télescope Keck d'Hawaï d'effectuer leur métier durant 30 minutes à plusieurs heures durant 5 à 10% des nuits d'observations (cf. AURA's assessment; APS News).

Comme on dit dans ces cas là, les discussions entre parties furent cordiales mais aucun accord n'a été trouvé, d'autant moins que la NSF ne juge pas la question de l'utilisation du laser comme hautement prioritaire.

Dans ce contexte, les astronomes américains reconnaissent que les sites d'astronomie situés en dehors de la juridication des Etats-Unis sont avantagés, notamment l'Observatoire de l'ESO au Chili et l'Observatoire du Roque de los Muchachos situé sur l'île de La Palma aux Canaries où les Européens disposent du GTC, un télescope de 10.4 m d'ouverture. Finalement, vu sous cet angle les Européens n'ont rien à envier à l'Oncle Sam.

L'interférométrie optique

La dernière technologie en date est l'interférométrie optique du Français Antoine Labeyrie du Collège de France. Le principe consiste à coupler avec une très grande précision les images de plusieurs télescopes distants. Appliqué aux VLT, on parle de VLTI.

Comme on le voit ci-dessous, en configuration VLTI les faisceaux lumineux des quatre télescopes sont combinés dans des tunnels souterrains grâce à un système complexe de miroirs. Les longueurs des chemins optiques ont été calculées avec une tolérance inférieure au millième de millimètre sur une centaine de mètres. On peut également utiliser les 4 VLT en cohérence avec les 4 télescopes auxiliaires.

Le VLT installé à 2635 m au sommet du Mont Paranal au Chili se caractérise par 4 télescopes de 8.20 m de diamètre fonctionnant facultativement en interférométrie optique (VLTI) dont la ligne de base mesure au maximum 120 m. A gauche, un schéma du système sur lequel on distingue les 2 foyers secondaires et l'image centrale constituée des franges d'interférences. A droite, une vue globale des télescopes et du tracé des rayons lumineux. Depuis 2011, un "petit" télescope VST de 2.61 m complète l'installation. Documents ESO.

Le VLT dispose également d'un système de correction appelé le suivi de franges au niveau de l'interféromètre et des franges d'interférences. Equipé depuis 2016 de l'instrument GRAVITY, un imageur interférentiel travaillant en proche infrarouge, en bande K entre 2.0 et 2.4 microns, la résolution angulaire du système varie entre 2 et 140 mas. Il est prévu que ses performances soient améliorées dans la version GRAVITY+. Dans cette configuration, le VLTI peut mesurer les positions et les mouvements d'étoiles et d'autres objets célestes avec une précision de quelques dizaines de microsecondes d'arc. En moyenne, GRAVITY atteint à une résolution de 10 mas soit 0.01" et est tout à fait adapté pour observer en haute résolution les déplacements des étoiles proches du trou noir supermassif Sgr A* caché au centre de la Voie Lactée.

Au mieux, la résolution du VLTI est de 1.6 mas ou 0.0016" soit 14 fois supérieure à celle d'un seul VLT sans aucun système correcteur, équivalente à celle d'un télescope virtuel de 130 mètres de diamètre ! Mais si la résolution spatiale est améliorée, la luminosité reste celle d'un télescope de 16 m de diamètre car l'espace non utilisé entre les miroirs ne collecte pas la lumière. Le télescope virtuel ne peut dès lors restituer les photons et donc l'éclat qu'il n'a pas reçu. Mais une solution permet d'y remédier.

Des interféromètres optiques quantiques

Extension du principe du VLTI

L'installation de l'Event Horizon Telescope (EHT) a montré les excellentes performances de la radioastronomie VLBI en permettant d'obtenir en 2019 la première image du trou noir supermassif caché au coeur du quasar M87.

Le VLTI de l'ESO est son équivalent optique à petite échelle. Les instruments MATISSE, GRAVITY et PIONIER utilisent cette configuration pour étudier l'atmosphère des étoiles, les exoplanètes et l'activité des quasars. Ils sont également utilisés pour suivre l'évolution de l'étoile S2 autour Sgr A*.

Actuellement les interféromètres optiques ne peuvent combiner la lumière que de télescopes distants de quelques centaines de mètres au maximum. Le record de distance est détenu par CHARA (Centre for High Angular Resolution Astronomy) de l'observatoire du Mont Wilson en Californie qui dispose d'un réseau de six télescopes optiques d'un mètre de diamètre dont la ligne de base mesure au maximum 330 m. Sa résolution atteint 0.2 mas ou 200 microsecondes d'arc. Il est donc possible d'utiliser l'interférométrie optique pour observer en très haute résolution les objets du ciel profond.

Mais cela pourrait changer si les astronomes se tournent vers les physiciens quantiques qui n'hésitent pas à déclarer qu'il est possible de construire des télescopes optiques interférométriques séparés de plusieurs dizaines, voire des centaines de kilomètres les uns des autres.

De tels interféromètres optiques s'appuieraient sur un phénomène bien connu des physiciens quantiques, le stockage de l'information (l'amplitude et la phase de la lumière en fonction du temps) dans l'état quantique des photons.

A gauche, principe de l'interférométrie optique. Au centre, mesure de l'interférence entre deux télescopes en utilisant un état intriqué émis par une source centrale de photons intriqués. A droite, création de l'intrication quantique partagée. En haut de l'image, le scénario le plus simple : on fait passer un photon à travers un diviseur de faisceau et on transmet les modes intriqués résultants aux récepteurs. En dessous, dans un répéteur quantique, une série de relais quantiques enchevêtrent plusieurs paires de photons intriqués via une mesure de l'état de Bell (BSM) et on utilise la distribution ou distillation par intrication (ED) pour extraire l'intrication de haute qualité entre des récepteurs distants. Documents D.Gottesman et al., (2012) adaptés par l'auteur.

L'astrophysicien Jonathan Bland-Hawthorn de l'Université de Sydney, propose d'utiliser des disques durs quantiques (QHD), des appareils qui seraient physiquement installés dans un endroit centralisé où les données de chaque télescope seraient combinées pour produire un interférogramme (cf. l'expérience de la double fente de Young) qui révélerait  tous les détails de l'objet céleste analysé. En théorie, on pourrait utiliser le VLTI, CHARA ou le Keck-I avec une ligne de base de 1, 10 ou 100 km.

Mais pour y parvenir, il y a de nombreux défis techniques à surmonter qui sont hors de portée de la technologie optique conventionnelle. Par exemple, en raison du décalage de phase de la lumière reçue par les différents télescopes, il faut trouver un moyen pour retarder les photons de certains télescopes dans des "lignes à retard" afin de s'assurer que la lumière de tous les télescopes parcourt exactement la même distance. Si les lignes de transmission ou à retard ne sont pas identiques - ce qui se produit sur des distances kilométriques - les photons finissent par être absorbés ou diffusés, ce qui détruit l'interférogramme.

Pour résoudre ce problème, en 2011 l'équipe du physicien théoricien Daniel Gottesman de l'Institut Périmètre pour la physique théorique, au Canada, suggéra de placer une source de photons intriqués (cf. l'enchevêtrement quantique à propos du paradoxe EPR) à mi-distance des télescopes. En résumé, la source quantique envoie une paire de photons intriqués à chaque télescope, où les photos vont interférer avec les autres photons reçus d'un objet céleste. Les mesures d'interférences obtenues par chaque télescope permettent ensuite de construire un interférogramme (cf. D.Gottesman et al., 2012).

Autre difficulté, des lignes de base optiques très longues nécessitent une amplification du signal grâce à des répéteurs quantiques afin de s'assurer que l'intrication se maintient sur de grandes distances et reste détectable.

Des interféromètres optiques quantiques sans photons intriqués

 Bland-Hawthorn, John Bartholomew de l'Université de Sydney et Matthew Sellars de l'Université Nationale Australienne proposent également des interféromètres optiques sans intrication de photons et sans répéteurs quantiques (cf. J.Bland-Hawthorn et al., 2021).

Sur le principe, les états quantiques des photons collectés par chaque télescope distant sont enregistrés sur des disques durs quantiques. Les astronomes transporteraient physiquement ces QHD (par la route, train ou avion) dans un endroit où les états quantiques seraient lus et où on pourrait construire l'interférogramme.

En 2015, les trois chercheurs proposèrent de stocker les états quantiques des photons dans les états de spin nucléaire de certains ions dans un cristal d'orthosilicate d'yttrium dopé à l'europium, YSO en abrégé. En théorie, si le système est maintenu à 2 K, les états de spin restent cohérents jusqu'à un mois et demi. En pratique, l'équipe de Bartholomew est parvenue à conserver l'état de spin pendant ~6 heures. Mais l'expérience n'a pas stocké les états des photons dans les états de spin. Elle a simplement montré que les états de spin restaient cohérents pendant plusieurs heures (cf. M.Zhong et al., 2015).

La prochaine étape constituera à stocker les états cohérents des photons et les récupérer après une heure. Entre-temps, il faudra vérifier que les QHD résistent aux vibrations et aux accélérations qu'ils subiront pendant le transport. A priori c'est le cas car les états de spin nucléaire sont pratiquement insensibles à ces types de perturbations. Si cela fonctionne, cela prouvera qu'il est possible d'exploiter les données provenant des télescopes à condition de pouvoir les transporter en moins d'un heure vers le centre d'analyse. Plusieurs équipes de chercheurs travaillent sur ce projet.

A gauche, principe du VLBI optique combiné à des disque durs quantique (QHD). En (a), deux télescopes terrestres séparés par une ligne de base collectent la lumière d'une source céleste, φAi et φBi représentant les déphasages en fonction du trajet au cours des différents processus. Après la capture et le routage du signal dans des fibres optiques monomodes par chaque télescope, le signal est préfiltré avec une série de filtres passe-bande spectraux étroits (BPF) et enregistrés sur un QHD. Une synchronisation précise est nécessaire pour synchroniser les périodes d'exposition sur le QHD et pour suivre leur évolution de phase relative. Lorsque l'écriture est terminée, les QHD sont transportés physiquement vers un autre site pour le traitement des données. Les photons sont lus et combinés pour produire un interférogramme spatial. En (b), le concept du QHD basé sur le stockage durant plusieurs heures ou plusieurs jours de la lumière sur les niveaux d'énergie internes des atomes noyés dans des cristaux de YSO. Un juke-box charge séquentiellement les disques dans une cavité optique. Le signal du télescope est couplé à la cavité permettant aux photons d'être absorbés par l'ensemble atomique dans un maillage 3D ou voxel actif grâce à une interaction cohérente collective. Le voxel actif est contrôlé afin de stocker un grand nombre de photons à travers le degré de liberté spatial. Le juke-box dispose de 20 disques contenant 2x 107 voxels et pourrait stocker jusqu'à 2x 1010 modes optiques. Pour permettre l'écriture, le stockage, le transport et la lecture des données, le QHD doit être maintenu à une température stable de ~2 K, avec une orientation précisément alignée par rapport à un champ magnétique externe statique, et être contrôlé à l'aide d'une radiofréquence pulsée. L'efficacité de stockage dépend de la polarisation car l'absorption est anisotrope dans l'YSO. Document J.Bland-Hawthorn et al. (2021). A droite, principe du VLBI optique avec compression. A gauche, les photons sont collectés sur deux sites et stockés dans des registres mémoires quantiques selon la bande passante du détecteur. L'état quantique et l'heure d'arrivée d'un photon incident sont encodés dans un qubit binaire. A droite, si par exemple le photon arrive dans le 5e registre de temps, cela correspond au code binaire 101; on le stocke dans un état quantique en inversant les premier et troisième qubits à chaque nœud. Le décodage est réalisé par des contrôles de parité non locaux assistés par des paires intriquées. Les informations de phase peuvent alors être extraites sans interférence avec les données des deux mémoires, évitant les pertes de transmission. Document E.Khabiboulline et al. (2018).

Parmi les améliorations possibles, en 2018 le physicien théoricien Johannes Borregaard aujourd'hui à l'Université de Technologie de Delft, aux Pays-Bas, et ses collègues ont conçu une méthode pour compresser les données reçues par les télescopes, en ne conservant que les photons pertinents et en éliminant le reste. Mais si leur solution est utilisée avec de longues lignes de base, des répéteurs quantiques sont nécessaires. Leurs études sont en cours (cf. E.Khabiboulline et al., 2018).

Mais il reste un problème inhérent à l'astronomie terrestre. Utiliser un interféromètre optique à très longue ligne de base signifie observer des objets plus pâles et plus petits, ce qui signifie disposer de moins de photons par unité de temps. Or la turbulence atmosphérique altère facilement les images. Pour la neutraliser, il faut utiliser une optique adaptative mais qui est surtout efficace sur les objets proches et étendus. On peut aussi agrandir la taille des télescopes ou, solution la plus coûteuse, les placer dans l'espace, en dehors de l'atmosphère.

Actuellement, ces contraintes ont limité l'extension des lignes de base des interféromètres optiques.

Les limites des télescopes terrestres

Aujourd'hui plusieurs télescopes interférométriques sont opérationnels (I2T, VLTI, CHARA, Keck-I, etc.), constitués de 2 à 6 télescopes espacés de 100 à 330 m. Cependant, de nombreux sujets astrophysiques comme l'imagerie de la surface des étoiles (qui exige des systèmes optiques de plus de 50 m de diamètre) et celle des exoplanètes (plus de 10 km de diamètre) nécessitent des télescopes littéralement géants.

Les télescopes Gemini North de 8.1 m (avant-plan) et du CFHT de 3.60 m (arrière-plan) installés au sommet du Mauna Kea à Hawaï. Voici la carte du site. Document Kwon O.Chul.

Parmi les projets à long terme, les ingénieurs travaillent sur un télescope interférométrique géant dénommé Carlina, un concept de "télescope dilué" ou DLT dont voici l'avant-projet démarré en 2011 par les astronomes de l'Observatoire de Haute-Provence. Carlina serait constitué d'un grand nombre de petits miroirs espacés les uns des autres pour former un télescope "E-DLT" géant qui pourrait mesurer entre 500 m et 1 km de diamètre. L'ESO envisage également la construction de très grands télescopes de 100 m de diamètre.

Mais il n'est pas certain que de telles infrastructures verront le jour au sol. En effet, en 2006, après avoir étudié les effets de la présence d'eau dans l'atmosphère sur les conditions d'observations du ciel, Gerry Gilmore, titulaire de la chaire Opticon (astronomie infrarouge optique) à l'Institut d'Astronomie de l'Université de Cambridge déclara qu'à l'avenir les astronomes auront des difficultés pour conserver leurs "fenêtres" d'observations en raison de l'aggravation de la pollution atmosphérique et des effets de la pollution lumineuse.

En extrapolant les conditions atmosphériques actuelles, Gilmore conclut qu'en 2050 il sera impossible d'exploiter de grands télescopes de plus de 30 à 60 m de diamètre en raison de l'augmentation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère et des traînées de condensation qui en découlent suite à l'augmentation du trafic aérien. On reviendra sur l'effet de ces traînées à propos des gaz à effet de serre.

Se greffe sur ce problème, la couverture nuageuse et le brouillard dans certains hauts lieux de l'astronomie. Bien qu'avant de porter son choix sur un site et d'installer des instruments, tous les sites candidats font l'objet d'une analyse préalable des données météos, climatiques, géologiques, des projets d'urbanisation et de la stabilité politique du pays, il reste des aléas comme le facteur météo. Ainsi, au début des années 2000, le Cerro Paranal où sont aujourd'hui installés les VLT, le VST et le VISTA bénéficiait en moyenne de 340 nuits claires. Or depuis 2015-2016 on constate que le ciel est plus souvent nuageux y compris en automne (après la saison d'El Niño, cf. l'oscillation ENSO), des nuages parvenant à franchir la Cordillère des Andes comme on le voit sur les images ci-dessous prises le 22 mai 2017. Ce jour là, les sessions planifiées furent reportées et les astronomes sur place en profitèrent pour prendre un jour de repos. Heureusement la nuit suivante le ciel était de nouveau dégagé. A d'autres occasions, il peut y avoir du brouillard au sommet, mais généralement il se dissipe avant la nuit comme ce fut le cas le 27 juin 2017.

Cette couverture nuageuse et ces brouillards sont probablement un effet du changement climatique dont devront dorénavant tenir compte les astronomes. C'est un problème majeur car si l'Europe perd ses fenêtres terrestres sur l'univers, elle perd ses principaux outils d'observations et d'études du ciel profond avec toutes les conséquences que cela entraîne sur les projets des astronomes titulaires et les thèses des élèves doctorants qui ont parfois besoin de données provenant de ces instruments.

A voir : SpaceX Starlink Satellites Spotted Over Netherlands (24 mai 2019)

Webcams - Views from the VLT, ESO

Astroclimatology, ESO

A gauche, photos satellitaires du nord du Chili (voici la photo globale) prises par les satellites GEOS le 22 mai 2017 à 00h00 et 02h45 TU montrant la couverture nuageuse sur Cerro Paranal et La Silla. Documents Eumetsat/T.Lombry et GOES/T.Demange. A droite, photographie du groupe de galaxies NGC 5353/4 réalisée avec le télescope de l'Observatoire Lowell en Arizona dans la nuit du samedi 25 mai 2019. Les lignes diagonales qui traversent l'image sont des traînées lumineuses laissées par le passage de plus de 25 des 60 satellites Starlink lancés la veille par SpaceX en orbite basse (LEO) alors qu’ils passaient dans le champ de vision du télescope. Bien que cette image illustre l’impact des constellations de satellites, il faut noter que la densité de ces satellites est nettement plus élevée dans les jours qui suivent leur lancement (comme on peut le voir ici) et que la luminosité des satellites diminuera à mesure qu’ils atteindront leur orbite opérationnelle. C'est néanmoins un coup dur pour les astrophotographes amateurs comme professionnels et pour la protection du ciel nocturne. Document Victoria Girgis/Lowell Obs et Bill Williams (image avant le lancement).

Un autre problème apparut en 2019 est le passage de la constellation de satellites StarLink de SpaceX lancés le 24 mai 2019, "sans dommage" prétendait Elon Musk dans un tweet, "pour l'astronomie professionnelle car leur éclat allait diminuer avec le temps". Si c'est exact, comme on en juge avec la photo présentée ci-dessus à droite, avec des temps d'intégration CCD de plusieurs heures, ces constellations de satellites laisseront toujours des traces sur les photographies du ciel profond. L'IDA qui lutte depuis 1988 pour préserver le ciel nocturne a d'ailleurs immédiatement exhorté toutes les parties à prendre des mesures de précaution pour protéger l'environnement nocturne avant le déploiement de nouveaux groupes de satellites à grande échelle (12000 satellites devraient être lancés). On reviendra sur le sujet à propos de la pollution lumineuse.

Mais ce ne sont pas les seuls problèmes. Même dans les hauts lieux de l'astronomie comme au Chili ou à Hawaï où les sites sont protégés par la loi, les effets de l'éclairage public des villes "proches" commence à se faire sentir. Ainsi, comme l'explique cet article du "Daily Mail" publié en 2015, les astronomes préparant l'installation du futur télescope géant Magellan (GMT) de 21.5 m ont constaté une augmentation de la pollution lumineuse engendrée par la ville de Coquimbo située entre 60 et 100 km des observatoires. Le même problème se pose depuis le début des années 2000 aux observatoire installés à Hawaï comme l'explique cet article publié en 2007. Verra-t-on un jour les télescopes Gemini et VLT équipés d'un filtre LPR (Light Pollution Rejection) ?

Le télescope Pan-STARRS 1 de 1.80 m de l'IfA équipé d'une gigacam de 1.4 Gpixels installé au sommet du Mont Haleakala à Hawaï. Doc PS1SC.

Si l'idée peut sembler a priori saugrenue, depuis toujours les télescopes utilisent optionnellement des filtres sélectifs que ce soit pour étudier le Soleil ou les objets du ciel profond (par exemple les nébuleuses) dans certaines raies spectrales, pour réaliser des mesures photométriques ou simplement pour réaliser des photographies couleurs à partir d'images LRGB. Toutefois, l'usage d'un filtre LPR serait désastreux pour les programmes étudiant le ciel dans le spectre visible.

A long terme, on s'attend donc à du mauvais temps pour les astronomes, y compris les spécialistes de l'astronomie infrarouge (le rayonnement IR est absorbé par la vapeur d'eau), qui devront peut-être se convertir à la radioastronomie ou s'installer en Antarctique. Mais aller travailler aussi loin, dans le froid et durant 6 mois maximum n'intéresse pas beaucoup de scientifiques et c'est cher payé quand on sait qu'à 500 km d'ici on trouve un ciel noir d'encre et sans turbulence : l'espace.

C'est donc tout naturellement que les astronautes ont embarqué des télescopes au cours de leurs missions orbitales. Dès 1973, Skylab embarqua l'ATM de 171 mm de diamètre dédié à l'observation du Soleil en lumière monochromatique, ensuite ils embarquèrent un télescope catadioptrique adapté du modèle commercial de Celestron à bord de la navette spatiale (1992, 2012) puis d'ISS (système ISERV en 2013). Bien sûr limité à de petits instruments de 127 à 235 mm d'ouverture, leur usage était avant tout dédié à l'observation de la Terre (télédétection) mais ils permirent de confirmer certaines découvertes, notamment à propos du Soleil à l'époque de Skylab.

Toutefois, comme c'est déjà le cas avec les télescopes spatiaux (Télescope Spatial Hubble, Soho, Spitzer, JWST, etc.), dans un avenir plus lointain les astronomes pourront également compter sur les hypertélescopes spatiaux voire des hypertélescopes optiques tirant profitant de la physique quantique.

La veille permanente du ciel

Voir grand est une chose mais gérer les priorités est plus important. L'ère des télescopes géants ne signe pas pour autant la mort des "petits" instruments universitaires de 0.5 à 3 m d'ouverture. En effet, loin d'être des pièces de musées, les "petits" télescopes ont l'avantage d'être nombreux et beaucoup plus disponibles que les géants de l'astronomie dont les sessions d'observations sont planifiées des mois à l'avance.

Dans le cadre des programmes de surveillance des astéroïdes, en particulier des géocroiseurs (NEO) gravitant près de la Terre, ces télescopes sont les premiers sollicités pour assurer la veille permanente du ciel que ne peuvent plus assurer les plus grands télescopes.

C'est ainsi que depuis 1995 de petits télescopes installés au Kitt Peak (programme du Spacewatch) et surtout à l'Observatoire de Catalina (programme CSS) épaulés par un réseau d'amateurs avertis équipés de télescopes de 200 à plus de 500 mm de diamètre surveillent le ciel. Chaque année, cette communauté au regard aiguisé découvre environ 1000 nouveaux astéroïdes ainsi que divers phénomènes transitoires (supernovae, etc). Parmi ces astres, chaque année on découvre en moyenne 21 géocroiseurs mesurant plus de 1 km évoluant tout près de la Terre mais également parfois de petits corps mesurant à peine 10 ou 15 m de diamètre et pouvant provoquer une catastrophe régionale. On reviendra dans un autre article sur les histoires d'impacts et la gestion de ce risque.

Venons-en à présent à la monture des télescopes et aux techniques d'astrophotographie.

Prochain chapitre

La monture équatoriale

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