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La belle aurore !

L'activité du Soleil (II)

Nous savons depuis les travaux précurseurs de Grote Reber en 1937 puis ceux de la Royal Air Force sur les premiers radars à la fin de la Seconde guerre mondiale, que le Soleil est le principal émetteur de rayonnements électromagnétiques et de particules chargées. Le champ géomagnétique contribue largement à la formation des aurores mais également l'activité solaire. Voyons par quels mécanismes se manifestent ces aurores et sous quelles formes.

Les aurores constituent un phénomène physique très complexe qui fait intervenir divers acteurs et plusieurs interactions. Pour comprendre la manière dont elles se forment, il est nécessaire d'expliquer l'interaction qui existe entre le Soleil et la Terre, phénomène qu'on ne parvint à démontrer qu'en 1958, grâce aux travaux de l'astrophysicien solaire américain Eugène Parker (1928-2022).

Les émissions électromagnétiques et corpusculaires

Les rayonnements émis par le Soleil sont de deux types et n'atteignent pas la Terre en même temps : il y a d'une part les émissions électromagnétiques et d'autre part les émissions de particules. Tous ces rayonnements transportent des énergies très différentes qui frappent le champ géomagnétique avec des vitesses très variables. Les effets de ces impacts sont donc également très variés et tous les niveaux de l'ionosphère ne subissent pas ces assauts de la même manière.

Les principaux rayonnements émis par le Soleil

Grâce à la sonde spatiale européenne Ulysse qui survola les pôles du Soleil en 1994 et 1995, nous connaissons un peu mieux les différentes signatures de l'activité solaire. La plupart de ces émissions portent leur influence jusque dans les profondeurs de la magnétosphère terrestre (ionosphère) et parfois jusqu'au sol lorsque la couche d'ozone s'affaiblit ou lors des éruptions les plus sévères. Document ESA adapté par l'auteur.

Les émissions électromagnétiques nous concernant sont constituées de rayons X, UV et d'UV extrêmes (UVE). Voyageant à la vitesse de la lumière, ces rayonnements atteignent la Terre 8.3 minutes après leur émission. Traversant la géomagnétosphère comme si elle n'existait pas, les UVE frappent d'abord la couche F de l'ionosphère et augmente son degré d'ionisation ; les atomes et les molécules se réchauffent et libèrent un ou plusieurs électrons. Plus l'activité solaire est importante, plus le degré d'ionisation de la couche F est élevé. Si de plus la surface solaire contient un grand nombre de taches (+200) et une densité de flux élevée à 10.7 cm de longueur d'onde, les radioamateurs savent qu'ils bénéficieront de très bonnes conditions de propagation vers les autres continents. Mais ces émissions électromagnétiques participent pas ou prou à la formation des aurores.

La seconde composante solaire est représentée par les émissions de particules constituées de protons et d'électrons de haute énergie ainsi que de particules alpha (noyaux d'hélium) formant les rayons cosmiques solaires. Ces particules sont principalement libérées lors des éruptions chromosphériques, par les protubérances et surtout par les éjections de masse coronale ou CME. Les protons lourds émis par les CME et par le vent solaire sont issus des trous coronaux solaires et arrivent sur Terre environ deux jours après leur émission. 

Dans les années 1990 les géophysiciens pensaient que les éruptions solaires (chromosphériques) étaient seules responsables des tempêtes géomagnétiques et étaient à l’origine des aurores polaires. Faux, dit Jack Gosling du Laboratoire de Los Alamos dans le "Journal of Geophysical Research en 1993, les CME y participent également. Nous y reviendrons en détail dans les pages consacrées au Soleil.

Les origines des perturbations géomagnétiques

1. Les protubérances solaires. Deux boucles de plasma portées par le champ magnétique solaire. A gauche, une magnifique protubérance observée au coronographe de l'Observatoire de Sacramento Peak et colorisée par l'auteur. A droite, un phénomène similaire observé dans l'extrême UV par le satellite TRACE. Cette boucle s'étend sur plus de 30 fois le diamètre de la Terre ! Ce phénomène témoigne de l'intense chaleur qui règne dans la basse couronne du Soleil et de l'importance de son champ magnétique. Leur disparition soudaine du disque solaire (leur libération) peut être à l'origine des aurores.

2. Les éjections de masses coronales ou CME. Ces nuages de plasma éjectés à près de 1000 km/s sont bien plus denses et étendus que les protubérances ordinaires. Ces structures s'affranchissent de l'attraction du Soleil en l'espace de quelques heures et alimentent le vent solaire. Le cercle blanc au centre symbolise la circonférence du Soleil (diamètre de 696000 km). Document NASA-SOHO.

Jack Gosling démontra que les éjections coronales sont bien à l’origine des plus fortes tempêtes géomagnétiques et des phénomènes d’aurores qui les accompagnent. Ces phénomènes sont liés à la forte intensité et à la configuration des lignes du champ magnétique, à leur vitesse, et non pas à l’énergie des particules comme on le croyait jusqu’au début des années 1990.

En de multiples circonstances de petits filaments isolés (qui sont en fait des protubérances observées sur le disque solaire) peuvent s'unir pour former un filament très large et dense. Cela se produit lorsque le champ magnétique solaire sous-jacent se désorganise au fil des rotations du Soleil sur lui-même et devient instable. Cela peut se produire lorsque les lignes du champ magnétique solaire percent la surface solaire en dessous d'un filament. A ce stade, les masses en sustentation par le champ magnétique ne sont plus fermement reliées à la surface solaire, le champ magnétique s'ouvre permettant au plasma de s'échapper dans l'espace. Ce phénomène est baptisé DSF (Disappearing Sun Filament, filament solaire disparaissant). Les explosions qui en résultent se produisent d'ordinaire loin des régions actives et sont appelées des éruptions de Hyder. S'il s'agit d'une éruption soudaine de la chromosphère, on parle de "Disparition Brusque" et de CME s'il y a éjection de masse coronale.

Dans tous les cas cette matière ainsi éjectée du Soleil dans le milieu interplanétaire forme un nuage de plasma qui peut éventuellement se diriger vers la Terre. Dans le cas d'une CME on parle d'évènement de halo ou CME halo car en se dirigeant vers la Terre, elle devient de plus en plus large et semble envelopper le Soleil, formant un halo autour de notre étoile.

Filaments et protubérances

Sur cette image prise à 304 Å par SOHO le 14 septembre 1999, on distingue à la fois une grande protubérance en arche de plus de 150000 km qui se détache sur le limbe (avec la dimension de la Terre à l'échelle) et des grandes protubérances sur le disque. Elles sont plus sombres par contraste et s'appellent dans ce cas des filaments. Cette matière coronale obéit aux lois du magnétisme et suit les lignes de force du champ magnétique solaire qui les maintient en sustentation au-dessus de la surface. Document SOHO.

Une CME est exclusivement issue de la couronne solaire, où le gaz raréfié est porté à plus d'un million de degrés. Cette matière coronale est éjectée du Soleil à une vitesse proche de 1000 km/s, principalement aux alentours du maximum de l'activité solaire. Cette matière est constituée de particules ionisées, de plasma, en quantité bien plus nombreuse que dans le vent solaire ambient. Une CME peut contenir jusqu'à dix milliards de tonnes de matière coronale. Elle est habituellement accompagnée par des éruptions solaires chromosphériques très brillantes en lumière X mais cette corrélation n'est pas systématique.

Cette activité solaire est visible en lumière de l'hydrogène alpha (au moyen d'un filtre interférentiel ou d'un spectrohélioscope) ou en lumière blanche au moyen d'un coronographe ainsi que nous l'expliquerons dans le dossier consacré au Soleil. Aussi en observant le Soleil correctement équipé, si en l'espace de quelques heures vous assistez à la séparation d'un grand filament ou d'une protubérance de la surface solaire ou à l'apparition d'une plage éruptive très brillante, et à condition que le champ magnétique solaire soit suffisamment intense et la composante orientée vers la Terre - cela fait beaucoup de conditions à réunir - vous pouvez vous attendre à l'éjection de masses coronales et à la manifestation d'orages géomagnétiques dans les quelques jours qui suivront.

Fait important et noté depuis la mission Skylab, contrairement à l'opinion générale, lorsqu'un groupe de taches solaires se forme au-dessus d'un trou coronal (région plus froide visible dans la raie de l'hélium et en rayons X), l'intensité du flux émergeant cesse. Ainsi, une région solaire active peut réduire ou supprimer l'activité géomagnétique. Seule exception, les éruptions chromosphériques qui engendrent principalement un rayonnement de courtes longueurs d'ondes (rayons UV, X et gamma).

Les trous coronaux apparaissent en noir sur ces images du Soleil prises dans le rayonnement X. Lorsqu'une telle zone apparait au-dessus d'une région active, le flux émergeant cesse, empêchant toute éjection de matière coronale. Par contre l'intensité du vent solaire émit par la couronne se trouve renforcé. Documents American Science Engineering et Yohkoh.

Les émissions électromagnétiques du Soleil et les particules émises par les éruptions chromosphériques (à ne pas confondre avec les CME) n'ont rien à voir avec les aurores. Ainsi que nous le verrons un peu plus loin, les particules de haute énergie émises par ces éruptions peuvent dégrader les satellites et modifier la chimie de l'ionosphère plongée dans la lumière du Soleil, mais elles sont trop peu nombreuses pour affecter la magnétosphère et donc participer à la formation des aurores.

Il est donc juste de dire que les aurores sont provoquées par des particules énergétiques puisqu’elles sont excitées localement, mais elles sont différentes de celles associées aux éjections de matière coronales et aux éruptions.

L'interaction Soleil-Terre. A gauche, une éjection de matière coronale est entrainée par le vent solaire. Avant d'arriver sur Terre elle est déviée par la magnétosphère qui la dirige vers les pôles. A droite, le même phénomène vu depuis le Soleil. Au centre de l'image, les atomes neutres frappent de plein fouet la haute atmosphère terrestre à hauteur de l'équateur. Documents NASA-GSFC.

Enfin, si les effets des particules solaires sur le champ géomagnétique sont à l'origine des aurores, celles-ci ne descendront pas jusqu'à englober la Terre entière. En fait l'indice Kp qui qualifie cette intensité doit avoir une valeur précise qui varie en fonction de la latitude géomagnétique pour garantir l'apparition des aurores. Mais cet indice seul est insuffisant car il ne dit rien sur les composantes du champ magnétique (leur orientation), ce que nous allons examiner dans un instant.

Ainsi pour espérer observer des aurores aux latitudes européennes inférieures à 50°N (45° magnétique), il faut compter sur un indice Kp=9 comme indiqué sur le schéma ci-dessous et donc sur une éruption solaire inhabituelle avec une émission de rayons X très intense qui est souvent suivie d'une CME dans les heures ou les jours qui suivent. Nous avons de la chance si nous observons ce phénomène une fois par an.

Indice Kp et aurores

Limite de visibilité des aurores boréales en fonction de la grandeur de l'indice Kp qui détermine les effets des particules solaires sur la magnétosphère terrestre. Ceci est théorique car si les conditions géomagnétiques sont réunies des aurores peuvent être visibles jusqu'à 38° de latitude (Grèce) voir plus bas encore sur le continent américain (Texas). Document SWPC/NOAA (ex-SEC).

En revanche, nous verrons à propos des superéruptions solaires historiques que lors de tempêtes géomagnétiques extrêmes comme il en arrive moins d'une fois par siècle, il est arrivé d'observer des aurores jusqu'en Floride (31°N), au Vénézuéla (6°N) et aux Açores (38°N, 28°O) comme ce fut le cas en 1859.

Prochain chapitre

L'activité du champ géomagnétique

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