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La Bible face à la critique historique

La venue du Messie (I)

Quelques siècles après la compilation de la Torah, alors que la Judée était passée sous la domination de l'Empire romain, vers l'an 4 avant notre ère (on reviendra sur la datation), sous le règne d'Hérode le Grand, un enfant juif nommé Jésus - "Dieu sauveur" -, que l'on dit d'ascendance divine, naquit en Palestine. Parvenu à l'âge adulte, sous le règne d'Hérode Antipas, l'homme devint un prêcheur charismatique dont les paroles messianiques et les actes semblaient réaliser les prophéties jusqu'à annoncer l'Apocalypse et la venue du royaume de Dieu. Selon les chrétiens, son existence même fut à l'origine de la plus incroyable histoire, celle du Fils de Dieu descendu sur Terre qui se sacrifia pour le salut des hommes et ressuscita d'entre les morts comme il l'avait annoncé. Ses paroles et ses actions bouleversantes allaient inspirer bien des hommes et finalement révolutionner le monde à travers l'émergence et l'expansion du christianisme.

Tel est le sens des récits que nous rapportèrent les auteurs du Nouveau Testament largement influencés par Paul de Tarse et dont sont dépositaires les Églises chrétiennes. Alors que cette histoire s'est déroulée il y a plus de 2000 ans, à travers la Bible, ce livre que les chrétiens pratiquants considèrent parfois comme la parole de Dieu voire la parole du Fils du Dieu, reste encore aujourd'hui le plus lu dans le monde. On y reviendra.

Pour les chrétiens, les Évangiles sont au coeur du Nouveau Testament. Au sens propre, "évangile" provient du latin evangelium dérivé du mot grec eùangelion signifiant "bonne nouvelle" par référence aux paroles prononcées par le Christ ressuscité lors des apparitions.

Si le mystère des miracles et de la résurrection du Christ sont au coeur de la foi chrétienne et restent des sujets tabous et dogmatiques pour la plupart des chrétiens pratiquants, de nos jours on peut raisonnablement retourner à son auteur la question : qui était réellement Jésus ? Un messie, un fanatique religieux, un radicaliste, un rabbin dissident, un prêcheur charismatique doté d'un sens exhacerbé de l'humilité et de la miséricorde certainement, mais plus encore ?

La Science a examiné cette question et bien d'autres à la lumière des découvertes scientifiques et notamment archéologiques. Si les chrétiens considèrent le Christ comme étant le Fils de Dieu et doté de ses pouvoirs comme Jésus le revendique lui-même, nous verrons qu'il a également volontairement laisser planer le doute sur sa nature divine, sans ignorer les fameuses apparitions sur lesquelles nous reviendrons au cours desquelles plusieurs apôtres en sont venus à croire qu'il était effectivement le "Dieu vivant".

En considérant d'un point de vue historique que Jésus de Nazareth a bien existé, nous allons passer en revue les grandes étapes de la vie de Jésus et tenter de comprendre les motivations de ce personnage hors du commun pour essayer de cerner sa nature véritable et le sens de sa doctrine à la lumière de vingt siècles d'Histoire et de découvertes. Commençons donc par examiner ce que l'on sait sur les parents de Jésus avant d'aborder la naissance de cet homme bien singulier.

Marie et Joseph

Que sait-on sur Marie, la mère de Jésus ? Dans le Nouveau Testament, aucun auteur ne décrit la lignée de Marie. En revanche, dans la tradition chrétienne, on mentionne sa famille dans le Proévangile de Jacques précité. Marie est déclarée comme la fille aînée d'un couple d'un certain âge, Joachim et Anne (ch.IV.2). Toutefois, c'est une source tardive (570 de notre ère) et douteuse, le "pèlerin de Piacenza" qui prétend que le couple habite Sepphoris (Tsipori en hébreu). La tradition prétend aussi que Marie appartient à la tribu de Lévi, la même tribu que celle du fameux prêtre et scribe Esdras.

La Nativité selon Helen T.Robson.

A l'époque de Jésus, sous l'occupation romaine, Sepphoris était une cité-forteresse, le chef-lieu administratif qui gérait toute la région de Galilée. La cité abritait entre 8000 et 12000 habitants, l'une des plus peuplées de la région, et comprenait notamment un théâtre de 4000 places rivalisant avec celui de Césarée. Selon l'historien Flavius Josèphe, Hérode Antipas aurait qualifié Sepphoris d'"ornement de toute la Galilée".

En réalité, historiquement nous ignorons l'origine de Marie et finalement nous ne savons presque rien sur le personnage, ce qui est étonnant sachant qu'elle est tout de même la mère de Jésus.

Quel âge avait Marie lors de la naissance de Jésus ? Aucun Évangéliste ne le précise. Selon la tradition juive, on mariait les filles entre 12 et 15 ans, le mariage étant arrangé par les familles et "légalisé" (consommé) lors du premier rapport sexuel (comme dans beaucoup de cultures primitives). 

En revanche, il existe une indication dans l'Évangile du Pseudo-Matthieu (ou Évangile de la Nativité de Marie). Dans l'un des passages, l'auteur précise à propos de Marie : "il arriva qu'elle eut quatorze ans" (ch.VIII) lorsque le grand prêtre Abiathar invita Joseph à la prendre pour femme. Peu après un ange apparut à Marie lui annonçant qu'elle "enfantera un roi qui gouverne non seulement sur terre, mais aussi dans les cieux, et qui régnera dans les siècles des siècles" (ch. IX). Si on considère que Jésus est né en l'an 4 avant notre ère, Marie serait née vers l'an 18 avant notre ère. Marie avait donc 14 ou 15 ans et Joseph à peu près le double quand Jésus naquit.

Selon ce même Évangile apocryphe, Marie avait fait le voeu de chasteté avant d'être mariée à Joseph : "Seule Marie a trouvé une nouvelle manière d'agir, celle de vivre à l'écart des autres, car elle a fait à Dieu le voeu de rester vierge" (Pseudo-M, ch.VIII). Il est donc possible qu'elle appartenait à la secte des Nazôréens comme Joseph et plus tard Jean le Baptiste et Jésus, un sujet polémique sur lequel nous reviendrons à propos de Jésus de Nazareth. On reviendra plus bas sur son statut marital.

Que sait-on sur Joseph ? Les informations sur sa lignée sont perdues. Son grand âge comparé à celui de Marie n'est pas mentionné dans le Nouveau Testament mais provient du Proévangile de Jacques précité, dans lequel il est écrit : "Mais Joseph protesta : "J'ai des fils, je suis un vieillard et elle est une toute jeune fille. Ne vais-je pas devenir la risée des fils d'Israël ?"" (Ch.IX.2).

"Saint Joseph avec l'enfant Jésus" peint par Guido Reni vers 1620. Huile sur toile de 126x101 cm exposée au Musée de l'Hermitage à Saint Petersbourg. Une version similaire est exposée au Musée des Beaux Arts de Houston.

On sait par les Évangélistes que Joseph s'est fait recensé suite au décret de l'empereur Auguste, dans la ville d'origine de ses ancêtres, à Bethléem, où il se rendit avec Marie. Matthieu nous apprend que le père de Joseph s'appelait Jacob (Matthieu 1:16) et que le patriarche Jacob (Ya-akov) comptait parmi ses ancêtres (Matthieu 1:2). Pour rappel Jacob a pour père Isaac et grand-père Abraham. Il ne fait aucun doute que la famille de Jésus et notamment Jacques le Juste, le frère de Jésus, était fier de son héritage patriarcal.

Huit jours après la naissance de Jésus, lors du rite de la circoncision, Joseph ayant décidé d'adopter l'enfant de Marie, ils lui donnèrent le nom hébreu de "Yeshouah ben Yosef" c'est-à-dire Jésus fils de Joseph (Luc 4:22, Jean 1:45), "Yeshouah" étant le diminutif de "Yehoshuah" signifiant "Yahvé Sauve". Le mariage du couple fut ainsi scellé et Jésus devint par tradition un fils de la tribu de Juda, plus précisément un fils de David, une "preuve" de plus de l'accomplissement des prophéties.

Pour les chrétiens, fidèles en soi à la parole de l'ange Gabriel, ce prénom implique que Jésus était considéré dès sa conception comme le Messie, c'est-à-dire l'Oint, le Christ, le "Dieu sauveur". Mais en réalité de tout temps beaucoup de parents très croyants ont appelé leur enfant Jésus car il s'agit d'un prénom biblique mais sans pour autant imaginer que leur enfant puisse être le Messie annoncé par les prophètes. Il y a une nuance que l'Église a superbement gommée dès qu'elle a cru en la Résurrection. Ceci dit, après les évènements dramatiques survenus en 33, selon la doctrine juive Jésus ne fut plus (et n'était de toute façon pas) considéré comme le Messie car il n'a pas satisfait à la prophétie messianique du Tanakh, sa mort en tant qu'homme crucifié et traité comme un esclave ne correspondant pas à leurs attentes. On y reviendra.

Le nom de "Jésus" est identique à "Joshua" traduit par José en français qu'on retrouve également dans la bible hébraïque y compris durant la période du second Temple. Ce nom correspond également au mot grec "Iesous" qui donna Jésus en français et en anglais. Notons qu'en Islam "Jésus" est généralement traduit par "Isa" et considéré comme l'un des prophètes de Dieu (Allah) né d'une vierge mais il n'est pas d'essence divine et n'a pas été crucifié.

A l'époque de Jésus, si on lit bien les Évangiles, on constate que Marc n'appelle pas Jésus comme on le faisait traditionnellement par référence au nom de son père (fils ou fille d'untel), mais par référence à sa mère : "Celui-là n'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? Et ils étaient choqués à son sujet" (Marc 6:3). Jésus est identifié au "fils de Marie" plutôt qu'au fils de Joseph car tout le monde savait à l'époque que Joseph avait adopté l'enfant de Marie. Matthieu a essayé de gommer cette filiation illégitime en précisant pour le même verset le "fils du charpentier" (Matthieu 13:55-56). Mais Jean confirme aussi cette naissance illégitime quand il écrit : "Ils disaient : 'Celui-là n'est-il pas Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire maintenant : Je suis descendu du ciel ?' " (Jean 6:42). Non seulement Jean considère que le public juif se moque de la soi-disant ascendance divine de Jésus mais il se sent obligé de préciser que Jésus est "celui dont nous connaissons le père et la mère". Pourquoi le dire avec insistance si Jésus était réellement "le fils de Joseph". Ceci confirme implicitement les propos de Marc qui seront confirmés dans d'autres versets ainsi que dans les manuscrits apocryphes de l'Évangile selon Thomas qui évoque l'illégitimité de la naissance de Jésus, un problème qui le poursuivra toute sa vie (cf. Jean 8:41 à propos de la fornication).

Marie et Joseph étaient-ils mariés ?

Quelle question !, diront les chrétiens dogmatiques. Evidemment qu'ils étaient mariés ! Alors prouvez-le, répondent ceux qui en doutent.

Si on relit les Evangiles, Luc écrit  : "Marie, sa fiancée, qui était enceinte" (v.2:5). C'est valable pour les bibles en francais catholiques et protestantes. Certaines bibles anglaises comme la NIV, une version protestante très répandue, au texte plus moderne et plus fluide mais réputée pour s'écarter du texte original est plus précise : "Marie, qui s'était engagée à l'épouser et qui attendait un enfant". Bizarrement, chronologiquement, le récit avance d'au moins six mois depuis l'explication précédente où Luc écrit : "Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé [...] auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph" (Luc 1:26-27). Ici également la NIV écrit : "Marie s'étant engagée à se marier avec un homme nommé Joseph".

En fait, tout repose sur la traduction du verbe grec μνηστεύω (mnēsteuō) signifiant "légalement promise en mariage" et donc tout à la fois s'engager, se fiancer, épouser, qui dans certaines versions de la Bible, que ce soit en français ou d'autres langues, fut généralement traduit de manière identique dans les deux versets par "s'engager", c'est-à-dire se fiancer en langage moderne. D'ailleurs, comme en français, les bibles anglaises utilisent le mot équivalent à "fiancée" : "betrothed", un archaïsme d'anglais moyen dans la bible ESV et "engaged" dans la NRSV. Ces mots suggèrent que le couple n'était pas encore marié mais les partenaires s'étaient juste promis l'un à l'autre.

La Nativité peinte par Lorenzo Lotto en 1523. Huile sur toile de 46 cm x 35.9 cm exposée à la National Gallery of Art à Washington, DC.

L'Évangile selon Matthieu semble plus clair. Dans la généalogie, Joseph est appelé "l'époux de Marie" de laquelle est né Jésus (v.1:16) et il précise leur relation : "Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph" (v.1:18). Matthieu utilise le même verbe grec que Luc.

Cependant, selon Matthieu, après que Joseph ait décidé de rompre secrètement de Marie en raison de sa grossesse inattendue (v.1:19), un ange l'avertit dans un rêve de ne pas le faire. L'ange lui conseille de "prendre avec toi Marie, ta femme" (v.1:20). "Lorsque Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange lui avait ordonné : il prit sa femme avec lui" (v.1:24). Selon les traductions actuelles, la version de Luc (fiancée) contredit apparemment celle de Matthieu (prendre femme, épouse).

Puisque Luc se réfère à l'époque du recensement de la population en Galilée organisé à la demande de Rome, Joseph était accompagné de Marie "sa fiancée, qui était enceinte" (v.2:5) par l'oeuvre de l'Esprit de Dieu, Matthieu précisant "avant qu'ils eussent mené vie commune" (v.1:18). Cela pourrait sous-entendre qu'on acceptait qu'un couple juif non marié parcourt le pays sans être accompagné d'autres membres de la famille, qui plus est, un couple dont la jeune fille (Marie n'avait pas plus de 15 ans) est célibataire et en état de grossesse avancée ! Le texte et l'Eglise n'en disent rien, mais si de nos jours une telle situation se présentait, elle ne laisserait pas les familles des tourereaux indifférentes. Elle était certainement scandaleuse au Moyen-Orient, et plus encore pour la population juive du premier siècle. Oser l'écrire signifie donc que l'auteur assume ses commentaires et sait de quoi il parle.

Mais pour comprendre le sens réel de ces mots, il faut relire les textes originaux et connaître les coutumes juives à l'époque de Jésus car chacun sait que le sens d'un mot peut évoluer au fil des âges ainsi que les coutumes, ce qui n'était pas toléré à une époque pouvait l'être quelques générations plus tard et inversement.

Voyons ce qu'en dit la Septante (pour rappel, c'est la Bible en grec traduite de la bible hébraïque au IIIe siècle avant notre ère et révisée jusqu'au IVe siècle de notre ère).

Le Deutéronome (Devarim) considéré comme le cinquième livre de la Torah utilise 4 fois le mot mnēsteuō (22:23, 25, 27, 28) à propos de questions juridiques concernant une femme fiancée ayant eu des relations sexuelles illicites. Le texte précise que si l'incident se produit dans une ville (22:23), l'homme et la femme doivent être lapidés à mort; si un viol a lieu dans le pays, seul l'homme doit être lapidé. L'homme est considéré comme coupable parce qu'il a violé la femme d'un autre homme (22:24).

Le livre d'Osée utilise 3 fois le mot mnēsteuō. Yahvé, l'Eternel en personne, parle : "Tu m'appelleras « mon mari »" (2:16). Puis il déclare : "Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde. Je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l'Eternel" (2:19-20).

Selon la version de la Bible, mnēsteuō est donc traduit par "épouse" ou "fiancée". En raison du contexte dans lequel Yahvé déclare qu'il est un mari pour toujours, il est clair que sa relation avec le peuple d'Israël s'étend au-delà du stade des fiançailles ; ils seront mari et femme.

Si on remonte encore plus tôt dans le temps, dans la Torah, c'est le verbe hébreu "aras" qui fut traduit en grec par mnēsteuō. Il fait référence à la pratique juive du mariage dans laquelle le marié paie contractuellement le prix de la mariée (mohar) - c'est-à-dire la dot - au père de la mariée (Genèse 34:12).

Selon le bibliste Douglas Stuart, spécialiste de l'Ancien Testament et auteur de commentaires sur les Livres d'Osée et Jonas (cf. Word Biblical Commentary, Hosea-Jonah, 1987, p59), "C'était la dernière étape du processus de cour, pratiquement équivalente en termes de statut juridique à la cérémonie de mariage."

Selon la tradition orale de la Mishna Ketubot 5.2, les fiançailles duraient un an, la mariée restant dans la maison de son père. Selon les textes juridiques du Deutéronome précités et l'assimilation des fiançailles du roi David à Mical à un mariage (2 Samuel 3:14), on comprend que selon la loi juive, une femme fiancée était considérée comme mariée.

Revenant à Joseph, il aurait payé la dot au père de Marie lors de leurs fiançailles (Matthieu 1:20, Luc 1:27). Selon les textes, puisque l'ange demande à Joseph d'épouser Marie, il est sous-entendu que le temps des fiançailles s'était écoulé entre eux. Joseph et Marie avaient donc commencé à vivre ensemble mais "il ne l'a connut point", c'est-à-dire que le mariage ne fut consommé et donc consacré selon la tradition juive, qu'après la naissance de Jésus (Matthieu 1:24-25). En outre, cela prouve que Joseph n'était pas le père de Jésus.

Dans l'esprit de Luc, le sens du mot mnēsteuō doit donc être élargi pour inclure à la fois les fiançailles et la cohabitation conjugale. En fait Luc aurait dû utiliser le mot "épouse" ou "sa femme" pour qualifier le statut de Marie, le mot "fiancée" prêtant à confusion dans le contexte de la loi juive.

Conclusion, les traductions qui suggèrent que le Joseph et Marie étaient encore au stade des fiançailles quand Marie fut enceinte sont incorrectes. Joseph et Marie se sont rendus à Bethléem en tant que mari et femme à part entière selon l'ancienne loi juive.

La grossesse de Marie

La pierre tombale de Pantera examinée par l'archéologue James Tabor au musée de Bad Kreuznach en Allemagne.

Concernant le "péché de chair" apparemment commis par Marie avant son mariage, l'Église romaine a fait l'impasse sur les textes apocryphes (pour une fois conformément aux règles du canon) pour uniquement se référer aux Évangiles les plus anciens et considérer qu'elle était vierge et fut enceinte des oeuvres du Saint-Esprit; c'est le concept dogmatique de "conception virginale" déjà évoqué. Rome le compléta par le concept de "virginité perpétuelle" (semper virgine), jugeant puritainement qu'il était impensable que la "Mère de Dieu" puisse avoir des relations sexuelles avec un homme et qu'elle devait donc rester vierge éternellement. Mais seule l'Église catholique défend cette thèse quelque peu désuète et anachronique avec le discours des Évangélistes. Rappelons que les textes bibliques furent écrits par des théologiens juifs ou judéo-chrétiens misogynes puis traduits par des chrétiens occidentaux qui ont toujours prétendu savoir comment les femmes devaient se comporter. On reviendra sur la virginité de Marie à propos du Crédo et du schisme des Églises.

Quoiqu'en pense l'Église, rien qu'en se basant sur les Évangiles, il faut admettre que Marie serait tombée enceinte d'un autre homme avant d'être unie à Joseph. Quant à savoir qui était cet autre homme, si ce n'est pas l'oeuvre du Saint-Esprit, la volonté de Dieu, les textes canoniques sont muets.

Toutefois, il existe un indice. La plus ancienne référence remonte à l'an 178 et se trouve dans le livre "Discours véritable" du philosophe grec Celse qui discute de la réaction païenne sous l'empire romain et propose ce qu'on a appelé "l'hypothèse Pantera" : Marie aurait eu une relation (probablement consentie mais non confirmée) avec un soldat romain né à Sidon dans l'actuel Liban et probablement d'origine juive appelé Tiberius Julius Abdes Pantera dont on a retrouvé la pierre tombale présentée à droite à Bingerbrück, en Allemagne. Les indices sont faibles mais ils semblent concorder avec l'occupation romaine et les relations que pouvaient avoir les jeunes gens de Galilée à cette époque avec l'occupant.

On peut s'étonner que Marie aurait été séduite par un homme de passage, mais n'oublions pas qu'à cette époque les adolescents étaient beaucoup plus mûrs et indépendants qu'aujourd'hui. A 12 ou 13 ans, les enfants travaillaient déjà dans les champs ou étaient apprentis sur les chantiers et avaient déjà la majorité religieuse (cf. la Bar Mitzvah). On y reviendra. Il est donc envisageable que Marie alors âgée d'à peine 15 ans put être enceinte d'un autre homme avant de connaître Joseph.

Ceci dit l'hypothèse Pantera est fragile. Ell semble avoir été construite pour la circonstance et reste de toute façon entièrement spéculative. Autrement dit, la conception de Jésus reste un mystère pour la Science à défaut d'admettre que Marie fut séduite par un autre homme, ce qui reste scandaleux pour les chrétiens dogmatiques. Mais pour paraphraser Jésus, quel chrétien pourrait lancer la première pierre...

La conception de Jésus

La tradition biblique nous dit que Marie "se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint" (Matthieu 1:18). Le texte ne s'étend pas sur la réaction de Joseph et de Marie qui furent également avertis par l'ange Gabriel, Marie en ses termes : "Tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus" (Luc 1:31). Très surprise car ne connaissant pas d'homme (dans le sens n'étant pas mariée), Marie apprendra également de Gabriel que le Saint-Esprit la "couvrira de son ombre" et que son enfant sera appelé "Fils de Dieu" (Luc 1:34-35). C'est le concept chrétien de "l'Immaculée Conception", une idée purement dogmatique apparue au IVe siècle sous la plume du théologien Épiphane de Salamine qui prétend que Marie était née sans "péché originel", l'Église n'imaginant pas qu'une femme ordinaire puisse être la "Mère de Dieu" puisque tel est finalement le sens de la doctrine.

A gauche, "L'Annonciation" par Léonard de Vinci. Peinture à l'huile sur bois de 217x98 cm réalisée en 1473. Ce tableau est exposé à la Galerie des Offices (musée Galleria degli Uffizi) à Florence. A droite, la basilique de l'Annonciation à Nazareth où selon l'Église l'ange Gabriel serait apparu à Marie.

Nous verrons que selon les pseudépigraphes apocryphes du Protévangile de Jacques (c.145) et de l'Évangile du pseudo-Matthieu (c.600-625), l'Annonciation aurait eu lieu à Nazareth, en basse Galilée, située à environ 150 km au nord de Jérusalem, lorsque Marie était en train de puiser de l'eau au puits. Comme dans tous les villages, il existe effectivement un puits à Nazareth. Mais chrétiens et orthodoxes ne s'entendent pas sur l'endroit exact car il existe un second puits près de la source bien qu'ils font tout deux partie du même réseau aquifère. On y reviendra.

Comme nous l'avons évoqué à propos des prophéties, Isaïe (vv.7:14) avait prédit que le Messie[1] naîtrait d’une "almâh", mot hébreu signifiant une "jeune fille" ou une "adolescente" (cf. Exode 2:8, Psaume 68:26, Cantique 1:3b et 6:8-9a) mais également  une "jeune fille à marier" et donc dans tous les cas une jeune fille vierge. Mais cela n'est pas synonyme de "femme vierge" même si la morale l'entend ainsi dans la tradition juive et d'autres cultures. C'est dans la Septante écrite en grec qu'on trouve pour la première fois le mot "vierge" (parthénos) qui fut repris dans toute la tradition chrétienne.

Selon les Evangiles, Joseph fut tourmenté par l'adultère commis par Marie et les conséquences dramatiques qui allaient en résulter. Comme nous l'avons expliqué, selon la Loi juive Joseph devait publiquement dénoncer l'adultère et répudier Marie. Pire, conformément au Deutéronome, il était en droit d'exiger des autorités de Nazareth que Marie soit condamnée à mort par lapidation. Comme l'écrit Matthieu : "Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle" (Matthieu 1:19). Mais selon la tradition, Joseph fut averti en songe par l'ange du Seigneur de la destinée de Marie et de leur futur enfant : "Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés" (Matthieu 1:21).

Vu la suite des évènements, on déduit que Joseph a convaincu les villageois et les autorités que l'enfant avait été conçu par l'oeuvre du Saint-Esprit, il put donc légalement annoncer son mariage avec Marie. C'est du moins la version de l'Église.

Le lieu de naissance de Jésus : la ville symbolique de Bethléem

Les Évangélistes sont peu loquaces sur le lieu et les circonstances de la naissance de Jésus. Matthieu dit simplement que "Jésus [est] né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode" (v.2:1). Bethléem est également la ville du roi David, ce que prend la peine de préciser Luc (v.2:4-7), donc un lieu très symbolique à la fois pour les juifs et les Israélites d'autres confessions, les Évangélistes préparant ainsi le peuple juif à la venue du Messie annoncé par les prophètes.

La plupart des chrétiens ignorent qu'il existe une deuxième Bethléem, un village nommé Bethléem de Galilée, situé au nord de Jérusalem, en Galilée. Des fouilles sur le site furent entreprises par l'archéologue israélien Aviram Oshri en 1992 et 2003. Elles mirent à jour une basilique chrétienne, associée à un monastère, une hôtellerie ainsi que les ruines d'un grand mur et des signes d'occupation juive datant de l'époque hérodienne (entre les Ier siècles avant et après notre ère) et du VIe siècle. Selon Osqhri, cela suggère que le village faisant l'objet d'un pèlerinage chrétien. Sur base de ces indices, Oshri croit que le village de Bethléem de Galilée serait le véritable lieu de naissance de Jésus de Nazareth. Mais faute de preuves, cette hypothèse n'a jamais été validée. Sans preuves formelles, nous en resterons donc à l'idée tradition selon laquelle Jésus est né à Bethléem, en Judée, comme le mentionnent les Évangiles.

Mais si Jésus est né à Bethléem, en Judée, pourquoi le surnomme-t-on le Nazaréen (Matthieu 2:23) ? Le terme "Nazaréen" est appliqué à Jésus dans les quatre Évangiles et dans les Actes des Apôtres. Le sens réel de ce mot est perdu et les linguistes comme les historiens se perdent en conjectures.

A gauche, une lithographie de Bethléem, en Judée, dessinée en 1839 par David Roberts et lithographiée par Louis Haghe (réf.2002717531). Au centre, la rue principale de Bethléem (celle conduisant à la basilique de la Nativité, voir plus bas) photographiée par Eric Matson en 1890 (réf. matpc-05109). A droite, le même endroit photographié en 1919 (photo colorisée d'époque, réf. ppmsca-18417). Références de la Bibliothèque du Congrès.

Il faut se placer dans le contexte de l'époque et se rappeler les anciennes rivalités entre les royaumes du Nord et du Sud. Dans la Torah et une grande partie du Nouveau Testament, Bethléem est considéré comme le lieu de naissance du roi David et du futur Messie (cf. 2 Samuel 7:12). 

La fameuse Bethléem des Évangiles est située en Judée, à 9 km au sud de Jérusalem et donc à environ 159 km au sud de Nazareth. Historiquement, le fait de choisir Bethléem est très significatif et n'est pas le fruit du hasard. En effet, dans les deux livres de Samuel rédigés entre le XIe et le VIe siècles avant notre ère, les auteurs décrivent le règne du roi David et précisent qu'il est le fils de Jessé de Bethléem. C'est pourquoi le prophète Michée qui fut contemporain d'Osée et d'Isaïe et vécut vraisemblablement à l'époque du roi Ezéchias (VIIIe siècle avant notre ère) écrit : "Et toi, Bethléem Ephrata, petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël et dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours de l'éternité" (Michée 5:1-2). Cela faisait donc au moins huit siècles que les juifs attendaient la venue de ce roi sauveurdu peuple d'Israël annoncé par les prophètes.

Mais nous verrons que ce lien présumé entre Jésus et David est tout à fait anachronique car si Jésus fut conçu par les oeuvres du Saint-Esprit, il ne peut pas être de la lignée du roi David !

Pour sa part, sur le plan biblique Nazareth est aux antipodes de Bethléem. C'était un village agricole qui avait même une mauvaise réputation (cf. Jean 1:46). Le contraste avec la réputation de Bethléem est évident. Seul fait que nous relate Matthieu est que "divinement averti en songe, [Joseph] se retira dans le territoire de la Galilée, et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen." (Matthieu 2:22-23). En fait, Nazareth est simplement l'endroit où Jésus passa sa jeunesse avec ses parents. On y reviendra.

Images de Bethléem : Pinterest - Bibliothèque du Congrès

A gauche, la place du marché de Bethléem vers 1890-1900 (réf. 2002724971). On reconnaît le minaret d'Omar et sa mosquée et une église à l'arrière-plan. Au centre, la même place photographiée entre 1900-1920 (réf.matpc-00973) depuis la terrasse de la basilique de la Nativité (à l'avant-plan) devant laquelle se rassemblent les pèlerins (cf. cette photo prise à l'époque de Noël vers 1890) et où se déroulent les processions lors des fêtes religieuses. Références de la Bibliothèque du Congrès. Aujourd'hui, la place a été renommée place Manger (Square Manger, cf. Google Maps) et comme on le voit à droite, l'endroit c'est modernisé. Photo prise en 2012 par Helen Davidson.

Quant au lien entre Nazareth et le futur Messie (dans son sens juif), le village n'est même pas mentionné dans la Bible hébraïque, ni dans le Talmud ou dans les écrits de Flavius Josèphe. Tout ce que l'on sait de Nazareth est uniquement en rapport avec la vie et l'enseignement de Jésus. Aujourd'hui encore, les seuls lieux historiques de Nazareth sont la synagogue, la basilique de l'Annonciation, le Puits de Marie, la prétendue maison d'enfance de Jésus, quelques églises et des ruines restaurées. On y reviendra.

De l'auberge à la crèche

Luc décrit tout l'épisode de la nativité en quatre petits versets et précise que Marie coucha Jésus "dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie" (Luc 2:7). Or le texte grec le plus ancien que nous possédons utilise le mot "kataluma" signifiant "chambre d'amis", c'est-à-dire la chambre réservée aux invités. Par extension, c'est la chambre d'hôte, celle où le voyageur s'arrête pour passer la nuit ("kataluma" dérive de "kataluo" qui signifie "désunir" mais également "se loger").

Et de fait, étant donné que Joseph est retourné dans sa ville natale de Bethléem pour s'y faire recenser, on imagine qu'il devait y avoir de la famille ou des amis prêts à l'héberger dans leur maison. Il n'a donc probablement pas été dans une auberge ou une hôtellerie comme l'écrit Luc qui serait une mauvaise traduction ou une pure invention, sachant que le texte de Luc fut rédigé par des auteurs anonymes entre l'an 70 et 85 qui devaient comme tout le monde ignorer les détails de la nativité.

En fait, généralement les maisons juives du Ie siècle étaient soit de plain-pied soit chez les plus riches comportaient un ou deux étages. Dans ce cas, l'espace d'habitation se trouvait au rez-de-chaussée ainsi que l'éventuelle étable pour le bétail, les chambres étaient à l'étage comprenant une chambre d'amis et éventuellement un grenier et une terrasse, le tout parfois complété par une cave creusée dans la roche où on stockait la nourriture et le surplus mais où les habitants pouvaient aussi se cacher lors des rafles. On y reviendra. On déduit du texte original que Joseph et Marie ont voulu loger chez un proche mais leur chambre d'amis n'étant pas disponible, ils furent logés dans l'étable, d'où la référence chrétienne à la mangeoire qui fut rapidement remplacée par la crèche par les Pères de l'Église (voir plus bas).

La Nativité mise en scène par la photographe Jaimie Trueblood dans le cadre du film "La Nativité" de Catherine Hardwicke (2006).

A part les Évangiles canoniques, le seul texte relatant le lieu de naissance de Jésus est le "Dialogue avec Tryphon" de saint Justin écrit vers l'an 155-160 qui évoque clairement une grotte de Bethléem : "L'enfant naquit donc à Bethléem, dans une espèce de grotte, près de ce bourg où Joseph n'avait pu trouver à se loger; c'est dans cette grotte que Marie mit au monde le Christ et qu'elle le coucha dans une crèche, et c'est là que les Mages venus d'Arabie le trouvèrent" (Tryphon, LXXVIII, 5).

En fait, la mention de la grotte provient de nouveau du Protévangile de Jacques où il est écrit : "Ils étaient à mi-chemin, quand Marie lui dit : 'Joseph, aide-moi à descendre de l'âne. L'enfant, en moi, me presse et va naître.' Il lui fit mettre pied à terre et lui dit : 'Où t'emmener ? Où abriter ta pudeur ? L'endroit est à découvert.' Mais il trouva là une grotte, l'y conduisit et la confia à la garde de ses fils. Puis il partit chercher une sage-femme juive dans le pays de Bethléem. [Il en trouva une qui descendait de la montagne et il l'amena.]" (ch.XVII.3-XVIII.1).

Bien qu'il existe effectivement des grottes dans la région de Bethléem et même à Nazareth, le pays ayant un sous-sol relativement poreux composé de grès ou de calcaire sur 10 à 100 m de profondeur (cf. ces cartes géologiques), nous ne possédons aucune preuve historique que Jésus naquit dans la "grotte de Bethléem". Mais les fidèles n'ont pas attendu l'avis des scientifiques pour vénérer ce lieu saint.

Bethléem de nos jours (2012) et la vieille ville avec le désert de Judée se profilant à l'arrière-plan. Documents Lux Mundi et Munir Alawi.

L'étable, le boeuf et l'âne

Même type d'emprunt pour l'étable où, selon la tradition, le nouveau-né fut réchauffé par la présence d'un âne et d'un boeuf. En fait, ce passage fut extrait de l'Évangile du pseudo-Matthieu qui ajouta cette phrase : "Deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne, fléchissant les genoux, l'adorèrent. Alors furent accomplies les parole du prophète Isaïe disant : 'Le bœuf a reconnu son maître et l'âne la crèche de son maître'. [Isaïe 1:3] Ces animaux tout en l'entourant, l'adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habacuc (ou Habaquq) : 'Tu te manifesteras au milieu de deux animaux' [Hab 3:2]. Et Joseph et Marie, avec l'enfant demeurèrent au même endroit pendant trois jours" (ch. XIV). Notons que certains traducteurs proposent une version un peu moins littérale mais de même sens.

De la crèche à la basilique de la Nativité

Les missionnaires franciscains qui furent les seuls gardiens de la Grotte de la Nativité jusqu'en 1637 et restent les gardiens des Lieux Saints (leur monastère, le couvent Saint-Sauveur se trouve toujours à Jérusalem), nous rappellent que ce n'est qu'à partir de la fin du IVe siècle que saint Jérome évoque une crèche plus appropriée dans son Homélie pour la Nativité : "Vous pouvez encore voir cette mangeoire où fut déposé le Seigneur ! Maintenant, comme pour honorer le Christ, nous avons enlevé celle de boue et mise celle d'argent" (en latin "O si mini licere illud presepe videro, in quo Dominus iacuit! Nunc nos Xpisti quasi pro honore tulimus luteum, et posuimus argenteum"). Néanmoins, saint Jérôme ajoute que pour lui, celle qu'on enleva était beaucoup plus précieuse et que l'or et l'argent conviennent au paganisme, pas à la foi chrétienne.

La "Grotte de la Nativité" dans la basilique de la Nativité à Bethléem. La crypte au centre présente l'étoile à 14 branches où Jésus serait né.

Vers l'an 870, on évoque pour la première fois la naissance de Jésus dans une crypte située sous une église de Bethléem (Bernard le Moine, ELS 116:2), Daniel (en l'an 1106) et Théodoric (en l'an 1172) évoquant simplement un autel fait d'une plaque de marbre.

Ceci dit, au IVe siècle, l'empereur Constantin Ier le Grand convertit le lieu en ce qui est aujourd'hui la basilique de la Nativité et profita de l'occasion pour décorer les parois naturelles de la grotte qui furent ensuite recouvertes de marbre à l4époque byzantine, ce que confirmèrent Daniel et Théodoric.

Aujourd'hui la basilique de la Nativité est intégrée à un vaste complexe d'édifices comprenant les monastères franciscain, grec et arménien, ainsi que l'église Sainte Catherine et une chapelle franciscaine construite par les Croisés et contenant encore des fresques du XIIe siècle qui furent restaurées. Ces édifices sont accessibles à travers un réseau de galeries souterraines. Certaines sont aménagées en chapelles rendant hommage à saint Joseph, les Saints Innocents et à saint Jérôme. Aujourd'hui la basilique de la Nativité reçoit deux millions de visiteurs chaque année.

Rien n'étant simple en Terre Sainte, suite au Traité de Berlin (1878), l'administration de la Basilique a été confiée aux trois Églises chrétiennes (orthodoxe, arménienne et catholique) qui "possèdent" et gèrent chacune certains éléments de l'édifice (la nef, le coeur, l'un ou l'autre autel, etc.). Concrètement, cette cohabitation est difficile. En effet, un membre d'une Église ne peut jamais franchir la "frontière" qui délimite son territoire et par exemple déplacer ou nettoyer un objet appartenant à une autre Église sous peine de déclencher une bagarre entre prêtres (cf. "Le Monde", 2011). C'est un exemple révélateur de l'intolérance religieuse.

Depuis le XIIe siècle, la basilique Sainte-Marie-Majeure érigée dans la cité du Vatican à Rome conserve les prétendus restes de la crèche de Jésus. Mais de nombreux indices historiques suggèrent que Jésus n'est pas né à Bethléem mais à Nazareth, notamment des manuscrits apocryphes (voir page suivante à propos du symbole de l'étoile).

La grotte, l'étable et la crèche sont quelques exemples où les Pères de l'Église n'ont pas respecté les critères canoniques et ont délibérément choisi une histoire totalement légendaire mais plus poétique de la Nativité. Une fois de plus, cet épisode biblique est très éloigné de la réalité et décrédibilise totalement ce récit biblique qui rejoint les légendes et autres traditions païennes.

La basilique de la Nativité située sur la place Manger à Bethléem et en face de la rue principale. A droite, la nef de la basilique avec à l'avant-plan une ouverture dans le sol permettant de voir les mosaïques (des entrelacs polychromes) de l'époque byzantine. Comme on le voit sur cette photo prise en 1880, un mur de 4 m de haut séparait la nef du coeur et l'éclairage directionnel était déjà en place.

Quand on connaît l'histoire véritable des lieux saints bibliques, on peut amèrement regretter qu'ils aient été détournés de leur fonction à des fins économiques pour entretenir le souvenir auprès de touristes crédules. Financièrement, les communes concernées, les commerçants et les Églises ont trouvé leur intérêt en entretenant la légende. Comme en d'autres lieux saints, ces "marchands du Temple" contre lesquels s'était pourtant battu Jésus n'ont décidément toujours pas compris le sens de son enseignement et profitent de la naïveté comme de la bonté des visiteurs avec l'approbation des Églises et le support probable de la majorité des visiteurs. En effet, à l'image des Pharisiens persuadés que leurs bonnes actions en public les conduiraient tout droit vers la vie éternelle (ou au Paradis selon l'Église) mais auxquels Jésus annonça "un jugement [...] pour que ceux qui voient deviennent aveugles" (Jean 9:39), ces touristes un peu trop facilement séduits par les apparences et de beaux discours folkloriques pensent eux aussi qu'ils sont sur la voie du Paradis en achetant ces souvenirs "Made in Taiwan" ou en allumant un cierge à vil prix à Jésus, Marie et aux Saints...

Deuxième partie

La date de naissance de Jésus

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[1] Le prophète Isaïe prédit des évènements censés se produire de son temps, c'est-à-dire selon la tradition au VIIIIe siècle avant notre ère. En aucun cas, il n'a prédit la venue de Jésus de Nazareth. L'intention d'Isaïe était d'annoncer un signe au roi Achaz (Akhaz ou Ahaz) qui gouvernait le territoire de Juda à cette époque (entre ~737-723 avant notre ère). Nous savons aujourd'hui que son livre est un pseudépigraphe écrit entre le VIe et le IIIe siècle avant notre ère. La référence à des évènements passés est une manière pour les auteurs juifs de reconstruire artificiellement l'histoire du peuple d'Israël.


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