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La Bible face à la critique historique

Les provinces du nord de la Palestine à l'époque de Jésus.

Le discours politique de Jésus (II)

Un ministère organisé et planifié

Jésus était organisé et méthodique. Quand il choisit les douze apôtres et les autres disciples Jésus prit uniquement des personnes prêtes à tout sacrifier pour le suivre et même prêtes à mourir pour lui. Pourquoi de telles exigences ? Etant donné qu'il annonce que l'Apocalypse et la fin des temps sont proches - cela devait se produire du temps de son ministère -, il considère que cet engagement est comparable à un sacrifice. Non seulement, c'est un sacrifice sprirituel quand il évoque l'accès au royaume de Dieu sous condition mais il se doute bien que sa mission aura finalement des conséquences politiques et, selon la Loi juive ou romaine, fera peut-être des morts si lui ou ses disciples sont condamnés pour leurs blasphèmes ou pour rébellion. Jésus ne peut donc pas compter sur des hommes ayant charge de famille obligés de travailler pour nourrir leur femme, leurs enfants et peut-être d'autres membres de leur famille et contraints de revenir chaque soir à leur domicile. Jésus ne veut donc pas imposer à leur mère et leurs enfants le risque de se retrouver seuls sans moyen de subsistence et donc de mourir de faim si leur mari ou leur papa venait à être emprionné ou condamné à mort.

La mission que confie Jésus aux apôtres et aux disciples imposait une vie de prêcheurs de campagne vivant le plus souvent loin de chez eux et pouvant à l'occasion les mettre en danger. Il lui fallait aussi trouver les moyens de financer ses campagnes, de loger et nourrir ses frères et soeurs, les femmes ainsi que les apôtres pendant des mois et des années. C'est probablement aussi l'une des raisons qui poussa Jésus à accepter dans ses rangs des femmes d'un certain âge, généralement financièrement autonomes, capables d'entretenir la petite communauté de Jésus.

Marie-Madeleine réconfortant un malade. Document T.Lombry.

Après les questions d'engagement, financières et d'intendance, tel un leader Jésus organisa les missions de ses disciples. En plus des douze apôtres, Luc rappelle que Jésus "désigna 72 disciples et les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout lieu où lui-même devait aller. Et il leur disait : "[...] Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant ce qu'ils ont; car l'ouvrier est digne de son salaire. Ne passez pas de maison en maison."" (Luc 10:1-2, 10:7). Précisons que Jésus envoya ses disciples prêcher sans le moindre argent, une manière de toucher la compassion des villageois et leur sens de l'hospitalité. Dès le début, Jésus voyait les choses en grand et envisageait déjà que son mouvement allait s'étendre bien au-delà de sa province natale.

Notons que Jésus choisit également des disciples femmes non seulement pour financer ses campagnes le cas échéant, mais dans la tradition patriarcale juive antique traditionnelle, ce sont les femmes qui sont chargées de l'observance des prescriptions religieuses familiales.

Selon la théologienne Helen Bond de l'Université d'Édimbourg, du fait que l'identité juive passait par les femmes, à ce seul titre elles étaient les plus sûres garantes de la transmission des traditions au sein du foyer et de proche en proche dans toute la communauté. A l'époque de Jésus, il était donc utile d'avoir des femmes car elles pouvaient entrer dans les habitations pour discuter avec les autres femmes et prêcher ainsi plus facilement l'enseignement de Jésus sans risquer d'être rejetées sur le pas de la porte.

Connaissant la mentalité juive et la situation politique, Jésus fait preuve de prudence et préfère d'abord enraciner son influence dans les campagnes où il peut plus facilement convertir à sa cause la population de proche en proche et sans risquer d'être arrêté par des soldats sous prétexte d'être un agitateur. En revanche, monter directement sur la capitale, à Jérusalem, pour y prêcher sa doctrine est non seulement risqué car les Pharisiens sont partout et la garnison romaine n'est jamais très loin mais la mentalité de la population est déjà différente. Si les habitants ont des idées moins conservatrices et moins rigides qu'à la campagne, ce qui est a priori un avantage pour être à l'écoute de nouvelles idées, ils sont aussi plus cosmopolites et donc a priori plus difficiles à convaincre étant donné leurs diversités culturelle et sociale. D'ailleurs, quand Jésus fait son "entrée triomphale" à Jérusalem, Matthieu compare la réaction des villageois des environs qui acclament Jésus au scepticisme des gens de la ville qui ne voient en Jésus qu’un Galiléen fauteur de troubles (Matthieu 21). Jésus s'accorde donc du temps pour convertir les juifs en prêchant temporairement en dehors de la cité.

Jésus prêchant en divers lieux. Documents T.Lombry.

Les quatre vertus cardinales de Jésus

Selon Platon, il existe quatre vertus cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance. Bien ques les auteurs antiques ou contemporains ne les évoquent pratiquement pas sous cette forme, toutes quatre s'appliquent à Jésus à travers sa doctrine et son amour du prochain. Jésus gère son ministère prudemment en faisant des choix judicieux, il prêche la justice avec droiture, sa force est dans l'amour sans condition et il maîtrise ses passions par une tempérance calculée jusqu'à ce que ces quatre vertus s'harmonisent et atteignent leur paroxysme le jour où en tant que Messie, il se sentit prêt à accomplir la prophétie.

Fort de son charisme et de sa volonté jusqu'au-boutiste, Jésus sait que pour conduire son projet à son terme il doit sensibiliser le public de proche en proche et le convaincre de suivre son enseignement jusqu'à ce qu'ils le considèrent comme le Messie annoncé par les prophètes avec toute la charge et la responsabilité de sa fonction.

Bien que Jésus s'est auto-proclamé Messie sans attendre l'avis des juifs et en assume les responsabilités, c'est pour éviter la confrontation avec le haut clergé qui peut s'avérer fatale, qu'au début de son ministère il n'ébruite pas son rôle ni l'objectif réel de son projet. Pour sensibiliser une foule principalement composée de paysans, de fermiers, de pêcheurs et d'artisans, il fait allusion au berger spirituel à l'image du berger qui rassemble ses brebis égarées, il parle de graines devant germer, il évoque la pêche miraculeuse et veut faire des apôtres des "pêcheurs d'hommes", autant d'images symbolisant son rôle de guide pastoral autant que spirituel afin d'éveiller les foules à la foi et la révélation. Progressivement, Jésus se qualifie de "vrai cep, et mon Père est le vigneron" (Jean 15:1), il prêche l'amour de son prochain et annonce que "le royaume de Dieu est proche" (Matthieu 4:17). Bien que plus populaire et moins virulente, sa prédication ne le distingue pas encore vraiment de celle de Jean le Baptiste.

Jésus marchant avec quelques apôtres. Documents T.Lombry.

Jésus a conscience que même s'il ne veut pas d'un royaume terrestre, son principal combat va se jouer dans l'arène des hommes car il est d'ordre politique. Rien que par la lecture des livres des Prophètes, il sait qu'il doit conduire un mouvement révolutionnaire, une sédition pour annoncer la venue du royaume de Dieu. Or il a bien conscience que ce n'est pas genre de souhaits qu'un grand prêtre, un gouverneur ou un souverain souhaite entendre de ses sujets.

Jésus comprend vite que son message est mal compris et même rejeté par certains rabbins et le haut clergé garant de l'orthodoxie. Mais le public voyant en Jésus sinon le Messie en tous cas un prophète respectant la parole du Dieu d'Israël, le haut clergé sait qu'il ne peut pas attaquer Jésus de front et en public au risque de soulever la colère des fidèles, mais qu'il doit trouver une manière plus discrète d'empêcher Jésus de propager sa doctrine et de soulever les foules.

Pendant un temps Jésus évite ses opposants et ne se manifeste dans les endroits très fréquentés qu'entouré d'une grande foule et de ses disciples. Vivant dans un pays occupé dont l'autorité judaïque n'apprécie guère ses propos, Jésus sait qu'Hérode Antipas eut connaissance de ses actes et croit que Jean le Baptiste est ressuscité : "on disait : "Jean Baptiste est ressuscité d'entre les morts [...] Hérode donc, en ayant entendu parler, disait : "C'est Jean que j'ai fait décapiter, qui est ressuscité!" " (Marc 6:14-16). C'est la raison pour laquelle sentant le vent tourner, Jésus se retira quelque temps sur ses terres natales en Galilée, près de Bethsaïde.

Gros-plan sur la maquette à l'échelle 1:50 réalisée en pierre calcaire de Jérusalem et du second Temple tels qu'ils devaient être vers 66 de notre ère. Elle est exposée sur le campus du Musée d'Israël.

Bien que radicalisé car persuadé de devoir accomplir une "mission divine", Jésus ne souhaite pas précipiter les choses et sans doute espère-t-il encore convertir les plus incrédules et ses opposants à sa cause. Selon la Bible, ce sont les miracles qui vont jouer ce rôle et aider Jésus à convertir les foules. Aussi, quand Jésus prêche en Galilée près du palais d'Hérode Antipas qui vient de déplacer sa capitale à Tibériade, sur la rive occidentale de la mer de Galilée, Jésus évite la confrontation et ne va par exemple jamais menacer Hérode devant son palais ni même annoncer sur la place publique ou dans une synagogue qu'il est le Messie par crainte d'être immédiatement malmené ou arrêté. Jésus ne l'annoncera qu'à la toute fin de son ministère, quand il sera prêt au sacrifie ultime pour prouver sa foi.

Jésus se rappelle aussi que lors de sa dernière visite au Temple d'Hérode pendant la fête de l'Hanoukah qui se déroula mi-décembre, parvenu à s'infilter jusqu'au portique de Salomon, il fut pris à partie par des juifs qui l'ont presque lapidé à coups de pierres (Jean 10:40). Il avait bien conscience que tous les juifs n'étaient pas acquis à sa cause.

Jésus doit même calmer certains de ses apôtres quand ils sont confrontés à des incrédules qui ne veulent pas les écouter. Aussi quand Jésus et ses apôtres prêchent en Judée et finalement se rapprochent de Jérusalem, Jésus reste prudent et demande à ses disciples de respecter ses recommandations : "Si quelqu'un ne vous accueille pas et n'écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. En vérité je vous le dis : au Jour du Jugement, il y aura moins de rigueur pour le pays de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville-là" (Matthieu 10:14-15).

Mais finalement, Jésus attira des milliers de fidèles et devint une figure importante en Galilée qui ne rassura pas le haut clergé, voyant en lui une menace potentielle pour son autorité autant que pour la stabilité dans la région et vis-à-vis des Romains toujours prêts à resserrer leur emprise sur les juifs au premier signe de rébellion. La menace s'éleva encore d'un cran lorsque le fils d'Hérode ouï-dire que Jésus excitait la nation à la révolte et de ne pas payer le tribut à César (Luc 23:2), des paroles qui remonteront jusqu'à Ponce Pilate.

Ainsi, à trois reprises, sentant la menace approcher, Jésus choisit l'exil à l'affrontement avec les autorités et le risque d'être mis à mort comme son cousin Jean le Baptiste : après le coup d'éclat à Jérusalem il fuit en Samarie, après l'épisode de la synagogue de Capharnaüm il s'éloigne au-delà du Jourdain, en Décapole, et pour éviter la sentence d'Hérode Agrippa initiée par les Pharisiens, il fuit en Phénicie. Notons qu'à chaque fois Jésus s'exile hors de la juridiction romaine, dans des régions étrangères où il n'hésite pas à l'occasion à convertir des non-juifs ou des païens, une pratique peu courante chez les juifs.

Plan du mont de Temple à Jérusalem sur lequel était érigé le Temple d'Hérode à l'époque de Jésus.

Même quand Jésus fut de retour à Jérusalem au plus tard fin 32, il redoubla de prudence, s'entourant d'un nombreux public quand il enseigna au Temple durant la journée et le soir il se réfugia dans le Jardin des Oliviers (le Jardin de Gethsémani), suffisamment vaste, labyrinthique et sombre à l'époque pour passer inaperçu.

Mais à force de provoquer les autorités juive et romaine et en reculant sans cesse l'inévitable confrontation, finalement le pire arriva : Jésus prit la décision d'accepter de se sacrifier pour sauver les hommes, accomplissant sans s'y opposer la volonté divine, du moins l'a-t-il interprétée ainsi sur base de sa foi.

La venue du royaume de Dieu

Se considérant comme le Messie annoncé par les prophètes, choisi par Dieu et ne reniant pas d'être appelé le Fils de Dieu (Matthieu 14:33), après le roi David, Jésus est convaincu de pouvoir bâtir un nouveau royaume à la place de celui imposé par les hommes et ce, grâce à l'armée de Dieu, Yahvé-Sabaot. Ce royaume a pour objectif de mettre fin aux malheurs du peuple juif, à la corruption et rendre les hommes "doux de caractères" et ayant "le coeur pur" comme le disent Matthieu et les Esséniens, bref à l'entendre ce serait le Paradis sur terre si on croit en lui ! Mais avant, il faut mériter le royaume de Dieu.

Vitrail du Christ, souverain d'un "royaume qui n'est pas de ce monde" (Jean 18:36) et bras droit ou plutôt main de la justice divine, "justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient" (Romains 3:22).

Quand Jésus dit que "la cognée est au pied de l'arbre" (Luc 3:9), comme Jean le Baptiste et d'autres guides spirituels y ont fait allusion, Jésus était convaincu que la foi allait galvaniser le peuple et que les choses allaient changer. Mais pendant tout son ministère, la plupart des juifs fervents lecteurs des livres sacrés ont plutôt compris que Jésus parlait d'une royauté armée et qu'il les aiderait à renverser le pouvoir oppressif des Romains.

Jésus est persuadé que l'empereur de l'empire le plus puissant du monde acceptera sans sourciller la préséance du petit État théocratique juif sur l'Empire romain. Une telle idée aussi naïve que prétentieuse dans un monde soumis à la loi des hommes, montre à quel point Jésus était exalté et persuadé d'être le Messie des prophètes. Les Catholiques diront qu'il était réellement le Fils de Dieu et pouvait s'accorder tous les privilèges de sa fonction. Mais de toute évidence pour que s'accomplisse son destin, il écarta la plus élémentaire des règles, sauver sa vie.

Pour Jésus, le fait qu'il évoque bien un royaume céleste qui n'est pas dirigé par les hommes n'est pas contradictoire. En effet, comme tout martyr Jésus est persuadé de retourner au ciel après avoir accompli sa mission sur Terre. Comme nous l'avons expliqué, comme par hasard ce "plan divin" capable de transformer le monde est aussi une idée typiquement essénienne, elle-même inspirée des grands prophètes.

Notons que nous retrouvons la même idée du conflit et de la guerre entre les hommes de pouvoir et les religieux dans tous les textes sacrés avec l'invention des surhommes dont certaines interprétations ont même conduit quelques_uns à croire que les OVNI représentaient la puissance divine. Mais ceci est un autre débat sur lequel nous reviendrons.

Comme les prophètes l'ont annoncé, Jésus est également convaincu que le royaume qu'il va mettre en place est éternel (Samuel 7:12-14, Daniel 7:13-14, Matthieu 26:63-64) et qu'il en sera le roi nommé par Dieu (Jean 4:25-26), d'où l'usage de l'expression "mon royaume" (Jean 18:36).

Quand le gouverneur Hérode Antipas apprend quels sont les projets de Jésus, il le considère comme une menace au même titre que l'était Jean le Baptiste. Le Gouverneur a de bonnes raisons d'y voir un risque d'insurrection quand on lui rapporte que ce prêcheur rassemble les foules et annonce sans crainte qu'il sera le prochain roi, qui plus est d'ascendance divine, la venue d'un dieu vengeur et qu'il menace tous ceux qui ne croient pas son enseignement de mort, de destruction et de damnation éternelle (Marc 3:39, Jean 5:28-29). A Rome, de même qu'en d'autres lieux et d'autres temps, on emprisonnait ou tuait les opposants politiques pour moins que ça.

Les deux premiers folios de la Règle de la Communauté (manuscrit 1QS).

Comme le dit Luc, Jésus a clairement expliqué que d’autres qu'il appelle son "petit troupeau" dirigeraient son royaume à ses côtés (Luc 22:28-30). Dans la "Règle de la Communauté" (manuscrit 1QS écrit entre 100-75 avant notre ère) dont deux folios sont présentés à droite, les Esséniens de Qumrân décrivent leur organisation : "Le conseil de la communauté sera formé de douze hommes, et de trois prêtres versés dans tout ce qui est révélé de la Torah". On apprendra après la mort de Jésus que ses disciplines continuèrent à se rassembler autour des trois "prêtres" succédant à Jésus : Jacques, son propre frère, entouré de Pierre et de Jean (Galates 2:9).

Peut-être inspiré par cette règle et certainement par l'histoire du peuple juif, quand Jésus dit qu'il veut réunir les douze apôtres et qu'il n'est "pas venu apporter la paix, mais l'épée" (Matthieu 10:34-36), il faut comprendre qu'il tient un discours politique : il évoque les douze trônes sur lesquels règneront les apôtres représentant les douze tribus d'Israël, le conseil de la communauté juive, c'est-à-dire les représentants du gouvernement qu'il veut mettre en place dans son futur royaume terrestre afin de renverser celui de l'envahisseur Romain et affirmer sa souveraineté.

Jésus est très concret quand il nomma Pierre, le "roc" et lui assigna la fonction de chef non seulement de sa communauté mais de son Église après sa mort, Église qui devait avoir un rôle spirituel mais également temporel.

Ce que planifie Jésus est un renversement du pouvoir et ce n'est pas une vue de l'esprit, encore moins d'origine divine. En langage moderne nous dirions que Jésus veut déclencher une rébellion, soulever le peuple afin de créer un nouvel État théocratique régit vraisemblablement par une Loi religieuse différente des commandements de la Torah.

Certains dirigeants y sont parvenus comme les pharaons dans l'ancienne Égypte et plus récemment le Dalaï lama au Tibet. On peut même évoquer les tendances théocratiques des États-Unis où la religion devient de plus en plus un outil politique notamment chez les Pentecôtistes et les Évangélistes où le "God Bless America" n'est rien d'autre qu'un message messianique qui a le pouvoir de réunir les foules autour d'une idée commune (mais pas nécessairement la meilleure et généralement utilisée abusivement sous tous les prétextes).

Du royaume terrestre au royaume céleste

Si on relit les textes des quatre Évangélistes concernant le royaume de Dieu et le message apocalyptique de Jésus, on constate que message messianique des Synoptiques est différent de celui de Jean alors qu'a priori on devrait trouver les mêmes thèmes et la même chronologie concernant la venue du royaume de Dieu. Or les trois premiers considèrent que le royaume de Dieu est imminent et Jésus parle au présent (par exemple Marc 8:38; 9:1, Matthieu 24:44; Luc 12:40) alors que Jean en parle au futur et n'évoque qu'un royaume céleste devant Ponce Pilate (Jean 18:36-37), sans même parler de son Apocalypse destiné aux générations futures. Comment expliquer ces deux interprétations opposées ?

L'une des nombreuses raisons est que Jean (la communauté johannique) est le seul qui écrivit son livre après la révolte des juifs et la destruction du second Temple. Comme nous l'avons expliqué à propos de la constitution du canon, Marc écrivit son livre peu avant l'an 68 tandis que Matthieu et Luc bien qu'ils aient rédigé leur livre après la révolte des juifs, la plus grande partie de leur texte est inspirée ou copiée de traditions vraisemblablement écrites contemporaines ou antérieures à celle de Marc dont l'hypothétique source "Q". Cela veut dire qu'avant la destruction du second Temple, les juifs avaient encore l'espoir que le Messie viendrait sur terre pour les sauver du jouc de l'oppresseur, espoir d'un paradis théocratique terrestre totalement perdu après la guerre.

Jésus prêchant dans les campagnes et à Jérusalem. Documents T.Lombry.

Aussi, du fait que Jésus a entretenu la confusion sur sa nature et son rôle de chef d'armée, il fallut qu'il en réponde devant Ponce Pilate. Si les Synoptiques voyaient en Jésus le Messie et le Fils de l'homme placé par Dieu sur le trône d'un royaume terrestre, Jean ne l'a plus du tout interprété de cette façon quand il dit à propos de Jésus que mon "royaume n'est pas de ce monde". Jean est déçu par la tournure dramatique des évènements survenus en Palestine et la non réalisation des prophéties. Il a donc été obligé de réinterpréter le message apocalyptique de Jésus et considérer qu'il était uniquement destiné aux générations futures et un royaume dans l'au-delà à défaut d'avoir pu le concrétiser en son temps sur terre. Part conséquent, son récit devient beaucoup plus symbolique et spirituel.

Enfin, soulignons que Jésus n'a jamais dit qu'il voulait fonder une nouvelle religion comme les chrétiens ont tendance à le croire. Au contraire, Jésus reste un juif pratiquant et a bien insisté sur son rôle de réformateur quand il déclare : "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir" (Matthieu 15:17). Mais en fidèle juif respectueux de la tradition, il réserve le salut au peuple élu : "je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël" (Matthieu 15:23). Ce n'est qu'après sa résurrection qu'il ordonna à ses disciples d'aller porter la Bonne Nouvelle à toutes les nations. On reviendra sur la destination de ses paroles et de la rédemption.

Aujourd'hui nous dirions que Jésus agit comme un juif nationaliste, qui plus est radicalisé ou fanatique, déterminé à soulever le peuple quitte à mourir en martyr pour prouver sa bonne foi. C'est pour cette raison que le Sanhédrin décréta une sentence de mort à son encontre 40 jours avant la Pâque (Matthieu 26:65-66) et le conduisit devant Ponce Pilate. En aucun cas, Jésus ne devait semer le trouble en mettant son plan à exécution pendant cette fête traditionnelle des Matzoth qui commémore la sortie d'Égypte et la naissance d'Israël. En même temps, Sadducéens et Pharisiens se débarrassaient légalement d'un opposant gênant que Pilate surnomma le "Roi des Juifs" au grand dam de ses "sujets".

Nous verrons dans le prochain article l'épisode de la Cène et quelques erreurs et légendes que propagea l'Église concernant le repas pascal et l'Eucharistie.

A lire : La Cène et la Pâque

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