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La Bible face à la critique historique

La tombe de Talpiot photographiée en 1980. L'entrée mesure moins d'un mètre de hauteur puis deux marches descendent vers la chambre mortuaire qui mesure environ 3x3 m sans compter les parties creusées dans les murs.

La tombe de Talpiot (I)

En 1980, à une époque où Jérusalem connut un véritable boom immobilier, près de 900 tombes furent déterrées contenant au total plus de 3000 ossuaires, la plupart remontant à la période du second Temple et à l'époque de Jésus. Environ 2000 ossuaires ont été acquis par l'Autorité des Antiquités d'Israël (le gestionnaire du musée des Antiquités), les autres ossuaires ayant été vendus par des marchands installés dans la vieille ville et furent dispersés dans des collections privées. Environ 20% des ossuaires présentent des inscriptions, généralement le nom complet du défunt gravé en hébreu, parfois en grec ou en araméen.

Parmi ces tombes, suite à un dynamitage effectué dans le cadre de travaux de construction effectués dans le quartier est de Talpiot situé au sud de la vieille ville de Jérusalem, on découvrit un caveau datant du Ier siècle contenant des ossuaires. L'explosion détruisit la cour et l'antichambre de la tombe mais comme on le voit à droite et ci-dessous, la façade et la chambre mortuaire sont restées intactes. Dans l'urgence, sous la direction de l'archéologue Amos Kloner de l'Université Bar Ilan, les archéologues ont fouillé la tombe et découvert dix ossuaires. A la demande de rabbins orthodoxes, les ossements furent par la suite enterrés selon les rites juifs tandis que les ossuaires furent mis à disposition de l'Autorité des Antiquités d'Israël. Deux semaines plus tard, l'endroit fut rendu aux aménageurs qui ont simplement protégé la tombe en cimentant son pourtour extérieur.

Comme on voit sur les photos ci-dessous, les fouilles ont révélé que leux murs nord et ouest de la chambre mortuaire furent percés d'un arcosolium, c'est-à-dire d'une niche semi-circulaire d'environ 2 m de longueur similaire à celle qu'on utilisait dans les catacombes tandis que trois autres murs furent percés de six kokhim ou loculi, c'est-à-dire de niches rectangulaires d'environ 1.8 m de profondeur et 50 cm de large contenant au total dix ossuaires dont certains contenaient encore des ossements. Trois crânes gisaient également sur le sol.

De nombreux papiers et livres abîmés jonchaient le sol, y compris devant la façade. Cet amoncellement s'explique par le fait que les tombes peuvent parfois servir d'entrepôt ("gueniza" en hébreu) pour des ouvrages religieux périmés ou devenus inutilisables qui sont jetés pêle-mêle dans la tombe en attendant d'être enterrés car la loi juive interdit de jeter les documents comportant l'un des sept noms de Dieu (y compris dans les contrats profanes).

Les ossuaires sont restés dans les archives du musée des Antiquités pendant 14 ans sans qu'on y prête la moindre attention car, selon l'Autorité, il n'existait aucune preuve tangible prouvant leur authenticité, sous-entendant qu'il s'agissait de tombes banales voire même de contrefaçons.

A voir : In search of the historical Jesus, Popular Archaeology, 2017

Quelques photos de la tombe de Talpiot

Ci-dessus, plans de la tombe de Talpiot vue de dessus et de face dessinés par l'archéologue Shimon Gibson. La tombe fut découverte en 1980 et date du Ier siècle de notre ère. Elle contenait dix ossuaires dont sept portaient des inscriptions mais un ossuaire a disparu durant les fouilles. L'un des ossuaires porte l'inscription "Jésus fils de Joseph" et contenait quelques fragments d'os. Les autres ossuaires portent les prénoms correspondant aux membres de sa famille mais il nous manque leur patronyme pour le certifier. A droite, deux ossuaires placés dans leur niche (kokhim ou loculus) à la base du mur nord. On ignore à quel ossuaire appartiennent les trois crânes trouvés au sol. En dessous à gauche, l'arcosolium semi-circulaire du mur nord qui abritait le corps du défunt avant qu'il soit placé dans un ossuaire et disposé dans l'une des deux niches que l'on voit en dessous. A droite, le réalisateur Simcha Jacobovici examinant l'arcosolium du mur ouest. Aujourd'hui la tombe est scellée et n'est plus accessible. Documents Biblical Archaeologic Society, S.Jacobovici, Reuters et Sipa.

En 1994, l'archéologue et épigraphiste Levi Y. Rahmani († 2013), curateur en chef de l'Autorité des Antiquités d'Israël releva les inscriptions gravées sur les ossuaires et montra que six d'entre eux portaient les prénoms de Yose (Joses ou Joseph), Maria (Marie), Matyah (Matthieu), Yeshua bar Yehosef (Jésus fils de Joseph), Yehuda bar Yeshua (Judas fils de Jésus) et Mariame e Mara (Marie et Marthe et non pas Marie-Madeleine/Marthe), c'est-à-dire apparemment les prénoms et parfois le patronyme des membres de la famille de Jésus de Nazareth. Toutefois, nous verrons page suivante qu'une incertitude plane sur certains prénoms.

Une analyse réalisée en 1996 par Kloner montra que la tombe servit de l'an 10 jusqu'en 70 de notre ère, date correspondant à l'expulsion des juifs de Jérusalem par les romains. C'est déjà un fait acquis et rassurant mais qui n'empêche pas de remettre en question l'authenticité des ossuaires et des inscriptions ou l'identité des défunts. Nous verrons plus loin que la patine des ossuaires permet juste de penser (mais ce n'est pas certain) qu'ils proviennent de la même carrière mais sans plus.

Etudes statistiques de la fréquence des prénoms

Pour l'Autorité des Antiquités, ces différents prénoms rassemblés dans une même tombe ne prouvent rien car les prénoms de Jésus, Joseph et Marie sont très communs. Ainsi pour ne prendre qu'un exemple, en 1945 une tombe antique fut découverte dans le même quartier de Talpiot. Elle contenait des ossuaires portant les prénoms de Jésus et de Marie fille de Simon, Simon Barsabbas et Saphire, tombe qu'étudia l'archéologue Eliezer Sukenik (1889-1953) qui peu après analysa les fameux Rouleaux de la mer Morte.

Fréquence des prénoms en Palestine entre l'an -330 et +200

Sans l'ossuaire de Jacques

Fact.prob.

Avec l'ossuaire de Jacques

Fact.prob.

Jésus fils de Joseph (Yeshua)

1 sur 190

Jésus fils de Joseph (Yeshua)

1 sur 190

Mariam (Marie en araméen)

1 sur 160

Mariam (Marie en araméen)

1 sur 160

Matthieu (Matyah)

1 sur 40*

Matthieu (Matyah)

1 sur 60

Joseph (Jose, fils de Jésus)

1 sur 20

Joseph (Jose, fils de Jésus)

1 sur 20

Marie (Maria, mère de Jésus)

1 sur 4

Marie (Maria, mère de Jésus)

1 sur 4

Facteur de probabilité combiné°

1 sur 600

Facteur de probabilité combiné°

1 sur 30000

* Prénom exclu car il ne fait pas partie de la famille de Jésus.

° Facteur de probabilité que les six noms se trouvent ensemble à un même endroit. Mais la méthode de calcul utilisée par Andrey Feuerverger est discutable. Voir deuxième page, critique N°7.

NB. La probabilité combinée de 0.166% (1/600) ne représente pas la probabilité que les six noms correspondent à ceux de la tombe de la famille de Jésus.

Toutefois, sans mettre en doute les compétences des experts de l'Autorité des Antiquités, certains spécialistes avaient un avis plus nuancé. Les statisticiens John Koopmans et Andrey Feuerverger, l'historien et épigraphiste Stephen Pfann et l'historien David Tyler notamment ont étudié la question en détails. En résumé, il s'avère qu'en Palestine entre l'an 330 avant notre ère et 200 de notre ère, "Marie" est un prénom porté par 25% des femmes et "Joseph" par 14% des hommes. "Jude" est porté par 10% des hommes, "Jésus" par 9% des hommes, "Matthieu" par 5% des hommes et "Mara" (Marthe) est porté par 6% des femmes. Bien entendu leur fréquence combinée diminue quand on recherche les personnes dont la mère s'appelle Marie et le frère ou le père s'appelle Joseph ou si on tente de trouver plusieurs de ces prénoms en un même lieu.

Selon Koopmans, il n'y a qu'une chance sur 253403 pour que la combinaison des 6 prénoms de la tombe de Talpiot fut utilisée par une famille de Jérusalem vivant au Ier siècle de notre ère, soit un cas sur 1520418 caveaux familiaux. Et si on inclut l'ossuaire de Jacques découvert à Silwan en 2002, il n'y a plus qu'une chance sur plus de 42 millions de familles.

Prénoms les plus communs en Palestine à l'époque de Jésus°

(indiqué en français, hébreu et/ou grec)

Masculin

Féminin

1. Simon, Siméon, Shimon, Σίμων, שמעון

1. Marie, Maria, Mariam, Myriam, מרים

2. Joseph, Jose, Yosef, יוֹסֵף

2. Salomé, Shlomit, Shelomiyth, Σαλωμη, שלומית

3. Lazare, Eléazar, El'azar, Lazaros, אלעזר

3. Shelamzion (~Salomé)

4. Judas, Jude, Iudas, Yehuwdah, יְהוּדָה

4. Marthe, Martha, Μαρθα, מרתא

5. Jean, Yokhanan, יוחנן

5. Joannie, Joanna, Yohanân, ωάννα, יוֹחָנָה

6. Jésus, Yeshua, Yehoshua, ησοῦς, ישוע

6. Saphira, Sappheire, Σάπφιρα, ספירה

7. Ananie, Hananiah, Ananias, חנניה

7. Bérénice, ברניקי

8. Jonathan, Yownathan, יוֹנָתָן

8. Imma, Ima, Ema, Immanuel, אמא

9. Matthieu, Matthias, Matthaios, Mattai, מתי

9. Mara, Marah, מָרָא

15.6% des hommes s'appelaient Simon (Shimon) ou Joseph (Yosef)

41.5% des hommes portaient l'un des 9 prénoms listés.

28.6% des femmes s'appelaient Marie (Maria) ou Salomé.

49.7% des femmes portaient l'un des 9 prénoms listés.

°Extrait du sondage "Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity: Part I: Palestine 330 BCE-200 CE" de Tal Ilan, 2002. Voir aussi la liste des noms hébreux sur Hebrewname.

Selon des études statistiques réalisées en 2010 par Kevin Kilty et Mark Elliott qui se réfèrent eux-mêmes aux travaux de l'équipe de Amnon Rosenfeld († 2014), "a posteriori il y a 47% de chance que la tombe de Talpiot soit celle de la famille de Jésus [de Nazareth ...] Cette probabilité s'élève à 92% si on suppose que Yoseh (Jose) est un prénom rare mais retombe à 32% si on suppose que Yoseh est une variante de Joseph". Si on ajoute le prénom Maria (Marie) à celui de Yoseh considéré comme rare, "la probabilité passe de 47% à 68%", sans tenir compte de Jacques. En ajoutant Jacques à l'ensemble des prénoms, "la probabilité atteint 96%". Autrement dit, le simple fait d'ajouter l'ossuaire de Jacques dans la tombe de Talpiot modifie la probabilité qu'il s'agisse de la tombe de Jésus qui passe de défavorable ou 32% à très favorable ou 96%. Cette interprétation a été critiquée pour ses hypothèses sans fondement scientifique et la méthode statistique utilisée qui justifient qu'on revienne sur le sujet page suivante.

En revanche, si l'interprétation de ces statistiques est discutable, tout le monde reconnaît que ces résultats ne prouvent pas l'authenticité des inscriptions sur les ossuaires ni même que tous les ossuaires appartiennent à la même tombe.

L'ossuaire portant sur deux faces l'inscription "Yeshua bar Yosef", c'est-à-dire "Jésus fils de Joseph", qui compte tenu du contexte pourrait être celui de Jésus de Nazareth. Il contenait quelques fragments d'os dont l'ADN fut analysé. La personne n'a pas de lien de parenté génétique avec "Marie et Mara". Documents Musée des Antiquités d'Israël.

Les analyses ADN

Plus intéressant, les ossuaires de Jacques, Marie et Jésus contenaient encore quelques os (contrairement à ce que le paléontologue et auteur Charles Pellegrino avait déclaré) et les autres ossuaires conservés dans les archives du musée des Antiquités israélienne contiennent de très petits fragments qu'il serait peut-être possible d'analyser.

Comme nous l'avons expliqué, en 2006 des prélèvements d'ADN mitochondrial furent autorisés sur les fragments d'os trouvés dans les ossuaires portant l'inscription "Jésus fils de Joseph" et celui de "Marie-Madeleine/Marthe" (mais qui depuis fut transcrit comme celui de "Marie et Marthe" voir page suivante) qui furent analysés par Carney Matheson, anthropologue et expert en paléo-ADN à l'Université de Lakehead au Canada. Les résultats ont montré qu'il n'existait pas de lien génétique entre les deux personnes. Selon certains, ceci renforcerait ce que déclarent les évangélistes Marc et Matthieu à propos des descendances de Joseph et de Marie. Mais cette conclusion était prématurée. Nous verrons que d'un point vue génétique, cela ne prouve rien du tout et l'archéologue Joe Zias en sait quelque chose.

En fait, les résultats de cette analyse ADN n'apportent aucun élément concernant l'identité des défunts qui fait toujours l'objet de nombreuses discussions. On y reviendra. Il nous manque toujours ce détail supplémentaire pour boucler notre enquête, la preuve génétique que les ossements trouvés dans l'ossure attribué à Jésus fils de Joseph lui appartiennent bien et seraient apparentés à ceux de Joseph, Marie, Salomé, Jacques et Judas. Ces preuves nous manquent encore.

L'ossuaire portant l'inscription en grec "Mariamè kai Mara" c'est-à-dire "Marie et Marthe". Cet ossuaire contenait quelques fragments d'os dont l'ADN fut analysé. Cette personne n'a pas de lien de parenté avec "Jésus fils de Joseph". Documents Musée des Antiquités d'Israël.

De même que nous n'avons pas découvert de squelette dans la tombe de Talpiot ou de Silwan correspondant à celui d'un homme d'une quarantaine d'années daté d'environ l'an 33 de notre ère présentant des traces de stigmates et de crucifixion. Si nous pouvions disposer de cet élément clé et le relier à la famille de Jésus, nous verrions peut-être l'histoire du Christ et du christianisme sous un nouveau jour. Cela fait beaucoup de souhaits et de suppositions mais aucune certitude. Comme on dit, ce qui fait le malheur des uns fait le bonheur des autres. En attendant, le film "Le tombeau" de Jonas McCord (2001) nous a donné un avant-goût de ce qui pourrait nous attendre.

La découverte de la tombe fit l'objet d'un article publié dans le "Sunday Times" de Londres par James Tabor le 31 mars 1996. Plus tard dans l'année, un article décrivant la découverte fut publié dans le journal "Atiqot" volume 29 publié par l'Autorité des Antiquités d'Israël.

Les choses en restèrent là pendant plus de 10 ans jusqu'à ce que les journalistes eurent accès à toutes les études publiées entre-temps, une somme d'informations qui méritait bien d'être communiquée au public.

Le film "Le Tombeau perdu de Jésus" et sa réfutation

Suite à la publication des résultats scientifiques et connaissant l'intérêt du public pour l'histoire de Jésus, la découverte de la tombe de Talpiot a finalement éveillé l'intérêt de la société Discovery Channel spécialisée dans les documentaires pour la télévison. A sa demande, le producteur James Cameron et le réalisateur Simcha Jacobovici réalisèrent en 2007 un documentaire sur les dix ossuaires de la tombe de Talpiot intitulé "The Lost Tomb of Jesus" (Le Tombeau perdu de Jésus) auquel James Tabor collabora en tant que conseiller scientifique.

Le 26 février 2007, James Cameron et Simcha Jacobovici présentèrent leur film en compagnie de James Tabor lors d'une conférence de presse à la Bibliothèque publique de New York au cours de laquelle ils annoncèrent qu'il s'agissait de la tombe de la famille de Jésus de Nazareth. 

Le documentaire fut diffusé le 4 mars 2007 sur le réseau de Discovery et en français sur TF1 le 29 mai 2007. D'une durée de 1h42m, le film est intéressant en soi car il révèle des détails que le grand public ignore généralement. Mais bien que les auteurs ne souhaitaient pas proposer de conclusion ferme et définitive surtout dans une matière aussi sensible que la religion, ils ont toutefois avancé quelques hypothèses ou posé des conclusions hâtives pour lesquelles ils furent très critiqués. Ainsi, comme le titre du film l'affiche, ils affirment dès le début qu'il s'agit bien de la tombe de la famille de Jésus de Nazareth, statistiques d'Andrey Feuerverger à l'appui qui aurait calculé une probabilité de 600 contre 1 (nous avons vu dans le tableau ci-dessus que ce n'est pas ce que Feuerverger calcula). Plus loin, sur base des analyses génétiques, ils n'hésitent pas à affirmer que Marie-Madeleine était mariée à Jésus, qu'ils eurent un enfant, etc. A ce jour, aucune de ces théories ne peut être prouvée et donc ces opinions n'engagent que les deux cinéastes. De plus les données statistiques sont fausses. En résumé, aucun des arguments présenté dans ce film ne résiste à la critique scientifique. On y reviendra.

Dès la sortie du film, plusieurs chercheurs connaissant bien le sujet l'ont vertement critiqué. Amos Kloner qui est l'inventeur de la tombe et réputé pour son scepticisme déclara dans les colonnes du webzine "NewsBusters" : "c'est une belle histoire pour un film TV, mais c'est totalement impossible. C'est insensé".

Peu après, dans le webzine "Newsweek", l'archéologue Joe Zias, curateur (administrateur) du département Anthropologie et archéologie du musée Rockefeller de Jérusalem (le musée des Antiquité) entre 1972-1997 et qui a personnellement numéroté les ossuaires, qualifia James Cameron d'avoir "prostitué la Bible" (He's pimping off the Bible) et se "demande ce que ce réalisateur de Titanic ou quelque chose comme ça connaît en archéologie ? Je suis archéologue, mais si je devais écrire un livre sur la chirurgie du cerveau, on dirait, "Qui est ce type ?" Les gens veulent des signes et des merveilles. Des projets comme ceux là sont une moquerie de la profession d'archéologue". Et au sujet du réalisteur, il considère que "Simcha n'a aucune crédibilité". Enfin, l'historien et épigraphiste Stephen Pfann alors président de l'Université de Jérusalem et linguiste expert des langues sémitiques déclara à la presse que l'hypothèse du film faisait peu le poids : "Sur une échelle de 1 à 10, 10 étant tout à fait possible, [ce film] se situe probablement à 1, peut-être 1.5". Il va sans dire que la plupart des auteurs de webzines et magazines chrétiens ont qualifié ce film de "canular". Si le point de vue de ces derniers n'est pas peut être pas objectif, il rejoint en tout cas l'opinion des critiques que votre dévoué partage également.

A voir : Le tombeau perdu de Jésus, J.Cameron/S.Jacobovici

The Jesus Tomb Unmasked (Refuting), 2009

Aspect actuel de la tombe de Talpiot parmi les nouvelles constructions. La profanation de la tombe ainsi que son exploration parfois peu délicate par les premiers archéologues a été très critiquée tant par les rabbins orthodoxes que par certains scientifiques. Depuis 2005 l'entrée de la tombe est condamnée; elle fut recouverte par une dalle en calcaire et scellée avec du béton. Jacobovici et ses consultants ont pu y accéder moyennant une autorisation spéciale qui ne fut plus accordée par la suite. De toute façon, aujourd'hui la tombe est vide, les ossements ont été enterrés et les ossuaires sont conservés au musée des Antiquités.

Notons que le film fit l'objet d'un livre intitulé "Le Tombeau de Jésus" (2007) rédigé par Simcha Jacobovici et Charles Pelligrino. C'est un excellent exemple de livre d'aventure archéologique haletant plus proche d'Indiana Jones que du récit scientifique mais qui aurait plutôt sa place parmi les ouvrages frappés d'hérésie ! Aussitôt, les arguments des auteurs furent contredits par trois spécialistes (l'archéologue Estelle Villeneuve, le physicien Jean Vervier et le bibliste Jean Radermakers) qui publièrent en réponse le livre "La découverte du tombeau de Jésus" (2007) bien plus critique et intéressant.

En réponse à cette "farce" cinématographique, en 2009 un contre-documentaire intitulé "The Jesus Tomb Unmasked" fut présenté par les opposants au film de Cameron et Jacobovici. Les auteurs réfutent les arguments présentés par Jacobovici et Tabor en requestionnant les chercheurs interviewés dont certains démentent ce qu'ils avaient dit ou ce que Jacobovici et Tabor ont interprété en sortant les réponses des scientifiques de leur contexte. Ensemble, ces deux films valent une bonne leçon de sens critique et sur l'éthique du métier de cinéaste-reporter.

L'avis des spécialistes

Devant la tromperie évidente que véhicule le film de Cameron et Jacobovici et le parti-pris des deux cinéastes, plus d'une dizaine de chercheurs travaillant aux Etats-Unis en Israël sur le sujet se sont littéralement insurgés contre les conclusions de James Tabor puisqu'il en était finalement le responsable. En janvier 2008, un symposium s'est tenu à Jérusalem au sujet des rites d'inhumation juifs et de la tombe de Talpiot afin de recentrer le débat. Ce symposium s'intitulait : "Third Princeton Theological Seminary Symposium on Jewish Views of the Afterlife and Burial Practices in Second Temple Judaism: Evaluating the Talpiot Tomb in Context". On ne pouvait être plus clair. Rien qu'en lisant le titre, un expert pouvait déjà deviner qui participerait à ce débat.

Ce symposium réunissait les spécialistes suivants : l'archéologue Jodi Magness de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, l'archéologue Shimon Gibson de l'Université de Caroline du Nord à Charlotte, le bibliste Eric Meyers de la Duke University, les biblistes Choon-Leon Seow aujourd'hui à l'Ecole de la Divinité Vanderbilt, F.W. "Chips" Dobbs-Allsopp du Séminaire Théologique de Princeton, le bibliste Lee McDonald aujourd'hui professeur émérite du Collège de la Divinité Acadia en Nouvelle Ecosse, l'archéologue Rachel Hachlili de l'Université d'Haifa, l'archéologue Mordehai "Motti" Aviam aujourd'hui à l'Institut Kinneret d'Archéologie Galiléenne, l'épigraphiste Christopher Rollston de l'Ecole Emmanuel de Religion du Collège de Milligan, Casey Elledge du Collège Gustavus Adolphus et trois invités, l'archéologue Amos Kloner de l'Université Bar Ilan, l'archéologue Joe Zias du musée des Antiquités de Jérusalem et l'épigraphiste Jonathan Price de l'Université de Tel-Aviv.

Juste avant l'ouverture du symposium, Joe Zias cita un mémo ayant fuité émis par James Tabor prouvant qu' "une intervention extérieure de Simcha et Tabor voulait perturber l'agenda et fausser les procédures d'une manière qui était favorable à leur plan préconçu".

A première vue, les journalistes eurent l'impression que les experts validaient l'idée que la tombe de Talpiot était la tombe de Jésus de Narareth ce qui suscita quelques confusions mais qui furent ensuite dissipées. En effet, il n'était pas question que les participants valident cette hypothèse non fondée et ils allaient le démontrer.

Un résumé du symposium fut publié peu après par l'éditeur James H. Charlesworth sous le titre "Rebutting Sensational Claims Concerning a Symposium in Jerusalem" dans lequel on apprend que pratiquement tout ce qui a été décrit dans le film ne repose en fait sur aucune certitude scientifique. On reviendra page suivante sur toutes ces critiques.

En 2008, les biblistes et archéologues Eric Meyers et Jodi Magness publièrent également un résumé du symposium mais en ajoutant clairement qu'ils "rejetaient l'identification de la tombe de Talpiot avec la famille de Jésus". Visiblement cette petite phrase déplut à James Tabor qui leur répondit dans un article intitulé "The Meyers/Magness Talpiot Tomb Statement: Some Observations".

La tombe B de Talpiot

Notons qu'à 60 mètres de la tombe de Talpiot se trouve une autre tombe (aujourd'hui cachée sous le patio d'un appartement) datant de la même époque appelée la tombe B de Talpiot ou tombe de Jonas. Découverte le 29 juin 2010 en dehors de l'enceinte de la vieille ville, cette tombe n'a rien à voir avec la précédente ni avec la famille de Jésus, contrairement à ce que certains historiens ont prétendu. Elle contient plusieurs ossuaires dont un décoré d'un symbole soit funéraire soit chrétien (qui serait le poisson de Jonas) qui implique qu'il s'agirait soit de l'ossuaire d'un juif traditionnel soit d'un juif converti au premier mouvement messianique chrétien, mais les avis divergent notamment entre James Tabor et les autres experts dont Christopher Rollston.

Entre-temps, le 27 février 2012, Simcha Jacobovici et James Tabor tinrent une conférence de presse en compagnie de l'archéologue Rami Arav au Discovery Times Square Exposition Center de New York afin de présenter leur nouveau livre écrit sur le sujet intitulé "The Jesus Discovery". A l'époque le bibliste et auteur Craig Evans de l'Université Baptiste de Houston au Texas déclara dans l'"Huffington Post" qu'il serait "surpris si on en parle encore dans deux ans", sous-entendant qu'il ne croyait pas du tout qu'il y avait un lien entre cette tombe et celle de la prétendue famille de Jésus à Talpiot. Apparemment, il ne s'est pas trompé bien que Tabor pense le contraire. Ce sujet nous écartant de l'objet de cet article, consultez le lien ci-dessus pour plus de détails.

Si la découverte de la tombe de Talpiot peut faire plaisir à de nombreuses personnes, il est évident qu'elle soulève également beaucoup de critiques et de controverses que nous allons à présent examiner et auxquelles nous allons répondre.

Deuxième partie

La guerre des experts

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