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La Bible face à la critique historique

Godefroid de Bouillon, chevalier franc, avoué du Saint-Sépulcre (il refusa le titre de roi) et les Croisés partis délivrer Jérusalem des mains des Turcs en 1099.

Les guerres de religion (I)

Il ne faut pas imaginer que les guerres de religion sont une invention moderne ou un évènement rare. En fait dès qu'un groupe de personnes pense différemment d'un autre, il se démarque de celui-ci et par réaction les membres du premier groupe ont le sentiment d'avoir été trahis ou abusés, ils sont en tout cas choqués, vexés et en colère contre cette désaffection inattendue de ceux qu'ils considéraient encore un instant plus tôt comme leurs frères et soeurs.

Quand cela touche aux idées politiques ou religieuses, cela concerne des convictions intimes et donc potentiellement des idées que chacun applique au quotidien dans sa vie sociale et spirituelle. Qu'un groupe ou un parti impose ses idées par la force revient à une violation de la liberté de pensée de chacun. Ce manque de dialogue, de tolérance et de compréhension mutuelle, car tel est bien le coeur du problème, représentent donc un acte politique violent qui peut laisser des traces psychologiques dans la mesure où il nuit à l'expression et l'émancipation normale de l'individu victime de cet arbitraire.

Bien sûr, chacun peut avoir des convictions et des affinités pour certaines idées mais en démocratie il est possible de vivre en bonne harmonie dans une société cosmopolite et pluraliste, c'est-à-dire où chacun à l'esprit ouvert et prône le respect et la tolérance. C'est malheureusement des principes qui comme jadis, sont parfois bafoués ou se perdent en raison des craintes et des peurs ataviques que suscitent les incertitudes du temps présent qui se manifestent à travers les instabilités politiques, les crises financières ou socio-économiques, la progression de la violence et des extrémismes de tout bord.

Dans les pays démocratiques et parfois laïques, la religion joue un rôle secondaire et n'a plus aucune légitimité en matière politique, éthique ou sociale, du moins en apparence. En revanche, dans les pays théocratiques, communistes ou dans les dictatures, c'est le pouvoir en place qui dicte au peuple sa façon de penser et d'agir, accepte ou rejette telle ou telle frange de la population. La plupart du temps l'un des critères de sélection est soit l'appartenance ethnique soit la religion. Dans certaines dictatures, les deux critères se combinent et conduisent rapidement à des génocides.

Cela fait plus de quatre mille ans que les peuples se font ainsi la guerre pour des motifs apparemment politiques mais qui cachent en réalité des conflits religieux à conotations racistes et xénophobes. En effet, dans l'esprit d'une personne sectaire et dogmatique, puisque l'autre ne partage pas mes croyances, il n'appartient pas à ma communauté. Puisqu'il ne veut pas s'intégrer et partager ma langue, ma culture et mes traditions, il n'a rien à faire parmi nous. Le choix est alors binaire : soit le groupe sectaire est minoritaire et s'isole soit il est suffisamment puissant pour renverser ses opposants, les expulser voire entrer en guerre contre les étrangers. C'est une politique que tous les clans et les partis extrémistes ont appliqué depuis l'aube des temps. Mais le pire c'est que depuis que les religions monothéistes sont apparues, les chefs d'États évoquent tous le même dieu pour perpétrer les pires crimes et génocides sous n'importe quel motif dont le plus commun est la "purification" ethnique pour préserver la pureté de "la race". Prenons quelques exemples dont la plupart sont toujours d'actualité.

Les Juifs, le peuple élu par Yahvé

S'il n'y avait eu que la Bible, les rois Saül, David, Salomon, Ezéchias et Josias auraient été les seuls grands souverains juifs méritant tous les superlatifs : les plus grands chefs de guerre, les plus puissants, les plus pieux, les plus gentils et ayant reçu tous les honneurs. A l'inverse, les envahisseurs et les représentants des dynasties païennes des Pharaons, Omrides, Sargon, Sennachérib, Antiochos IV et autres Césars auraient été versés aux oubliettes de l'Histoire avec tous les déshonneurs attribués aux ennemis de la nation. Or l'Histoire nous a démontré combien ces dynasties et bien d'autres d'Asie (Inde, Chine, etc.) comme d'Europe (Grèque, Romaine, Celtes et même Barbares) et des Amériques (Maya, Andine, etc.) ont élevé les peuples et leur culture y compris l'art, qui compte encore aujourd'hui dans chacune de ces civilisations parmi les plus riches au monde. Ceci dit, il ne faut pas non plus oublier les violences et les guerres qu'ont menées ces souverains belliqueux ou à la solde d'un plus puissant qu'eux.

Le codex de Léningrad avec les versets de l'Exode 3:14-15 où YHWH dit notamment : "Je suis celui qui suis..."

En somme, ainsi que nous l'évoquions dans l'introduction, comme à l'époque des dieux sumériens puis assyriens, Yahvé est simplement le nom donné par les Hébreux à tous les dieux rassemblés en un Dieu guerrier unique, universel et juge suprême mais favorable aux juifs qu'ils vénèrent autant pour gagner les guerres que pour préserver la paix. En d'autres temps, d'autres théologiens plus diplomates préféreront utiliser les notions manichéistes de Bien et de Mal, mais toutes aussi discutables et relatives.

En bref, pour les théologiens juifs de l'Antiquité, les bons et les gentils sont fidèles à Yahvé qui les récompensera s'ils respectent sa loi, les infidèles sont les Goyim (les non-juifs ou les Gentils), les étrangers, des idolâtres sans morale qui ne méritent que l'exil ou la mort ! Car tel est bien le sens de la bible hébraïque. Ses auteurs sacerdotaux aveuglés par leur doctrine oublient seulement de dire que pendant des centaines d'années et de façon répétée à différentes époques, le peuple juif vivant dans le royaume du Nord sous l'influence de cultures païennes vécut dans la prospérité et le bonheur. Ce n'est que le jour où il se révolta contre l'occupant que les choses ont mal tourné. Mais ce n'est pas une situation propre au peuple juif mais le lot de tout peuple sous le jouc d'une puissance étrangère.

Avec le recul des siècles et l'évolution des moeurs, on peut se demander ce qui restait de la liberté des juifs et de la tolérance des rois à l'époque dynastique ? Déjà de leur temps, la religion montrait les limites de sa tolérance envers les infidèles. Si le châtiment divin est la seule façon que les rois juifs et le clergé trouvèrent pour s'assurer la fidélité de leur peuple, c'est une bien triste manière de gouverner, en enfermant le peuple dans le carcan de la religion toute puissante et en prenant Dieu en otage. Ce type de régime théocratique est celui d'un pouvoir absolu, totalitaire, sans égalité, sans humanité, sans diplomatie, sans bonté ni miséricorde. Seul un peuple endoctriné et craintif peut accepter ce genre de régime !

Mais d'un autre côté, si on en juge par les actions du peuple juif, y compris par le gouvernement israélien de nos jours, à force d'entretenir une doctrine élitiste (réservée au peuple élu) et une mentalité raciste, xénophobe et égoïste, Israël en arrive à violer les traités internationaux (cf. la situation dans les "Territoires occupés" de Cisjordanie et de Gaza). Son attitude se rapproche dangereusement des idées extrémistes qu'on retrouve chez certains Mulsumans ainsi que dans tous les partis conservateurs et nationalistes (et comme par hasard chez les conservateurs américains qui supportent la politique israélienne). Ce n'est certainement pas en séparant, isolant et en frustrant les populations qu'on fondera un meilleur monde. Les membres des partis extrémistes et racistes qui pensent ainsi auront juste l'impression de vivre quelque temps en paix dans leur tour d'ivoire blindée alors que le monde s'écroule autour d'eux ! Il ne fait aucun doute que leur réveil se transforma en cauchemar plutôt qu'en rêve.

Les Romains et les martyrs chrétiens

Il y a deux mille ans, les empereurs romains ont décidé de persécuter les chrétiens car leur doctrine déclenchait des rivalités qui nuisaient à la sécurité des citoyens et mettait en danger la culture romaine. Comme l'écrivit l'historien romain Tacite : "[Néron] offrit d'autres coupables, et fit souffrir les tortures les plus raffinées à une classe d'hommes détestés pour leurs abominations et que le vulgaire appelait chréstiens.[...] Réprimée un instant, cette exécrable superstition se débordait de nouveau, non seulement dans la Judée, où elle avait sa source, mais dans Rome même, où tout ce que le monde enferme d'infamies et d'horreurs afflue et trouve des partisans." ("Annales", Livre XV, 15.44, 2-3).

"Dernières prières des martyrs chrétiens" peint par Jean-Léon Gérôme vers 1883. Huile sur toile de 87.9x150.1 cm exposée au Walter Art Museum de Baltimore, Maryland.

Il est étonnant que Tacite qui était un homme cultivé, réfléchi et rigoureux qualifie les traditions chrétiennes d'abominations et d'horreurs sachant qu'il a vraisemblablement interrogé lui-même des prisonniers chrétiens qui lui ont toujours dit n'avoir commis pour seule "faute" que d'avoir chanté et prié à la gloire de Dieu et pratiqué le rite de l'eucharistie. Mais à l'époque on était polythéiste ou contre l'empereur et donc condamné à mort si on refusait de renier sa foi.

Quoi qu'il en soit, c'est sous ce prétexte que des milliers de chrétiens y compris certains apôtres dont Jacques, Paul et Pierre périront soit crucifiés soit dans les amphithéâtres romains au cours de jeux morbides et sanglants, les uns brûlés vifs sur des croix, les autres offerts aux lions ou décapités sous le regard complice des sacerdotes ou prêtres romains (d'où vient le mot sacerdoce). D'autres chrétiens furent martyrisés en public ou dans des salles de tortures (lapidés, criblés de flèches, ébouillantés, mis au supplice de la roue, sur le grill, empoisonnés, etc.).

Ce massacre organisé par l'État commença en 35 avec la lapidation de saint Étienne à Jérusalem mais elle s'est surtout développée à partir du IIe siècle et perdura durant près de trois siècles. Mais le résultat ne fut pas celui escompté. Au contraire, le sacrifice des chrétiens légitima leur combat et donna en quelque sorte du prestige à leur religion en montrant à la communauté des païens qu'au nom de Dieu il était possible non seulement de résister à la douleur mais de vaincre la mort de la même manière que Jésus ressuscita. Aucun pouvoir terrestre ni aucune autre doctrine n'avait la puissance de la doctrine chrétienne, ce qui expliqua son succès.

Eusèbe a-t-il exagéré les persécutions des chrétiens ?

L'historien juif romanisé Eusèbe de Césarée prétend dans son "Histoire ecclésiastique" achevé vers 324 que les chrétiens captifs furent mutilés puis envoyés dans les mines de cuivre de Palestine : "[les chrétiens d'Égypte faits prisonniers] reçurent la même sentence que ceux qu'ils devaient servir : ils furent privés de l'usage des yeux et des pieds [...] "et durent travailler ainsi dans les mines de cuivre de Phaelo de Palestine (Khirbet Faynan). Plus loin il prétend que l'empereur fit décapiter 39 martyrs chrétiens : "C'est ainsi qu'au nombre de trente-neuf, par ordre du très exécrable Maximin, en un seul jour, ils furent décapités." D'autres chrétiens eurent le corps lacéré ou les pieds brûlés (Livre X "Les martyrs en Palestine"). L'affirmation selon laquelle Eusèbe prétend que des martyrs et des hérétiques furent envoyés dans les mines est appuyée par l'évêque chrétien Athanase d'Alexandrie (fl.296-373) ainsi que par certains auteurs de l'Église primitive (avant la conversion de Constantin Ier en 337). Quel crédit faut-il donner à ces commentaires ?

Des recherches archéologiques conduites il y a quelques années dans l'ancien camp de la mine byzantine de Phaeno n'ont pas permis de confirmer que des chrétiens auraient soufferts de la façon décrite par Eusèbe. En effet, la bioanthropologue Megan Perry de l'Université d'East Carolina a passé de nombreuses années à analyser les squelettes d'humains excavés du cimetière local. Les résultats de son analyse furent publiés dans diverses revues dont le "Journal of Archaeological Science" (2011) et "The American Journal of Physical Anthropology" (2009).

Alors que les textes littéraires suggèrent que Phaeno était un camp minier dirigé par l’État pour les martyrs et les criminels condamnés aux mines (damnatio ad metallum), l’analyse des squelettes effectuée par Perry suggère que les mines avaient "un rôle et une population beaucoup plus vaste dans l’Antiquité que celle décrite. La plupart des squelettes provenaient de la population locale. L'analyse des isotopes n'a révélé aucune preuve solide que des personnes avaient été transportées sur de longues distances vers les mines".

La chrétienne Dircé persécutée dans le Cirque de Néron. Fragment de d'une peinture à l'huile de 263 x 530 cm réalisée par Henryk Siemiradzki en 1897 exposée au Musée National de Varsovie.

Encore plus significatif était la bonne santé de ces personnes. Une analyse des indicateurs squelettiques de carence en fer amena Perry à conclure que "la santé générale de la population de Faynan n'est pas très inférieure à celle des habitants d'un village agricole byzantin typique". Son échantillon "avait montré des niveaux plus bas que prévu de dégénérescence osseuse compte tenu de leur style de vie soi-disant dur." Bien que cela puisse suggérer que ces personnes n'étaient pas impliquées dans les mines, la présence de niveaux élevés de cuivre et de plomb dans certains squelettes permet de conclure raisonnablement que ces personnes travaillaient dans les mines et les fonderies.

La tradition chrétienne, qui remonte à Eusèbe, soutient que les chrétiens ont été persécutés sans relâche par les Romains. Ces dernières années, un certain nombre d'historiens tels que Brent Shaw, James Rives et Candida Moss ont mis en doute l'étendue de cette persécution. Cependant, ces arguments reposent en grande partie sur des preuves textuelles : ils font appel à des éléments tels que l’absence de preuves d’une législation ciblant les chrétiens jusqu’au IVe siècle et le fait que la plupart des récits de persécution furent rédigés plusieurs siècles après les évènements revendiqués.

Selon Moss, "sur le plan archéologique cependant, il était difficile d'analyser les preuves d'un martyre généralisé car (selon la tradition), les restes de chrétiens étaient souvent incinérés, jetés dans des rivières ou irrémédiablement perdus. Les restes qui ont été rassemblés, divisés et déposés dans des sanctuaires et des églises dédiés à des martyrs ne sont que très rarement accessibles aux scientifiques. Le fait qu'il s'agisse d'échantillons souvent très petits a également rendu impossible la détermination de la cause du décès".

Quoiqu'il en soit, sur les 45 squelettes étudiés par Perry (et déjà en 2000 par son collègue Lotus Abu-Keraki), aucun ne comprend de trace de torture ou de martyre : "aucun de nous n'a trouvé des preuves de décapitation dans les vertèbres cervicales, ni aucune preuve que les yeux ont été exorbités à l'aide d'ustensiles pointus ou que les pieds ont été mutilés. La cautérisation (par exemple des yeux dont Eusèbe nous a dit qu'ils ont été retirés) serait plus difficile à identifier dans les restes squelettiques car elle ne concerne généralement que les tissus mous". Les chercheurs on pu seulement démontrer la présence de chrétiens dans la région du fait qu'il existe des tombes portant une croix ou des ancres ainsi que des églises qui n'ont pas encore été excavées.

Selon Perry, il est possible que les membres de son équipe n'aient pas examiné les "innombrables" martyrs chrétiens qui auraient été envoyés dans les mines évoqués par Eusèbe. "Bien que l'absence de preuve ne soit pas une preuve d'absence, aucune preuve concernant des individus victimes de lésions corporelles ou expédiées de régions extérieures n'a été trouvée dans ce cimetière datant des IVe et VIe siècle".

Toutefois, Moss souligne que l’étude de Perry n'a pas tenu compte de l’argument selon lequel cette mine serait l’équivalent d’un camp de travail : "il semble en effet que les personnes qui vivaient et mouraient dans les mines de Phaeno étaient des locaux qui vivaient dans des conditions similaires à celles d’autres villageois du IVe siècle".

Bref, une fois de plus on ne retrouve pas les sources d'Eusèbe. On peut donc en déduire que soit ses propos sont très exagérés soit de pure invention. Malheureusement les historiens chrétiens ont simplement recopié ses propos sans prendre la peine de les vérifier, alimentant encore un peu plus la rumeur. Ceci dit, nous savons par d'autres sources que des milliers de chrétiens furent effectivement persécutés par les Romains au cours des quatre premiers siècles, donnant naissance au culte des martyrs.

Finalement c'est l'empereur romain d'Occident Constantin Ier (310-324) en accord avec l'empereur Licinus de l'Empire romain d'Orient qui mirent fin aux persécutions des chrétiens suite à la promulgation de l'Édit de Milan en 313. A partir de cette époque, le christianisme devint la religion de l'État jusqu'à ce que certaines nations retirent cette mention de leur constitution, devenant laïque comme ce fut récemment le cas de la France, le seul cas du genre.

Les chrétiens : guerre sainte, anathème, Inquisition et génocide au nom de Dieu

Dans le christianisme, on retrouve également le Dieu menaçant des anciennes civilisations indo-européennes dont les anges conduisent les hommes au Paradis, au Purgatoire ou en Enfer selon leurs mérites ou leurs crimes. Certes, Dieu reste fondamentalement fidèle aux hommes et "bon" de nature car il a le pouvoir de rédemption, c'est-à-dire de "racheter l'homme du péché". Mais à peine Yahvé (Lévitique 25:23-25, Isaïe 41:14; 44:24, etc.) ou Jésus (Jean 10:30, Luc 20:9-14, etc.) l'a-t-il formulé que les hommes en ont profité. En effet, s'il fut une époque où les martyrs mouraient pour défendre la cause du Christ, rapidement cette idée bien courageuse s'est retournée contre les païens au point que des "soldats de Dieu" ont massacré des populations entières au nom de Dieu !

Il y a mille ans, le concept de "guerre sainte" typiquement chrétien visait également à protéger l'accès aux lieux de pèlerinages ainsi que les pèlerins se rendant à Jérusalem des infidèles (notamment des Turcs Seldjoucides qui prirent Jérusalem aux Arabes en 1071) et plus tard des hérétiques que les Croisés et autres Templiers furent prêts à pourfendre de leur épée au "nom de Dieu" ! Même la conquête du Nouveau monde qui décima des peuples entiers s'est faite "au nom de Dieu" ! De toute façon, une confession ou quelques indulgences (la clémence divine contre rémunération) et nos "soldats de Dieu" étaient innocentés et "purifiés" !

Plus tard, entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, toujours au nom du même Dieu, le tribunal de l'Église romaine mieux connu sous le nom de l'Inquisition a prétendu combattre l'hérésie et le blasphème en persécutant les hérétiques pour souvent obtenir de faux aveux sous la torture. Ensuite, soit en cas de repentir la victime était pardonnée et avait la vie sauve (mais pouvait malgré tout recevoir des coups de verges chaque dimanche ou être excommuniée et ses biens confisqués) soit elle était condamnée à mort (si la victime était jugée coupable ou en cas de récidive) et brûlée vive sur un bûcher, étranglée ou jetée dans un puits dans lequel on jetait ensuite de grosses pierres. Même des savants comme Copernic, Galilée et Kepler craignaient l'Inquisition.

Pas besoin d'images sanglantes pour imaginer le visage diabolique de l'Inquisition. Le seul personnage de Bernard Gui interprété par F.Murray Abraham dans le film "Le Nom de la Rose" de Jean-Jacques Annaud (1986) donne déjà le frisson. Document Neue Constantin Film ZDF.

En France, les Cathares, également appelés les Albigeois (Xe-XIVe siècle) furent également victimes d'une véritable extermination par les catholiques qui voyaient en eux un danger d'hérésie qui ne pouvait en aucun cas se propager en Europe. Ce génocide orchestré par le pape Innocent III en 1208 qui qualifia ces Cathares provencaux de "Pestilentiels" et supporté à mi-mots par le roi de France Philippe Auguste dura 20 ans et fut ensuite relayé par l'Inquisition.

Si l'Inquisition n'a certainement pas fait "des millions" de victimes comme le prétend la rumeur, il est certain qu'à lui seul le bénédictin Bernard Gui (1261-1331) évoqué dans le livre "Le Nom de la Rose" (1982) d'Umberto Eco (cf. le film de Jean-Jacques Annaud sorti en1986) présida plus de 930 affaires d'hérésie durant les dix-sept années qu'il fut Grand inquisiteur à Toulouse (1306-1323). Parmi ces 930 affaires, seulement 42 personnes furent condamnées à mort soit environ 5% des cas. L'inquisteur dominicain Tomás de Torquemada (1420-1498), tout aussi célèbre du côté de l'Inquisition espagnole, n'exécuta que 1% des hérétiques qu'il jugea soit une poignée de personnes. En fait, le nombre de condamnés à mort est largement exagéré. Dans des milliers d'autres affaires les peines furent plus légères, mais ont ne peut pas nier que certaines victimes ont parfois gardé des séquelles des tortures qu'elles subirent.

Si de fait, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle l'Église devint un immense tribunal, "Le Nom de la Rose" (le livre comme le film) anticipe des évènements qui se sont produits plusieurs siècles plus tard pour assombrir le scénario; les procès en sorcellerie et les bûchers datent surtout du XVIIe siècle où l'Inquisition connut sa période la plus sombre et agit en véritable bourreau. Mais souvent, dans la culture populaire on mélange tous les supplices, ceux pratiqués à différentes époques, dans différentes cultures voire exécutés une poignée de fois.On y reviendra.

Dans la culture populaire, cette attaque en règle de l'Eglise "au Moyen-Âge" considéré comme un tout obscur et violent est une manière pour les anticléricaux de "bouffer du curé" à moindre frais mais sans aucun fondement.

Ces pratiques barbares ne furent abolies hors des États papaux qu'au XIXe siècle. L'institution fut finalement réformée en 1908 par le pape Pie X et devint en 1965 la "Congrégation pour la doctrine de la foi" (Congregatio pro Doctrina Fidei). Si cette nouvelle institution papale combat toujours l'hérésie, elle a heureusement abandonné ses instruments de torture et ses pratiques moyenâgeuses.

C'est également en raison des abus de l'Église catholique romaine que les protestants ont fondé leur propre Église réformée (voir plus bas).

Entre-temps, n'oublions pas les génocides commis soi-disant au nom de Dieu par les Conquistadors espagnols et leur alter ego Portugais entre le XVIe et le XVIIIe siècle partout où ils débarquèrent (Amérique, Océanie, Afrique, Asie) et en particulier en Amérique du Sud où ils décimèrent des civilisations entières en raison de leur avidité pour l'or ! Rappelez-vous les actes odieux de Christophe Colomb à Hispaniola (Haïti) par exemple en 1492-1493 qui fit couper les mains d’environ 10000 amérindiens sous prétexte qu'ils ne ramassaient pas suffisamment de poudre d'or ou les atrocités commises par Hernan Cortez au Mexique (1519) et Pizarro au Pérou (1532). Alors qu'on estime que 6 millions d'amérindiens vivaient en Amérique du Sud avant le débarquement des Européens, aujourd'hui, ils ne sont plus que 430000 et pratiquement laissés pour compte...

La chasse aux sorcières

Entre les XIIIe et XVIIe siècle voire même plus tard, l'Europe connut une chasse aux sorcières parfois très violente. On peut retracer cette histoire jusqu'en 1233, lorsque le pape Grégoire IX édicta la première bulle de l'histoire contre la sorcellerie, "Vox in Rama" dans laquelle il décrit le sabbat des sorcières et leur culte du diable. C'est ensuite le pape Alexandre IV qui ordonna aux inquisiteurs de s'intéresser "aux sortilèges et divinations ayant saveur d'hérésie" autant qu'aux hérétiques. C'est à partir de cette époque que la sorcellerie fut considérée comme un crime contre la foi et devint une affaire autant religieuse que politique.

Les papes qui suivirent édictèrent de nouvelles bulles contre la sorcellerie jusqu'en 1484 où le pape Innocent VIII publia la bulle "Summis desiderantes affectibus" qui élargit la mission de l'Inquisition aux "praticiens infernaux" et réserva pour ainsi dire la chasse aux sorcières aux seules femmes.

L'un des ouvrages précurseurs est le manuscrit anonyme "Errones gazariorum" rédigé entre 1430-1440 qui développe les premières théories sur les vols nocturnes des sorcières sur des bâtons ou des balais et du sabbat des sorcières. C'est de cette époque que date les concepts classiques associés aux sorcières.

A gauche, le livre "Malleus Maleficarum", édition de 1669. Document BEIC. Au centre, "le vol des sorcières". Il s'agit de deux miniatures tracées sur un manuscrit en regard du poème "Le Champion des Dames" de Martin Le France rédigé en Normandie en 1451. A droite, la torture d'une sorcière. Suivant la procédure standard de l’Inquisition catholique, les sorcières suspectes étaient dénudées, rasées, puis piquées à la recherche des "signes du diable" (qu'ils trouvaient généralement). Que la fouille corporelle révèle ou non la présence du diable, on torturait ensuite la victime et les idées ne manquaient pas. Des ongles étaient arrachés, des os brisés (de la main, des jambes, du torse, voire même du crâne) et les organes sexuels faisaint l’objet d’une attention particulière de la part des bourreaux. Le viol était souvent utilisé. Parfois des pinces brûlantes étaient appliquées sur les seins et les organes génitaux des femmes. Si la victime survivait, on essayait de la noyer ou elle était soit brûlée vive soit pendue. Celles qui échappaient à la mort, restaient évidemment handicapées. Afin qu'on abrège leurs souffrances, certaines victimes ont donné le nom de n'importe quelle personne qui fut à son tour inquiétée.

Le premier livre imprimé sur le sujet fut "Malleus Maleficarum" (le "Marteau des sorcières") publié vers 1487 par les dominicains allemands Henri Instotoris et Jacques Sprenger. Ce livre fut maintes fois réédité et fut pendant deux siècles classé parmi les meilleures ventes, juste derrière la Bible ! Dans la première partie, les auteurs décrivent la nature de la sorcellerie et prétendent qu'il s'agit d'une pratique principalement féminine conséquence de la soi-disant infériorité morale des femmes. Dans la seconde partie, ils développent des méthodes d'inquisition pour identifier, traquer, instruire, emprisonner et éliminer les sorcières.

Le premier procès en sorcellerie eut lieu à Paris; ce fut celui de Jeanne de Brigue le 20 octobre 1390. Elle fut brûlée vivre le 19 aoît 1391. Ensuite, des procès eurent lieu dans toute la France, puis en Ecosse, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Suisse et même aux Etats-Unis (Mass., 1692).

La plupart du temps les sorcières étaient accusées sans preuve. En fait, elles servaient de bouc-émissaires à des problèmes de voisinage, sociaux ou politiques et accusées de tous les maux de la terre. En Ecosse, ce fut le moyen de se débarrasser des groupes "non conformistes" comme les protestants, les juifs et les indésirables. Toutes les classes de la société étaient concernées, du maire au pasteur en passant par les juges, les conseillers et les femmes isolées. Les confessions furent évidemment obtenues sous la torture et dans 30% des cas, les victimes furent condamnées à mort.

Au total plus de 100000 femmes dont 50000 en France furent ainsi assassinées la plupart du temps sur l'ordre d'un monarque (parfois influencé par un homme d'Eglise) mais aussi quelquefois sur ordre du clergé suite à une soi-disant offense à Dieu.

Catholiques contre protestants

Après le génocide des Cathares, les chrétiens ont continué leurs guerres fratricides avec la Réforme de l'Église par Martin Luther (1483-1546) qui fut excommunié par le pape Léon X en 1521 et qui vit l'émergence du protestantisme en Allemagne (cf. le Crédo). Ce schisme se solda par des actes relativement anodins comme une nouvelle traduction de la Bible à partir des textes originaux et une nouvelle manière de concevoir l'organisation du culte et l'évangélisation. On y reviendra à propos du statut des Églises.

Mais ce schisme entre chrétiens se solda surtout par des actes racistes, violents et sanguinaires. On assista à une nouvelle guerre antisémite en Alsace et en Allemagne entre les XIIIe et XVIe siècles qui s'étendit ensuite à l'Europe. En 1510, quarante juifs furent brûlés vifs dans la Marche de Brandebourg. Cette guerre servit de prétexte au IIIe Reich des nazis (1933-1945) pour exterminer les juifs. 

C'est à cette époque et pendant la Contre-Réforme de l'Église catholique, que l'astronome protestant luthérien Johannes Kepler qui vivait à Graz en Autriche fut sommé de se convertir au catholicisme ou de quitter le pays. Il décida de quitter le pays et s'installa à Prague en 1600 où il y travailla pour l'astronome et mathématicien impérial Tycho Brahé.

Ce schisme est également à l'origine du régime répressif de Thomas Cromwell (1485-1540), antipapiste et défenseur de la cause protestante à la cour du roi Henry VIII d'Angleterre (1491-1547). Cet épisode sanglant mérite quelques explications car il eut encore des conséquences dramatiques à la fin du XXe siècle au Royaume-Uni.

Dans l'Angleterre de Henry VIII et du machiavélique Thomas Cromwell

En 1527, le roi d'Angleterre Henri VIII Tudor demanda au cardinal Thomas Wolsey (qui fonda le Christ College de l'Université d'Oxford) d'intercéder auprès du pape Clément VII pour annuler son mariage avec Catherine d'Aragon sous le motif qu'elle ne pouvait pas lui donner d'héritier. Le pape refusa et Wolsey perdit tout crédit auprès du roi et fut accusé de félonie. C'est alors que Thomas Cromwell déjà officieusement premier ministre, avocat de formation et dont Wosley était le mentor appliqua à la lettre le célèbre proverbe machiavélique, "la fin justifie les moyens" qui marquera aussi le début de sa chute.

Cromwell proposa au roi Henry VIII de fonder sa propre Église d'Angleterre. Ce stratagème aux conséquences drastiques lui permettrait de divorcer légalement de Catherine d'Aragon et de se remarier avec Anne Boleyn. Henri VIII accepta.

C'est en 1534 qu'il fut ordonné à tous les nobles et roturiers (d'abord de Londres) de se convertir au protestantisme et de reconnaître sous serment le roi comme chef de l'Église (cf. l'Acte de Suprématie de 1534). Ceux qui refusaient étaient tout simplement emprisonnés et exécutés parmi lesquels les célèbres John Fisher, évêque de Rochester et l'humaniste Thomas Moore. A défaut d'humaniste défendant sa cause, Cromwell trouva du support auprès du théologien Richard Hooker qui défendit l'anglicanisme dans son livre "Of the Lawes of Ecclesiastical Politie" en cinq volumes publié entre 1594 et 1597.

A lire : Exurge Domine, Léon X, 1520

A gauche, portrait du roi Henry VIII d'Angleterre (1491-1547) exposé à la Walker Art Gallery de Liverpool. Henry VIII divorça de Catherine d'Aragon, un acte sacrilège que le Saint-Siège n'apprécia guère, ce qui conduisit Henry VIII à réformer l'Église et devenir le chef de file de l'Église anglicane. Suite à cette décision, son premier ministre Thomas Cromwell (1485-1540, au centre) persécuta avec zèle tous les catholiques du royaume et fit détruire les monastères, forçant les moines à crever de faim au sens propre. Cromwell utilisa la toute jeune imprimerie pour répandre les idées antipapistes et faire la propagande du protestantisme. Entouré d'ennemis, il fut finalement décapité. A droite du centre, la version publique de la menace d'excommunication "Exsurge Domine" que le pape Léon X envoya à Luther en 1520 mais qu'il brûla. A droite, la bulle pontificale (Decret Romanum Ponticifem) promulguée par le pape Léon X le 3 janvier 1521 par laquelle il confirme l'excommunication de Martin Luther. Les papes Clément VIII et Grégoire XV promulguèrent également une bulle contre Luther. La sentence n'a jamais été levée mais comme le rappela le pape Paul VI en 1967, l'excommunication ne vaut que pour la vie ecclésiale et n'a pas d'effet dans l'au-delà où seul Dieu est juge.

Avant 1536, il était interdit d'imprimer la Bible en anglais et ceux qui s'y risquaient comme William Tyndale furent brûlés vifs. Cromwell émis alors une injonction enjoignant à chaque paroisse anglaise d’acheter une copie d'une Bible anglaise et de la placer dans "un endroit commode" afin que tous puissent la voir et la lire. C'est la "Byble in Englyshe" présentée ci-dessus à droite parfois appelée "The Great Bible". Il faudra attendre 1611 pour que soit publiée la célèbre "Bible du roi Jacques", la KJV. Aujourd'hui, la majorité des protestans anglophones lisent la Holy Bible NIV. On y reviendra à propos de la transmission de la Bible.

Cromwell s'attaqua ensuite à tous les catholiques du royaume. Il fit jeter à la rue les moines alors qu'ils ne s'étaient jamais opposés au roi et interdit à la population de leur venir en aide, il fit détruire tous les monastères (les rares vestiges ayant survécu sont en ruine) ce qui toucha beaucoup de paysans ainsi que les oeuvres caritatives et fit brûler tous les livres pro-papistes parmi d'autres. Dès ce jour, en raison de ses méthodes violentes, Cromwell fut autant détesté que redouté par une grande partie de la population.

C'est à cette époque que les Anglais ont forgé leur identité nationale et que se sont envenminées les relations avec les Irlandais restés catholiques et les Écossais convertis au calvinisme mais dont l'Église est restée majoritairement catholique romaine. Cette répression qui remonte pourtant à plusieurs siècles, explique encore aujourd'hui en partie les relations parfois houleuses entre le gouvernement britannique et ses voisins Ecossais et Irlandais autour du projet européen.

A gauche, la Cathédrale de Canterbury dans le Kent, symbole de l'anglicanisme et coeur religieux de l'Angleterre. Au centre, le coeur de la Chapelle de la Trinité photographié depuis le Maître-Autel. Fondée en 597, les derniers travaux d'extensions datent de la fin du XIIe siècle. Elle abrite notamment le caveau de l'archevêque Thomas Becket qui fut assassiné dans le transept en 1170 et qui fait l'objet d'un pèlerinage ainsi que celui du "Prince Noir", le prince Edward de Woodstock, duc de Cornouaille et prince de Galles (1330-1376). Notons que les monarches anglais sont couronnés par l'archevêque de Canterbury mais la cérémonie se déroule à l'abbaye de Westminster à Londres. A droite, "The Byble in Englyshe" publiée en 1540 et exposée à la British Library. Elle contient un prologue écrit par Thomas [Cranmer], archevêque de Canterbury.

C'est aussi à Cromwell que nous devons le développement des réseaux d'espionnage dans toute l'Europe et la peur farouche du peuple d'avouer ses convictions à propos de tout ce qui touche la religion et la politique, au point qu'aujourd'hui ces sujets sont encore tabous pour certaines personnes (et d'autant que le vote est décrété secret). Cromwell finit par faire usage de la torture (une pratique légalement interdite) pour arriver à ses fins. Aujourd'hui encore, son nom est associé au machiavélisme, au meurtre et à l'hérésie. Finalement, Cromwell fut condamné pour trahison et décapité. Jugé à l'origine de toutes ces persécutions, il emportait ainsi dans la tombe tous les maux qu'on imputait aux protestants. Mais ce n'est pour autant que la population fut soulagée par sa disparition car l'État avait depuis longtemps pris la relève.

En 1559, l'Acte de Suprématie fut modifié par la reine Elisabeth I qui rompit définitivement avec Rome et fonda les bases de l'Église anglicane. Pour rappel, il ne s'agit pas d'une communauté d'obédience protestante mais bien d'une Église catholique réformée. Depuis cette époque, tous les fonctionnaires furent obligés de prêter serment au monarche sous peine de perdre leur emploi. En même temps, les lois contre les hérétiques entrées en force sous Marie Iere et signée quasiment sous la contrainte par le pape en 1554 furent abrogées pour éviter que reprennent les persécutions contre les catholiques. Après des réactions épidermiques de Rome et l'adoption d'un serment pour les catholiques, ce texte ne fut définitivement supprimé qu'en 1867.

Notons que dans certains pays catholiques dont la Belgique, la France et les États-Unis, les fonctionnaires (ainsi que les citoyens se présentant devant un tribunal) peuvent prêter serment (ou jurer) sur la Bible mais ce n'est plus une obligation et chacun peut jurer sur autre chose. Cette pratique remonte aux récits bibliques (cf. Deutéronome 7:8; Nombres 30:2; Marc 6:21-28 et l'Épître de Jacques 5:12).

Rappelons que sur le plan littéraire, William Shakespeare (1564-1616) nous transmit parmi d'autres oeuvres des pièces historiques (dont "Henry VI"), des tragédies (dont "Hamlet") et des comédies (dont "Measure to Measure") racontant l'histoire de cette période troublée ponctuée de guerres de successions (cf. la "Guerre des Deux-Roses" de 1455 à 1485), d'alliances temporaires avec les Français et par la Réforme. Aujourd'hui son oeuvre est perpétuée par la Royal Shakespeare Company.

Dans la France de la Renaissance

Quelques décennies plus tard, à leur tour les catholiques français manifestèrent leur intolérance envers les protestants suite à ce que les historiens ont appelé l'affaire des "Placards". En octobre 1534, des protestants ont placardé des affiches contre la messe jusqu'aux portes du château de François Ier et ont manifesté contre les images pieuses. Cela se conclut par la condamnation des six meneurs protestants qui furent brûlés vifs sur des bûchés comme on le voit à gauche. Cette exécution cruelle fit scandale mais n'a pas modifié d'un iota les positions du Saint-Siège de Rome. Elle a juste conduit les protestants à quitter la France pour fonder leur propre Église en des pays plus tolérants.

Suite à l'affaire des Placards, en 1534 des contestataires protestants furent brûlés vifs sous François 1er (voir le texte).

Ensuite, il y eut le trop célèbre massacre de la Saint-Barthélemy en France. Dans la nuit du 24 août 1572, le conflit politico-religieux qui opposait les catholiques aux protestants depuis dix ans se termina par l'exécution à Paris de milliers de protestants en quelques jours à l'instigation du pouvoir royal.

Les historiens débattent encore de savoir si le roi Charles IX qui voulait un règlement pacifique subit ou non la pression du Conseil d'exécuter les chefs politiques huguenots. Quoi qu'il en soit, le résultat fut le massacre d'environ 4000 protestants à Paris et au total de 10000 protestants dans toute la France avec l'approbation du nouveau pape Grégoire XIII élu le 13 mai 1572.

Finalement, l'édit de Boulogne du 11 juillet 1573 mit fin à la quatrième guerre de religion, octroyant la liberté de conscience aux protestants mais limita la liberté de culte à trois villes du royaume, La Rochelle, Nîmes et Montauban.

L'histoire ne s'arrêta donc pas là car les huguenots du sud de la France restèrent armés et revendiquèrent la liberté de culte et une alliance de la France avec les puissances protestantes étrangères afin de garantir l'union du roi avec tous ses sujets catholiques et réformés. Bref, le massacre de la Saint-Barthélemy n'a rien réglé et suscita même la révolte chez les protestants du Midi.

A son tour, la Guerre de "Quatre-Vingts Ans" qui sévit en Europe entre 1568-1648 donna l'occasion aux protestants calvinistes des Pays-Bas (intégrés au Leonis Belgici) de se soulever contre leur souverain catholique Philippe II d'Espagne, fils aîné de Charles Quint, conflit qui vit l'intervention de l'Inquisition.

Notons qu'entre 1622-1630, le célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640) réputé pour ses talents de diplomate entre deux coups de pinceau, négocia un traité de paix entre l'Angleterre et l'Espagne. Pour la petite histoire, pour le remercier de ses excellents services, le roi d'Angleterre anoblit Rubens au titre de Chevalier et lui offrit une épée garnie de diamants, une bague en diamant, un cordon de diamants valant dix mille écus pour son chapeau et une chaîne en or. Peu après Rubens abandonna la politique et retourna à ses peintures.

Si ces guerres de religion sont impardonnables, quand on analyse de quelle manière se développa l'Église protestante et son ouverture à la société, finalement on ne peut pas dire que les protestants ont eu tord de fonder leur propre Église (cf. cette réflexion philosophique sur l'incompréhensible protestantisme aux yeux de l'Église catholique).

Dans l'Irlande du Nord moderne

Enfin, rappelons qu'il y a à peine une génération, entre  ~1965 et ~2007, les républicains nationalistes d'Irlande du Nord (dont l'IRA provisoire) ont mené des actes terroristes et fait couler le sang pour revendiquer leur foi catholique face au diktat des loyalistes et unionistes anglais (dont l'Ulster Volunteer Force) en majorité protestants. Rappelez-vous le "Bloody Sunday" de 1972 qu'évoque le groupe U2, une année sanglante où on décompta presque 500 morts "en temps de paix".

Commentaires

En résumé, il n'y a pas si longtemps encore, les Églises chétiennes étaient aussi fanatiques que les autres religions et au "nom de Dieu" ont persécuté les croyants aussi atrocement que les régimes totalitaires et les groupes terroristes avec l'approbation implicite des autorités civiles à leur solde qui y voyaient un moyen "pratique" et même "acceptable" car inspiré par Dieu de "purifier" leur nation en éliminant les contestataires "infidèles", sources de trouble religieux dans leur pays. Cette "purification" ethnique basée sur les croyances religieuses fait malheureusement parties des moeurs qui se pratiquent encore de nos jours dans certains pays d'Europe de l'Est et plusieurs pays islamiques du Moyen-Orient ou d'Asie.

Rappelons qu'aujourd'hui, la France est le seul pays européen a avoir mentionné la laïcité de l'État dans sa constitution alors que paradoxalement le peuple n'a jamais renié sa foi et fréquente toujours les Églises ou d'autres lieux de culte. Cherchez l'erreur : d'un côté les Français ont divinisé leurs rois et certains semblent nostalgiques de cette époque quand on voit le nombre d'émissions TV et de livres qui lui sont consacrée et de l'autre ils refusent pratiquement que l'État ait le moindre soupçon de sentiment religieux, comme si l'État était séparé de la société !

Malheureusement, cette "tradition" jugeant que "ma foi" est supérieure à celle des autres s'est perpétuée jusqu'à aujourd'hui sous des formes plus ou moins violentes ou diplomatiques. En effet, on trouve encore des exemples contemporains avec des "nettoyages ethniques" en Arménie (1915-1923), dans les pays Baltes (1940-1945), au Tibet (1959), en Amérique du Sud (Brésil 1950-1980, Guatémala 1960-1996, Colombie, Paraguay), dans les Balkans (1912-1913, 1992-1995), au Bengladesh (2012), au Myanmar, aux Philippines, à Java, au Viêt-Nam, etc., ou généralement des militaires prennent le pouvoir par la force et décrètent la loi martiale. Très peu de ces dictateurs et autres putchistes sont jugés par les instances internationales, certains étant même considérés comme des héros dans leur pays !

De manière générale, les génocides perpétrés à l'encontre d'ethnies spécifiques et souvent minoritaires justifient qu'un État théocratique aussi modéré soit-il n'est pas démocratique, pas plus qu'une autocratie comme la Russie qui se donne des airs de démocratie ou une dictature "démocratique" comme la Chine.

Mais nous savons également depuis Platon qu'un régime démocratique et laïque peut être la pire solution lorsqu'il est aux mains d'un pouvoir fort (cf. la Turquie d'Erdogan) qui bride les libertés individuelles ou tente d'imposer sa vision du monde pour des raisons économiques (cf. les Etats-Unis sous Trump) ou au contraire s'il est trop laxiste et n'assure plus sa sécurité intérieure (cf. l'émergence du terrorisme en Europe) et divise les partis politiques plus qu'ils n'assurent la pluralité des idées et les réunissent autour d'un même objectif.

Deuxième partie

L'antisémitisme occidental

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