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L'origine et l'avenir de l'Homme
La grande marche de l'évolution (I) D'où venons-nous ? Quels sont nos ancêtres ? Où ont-ils vécu ? Comment se sont-ils développés ? Où nous conduit l'évolution ? Au cours de sa longue marche et son éternelle quête de connaissance, l’homme a toujours voulu comprendre quelle était sa place dans l’univers, sa structure, sa dynamique, et en corollaire il s'est intéressé à son histoire et son évolution ainsi qu'à celles des organismes qui l'entourent ou qu'il découvrit en creusant le sol. Cette quête que nous poursuivons aujourd'hui sur les épaules des savants d'autrefois s’est rapidement associée au besoin de connaître nos origines et la manière dont nos ancêtres et toute les espèces ont survécu aux aléas du temps. Cette passion a donné naissance à la paléontologie. Cette science qui étudie les fossiles des êtres vivants fut fondée en 1822 par le zoologiste français Henri Ducrotay de Blainville et s'est répandue à travers l'Europe grâce au géologue britannique Charles Lyell, ami proche de Charles Darwin. Précisons que sauf indication spécifique, par la logique des choses toutes les dates sont indiquées implicitement par référence au présent (BP). Sommaire Cet article traite d'un sujet qui s'étend sur plusieurs millions d'années comprenant une vingtaine d'espèces préhumaines et humaines afin de dresser un portrait aussi complet et fidèle que possible de notre ascendance phylogénique. Pour facilité la lecture, voici le sommaire des chapitres qui seront développés dans les pages suivantes (avec Ma = millions d'années, ka = milliers d'années) : - Science et doctrine, L'évolution darwiniennne, cette page-ci - D'Adelobasileus au Proconsol, Bifurcation Homininés/Pan (225-10 Ma), p2 - Graecopithecus, La crise de salinité Messinienne ou comment la mer Méditerranée s'est asséchée, Toumaï, Orrorin et Ardipithecus ramidus (7.2-4 Ma), p3 - L'origine de la bipédie, Les traces de Laetoli et Trachilos, L'impact des changements climatiques et des mutations génétiques (5.7-2.5 Mio), p5 - L'Homo habilis, Les premiers cancers (2.4-1.3 Ma), p6 - L'Australopithecus sediba, L'Homo rudolfensis (2-1.75 Ma), p7 - L'Homo floresiensis ou le peuple que le temps a oublié, L'Homo luzonensis (95-12 ka), p12 - L'Homo denisova, Le Peuple du Cerf Rouge, Les Aborigènes d'Australie, Les Bushmen (280 ka à aujourd'hui), p14 - La révolution néolithique, Les débuts de l'écriture (< 12 ka), p15 En complément, voici des documents qui reprennent des nomenclatures, des concepts ou définissent les termes techniques utilisés dans cet article. A consulter : Planches anatomiques du squelette humain Les techniques de recherches paléontologiques Science et doctrine La paléontologie, qui comprend la paléoanthropologie (limitée aux être humains et leurs ancêtres), étudie les échantillons des êtres vivants fossilisés et établit des théories sur base de faits, et non sur base d'une doctrine véhiculée par un gourou, un courant de pensées ou des textes sacrés. Ce cadre cartésien et rigoureux valut aux chercheurs quelques procès d'intention par une minorité de gens sectaires et notamment par les Créationnistes adeptes d'une création directe de l'homme par Dieu. Il y a encore un siècle, il était impossible voire sacrilège de remettre en question la doctrine imposée par la Curie romaine. Heureusement de nos jours la question religieuse est exclue du débat scientifique, sans quoi toute recherche sur nos origines serait vaine et de pure philosophie. Toutefois certains États américains continuent à supporter le Créationnisme au point d'autoriser son enseignement dans les écoles au même titre que la théorie de l'évolution. Ce courant est évidemment minoritaire mais il prouve que les scientifiques doivent continuer à lutter contre l'obscurantisme au quotidien.
Ceci dit, depuis la Réforme luthérienne (XVIe siècle) et plus encore depuis le concile Vatican II (1962- 1965), les Églises ont l'esprit un peu plus ouvert et tolèrent les théories qui s'écartent du sens strict de la Bible. Mais cela ne veut pas dire que l'Église catholique par exemple est prête à reviser ses anciens jugements, juste que chacun peut librement interpréter la Bible sans craindre les foudres de l'Église (cf. le procès de Galilée). Ouf ! On y reviendra à propos de la relation entre la Science et la religion. Quoiqu'en disent les Créationnistes et autres associations sectaires dont les Témoins de Jehovah, rien ne prouve que Dieu créa Adam et Ève à partir d'un peu d'argile et d'une côte et qu'ils ont fondé l'Humanité avec tout son savoir inné et son patrimoine génétique il y a un peu plus de 6000 ans ! En effet, sur base d'une interprétation de l'Ancien Testament, l'archevèque irlandais James Ussher (1581-1656) "calcula" que Dieu créa le ciel et la Terre le soir du 23 octobre 4004 avant Jésus-Christ... Cette croyance persiste encore. En effet, un sondage Gallup sur le créationnisme réalisé en 2017 révéla que 38% des adultes des États-Unis pensent que Dieu créa les humains sous leur forme actuelle il y a moins de 10000 ans. Mais nous allons prouver que la vie et les êtres humains sont apparus sur Terre bien avant, datation des artefacts archéologiques, des squelettes fossilisés de nos ancêtres et analyses génétiques à l'appui. La religion est une doctrine pas une théorie. La Bible n'est pas une oeuvre scientifique mais un livre sacré; on y croit plus qu'on le critique. Même si certains récits et paraboles bibliques peuvent avoir une base historique, les dernières corrections furent rédigées vers le Ve siècle, soit bien longtemps avant les premiers discours scientifiques (XVIIe siècle). On ne peut donc pas s'y référer de manière certaine pour établir une théorie scientifique sur l'origine de l'Homme. En fait, comme tous les textes sacrés, la Bible relève plus de la superstition et du mysticisme que de la science ! Nous ne nous étendrons donc pas sur son interprétation qui est du ressort de la théologie et des exégètes, ces spécialistes de la religion qui utilisent la méthode scientifique pour essayer de critiquer le sens de la Bible. Mais on y reviendra en détails avec toutes les preuves archéologiques et historiques nécessaires dans le dossier consacré aux religions. Il en est de même de toute les théories extravagantes et mystiques tenant compte d'un "moteur interne" pour expliquer l'évolution des espèces, pour ne citer que la thèse du sphénoïde d'Anne Dambricourt dont nous avons un temps entendu parlé. Loin de respecter la démarche scientifique, nous écarterons également ces théories sine die du cadre de notre débat, le lecteur curieux pouvant toujours consulter le lien ci-dessus mais pour lequel nous ne ferons pas de publicité. Quand des idées sectaires ou des préjugés n'entravaient pas la démarche scientifique, ce furent celles des paléoanthropologues eux-mêmes qui projetaient leurs croyances dans leurs théories ! Car contrairement à ce que la plupart des gens pensent, encore aujourd'hui la démarche scientifique est avant tout une histoire d'hypothèses que posent les chercheurs et qu'ils tentent de valider en cherchant des preuves concrètes appuyant leur théorie. Mais tout scientifiques qu'ils soient, ce sont avant tout des humains comme vous et moi avec leur bagage intellectuel mais également culturel, leurs croyances et leurs problèmes personnels. Si la science tente d'aplanir leurs dérives éventuelles à travers une méthode de recherche scientifique, ils n'en restent pas moins des êtres humains influençables qui ne sont jamais totalement neutres. Prenons un exemple. Pas plus tard qu'au début du XXe siècle la plupart des paléoanthropologues refusaient encore l'idée que l'homme puisse descendre du singe ou qu'il ait des origines africaines. En effet, lorsque l'anatomiste australien Raymond Dart découvrit en 1924 le premier squelette d'Australopithèque en Afrique du Sud (l'Australopithecus africanus), bien que Charles Darwin prédit que le berceau de l'humanité se situait en Afrique, sur base de crânes de Néandertaliens découverts en Europe, les paléoanthropologues étaient plutôt d'avis que les ancêtres de l'homme étaient nés en Eurasie. Ce n'est que dans les années 1940 et la découverte d'autres spécimens en Afrique de l'Est que les paléoanthropologues se sont finalement ralliés aux idées de Darwin et Dart. Ainsi, comme beaucoup d'autres sciences touchant à l'humanité, la paléoanthropologie a dû lutter contre les carcans dogmatiques et les idées préconçues de quelques scientifiques à l'esprit particulièrement étroit ou racistes. Certains ont heureusement par la suite reconnu leur erreur, mais tous ne partagent malheureusement pas cette ouverture d'esprit ni la faculté de se remettre en question (cf. la fraude en science). Nous nous intéressons donc exclusivement aux découvertes de la paléoanthropologie et leurs implications dans le cadre de la théorie de l'évolution et en particulier de l'espèce humaine. Ces découvertes seront recoupées le cas échéant par les résultats d'études dans d'autres disciplines ayant permis de préciser les lignées génétiques, l'âge des fossiles, la nature du biotope et du paléoclimat aux époques concernées ainsi que l'impact de l'homme sur l'environnement. Mais avant de commencer, puisque toutes les descriptions paléoanthropologiques sont basées sur des études de fossiles ou de matériaux âgés de plusieurs dizaines de milliers voire de millions d'années, rappelons brièvement les bases de l'évolution darwinienne et de la classification phylogénique. L'évolution darwinienne D'un point de vue philosophique, on peut se demander comment faut-il appréhender notre évolution alors que nous ne savons pas encore quelle est notre place parmi l’ensemble des niches écologiques si ce n'est que nous sommes l'un des superprédateurs que la Terre porta depuis son existence. Comme un petit enfant curieux, nous avons jeté un caillou dans l’étang chaud de Darwin en espérant que l’amplitude des vagues allait révéler les soubassements de l’édifice qui régit la sélection naturelle. Malheureusement, nous n’en avons extrait que des échantillons parfois réduits à un seul fragment de mandibule, des preuves sinon réelles en tous cas insuffisantes pour décrire précisément notre phylum et tenter de comprendre son évolution. Les lacunes, les interrogations et les énigmes sont encore nombreuses. Ceci dit, la question de savoir quelle est notre place dans l’humus de la Création est toutefois suffisamment pertinente et nos moyens suffisamment nombreux et performants pour que nous poursuivions plus avant notre espoir de comprendre l’évolution humaine. Grâce aux travaux des paléoanthropologues, des paléogénéticiens et des biologistes, on constate que dans l'ensemble du règne vivant, les mutations ont toujours existé dès le moment où la souche était isolée. Ce facteur a certainement influencé notre évolution primordiale. En effet, on retrouve dans l'ADN de rebut présent dans nos cellules des traces de gènes non exprimés ainsi que des traces de virus inactifs témoignant que dans le passé notre organisme dut s'adapter pour survivre, autrement dit qu'il subit des mutations. Ce mécanisme est encore surnoisement à l'oeuvre et a retenu les gènes bénéfiques à l'adaptation des hommes. Ainsi, certaines populations vivant par exemple en haute altitude présentent une formule sanguine différente des citadins vivant à basse altitude. On y reviendra à propos des Tibétains. S'il est un fait que les mutations alliées au hasard (et non le destin ou la contingence) représentent le moteur de l'évolution, elles peuvent aussi l'enrayer quand elles provoquent des malformations ou la stérilité et conduire à l'extinction de la population ou de l'espèce. Mais l'inverse n'est pas vrai car d'autres phénomènes peuvent provoquer l'extinction d'une espèce. Une épidémie face à laquelle la population n'est pas immunisée ou un facteur extérieur (impact météoritique, méga-tsunami, gaz volcaniques toxiques, etc.) sont autant de causes pouvant décimer des populations à l'échelle locale voire régionale. Dans ces circonstances, si l'espèce est endémique, elle peut rapidement disparaître. Si on peut identifier les traces de certaines maladies sur les squelettes momifiés et parfois sur certains squelettes fossilisés, il est difficile voire impossible de prouver un lien de cause à effet entre un désastre naturel et la disparition d'une espèce. Aussi pour l'heure, on ignore pour quelle(s) raison(s) les espèces éteintes ont disparu. Bien entendu, comparée à la longévité des dinosaures, il est facile de dire que les Australopithèques ou les préhumains étaient inadaptés mais nous verrons que certaines espèces comme l'Homo erectus ont tout de même vécu plus d'un million d'années. Mise à part une catastrophe globale (cf. l'explosion du supervolcan de Toba) mais dont l'effet est limité dans le temps, l'extinction de la plupart des espèces préhumaines demeure inexpliquée; elle est sans relation avec le climat, le biotope ou un évènement astronomique. Si une lutte pour la survie entre espèces (avec pour conséquence une diminution graduelle de la diversité génétique de certaines d'entre elles, une baisse des défenses immunitaires et une exposition accrue aux maladies) est l'explication la plus souvent évoquée, on ne peut pas écarter le rôle de l'Homo sapiens dans l'extinction des autres espèces. On y reviendra. Pour comprendre notre évolution et la replacer dans le contexte plus général de l'écosystème, c'est-à-dire en interactions avec le biotope et la biocénose, il faut l'étudier de façon méthodique c'est-à-dire scientifiquement et de manière systématique. Cela nous conduit à exposer un premier concept, celui de la classification phylogénique sans laquelle les différentes espèces ressembleraient à un puzzle désordonné et sans logique. Nous verrons ensuite les outils et moyens techniques dont disposent les chercheurs. La classification phylogénique Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de l'évolution des systèmes vivants, c'est grâce aux travaux sur l'évolution de Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck, que les savants prirent conscience que l'homme et toutes les espèces évoluaient au cours du temps, que certaines pouvaient même disparaître au profit d'espèces plus évoluées. Au XIXe siècle, le naturaliste anglais Charles Darwin eut l’idée révolutionnaire de considérer que tous les êtres humains partageaient un ancêtre commun avec les grands singes suite à l’observation de leurs comportements et des indices anatomiques qu’ils avaient relevé chez quantités d’espèces. Darwin croyait aux lois de Mendel mais plus encore à l'adaptation à l'environnement. "C'est la sélection intentionnelle et occasionnelle dit-il, qui est le principal agent dans la création des espèces domestiques". Plus généralement, c'est la sélection naturelle qui explique le polymorphisme au sein et entre les espèces. Cette faculté naturelle a permis d'éliminer certaines lignées et en renforça d'autres. Cette sélection est la conséquence d'une lutte pour l'existence, ce que Darwin appela "la persistance du plus apte" en 1859. Selon Darwin, le monde vivant est à l’image de coins enfoncés dans le sol; si tous les espaces sont occupés mais que vous désirez malgré tout en insérer un de plus, vous devez en déloger un autre. Il en est de même pour les espèces : elle se multiplient et le cas échéant elles créent de nouvelles variétés ou de véritables espèces. Chaque variété et chaque nouvelle espèce occupe une niche écologique spécifique qu'elle essayera de consolider. Et une nouvelle lutte pour l'existence apparaît dans laquelle les plus aptes survivent. C'est la sélection naturelle qui trie et féconde l'oeuvre de la nature et qui a fini par donner à l'Homme une place prépondérante dans la nature, celle de superprédateur, mais peut-être pas encore celle de superprédateur universel puisqu'en théorie notre espèce peut disparaître si on regarde le bilan de nos interactions au niveau trophique (biocénose). On y reviendra à propos de la biodiversité. Toutefois la théorie de l'évolution de Darwin reste générale et dû être précisée ultérieurement. A consulter : Taxonomie de l'Homo sapiens, Uniprot
Aujourd’hui les outils modernes de datation (voir plus bas) fondés sur les mesures du taux de variations des mutations des séquences d’ADN des mitochondries (l'horloge moléculaire), la radioactivité du carbone et l'analyse morphologique comparée confirment l'idée de Darwin en apportant parfois un tel niveau de détails qu'elles imposent une révision de l'histoire de certaines espèces ainsi que nous le verrons. Dans les traces de Darwin et de Leakey, quand on étudie la paléontologie et la succession des espèces jusqu'à l'apparition de l'homme moderne, on constate qu'à partir d'un même tronc commun et une tendance graduelle vers l'évolution des espèces, il existe une succession de branches évolutives et d'équilibres ponctués. Cette évolution va de paire avec la co-évolution et ses rétroactions, ces mécanismes dépendant de la pression de l'environnement et sont également contrôlés par l'information génétique qui autorise ou interdit certains croisements interraciaux. Grâce à la génétique moléculaire et l'analyse morphologique comparée, les paléontologues ont pu dresser le canevas d’une arborescence temporaire qui permet de relier pratiquement tous les fossiles d'hominidés (taxon regroupant les grands singes et les hommes, vivants et fossilisés) découverts à ce jour. La classification phylogénique présentée ci-dessous reprend la lignée du genre humain depuis l'ordre des Primates. C'est un cladogramme simplifié car on pourrait encore subdiviser chaque niveau jusqu'au genre et l'espèce. Ainsi, la sous-tribu des Hominina (Hominiens) peut être subdivisée en ses différentes espèces disparues préhumaines, Australopithèques et hybrides comme Ardipithecus ramidus (voire page 3), subdiviser la sous-tribu Panina (Panines) entre chimpanzé et bonobo ou le genre Gorilla entre le gorille des plaines et celui des montagnes, etc. A lire : Genera of human lineage, C.Cela-Conde et F.Ayala, PNAS, 2003 Description de la lignée des ancêtres des humains depuis les premiers hominidés Les grandes étapes de l'évolution de la Terre et de la vie (sur ce site)
Ce cladogramme est l'une des versions possibles proposée par Jeheskel Shoshani et son équipe en 1996. En effet, d'autres chercheurs comme Morris Goodman et son équipe ont suggéré en 1989 que la tribu des Hominini comprenait deux sous-tribus, Gorillina (Gorilla) et Hominina (Homo et Pan). Puis, en 1998 avec Jeheskel Shoshani et en 2003 avec Derek E. Wildman, ils ont révisé leur modèle et placé notamment le genre Gorilla un niveau plus bas et l'ont déplacé dans la sous-tribu des Hominina et donc au même niveau que les genres Homo et Pan. Ces conclusions ne sont pas posées ex cathedra mais fondées sur les résultats d'analyses morphologiques et génétiques des différentes espèces. Aujourd'hui, personne ne peut certifier que l'un des cladogrammes proposé par ces chercheurs et plus exact qu'un autre même si plus d'un spécialiste ont tendance à supporter le modèle de Shoshani de 1996. Mais ceci est finalement un débat très technique qui n'intéresse que les experts. Darwin avait prédit que l'évolution de l'homme trouvait son origine en Afrique. A ce jour, tous les indices renforcent cette hypothèse même si la localisation exacte devient tous les jours un peu plus floue. En outre, une impressionnante collection de fossiles ont été découverts en Afrique et ailleurs qui, analysés par études comparées et génomiques ont confirmé qu’il existait une parenté entre l’homme moderne (Homo) et les grands singes anthropoïdes (Pan). Darwin croyait qu'entre le chimpanzé et nous il y avait un chaînon manquant, mais nous savons aujourd'hui qu'il n'y a rien. Mais jusqu'à la fin des années 1990, on trouvait encore dans la littérature de vulgarisation (et encore de nos jours occasionnellement sur Internet) des cladogrammes où l'homme descend du singe voire même du chimpanzé ! Or ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la théorie de l'évolution et le verrons en détails dans cet article, le singe est le contemporain de l'homme, ce qui signifie qu'il n'y a pas de "chaînon manquant" entre lui et nous. Chaque espèce occupe aujourd'hui une branche distincte, ce qui signifie que les humains comme les singes ont suivi une évolution séparée qui, comme deux lignes parallèles, ne se rejoindront jamais dans le futur. En revanche, le paléontologue a bien observé que son arbre généalogique était incomplet mais ce chaînon manquant ne se situe pas au niveau des rameaux homme/singe qui ont divergé mais dans l'origine commune des différentes familles qui remonte probablement à environ 10 millions d'années pour la séparation des Hominini, à environ 20 millions d'années pour la scission des Hominoïdes qui distingua les primates avec et sans queue et à environ 60 millions d'années pour la scission de l'ordre des Primates. Un échelon plus haut, on remonte directement à la classe des Mammifères. Ceux-ci seraient apparus quelques millions d'années après les dinosaures, pendant la période du Trias de l'ère Mésozoïque, il y a plus de 225 millions d'années. Il s'agissait encore de petites créatures modestes de la taille d'un souris, vivant sous terre ou dans les arbres mais promues à un bel avenir. On y reviendra. Cette remarquable histoire est inscrite dans les empreintes et les fossiles prisonniers des sédiments minéralisés bien visibles en Bolivie (Cal orko, près de Sucre), aux Etats-Unis (par ex. au Wyoming), au Canada (Burgess), en Allemagne (Messel), en Afrique, en Mongolie, en Chine et en Australie notamment, dont l’analyse directe et la modélisation informatique permettent de reconstruire la morphologie et le biotope. Complétées par des données stratigraphiques, paléogénétiques, paléoclimatiques et autres paléosciences, nous pouvons aujourd'hui décrire avec assez bien de précision la morphologie et la manière dont vécurent et cohabitèrent les espèces de la lignée des hominidés qui conduisit jusqu'à nous. Quels sont justement les outils et techniques utilisés par les paléontologues pour décrypter les traces fossilisées ? Les disciplines et les techniques de la paléontologie La paléontologie englobe de nombreuses disciplines et branches tant son sujet est vaste et complexe. Elle s'intéresse aux fossiles des êtres vivants mais également aux sciences du vivant et aux géosciences tout en réservant une place de choix à la paléoanthropologie, complétée par l'étude du paléoenvironnement et du paléoclimat sous lesquels vivaient ces créatures. La datation des organismes fossiles et des artefacts non biologiques repose sur plusieurs techniques, souvent complémentaires, parmi lesquelles : la radioactivité du carbone 14 (pour les matières organiques), la génétique et la biologie moléculaire (l'horloge moléculaire de l'ADN mitochondrial), la stratigraphie, la thermoluminescence, le paléomagnétisme, la racémisation des acides aminés, etc. L'étude des paléo-écosystèmes et du paléoclimat font généralement appel à la paléobiologie, la protistologie, la biochronologie, la phylogénie, la paléogénétique, l'archéologie, l'archéobiologie, la paléozoologie, la paléobotanique, la géologie, la sédimentologie, la biostratigraphie, l'hydrogéologie, l'océanographie, la géoarchéologie, la paléoclimatologie, la dendrochronologie, la sclérochronologie, la glaciologie et la minéralogie parmi d'autres champs d'études. Pour les périodes allant de la Préhistoire (l'apparition du genre Homo) à l'époque contemporaine, les chercheurs peuvent également affiner leurs résultats sur les plans morphologiques, socio-économiques, politiques et migratoires en recoupant ou complétant ces données avec les résultats obtenus par les recherches archéologiques, anthropologiques, linguistiques et le travail des historiens. Pour ne pas alourdir cet article et nous éloigner du sujet, vous trouverez la description de ces disciplines et techniques dans l'article consacré aux techniques de recherches paléontologiques. A lire : Les techniques de recherches paléontologiques Datation des fossiles, étude de l'environnement et filiation génétique A présent que nous avons introduit notre sujet et précisé le but que poursuivent les chercheurs, nous pouvons enfin décrire l'histoire de notre lignée. Description de la lignée des hominidés depuis les premiers mammifères Nous avons expliqué dans l'article consacré aux grandes étapes de l'évolution de la Terre et de la vie comment la vie est apparue et évolua jusqu'à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années. Dans les pages suivantes, nous allons poursuivre cette description mais cette fois en nous focalisant sur les origines de l'humanité et les particularités uniques de notre espèce à la lumière des dernières découvertes. Le sujet ayant toutes les caractéristiques d'une saga à laquelle de nouvelles pages s'ajoutent à mesure que des découvertes sont annoncées, comme la ramure de notre arbre phylogénique, cet article s'est étoffé au fil du temps. Ainsi depuis les années 2000, ce sont pas moins de huit nouvelles espèces d'hominidés qui ont été découvertes, du Sahelanthropus "Toumaï" à l'Homo denisova en passant par le Graecopithecus, en plus de diverses empreintes et artefacts très anciens, suscitant la passion d'un nombre grandissant de paléoanthropologues et de chercheurs de disciplines connexes. Commençons par décrire les représentants des plus anciens mammifères, des primates et autres hominidés avant d'étudier les différentes espèces humaines. Prochain chapitre Adelobasileus : 225 millions d'années |