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Les disciplines de la bioastronomie

Colonie de bactéries polyextrêmophiles Deinocossus radiodurans dans une boîte de Petri contenant de la gélose nutritive. Document NASA, M.Daly/USU.

Introduction (I)

Lorsque nous portons notre regard vers le ciel, parmi les multiples questions que nous soulevons devant l'infinité des étoiles et l'étendue de l'univers, nous sommes tout naturellement conduit à nous demander quelle est l'origine et la raison de notre présence ici bas.

La réponse à ce "pourquoi" sera quelquefois empreinte d'anthropocentrisme, un sentiment naïf, mais bien compréhensible, que nous tenterons malgré tout d’évacuer.

Quant à la question de savoir "comment" la vie et la pensée ont émergé, mieux vaut considérer que Dieu n'y est pour rien - si ce n'est pour l'état initial - tant qu'il n'est pas démontré que l'Univers a pu se développer indépendamment de toute influence extérieure.

On peut s'interroger sur le déterminisme du monde ou sur la réalité du principe anthropique, mais le problème théologique n'aura pas sa place dans ce contexte scientifique. La compréhension totale de l'Univers dépassant actuellement notre entendement, il convient d'aborder uniquement le problème plus restreint : l'origine de la vie et les possibilités d'existence d'une autre forme de vie dans l'univers à la lumière des plus récentes découvertes.

Des équipes de chercheurs se sont attachées à saisir les mécanismes qui gouvernent le monde vivant, mais aucun ne vous dira qu'il est parvenu à synthétiser ne fut-ce qu'un être unicellulaire. La vie est un assortiment de conditions chimiques et physiques qui, dans notre cas, est arrivé à un tel stade de complexité d'organisation que l'on peut se demander si une situation similaire peut se reproduire quelque part dans l'univers. Dans tous les cas notre génération ne connaîtra pas la réponse. La véritable astronomie existe depuis moins d'un demi-siècle, que cela représente-t-il depuis l'existence du monde ? Fort peu de chose...

Avant de détecter d'autres signes de vie dans l'univers, il est prudent de se demander si le processus que nous avons connu sur Terre peut se reproduire ailleurs dans l'espace.

Nous avons vu dans d'autres pages de ce site quels étaient les scénarii qui conduisirent à la formation du système solaire.

Comme l'expliqua l'astrophysicien, exobiologiste et auteur Carl Sagan (1934-1996) de l'Université de Cornell dans la série TV "Cosmos" (1980) et dans son livre éponyme, "L'azote dans notre ADN, le calcium dans nos dents, le fer dans notre sang, le carbone dans nos tartes aux pommes ont été fabriqués dans l'intérieur d'étoiles en train de s'effondrer. Nous sommes faits de poussières d'étoiles."

Quand on observe les nébulosités qui entourent les étoiles proches de la nébuleuse d'Orion, de la nébuleuse de l’Aigle ou de la Tarentule, on discerne clairement des nodosités sombres dans les régions les plus convulsées par les turbulences gravitationnelles. Les images infrarouges indiquent que dans les zones les plus sombres, des étoiles sont en cours de formation. Ailleurs dans l'espace, on découvre des étoiles entourées de disques de gaz et de poussière, leur masse équivalant à plusieurs fois celle de la Terre; située à 52 années-lumière, ß Pictoris est typique. D'autres étoiles et même certains pulsars ont une course irrégulière. Cette perturbation est d'ordinaire engendrée par un corps massif proche, une exoplanète ou une étoile compagne qui déplace le centre de gravité du couple et modifie sa trajectoire.

Un monde en gestation

La nébuleuse M16 de l'Aigle abrite des nuages de poussière et de molécules organiques. La matière en cours d'accrétion nous empêche actuellement d'observer les étoiles en formation. Cliquez ici pour charger une animation de 760 KB. Au centre, un zoom sur la limite extérieure du nuage moléculaire. A droite, une image LRGB en gros-plan prise par le Télescope Spatial Hubble en 2014 qui nécessita un temps total d'intégration de 30 heures. Elle fut traitée par Ignacio Diaz Bobillo et Diego Gravinese Documents Astrooptik, STSCI/HST et NASA/ESA/D.Bobillo/D.Gravinese.

Statistiquement parlant, il s'avère ainsi que les trois quarts des étoiles forment des systèmes doubles ou multiples et on estime qu'il y a plus d'exoplanètes que d'étoiles dans la Galaxie et quelques unes abritent peut-être les conditions minimales pour entretenir la vie.

Mais si la vie ne semble pas pouvoir évoluer autour de toutes les étoiles, pour différentes raisons dont nous reparlerons (température, gravité, rayonnement), il est statistiquement démontré que l'apparition de la vie est un phénomène quasi obligatoire dans les conditions de l'univers, si comme on le suppose, les lois de la nature sont universelles. Etant donné que nous existons, il faut bien expliquer ce fait, sans pour autant invoquer un être surnaturel qui de toute manière reste un concept non falsifiable, donc non scientifique.

Une observation importante sous-tend déjà l'universalité des lois de la nature : l'extrême précision avec laquelle les constantes de la nature ont été déterminées. De nombreux physiciens et astrophysiciens pensent que ces valeurs ne sont pas dûes au hasard. A l'échelle quantique, tout se passe comme si les différentes forces avaient les bonnes valeurs pour que ça marche. C'est le principe anthropique - ce n'est pas une théorie.

Le biochimiste Cyril Ponnamperuma de la NASA dans les années 1970. Document NGS.

En quelques mots, dans sa version faible le principe anthropique considère que si l'énergie de l'Univers avait été un peu plus faible ou un peu plus forte, celui-ci aurait explosé ou se serait contracté bien trop rapidement, sans laissé le temps à la matière de se constituer pour former les premières molécules de la vie. Après tout l'univers est un laboratoire vivant dans lequel les réactions prennent un certain temps pour aboutir, fonction des propriétés qui régissent la nature.

On peut également se demander pourquoi le monde est localement organisé et mesurer le manque d'information des systèmes indépendamment de l'échelle du phénomène et de notre appréciation de l'état de désordre. Il existe dans l'Univers une quantité bien spéciale, l'entropie. Ainsi que nous le verrons dans un autre dossier, cette quantité thermodynamique s'applique à tous les sytèmes, tant à l'évolution des systèmes physiques que chimiques et se résume en deux mots : globalement l'ordre tend vers le désordre. Sans une certaine perte d'énergie, aucune interaction ne serait possible. L'Univers dans sa globalité serait resté au stade primordial et ne serait jamais parvenu à échafauder l'édifice complexe de l'organisation croissante.

La tâche des exobiologistes consiste donc à nous démontrer que la vie est un phénomène courant dans l'univers. Partant de quelques ingrédients et d’une soupe primitive, ils doivent inventer les scénarii qui ont conduit au "bouillon de cultures" actuel. Si une seule étoile de la Voie Lactée abrite la vie, ce sont potentiellement des milliards de mondes habitables qui emplissent l'univers. Or, en étudiant la biochimie et le comportement des molécules prébiotiques on découvre qu’elles survivent dans des conditions jugées hostiles ou existent dans des états métastables inconnus sur Terre.

C'est à l'aide des nouveaux outils de la bioastronomie et en étudiant l'évolution de la vie sur Terre que nous pourrons confirmer ou infirmer l’existence de la vie ailleurs dans l'univers.

La bioastronomie

Pour répondre aux questions philosophiques de Pascal concernant notre place dans l'univers et sous l'intérêt passionné du public, le champ d'action des scientifiques ne pouvait pas se limiter à l'astronomie. Ces questions touchent également les sciences de la terre et de la vie: la physique, la géologie, la paléontologie, la biologie, la biochimie, l’exobiologie (que les Anglo-Saxons appellent l'astrobiologie), la sociologie, les neurosciences, sans oublier la cosmologie ou l'astronautique... La recherche devient multidisciplinaire inaugurant une nouvelle branche de l'astronomie, la bioastronomie qui s’est progressivement développée à partir de 1982 sur l'initiative de Michael Papagiannis.

Commission 51 - Bioastronomie

Son organe officiel est la Commission 51 de l'Union Astronomique Internationale. Elle fait connaître ses activités au travers du magazine "Bioastronomy News". Son objectif consiste à organiser et développer la recherche de la vie dans l'univers à travers de nouveaux créneaux d'études. La plupart des sciences exactes sont étroitement imbriquées dans cette nouvelle branche qui peut nous aider à comprendre notre passé et à préciser notre destinée. Selon Dan Werthimer de l'Institut SETI, le budget de labioastronomie représente 50 millions de dollars par an (hors budgets consacrés à la cosmologie, la recherche en radioastronomie et l'astronautique qui travaillent sur des budgets propres) dont les Etats-Unis tirent l'essentiel des subsides.

La bioastronomie s’organise autour de quatre disciplines : la cosmologie, l'exobiologie, la radioastronomie et l'exploration spatiale.

- La cosmologie permet de comprendre la formation de la matière, comment celle-ci est apparue dans l'univers et dans quelles conditions. C'est un domaine du savoir fort étendu et très complexe à maîtriser qui impose aux physiciens une recherche extrêmement poussée et rigoureuse. Ce domaine mérite que nous lui consacrions un ouvrage.

- L'exobiologie ou l'astrobiologie consiste à découvrir les molécules synthétisées dans l'espace par le rayonnement ambiant. Vient ensuite l'évolution de ces molécules vers un stade prébiotique où s'organise une chimie extraterrestre. On détermine enfin si un processus similaire put s'enclencher sur Terre. C'est aussi la science de l'avenir, car la découverte d'une autre forme de vie dans l'univers marquera une étape fondamentale de notre évolution. A un niveau plus appliqué, la découverte d'un processus extraterrestre qui peut améliorer notre métabolisme ou nos conditions de vie influencera également les futures générations (à propos de l'histoire de l'exobiologie et du rôle important joué par la NASA, lire J.Strick, 2004).

La bioastronomie

Le champs d'investigation de la bioastronomie compte parmi les disciplines les plus vastes, faisant appel à la cosmologie, l'exobiologie, la radioastronomie et l'exploration spatiale. Chacune de ces disciplines comprend autant de sous-domaines obligeant bien souvent les chercheurs à travailler en collaboration avec des laboratoires étrangers. Documents NASA/ESA/HST, T.Lombry, JPL-Caltech, D.Weisel, Maquette.T.Lombry

- La radioastronomie nous offre le moyen indirect d'atteindre les régions de l'espace que le regard accroche ou que la matière nous cache. L'oreille sensible des radiotélescopes permet de localiser des molécules organiques dans l'espace, mais aussi de détecter d'éventuelles civilisations extraterrestres aussi avancées que la nôtre. C'est aussi la discipline la plus prisée, beaucoup moins coûteuse que l'astronautique. Cette piste est la plus ancienne, née en 1930 avec la découverte fortuite du rayonnement de la Voie Lactée par Karl Jansky, mais dont l’avenir dans le cadre des programmes SETI est incertain comme nous allons le découvrir.

- L'exploration spatiale a séduit de nombreux chercheurs. Par nos atomes nous sommes liés au cosmos. Sans les étoiles de la première génération et la dispersion dans l'espace des différents éléments chimiques synthétisés au cours de leur évolution, la Nature n'aurait jamais eu la possibilité de créer cette complexité croissante et d'aboutir à l'Homme. Quelque part nous sommes reliés à l'Univers, nous sommes faits de la même poussière que les étoiles.

Depuis 1958, nous explorons notre proche banlieue à la recherche des traces d'une forme de vie primitive, sur la Lune, sur Mars, sur Titan, sur les comètes... La découverte du moindre organisme vivant ailleurs que sur la Terre représenterait la plus grande découverte de l'Histoire.

L'exploration spatiale c'est également la colonisation de l'espace. Nos représentants débarqueront bientôt, appareils photographiques et micros en mains sur les planètes voisines et s'établiront sans doute un jour sur la Lune, sur Mars et certains astéroïdes. Nos moyens d'investigations ne sont limités que par nos instruments de mesure et nos véhicules. Nos moyens restent primitifs si l'on conçoit explorer la Voie Lactée. Si l'impatience gagne certains d'entre nous, on ne peut pas s'empêcher de les comprendre. Pour les réconforter nous pouvons déjà commencer par scruter le ciel profond à travers les hublots des stations orbitales.

Comme l'écrivit Carl Sagan, "La taille et l'âge du Cosmos dépassent l'entendement de l'homme. Perdue quelque part entre l'immensité et l'éternité, telle est notre planète-mère. A l'échelle cosmique, les préoccupations humaines paraissent généralement insignifiantes, pour ne pas dire totalement dénuées d'importance. Et pourtant, notre espèce est jeune, curieuse, courageuse et pleines de prometteuse. Au cours des quelques derniers millénaires, nous avons fait les découvertes les plus surprenantes et les plus inattendues sur le Cosmos et sur la place que nous y occupons. Ces recherches grisantes nous rappellent que l'être humain a évolué pour se questionner, que comprendre est une joie et connaître une condition nécessaire à la survie. Notre avenir dépend de ce que nous savons de ce Cosmos dans lequel nous flottons comme un grain de poussière dans le ciel matinal" (C.Sagan, "Cosmos", Mazarine, 1981, p4).

Ce sont les travaux de ces chercheurs que nous décrirons dans les autres pages de ce site.

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