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La colonisation de l'espace

Voyage autour de la Terre. Document T.Lombry.

Introduction (I)

Après une très longue période de léthargie, la vie est apparue sur Terre et a progressivement aménagé son environnement qui en retour a fixé ses conditions de survie[1].

A plusieurs reprises au cours de l'évolution des catastrophes ont modifié notre biosphère au point d'anéantir une bonne partie de ses habitants, marins ou terrestres (cf. les extinctions de masse).

Certaines phénomènes sont périodiques, telles les glaciations et doivent être mis en relation avec l'activité solaire et le déplacement du Soleil à travers la Voie Lactée.

L'astrophysique nous apprend justement que le Soleil finira par se transformer en étoile géante rouge dans 5 milliards d'années et condamnera vraisemblablement toute vie sur Terre. Cela nous laisse un certain temps pour évacuer notre chère planète-mère et rechercher une "planète B" plus hospitalière.

D'un autre côté, nous savons de quelles manières nos sociétés peuvent nuancer cet apocalypse : conflit armé, changement climatique, pollution atmosphérique, épuisement des ressources, etc. Dautres crises surgiront : sanitaires, démographiques et alimentaires et forceront nos descendants à adopter des solutions socio-économiques sévères. Un conflit idéologique et donc une guerre peut aussi envenimer une situation devenue critique et forcer les populations à s'expatrier.

Enfin, sur le plan biologique, statistiquement nous avons toutes les chances d'être radié de la surface de la Terre dans quelques millions d'années. Sans même parler des extinctions de masse, les 500 millions d'espèces éteintes depuis l'ère primaire nous le rappellent tous les 30 millions d'années environ ainsi que le bombardement météoritique.

Ce sont autant de raisons pour lesquelles nos descendants voudront ou seront obligés de trouver une nouvelle planète habitable, voire de coloniser plusieurs satellites naturels du système solaire, bien que les conditions de survie ailleurs dans le système solaire soient loin d'être aussi propices que sur la Terre.

Cette perspective n'étant pas très encourageante, gardons-nous qu'elle nous surprenne. D'autres raisons plus optimistes peuvent nous pousser à nous tourner vers les étoiles.

L'appel des étoiles

Il fut une époque par si lointaine où certains astronomes ne croyaient pas du tout aux voyages spatiaux. Richard Wolley par exemple déclara en 1956 : "Les voyages spatiaux sont de la science-fiction". Ou encore Harnold Spencer Jones qui disait en 1956 que "le voyage interplanétaire est une absurdité". Pourtant, le concept de colonie spatiale était déjà très concret dans l'espit de Constantin Tsiolkovski en 1903 et de Werner von Braun en 1952.

Avec la naissance de l'astronautique en 1957, les ingénieurs nous ont rapidement prouvés la viabilité et l'intérêt scientifique des stations orbitales habitées en permanence[2] et de lancer des satellites et des sondes spatiales dans l'espace pour étudier la Terre et le système solaire. Comme quoi les scientifiques ne sont pas à l'abri d'erreurs de jugement et peuvent se tromper (c'est d'ailleurs le principe de la démarche scienifique).

Peu avant de nous quitter en 1977, Wernher von Braun[3] avait déjà imaginé la vie qui nous attendraient au XXIe siècle : "Le siècle prochain réservera incontestablement de nombreuses surprises. Mais tout ne sera pas source de surprises. Il est certain par exemple que le XXIe siècle sera le siècle des activités scientifiques et commerciales dans l’espace, celui des vols spatiaux habités vers les autres planètes et du début de l’établissement de colonies humaines permanentes en dehors de notre planète mère, la Terre."

A voir : Von Braun Space Station 1956

Une station orbitale telle que l'imaginait Wernher von Braun dans son article "Crossing the last frontier". Ce dessin fut publié dans la revue "Collier's" le 22 mars 1952 sous le titre "Space station over America". Une copie de ce magazine et du numéro suivant consacré à l'exploration de la Lune est disponible en format image sur le site de Scribd. Document Chesley Bonestell, coll. T.Lombry.

Le World Space Congress qui organise les conférences du COSPAR (Committee on Space Research) et de l'IAF (International Astronautical Federation) a déjà posé les premiers jalons de l'exploration de la Lune, celle de Mars et de quelques astéroïdes ainsi que leur exploitation à des fins scientifiques et industrielles[4]. Selon les prévisions les plus optimistes, vers 2050 nous délocaliserons sur la Lune...

Les projets de colonie spatiale tels ceux élaborés dans les départements de prospective changent radicalement notre point de vue. Si le point de départ est d'élaborer des matériaux sans défaut en microgravité, il sera vite question d'exploiter les ressources minières dont nos industries ont besoin et d'effectuer des travaux scientifiques. C'est la raison pour laquelle plusieurs États dont les Etats-Unis, la Russie et le Luxembourg ont proposé entre 2015 et 2017 soit d'amender le droit spatial soit voté une loi autorisant l'exploitation de la Lune et des astéroïdes à des fins commerciales mais sans droit de propriété.

Dans l'immédiat, pour la NASA et l'ESA, il s'agit d'installer une nouvelle petite station spatiale-relai près de l'orbite lunaire appelée le Gateway, et en même temps de bâtir une base permanente sur la Lune. Mais vu l'ampleur d'un projet aussi ambitieux, une telle entreprise ne peut matériellement plus être gérée à l'échelle individuelle, d'un groupe de chercheurs ou d'une entreprise comme c'est encore le cas des missions en Antarctique ou des fusées de SpaceX. Pour mener ce projet à bon terme dans les limites d'un coût raisonnable pour le commanditaire et pour le citoyen et dans un délai d'une génération, il fallut s'assurer le concours harmonieux de dizaine de partenaires dans le cadre d'une coopération durable entre agences spatiales. On reviendra sur le programme Artémis.

A voir : 2001 l'odyssée de l'espace - bande-annonce

2001: A Space Odyssey, in Tweets

Rêvons un peu. Ci-dessus à gauche, voir la Terre depuis l'espace est une vision qui fait rêver beaucoup d'entre nous mais qui n'est accessible qu'aux astronautes depuis quelques décennies et à quelques touristes fortunés depuis 2001. A droite le vaisseau spatial Orion III approchant de la station spatiale "Space Station 5" (SS5) imaginée par Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick en 1968 dans leur film "2001: l'Odyssée de l'espace" adapté du roman éponyme d'A.C. Clarke. On s'en approche mais à une échelle plus modeste avec la station ISS. Ci-dessous à gauche, la baie vitrée panoramique d'une grande station orbitale servant de relai ou gateway vers la Lune et d'autres missions spatiales.  Cliquez ici pour lancer une animation d'une vue similaire (MP4 de 2 MB) de Shutterstock. A droite, des tourismes spatiaux sur le point d'être transbordés sur un vaisseau interstellaire à distorsion (Warp drive). Documents T.Lombry et maquette réalisée Mark Rademacker.

Peut-on faire mieux ? En théorie certainement. Mais en pratique, techniquement parlant il faudra beaucoup d'argent, beaucoup de temps et surtout des idées novatrices pour améliorer les fusées et les futures navettes spatiales. Si on parvient à relever ces défis, on pourra construire des vaisseaux spatiaux nettement plus grands et plus puissants. A cette échelle, ils devront peut-être même être construits dans l'espace, ce qui posera de nouveaux défis technologiques et logistiques.

Un projet de colonisation spatiale doit se développer dans un cadre international, tel l'International Space Station Intergovernmental Agreement (IGA) concernant l'élaboration de la Station Spatiale Internationale (ISS) auquel ont participé 14 gouvernements (Etats-Unis, Canada, Japan, Fédération de Russie et 10 membres européens de l'ESA : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suède et Suisse). Mais vu la situation économique de nos pays et le manque de perspectives à long terme, un tel projet ne verra certainement pas le jour avant plusieurs siècles voire davantage vu les problèmes techniques et financiers que cela pose. Ce type de projet reste donc prématuré pour encore quelques générations. Nos descendants en reparleront après 2100. On y reviendra.

A voir : Wanderers by Erik Wernquist

Court métrage sur l'exploration du système système, voix de Carl Sagan

Un nouveau jour se lève pour la colonisation de l'espace proche. A peine l'homme a-t-il maîtrisé le moteur-fusée et les manoeuvres orbitales (à gauche, le rendez-vous entre la capsule habitée Gemini VII vue depuis Gemini VI-A le 15 décembre 1965 à 302 km d'altitude) qu'il débarqua sur la Lune en 1969 et y retournera vers 2025, et s'est déjà fixé pour objectif de débarquer sur Mars vers 2035. Documents Archive, Nick Henning et Erik Wernquist.

L'exploration de Mars semble inévitable, même si on discute encore de l'opportunité d'une mission humaine. Que cette exploration soit remise aujourd’hui en question, cela se conçoit, mais un jour ou l'autre l'homme débarquera sur Mars.

Si on parvient à construire un vaisseau spatial interplanétaire (et plus tard interstellaire) suffisamment performant et donc rapide, ce jour là on pourra envisager de coloniser Mars et plus tard de soulager la Terre de l'avidité de quelques milliards d'individus. Mais Mars reste un monde inhospitalier où il ne fait pas bon vivre.

Serait-il possible à l'avenir de rendre Mars vivable, de créer comme le suggèrent certains auteurs une planète "Génésis" où une opération appelée “terraforming” modifierait sa surface et son atmosphère pour la rendre habitable par l'être humain ? Le projet a suscité des passions mais il s'agit d'un scénario à très long terme nécessitant plusieurs milliers voire de dizaines de milliers d'années d'évolution qui pose autant de questions éthiques que techniques. A priori, si le terraforming de Mars est séduisant, en pratique cela paraît irréaliste. Par conséquent, Mars restera un désert froid et hostile et ne deviendra jamais une planète bleue à l'image de la Terre. On y reviendra en détails.

Dans un lointain futur - dans quelques siècles -, les performances des vaisseaux spatiaux leur permettront d'effectuer des vols relativistes. A nos descendants de résoudre le problème de la propulsion car si nous désirons explorer l'espace nos vaisseaux devront être capables d'accélérations constantes des jours, des mois et des années durant[5]. On y reviendra. A l'heure actuelle nous pouvons accélérer durant quelques minutes seulement, faute d'avoir suffisamment d'hypergols. Lorsque le coût de telles fusées deviendra rentable, l'exploration sidérale pourra réellement débuter à partir des spatiodromes installés sur la Terre, dans l'espace, sur la Lune et sur Mars.

Une colonie minière sur la Lune. Illustration de Pat Rawlings (1993) de Eagle Engineering.

Une colonie sur Mars explorant la région de Ganges Chasma. Illustration de Pat Rawlings (1993).

Mais à moins de découvrir un moyen de transporter rapidement les personnes comme la téléportation, le warp drive (voir page 5) ou un trou de ver, autant de concepts qui semblent impossibles à concrétiser, il ne faut pas s'attendre à un dépeuplement de la Terre, même au su des catastrophes qui peuvent nous arriver.

D'abord un siège à bord d'une fusée ou d'un vaisseau spatial va encore longtemps se payer à prix d'or et sera donc réservé aux plus riches. Pour rappel, en 2001 un séjour de 7 jours à bord de la station ISS coûta 20 millions de dollars à Dennis Tito (cf. le tourisme spatial) et en 2021 un siège touristique à bord d'une fusée de Virgin Galactic coûtait 450000$ pour quelques minutes de vol seulement. De plus, vu les risques d'un tel vol, le retour n'est pas garanti à 100%.

De plus chacun de nous à ses racines sur la Terre et la colonisation de l'espace risque de briser le cordon ombilical de certains. Cette perspective réconforte les biologistes car les conditions de vie sur Terre sont peut-être uniques dans tout l'univers. Elles sont en tous cas propices à notre développement; le climat nous convient, nous avons à portée de main les produits nécessaires à notre métabolisme, nous sommes organisés sur les plans énergétique, sanitaire et socio-économique jusqu'à l'échelle internationale, nous connaissons nos semblables et nous sommes à l'abri des problèmes physiologiques que pose un vol en état d'apesanteur. En outre, les premières bases spatiales seront certainement aussi inconfortables que les plates-formes orbitales d'aujourd’hui ou les bases polaires.

Enfin, il est fort à parier que savoir que le passager devra vivre des semaines sinon des mois dans un vaisseau spatial exigu sujet à d'éventuelles pannes techniques et ensuite passer des mois ou des années dans un abri plongé dans la lumière artificielle sans jamais respirer d'air pur sur un astre inhospitalier ne va pas attirer beaucoup de monde - ceci dit les candidats se comptent quand même par milliers. On y reviendra.

Mais avant de franchir ce pas qui nous conduira à travers le système solaire et plus tard au-delà, décrivons quelles sont les contraintes et les risques de la vie dans l'espace ainsi que les moyens dont nous disposons, les leçons tirées de l'expérience, ainsi que les études ayant déjà été faites dans le cadre de tels projets. Ce sera l'objet des prochains chapitres.

Prochain chapitre

Les contraintes de la vie dans l'espace

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[1] On ne peut pas tout à fait dire que la vie s'est adaptée à son environnement car cela sous-entendrait que le milieu était hostile. Il ne l'était pas puisque certains organismes pouvaient en tirer parti. En réalité la situation est réciproque et les rétroactions de l'un ont influencé l'autre. Consultez La théorie de Gaïa et La faculté d'adaptation.

[2] Consulter également les rapports intitulés “Pioneering the space frontier”, “Space exploration Initiative”, “Space Resources and space settlements” et "Moon to Mars" édités par la NASA ainsi que le rapport “Mission to the Moon” publié par l’ESA.

[3] Space Connection, 13, juillet 1993, p3 (magazine des Services de Programmation de la Politique Scientifique, Bruxelles).

[4] R.Bonnet, “Les horizons chimériques”, Dunod, 1993 - Interplanetary Travel: An Astronomer's Guide, Sten Odenwald, CreateSpace Independent Publ. Platform, 2015

[5 L’efficacité d’un moteur-fusée est liée à la notion d’impulsion spécifique. Ce paramètre traduit le temps pendant lequel le moteur peut fournir une poussée égale au poids de propergols consommés. Pour les mélanges ordinaires, il se calcule en minutes et passe à quelques heures pour la propulsion ionique. Sur la navette spatiale américaine une seconde d’impulsion spécifique de gagnée permet d’augmenter le chargement dans la soute de près de 250 kg.


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