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Le Big Crunch

Le retour au néant

En supposant que l'Univers est né à partir d'un Big Bang et en appliquant les principes de la thermodynamique, nous pouvons présager les conditions d'existence de l'Univers s'il contient suffisamment de matière pour qu'il se referme sur lui-même[1].

En supposant que la densité de l'univers soit deux fois supérieure à sa densité critique, l'Univers existera durant environ 75 milliards d'années avant d'imploser.

Pendant la phase de contraction, nous assisterons aux mêmes évènements que durant la phase d’expansion, aux seules différences près que la détente gravitationnelle n’existera plus et que les trous noirs y joueront un rôle prédominant. Voici un premier scénario possible que nous devons à l’équipe de Martin Rees de l'Université de Cambridge.

Compte tenu de la vitesse d’expansion de l’univers et de la vitesse propre des galaxies du Groupe Local, dans 4.5 milliards d'années, la galaxie d’Andromède M31 et la Voie Lactée se frôleront avec potentiellement un risque de fusion des deux galaxies à long terme. On y reviendra à propos des interactions entre galaxies.

Entre-temps, dans quelque 5 milliards d'années soit 19 milliards d'années après le Big Bang, le Soleil deviendra une géante rouge, s'étendra peut-être jusqu'à la Terre ou Mars avant de disparaître dans la nuit des temps sous forme d'étoile naine.

Dans 60 milliards d'années, la température de l'Univers sera tombée en dessous de 1 K. L'univers aura quadruplé de taille par rapport à aujourd'hui, l'horizon cosmologique sera à 60 milliards d'années-lumière, le rayon réel de l’Univers étant peut-être supérieur à 1025 années-lumière. Ce jour là, la force gravitationnelle sera lentement parvenue à contrebalancer la force herculéenne qui déclencha l'expansion de l'Univers. Les galaxies proches devenues immobiles présenteront un spectre semblable aux spectres statiques obtenus en laboratoire. Seules les plus lointaines galaxies continueront à nous fuir. Ensuite, inexorablement tous les objets du ciel se rapprocheront de nous. L'Univers entrera dans sa phase de contraction.

Toutes les étoiles de type solaire se seront transformées en étoiles naines, les plus massives en étoiles neutrons ou en trous noirs.

Pendant quelque 14 milliards d'années, les galaxies se rapprocheront les unes des autres sans provoquer d'effets particuliers; l'Univers sera semblable à ce qu'il est aujourd'hui. Seule différence, les objets présenteront non pas des raies spectrales décalées vers le rouge, mais bien vers le bleu et les plus courtes longueurs d'ondes. Beaucoup d’objets du ciel profond paraîtront plus bleutés et plus brillants qu’ils ne sont en réalité. Plus tard, des galaxies invisibles apparaîtront à la limite de la puissance des télescopes. Ces objets reviendront de l'horizon cosmologique.

Les grandes étapes du Big Crunch. Cliquer sur l'image pour lancer l'animation.

A mesure que l'Univers se rétrécira, le gaz interstellaire s'accumulera en poches de plus en plus denses. Pendant quelques milliards d'années, de nouvelles étoiles pourront naître à partir de ces condensations. Cependant, les jeunes étoiles survivront le temps de leur vingt ans, le combustible étant devenu beaucoup trop lourd pour réagir. Elles ne pourront finalement pas éviter les collisions qui deviendront très fréquentes. Le ciel nocturne sera parsemé d'étoiles et bientôt le ciel scintillera durant la journée. Les amas de galaxies seront tellement rapprochées que la plupart d'entre eux fusionneront pour former de gigantesques structures unies par la gravitation. La température de l'univers remontera à environ 3 K.

Finalement, faute de combustible, toutes les étoiles disparaîtront et se transformeront en corps inertes de plus en plus froids et sombres.

Vers 74 milliards d'années après le Big Bang soit 1 milliard d'années avant le Big Crunch, notre univers visible aura retrouvé sa taille actuelle, soit environ 14 milliards d'années-lumière de rayon. La température sera remontée à 300 K. A partir de cette époque, s'ils existent encore, les organismes vivants seront en sursis.

100 millions d'années avant le Big Crunch, l'Univers sera devenu 1000 fois plus petit qu'aujourd'hui. Toutes les galaxies à présent constituées d'étoiles mortes et de trous noirs fusionneront pour former d'immenses structures maintenues par la gravitation.

900000 ans avant l’effondrement final, la température sera de 10000 K. L'énergie de l'Univers dépassera les 13.6 eV fatidiques et ionisera les premiers atomes d'hydrogène. Les molécules se dissocieront de la matière, électrons et protons redeviendront libres. Comme à l'époque du Big Bang, l'Univers redeviendra opaque, tout ne sera que lumière.

500000 ans avant le Big Crunch, la température sera de 3000 K. Le ciel de nuit (et de jour) sera légèrement lumineux, baignant dans une faible lueur rougeâtre.

Un an avant l’effondrement, les trous noirs seront tellement rapprochés que les plus massifs fusionneront. On peut imaginer qu'au sein de telles entités l'effondrement soit parvenu jusqu'à la singularité quelques millions d'années avant la fin ultime de l'Univers.

A un demi-million d'électronvolts, tous les atomes éjecteront leurs électrons avant d'être détruits. Les atomes seront désintégrés en particules élémentaires, électrons, protons, neutrons en libérant des photons. Un rayonnement intense envahira l'espace. Si les trous noirs sont aussi nombreux que le supposent les astrophysiciens, ils seront capables à cette époque d'engloutir des galaxies entières. La masse d'hydrogène ainsi libérée prendra des allures de filaments étirés par la vitesse de contraction de l'Univers. Les rares corps isolés dans l'espace s'effriteront et s'évaporeront. Les trous noirs auront une masse supérieure à plusieurs milliards de fois celle d'une galaxie et libèreront des ondes gravitationnelles dantesques.

1 mois avant le Big Crunch, la température sera de 1 million de kelvins, la taille réelle de l’univers pouvant encore atteindre 1020 années-lumière. Le niveau d'énergie vaporisera tous les corps célestes. Seuls les neutrinos, les protons et les neutrons existeront encore, formant un plasma qui commencera à envahir l'espace. Cette énergie sera en mesure de créer des antiparticules.

Tout en se contractant, le niveau d'énergie de l'Univers atteindra progressivement des millions d'eV. Etant donné que l'espace se rétrécira, le rayonnement au début visible se décalera vers l'ultraviolet, puis vers les rayons X et les rayons gamma.

Trois minutes avant le Big Crunch, les trous noirs supermassifs fusionneront ensemble.

10 secondes avant le Big Crunch, la température atteindra 10 milliards de kelvins. Dans une phase finale très accélérée qui durera une fraction de seconde, le rayonnement abandonné dans un espace de quelques milliards d’années-lumière voire bien davantage sera absorbé par les trous noirs qui finiront également par exploser en libérant toute leur énergie.

Un milliardième de seconde avant l'effondrement final, lorsque la température atteindra 10000 milliards de kelvins, les protons et les neutrons disparaîtront à leur tour, laissant la place aux quarks. Les interactions fondamentales se recombineront.

Finalement, 10-43 seconde avant le Big Crunch la gravité se combinera aux autres interactions et l'espace-temps se désintégrera en ses composants élémentaires.

Contrairement à ce que pense l’écrivain anglais Douglas Adams[2], nous n’aurons pas le temps d’aller dans "Le dernier restaurant avant la fin du monde". Lorsque ce temps là arrivera, la taille de l’Univers pourrait passer d’un million de milliards (1015) d’années-lumière à quelques millions de kilomètres en moins d’une seconde ! Autant dire que l’espace sera entièrement circonscrit dans une singularité. Pfff..., et l’Univers dispar....

Que se passera-t-il ensuite ? Nul ne le sait. Tant que les théoriciens ne parviennent pas unifier la théorie de la relativité et la physique quantique, ce qui se passe au temps de Planck fera encore longtemps l'objet des spéculations les plus débridées.

L'avenir de l'univers

C'est la densité de matière contenue dans l'univers qui détermine son avenir. A l'heure actuelle les données recueillies ne permettent pas de choisir un scénario plutôt qu'un autre. Aussi la question de savoir comment l'univers finira demeure une énigme. Document NCSA.

L’Univers oscillant

Cette échéance du Big Crunch qui paraît inévitable nous rend mal à l'aise quand on pense au devenir de l'humanité. Aussi, Friedmann dès 1922 puis Lemaître en 1927 et Tolman en 1934[3] proposèrent que l'Univers pouvait à nouveau rebondir à cet instant pour renaître et recréer le "Monde". Un nouveau cycle débuterait et tout l'évolution de la vie recommencerait. Georges Lemaître dénomma ce processus "l'univers phoenix".

Notons que plusieurs philosophies et religions orientales partagent cette conception de l'Univers. Cette théorie est connue sous le nom d'Univers oscillant ou cyclique. C'est une des solutions finales du modèle cosmologique homogène et isotrope FRW.

Pour sa part, dans le dialogue de l’étranger dans "Le Politique", Platon avait déjà émis l’hypothèse que l’univers oscillant était une "conséquence naturelle du règne de Chronos". Une fois encore la philosophie de Platon ressemble étonnamment à la cosmologie moderne[4].

Mais personne ne peut véritablement se prononcer sur la viabilité d'un tel processus. Sommes-nous les descendants d'un hypothétique second Big Bang ? Qui peut le dire ? Où trouverait-on les preuves ? Dans une accumulation du rayonnement ? Mais que savons-nous des propriétés de la matière lorsqu'elle est confinée dans une singularité, où la densité infinie est telle que les lois physiques que nous manipulons ne sont plus valables... Si les lois sont conservées, l'accumulation du rayonnement doit impliquer une augmentation progressive de la durée de chaque cycle ainsi que du rayon de l'Univers (car le rayonnement émis par les étoiles doit entraîner une augmentation du nombre de photons par baryon). En fait, nous pouvons imaginer n'importe quel scénario sans vraiment nous tromper.

C'est un jeu auquel se sont déjà livrés avant nous les Grecs, les Romains et quelques astronomes et physiciens contemporains tels Thomas Gold[5] qui inverse la ligne du temps et des évènements ou John Wheeler qui invente un "superespace"[6] qui réinitialise toute la physique à chaque Big Bang.

Nous verrons que Roger Penrose a également proposé une théorie de ce genre en 2006 appelée la théorie cosmologie cyclique conforme (CCC) ou le multivers oscillant. Mais à ce jour, elle est rejetée par la majorité des scientifiques car trop spéculative et les rares prétendues preuves sont peu convaincantes.

Tout aussi (in)concevable, Dicke et Peebles imaginent des théories où l'Univers a le potentiel de se reproduire lui-même, créant des Univers multiples à partir de particules virtuelles issues du vide quantique. Hawking, après avoir soutenu l'existence d'une symétrie totale entre la phase de dilatation et la phase de contraction de l'Univers a changé d'avis en 1988 après avoir discuté avec ses collègues Don Page et Raymond Laflamme.

Hawking prédit[7] que lorsque l'Univers se contractera, la vie aura nécessairement disparu, appliquant en cela le principe anthropique faible. De ce point de vue il s'agit d'un idéalisme spirituel, sujet de réflexion sur lequel nous reviendrons à propos de la philosophie.

L'univers oscillant

Si les lois sont conservées, l'accumulation du rayonnement à Big Crunch doit impliquer une augmentation progressive de la durée de chaque cycle ainsi que du rayon de l'Univers. Mais qui pourra jamais confirmer cette hypothèse... ?

Hawking pensait que la contraction de l’Univers serait l’image parfaite mais symétriquement inversée de son expansion. Toutefois durant cette phase l’Univers sera bien différent de ce qu’il était dans le passé, tant sur le plan chimique que physique.

A partir des années 1950, plusieurs physiciens ont démontré que la nature privilégiait la matière au détriment de l’antimatière, en particulier dans les interactions faibles, ce qui fut ensuite confirmé à travers un grand nombre de lois de probabilités. Hawking reconnut là avoir fait sa “plus grande erreur”.

En résumé Hawking souligne que la vie se nourrit d'éléments organisés qu'elle convertit en énergie, ce qui augmente le désordre général de l'Univers (l'entropie). S'ajoute à cela que l'activité de notre cerveau dégage aussi une certaine énergie qui s'en va augmenter l'entropie de l'Univers. Etant donné que dans la phase de contraction de l'Univers les modèles quantiques stipulent que le désordre continuera à croître, la vie intelligente ne pourrait exister lorsque la flèche dite cosmologique (l'évolution de l'Univers) sera à contre sens de la flèche thermodynamique (l'entropie) et psychologique (activité cérébrale) du temps. En clair, en phase de contraction l'Univers en désordre ne permettra plus le développement de la vie...

Cependant il est faux de considérer que le cerveau agit comme un ordinateur effectuant des opérations logiques pouvant être abstraites et dès lors irréversibles. L'exemple communément utilisé est celui d'une simple addition : 3 + 3 = 6 est vrai mais 6 peut être la somme de plusieurs autres termes, par exemple 6 = 1 + 2 + 3 est également vrai. Cette opération logique abstraite est réversible. S'il est toutefois difficile d'appliquer ce raisonnement pur à l'activité du cerveau, nous devons reconnaître que la flèche psychologique du temps n'est pas nécessairement orientée vers l'irréversibilité en raison du 2e principe de la thermodynamique.

La théorie ekpyrotique ou la Grande Éclaboussure

Il existe une autre version de l'univers oscillant ou cyclique. Si on accepte l'idée d'une expansion infinie des galaxies mais sans pour autant souscrire à la théorie du "Big Freeze", dans un futur très lointain, les galaxies seront si éloignées les une des autres que la lumière de l'une ne pourra jamais atteindre l'autre. En fait, un moment viendra où il n'y aura même plus de lumière ni de chaleur du tout. L'univers sera un espace sombre, froid et vide comme l'imaginait de Sitter.

Cela ressemble à la fin des temps, mais il se peut que ce soit en fait le début du prochain univers dans un cycle oscillant sans fin. C'est exactement ce que prédit la théorie des branes (cf. l'univers à 11 dimensions) lorsqu'une brane froide et vide entre en collision avec une autre - ce qui, avec suffisamment de temps, finira par se produire.

Les cosmologistes Neil Turok et Paul Steinhardt pensent qu'une telle collision générerait suffisamment d'énergie pour créer un tout nouvel univers. Ils appellent cela la "théorie ekpyrotique", bien que le physicien Michio Kaku l'ait surnommée de manière plus évocatrice le "BigSplat" (la Grande Éclaboussure).

Nous verrons qu'il existe une autre évolution possible de l'Univers qui va totalement en sens opposé au Big Crunch, c'est l'expansion infinie qui aboutit au concept de "Big Freeze", le Grand Froid, qui finalement n'est pas plus enviable. Nous verrons également quelles solutions nous propose Freeman Dyson pour survivre dans de telles conditions.

Pour plus d'informations

Le Big Freeze

La vie selon Freeman Dyson

La théorie du Big Bang

Un Univers à partir de rien (en anglais), Lawrence Krauss, 2015, YouTube.

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[1] P.Davies, “Le Big Crunch”, Hachette, 1998 - J.-P.Luminet, "Le destin de l'univers", Fayard, 2006, pp.520-521.

[2] D.Adams, “Le dernier restaurant avant la fin du monde”, Denoël, n°351, 1982, p87 et suivantes.

[3] A.Friedmann, Zeitschrift für Physik, 1922, op.cit. (dans lequel il développe son premier modèle d'univers) - R.Tolman, "Relativity, Thermodynamics and Cosmology", Clarendon Press, Oxford, 1934, p439.

[4] Lire également le roman de Lewis Carroll, “Sylvie et Bruno”, Seuil, 1972 qui relate la vie à rebours d’une personne dans un monde qui va de l’avant.

[5] T.Gold, American Journal of Physics, 30, 1962, p403

[6] J.Wheeler, "SuperSpace and the Nature of Quantum Geometrodynamics", Battelle Rencontres : 1967, op.cit., p278.

[7] S.Hawking, "Une brève histoire du temps", Flammarion, 1989, p188.


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