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L'accélération de l'expansion de l'univers

Contours de 68.3% et 95.2% de certitude de la constante de Hubble (Ho) en fonction de la densité de matière (Ωm) dans le modèle ΛCDM plat. Les mesures tiennent compte des données de Planck sur le rayonnement cosmologique (CMB), des BAO proches (0.1 < z < 2), des BAO lointains (jusqu'à z = 2.34) et des vides dans les grandes structures cosmiques. Consultez le texte pour les explications. Document S.Nadathur et al. (2020).

Mesure de la distribution des grandes structures cosmiques (II)

Et si nous utilisions une autre méthode pour départager les mesures du taux d'expansion de l'univers et obtenir des mesures de meilleure qualité ? Telle est en gros le défi que se sont donnés les cosmologistes Seshadri Nadathur de l'Institut de Cosmologie et de Gravitation de l'Universié de Portsmouth et ses collègues pour tenter de comprendre les implications cosmologiques de ce phénomène. Les résultats de leur étude furent publiés dans les "Physical Review Letters" en 2020.

Jusqu'à présent toutes les études sur l'accélération du taux d'expansion de l'univers étaient fondées sur les mesures de distance des supernovae de Type Ia (SNe Ia) déduites de leur luminosité apparente. Cette fois, Nadathur et ses collègues sont partis du principe cosmologique selon lequel les grandes structures cosmiques sont réparties de façon isotrope et homogène et ne sont pas distribuées au hasard. Ils ont ensuite exploité les équations sur l'état de l'univers pour calculer les paramètres cosmologiques.

Ils ont donc changé de "chandelle standard" et utilisé comme étalon la taille des grandes bulles vides (les bulles d'Hubble ou voids) omniprésentes dans la structure à grande échelle de l'univers. Ensuite, ils ont analysé la distribution des noeuds ou des filaments dans lesquels se rassemblent les galaxies et les amas de galaxies autour de ces vides cosmiques.

Rappelons que ces filaments sont le résultat des surdensités d'énergie originelles qu'a notamment découvert le satellite COBE dont la carte du rayonnement cosmologique à 2.7 K (CMB) fut affinée par WMAP et Planck comme expliqué dans l'article consacré aux missions de ces trois satellites. 

Cette carte est à l'image de la membrane d'un tambour sepoudrée de grains qui en vibrant à certaines fréquences crée un motif. Dans le cas de l'univers, à la gravité qui attirait la matière (les baryons) s'opposait la pression de radiation du rayonnement. Ces forces antagonistes engendraient des vibrations appelées des oscillations acoustiques baryoniques (BAO). En se propageant dans ce milieu plus ou moins dense à travers le temps, les BAO ont donné naissance ici et là à des galaxies ou à des vides, formant la structure actuelle de l'univers.

A partir de modèles ΛCDM prédisant la taille des vides et la distribution des grandes structures cosmiques à différentes distances (redshift) ou époques, les chercheurs ont comparé ces prédictions à leurs propres mesures, indépendantes des données sur les supernovae et sur le rayonnement cosmologique. Ils ont montré que la valeur de la constante de Hubble (Ho) varie en fonction de la distance des BAO ! Ainsi, pour les distances "proches" (0.1 < z < 2), Ho = 72.3 ±1.9 km/s/Mpc alors qu'en ajoutant des BAO plus éloignés (jusqu'à z = 2.34), Ho = 69.0 ±1.2 km/s/Mpc. Comme on le voit dans le diagramme présenté à droite, les mesures obtenues sur les BAO proches combinées aux SNe Ia et aux Céphéides sont en orange, celles combinant les BAO lointains sont en bleu. Ces dernières sont plus proches des mesures de Planck (en mauve).

Les mesures fournissent indirectement une estimation de la densité de matière (Ωm), de la constante de Hubble (Ho) et d'autres valeurs comme le paramètre de densité (ΩΛ = 0.60 ±0.058 soit 22% plus faible que la valeur calculée à partir des SNe Ia).

En résumé, les chercheurs ont trouvé une discordance entre les données de l'Univers proche ou tardif représenté par les données des SNe Ia et des Céphéides combinées aux BAO proches et celles de l'Univers lointain ou jeune représenté par les données de Planck et les BAO associées. Les chercheurs confirment que l'expansion de l'univers tardif s'est accélérée. En complément, ils confirment l'absence de courbure de l'univers.

Leurs conclusions sont claires : "L'ajout des vides aux données du CMB, des BAO et des supernovae améliore considérablement la mesure de l'équation d'état de l'énergie sombre, augmentant le facteur de mérite de plus de 40% , tout en restant cohérent avec le modèle ΛCDM plat" (entendons par facteur de mérite la qualité des données).

Toutefois, la différence entre Ho dans l'univers proche et dans l'univers lointain reste inexpliquée et fera certainement l'objet de nouvelles études très intéressantes.

Vers une révision du modèle cosmologique Standard

Pour expliquer l'accélération de l'expansion de l'Univers, certains auteurs n'ont pas hésité à proposer une révision des lois fondamentales de la physique au-delà du modèle cosmologique Standard, évoquant parmi d'autres causes une dépendance du temps, une nouvelle physique de la gravitation plus complète que la relativité générale, l'existence de nouvelles particules relativistes à l'époque de l'univers primordial (le "rayonnement sombre") dont pourrait faire partie les neutrinos ou un courbure non nulle de l'univers. A l'heure actuelle, les quelques études basées sur ces hypothèses n'ont pas été concluantes et en tous cas aucune d'elle n'est confirmée dans les faits, que ce soit en laboratoire ou par l'observation du cosmos.

En revanche, comme Sarkar l'a évoqué, cette accélération de l'expansion pourrait être un effet de l'énergie sombre dont les caractéristiques restent mystérieuses. Elle représente aujourd'hui la pierre d'achoppement de l'univers contre laquelle les physiciens butent car sans elle on ne peut pas expliquer la distribution des grandes structures cosmiques que sont les amas et superamas de galaxies.

A l'heure actuelle, aucune de ces hypothèses n'est exclue si ce n'est que depuis qu'ils travaillent sur le sujet Riess et ses collègues s'en sont toujours tenus au principe du "rasoir d'Occam" et "préfèrent une théorie simple plutôt que complexe. Dans le cas de l'énergie sombre, il n'existe actuellement aucune explication simple, laissant les mesures directes comme seules guides parmi les nombreuses explications complexes ou fortement ajustées." Autrement dit, ils s'en tiennent aux faits et tentent d'expliquer cette accélération inattendue dans le cadre du modèle cosmologique actuel ΛCDM sans faire appel à des théories ad hoc.

Que savons-nous aujourd'hui de l'expansion de l'univers ? Pour cerner cette question, il faut d'abord que tous les astronomes utilisent les mêmes méthodes de travail ou des protocoles compatibles afin que les données soient homogènes voire interchangeables entre équipes scientifiques. Or pendant des années ce ne fut pas le cas et chaque équipe de chercheurs proposait ses valeurs sans que les autres équipes ne puissent les recouper ou les confirmer, d'où la marge importante d'incertitude autour de la valeur de la constante de Hubble.

Calculettes : Cosmological Calculator (modèle ΛCDM) - Cosmology calculator (ICRAR)

Diagrammes de Hubble représentant la distance en fonction du décalage Doppler des objets célestes. A gauche, les différentes chandelles standards mesurées dans le cadre du "HST Key Project". Le gradient de la pente est de 72 km/s/Mpc. Les valeurs sont trop dispersées sur ces sondages pour déterminer si l'univers est en expansion à vitesse constante ou accélérée. Au centre et à droite, les résultats des études de Riess et al. de 1998 et Perlmutter et al. de 1999 des supernovae de Type Ia et à grand décalage Doppler. La ligne magenta représente les valeurs du modèle Einstein-de Sitter constitué uniquement de matière baryonique. La ligne noire comprend 20% de matière sans énergie sombre tandis que la courbe turquoise comprend 30% de matière et 70% d'énergie sombre. Cette dernière est en accord avec les observations et signifie également que le taux d'expansion augmente de manière accélérée. Documents Wendy Freedman et R.Kirshner adaptés par l'auteur.

Ceci dit, quand ces données sont homogènes, Saul Perlmutter et ses collègues dont Adam Riess ont confirmé après avoir étudié les redshifts et les courbes lumineuses de dizaines de supernovae de Type Ia (ce qui permit de calculer leur distance et le rapport entre la pression et la densité du milieu intergalactique) ainsi que le décalage Doppler d'autres types de supernovae très éloignées (High-z SN) qu'elles étaient ~30% plus pâles que prévut et s'éloignaient donc plus rapidement que le modèle Einstein-de Sitter le prévoit.

Comme le montre le graphique présenté ci-dessus à droite, cette accélération de l'expansion aurait démarré vers z=0.5 ou même z=1, il y a 5 voire même 8 milliards d'années. L'époque exacte n'est pas précise car elle dépend de la contribution des composantes sombres (matière noire et énergie sombre) mais également comme nous l'avons évoqué, d'un possible effet d'extinction sur la ligne de visée créé par la poussière ou un phénomène d'assombrissement lié à l'explosion des supernovae. Il faut donc affiner et recouper ces données avec celles d'un plus grand nombre de supernovae mais également d'autres chandelles standards, ce qui est à l'ordre du jour des programmes actuels et à venir.

SN 2011fe qui explosa dans la galaxie M101 de la Grande Ourse située à 21 millions d'années-lumière était de Type Ia. Elle atteignit la magnitude visuelle 9.9. Doc B.J.Fulton/LCO/GTN.

En fait, si quelque chose a déclenché cette accélération de l'expansion vers z=1, c'est à cette distance qu'il faut rechercher des supernovae. Or, à de telles distances leur luminosité et donc leur spectre est à la limite des possibilités instrumentales actuelles. Ceci dit, les très grands télescopes du futur devraient pouvoir les étudier, d'où l'intérêt des résultats de la future expérience CODEX du ELT.

Suite à cette découverte, les scientifiques proposèrent d'introduire dans les équations la contribution de la fameuse constante cosmologique Λ associée à la matière sombre qui est aujourd'hui intégrée et représente une partie essentielle du modèle ΛCDM.

Peu après, l'analyse du rayonnement cosmologique grâce aux satellites WMAP et Planck (2008 et 2015) révéla que quelque 380000 ans après le Big Bang, le jeune univers contenait déjà les germes des futures grandes structures cosmiques. Malheureusement, un premier sondage (2dF GRS) effectué en 2002 par George Efstathiou de l'université de Cambridge (Ma.) et son équipe montra que la distribution d'un échantillon de 221283 galaxies ne pouvait pas être directement corrélée avec la carte du rayonnement cosmologique. En revanche, ils ont fait une importante découverte. Sur base de l'analyse du rayonnement des SNe Ia, il était possible d'envisager une correspondance à condition de tenir compte d'une constante cosmologique non nulle (celle équivalent à l'énergie du vide ΩΛ),c'est-à-dire une composante inconnue et invisible qui manque toujours à l'inventaire des physiciens.

Comme nous l'avons expliqué à propos de la matière et l'énergie sombres que nous résumerons par le terme générique d'énergie sombre puisque finalement tout n'est qu'une forme d'énergie, le bilan de toute la matière baryonique contenue dans l'univers indique qu'elle représente environ 4.9% de la densité de l'univers. Et donc qu'environ 95% de la densité de l'univers se compose de ce qu'on dénomme dorénavant la "matière noire" ou "l'énergie sombre". Sa contribution est donc indispensable si on veut établir un modèle cosmologique prédictif fiable.

De plus, c'est cette énergie sombre qui assure la cohésion des galaxies et des amas comme le montre très bien le rapport Masse/Luminosité de ces objets qui dépasse régulièrement 10Y et même 300Y et atteint exceptionnellement 1200Y soit 1200 fois la masse calculée à partir de la seule contribution des objets d'origine stellaire (lumineux) !

Des contraintes sur la nature de l'énergie sombre

Cette nouvelle valeur de la constante de Hubble permet de tester et contraindre les propriétés de l'énergie sombre. On sait que l'univers est en expansion, qu'il était plus dense dans le passé et qu'une énergie sombre affecte le paramètre de Hubble depuis probablement la nuit des temps. A l'époque de l'univers primordial, le paramètre de Hubble était petit et la matière influençait donc plus fortement l'environnement qu'aujourd'hui en raison de sa densité d'énergie plus élevée. Aujourd'hui, cette énergie sombre domine, produisant une force répulsive à travers l'espace, le paramètre de Hubble est plus élevé conduisant à une accélération de l'expansion. C'est du moins l'explication logique déduite du modèle ΛCDM.

Contraintes sur la densité d'énergie sombre sur base des valeurs des paramètres cosmologiques (densité de matière, densité critique, constante cosmologique, constante de Hubble) mesurées par différentes méthodes (effet Doppler des supernovae à haut redshift, fond diffus à 2.7 K, etc). Document A.V.Vikhlinin et al. adapté par l'auteur.

Reste à comprendre pourquoi l'expansion de l'univers a soudainement subi une accélération, pourquoi pas plus tôt et quel type de changement l'a provoqua ? Pour l'instant, ces questions demeurent sans réponse, s'ajoutant aux autres grandes questions ouvertes de la physique.

A l'heure actuelle les astronomes peuvent étudier l'univers à partir de 380000 ans après le Big Bang. Avant cette époque, l'univers est opaque et pratiquement inaccessible à l'observation (pour étudier cette phase primordiale, il fut donc utiliser des méthodes alternatives comme l'étude des particules élémentaires à hautes énergies).

A partir de 380000 ans, les astronomes peuvent fixer des limites sur la nature et donc les propriétés de l'énergie sombre qui a provoqué l'accélération de l'expansion. Ces contraintes sont dérivées des mesures du rayonnement cosmologique à 2.7 K. Les résultats sont compatibles avec la plus simple interprétation de la nature de l'énergie sombre. Il s'agit de l'équivalent mathématique de la constante cosmologique d'Einstein qui provoqua l'effondrement de son modèle d'univers et qu'il supprima après qu'Alexandre Friedmann ait démontré en 1922 que l'univers pouvait être homogène et isotrope tout en étant en expansion.

Comme nous l'avons dit, la nouvelle constante cosmologique est similaire à l'énergie du vide déjà entrevue au cours de l'inflation de l'univers. La différence est que sa valeur est trop faible et doit être quelque 1060 fois supérieure pour rendre compte des observations et que cette force n'est plus générée par un champ de Higgs (ou d'inflaton) comme à l'instant du Big Bang mais par une énergie sombre inconnue. Mais dans les deux cas, son effet est répulsif et bien plus intense que le champ gravitationnel.

Grâce à la nouvelle valeur de la constante de Hubble, aujourd'hui la constante cosmologique est trois fois plus petite qu'auparavant. Mais cela ne résout toujours pas la question de la nature de cette énergie sombre.

En réduisant encore plus l'incertitude sur la constante de Hubble, l'éventail des alternatives qui s'offre aux physiciens pour décrire la nature de l'énergie sombre devient plus étroit : soit il s'agit d'une nouvelle constante cosmologique et peu d'entre eux aiment ça, soit c'est un champ dynamique comme le fut la force répulsive qui dirigea l'inflation. A l'avenir des mesures encore plus précises permettront probablement d'affiner notre choix.

D'autres théories

Enfin, certains chercheurs évoquent des théories alternatives pour expliquer l'expansion accélérée de l'Univers. Non pas une nouvelle physique comme la théorie MOND ni un effet de l'énergie sombre mais soit un autre modèle soit un autre paramètre négligé jusqu'à présent dans les modèles cosmologiques.

L'effet des fluctuations du vide

Le physicien Qingdi Wang de l'Université de Colombie Britannique (UBC) et son équipe ont proposé en 2017 que l'expansion accélérée de l'Univers serait l'effet des fluctuations de la densité d'énergie du vide à l'échelle quantique.

Les simulations réalisées par les chercheurs montrent qu'au niveau subatomique, en chaque point de l'espace l'univers fluctue entre expansion et contraction. A mesure que le temps passe, les deux effets s'annulent presque mais il reste un très petit bilan net positif qui force l'univers à s'étendre lentement à un rythme accéléré.

Mais si l'univers fluctue, on peut alors se demander pourquoi ne le ressentons-nous pas ? En fait, selon les chercheurs, cela se produit mais à des échelles tellement microscopiques, des milliards de milliards de fois plus petites que la taille des électrons, qu'on ne le ressent pas.

A gauche, selon Qingdi Wang et son équipe, l'expansion accélérée de l'Univers serait l'effet des fluctuations de la

densité d'énergie du vide à l'échelle quantique. Illustration intitulée "Particules élémentaires" de

Agsandrew/Shutterstock. A droite, un modèle concurrent dans lequel sont comparées de manière Bayésienne les

données des supernovae de Type Ia dans les cosmologies ΛCDM et Timescape (TS). L'axe vertical représente le

module de distance résiduel µΛCDM(z) − µvide(z) en vert et µTS(z) − µvide(z) en orange pour une même valeur du paramètre de Hubble, Ho. Les deux modèles montrent une accélération récente après une décélération.

Toutefois, dans le modèle Timescape, si l'accélération cosmique n'est pas nulle elle est d'une amplitude marginale

qui n'est pas un effet réel mais apparent. Document David Wiltshire et al adapté par l'auteur.

Le modèle Timescape

Dans une nouvelle étude publiée en 2017 par David Wiltshire de l'Université de Canterbury à Christchurch en Nouvelle Zélande et son équipe dans les "MNRAS" (en PDF sur arXiv), les chercheurs estiment que l'expansion accélérée de l'Univers n'est peut-être pas réelle mais serait un effet apparent. En effet, selon les conclusions des chercheurs, les données des supernovae de Type Ia s'ajustent mieux à un modèle d'Univers sans énergie sombre qu'au modèle standard ΛCDM. Wiltshire et ses collègues ont dénommé leur théorie le modèle "Timescape" (le paysage temporel).

L'équation de Friedmann représente un modèle simplifié de l'Univers dans lequel l'espace est vide et l'expansion est identique à celle d'un espace sans structure compliquée. Or, l'Univers que nous observons est une véritable toile cosmique dans laquelle sont enchevêtrées des milliers d'amas de galaxies dans des feuilles et des filaments de matière entourant de nombreuses bulles vides. Selon Wiltshire "jusqu'à présent les études ont ignoré un point essentiel : si l'énergie sombre n'existe pas, l'alternative probable est que la loi d'expansion moyenne ne suit pas l'équation de Friedmann".

Plutôt que de comparer le modèle cosmologique standard ΛCDM à un univers vide, les chercheurs ont comparé les données des supernovae de Type Ia du modèle ΛCDM à celle du modèle Timescape sans énergie sombre. Ils se sont alors aperçus que le battement des horloges portées par les observateurs dans les galaxies de leur nouveau modèle était sensiblement différent de celui des horloges du modèle standard. Conclusion : l'accélération de l'expansion de l'Univers dépend fortement de l'horloge utilisée.

Si le modèle Timescape semble mieux s'ajuster aux faits que le modèle Standard, malheureusement les preuves statistiques ne sont pas encore suffisantes ni significatives (7-9σ) pour départager les deux modèles. Mais les futures missions spatiales telle celle du satellite Euclide de l'ESA prévue vers 2020 devrait permettre de distinguer le modèle cosmologique Standard des autres modèles et aider les scientifiques à décider si l'énergie sombre existe réellement ou non.

Serait-ce un effet local ?

Selon une étude publiée dans les "Physics Letters B" en 2020, les chercheurs de l'Université de Genève" (UNIGE) ont montré que dans une sphère de 40 Mpc de rayon autour de la Voie Lactée soit ~260 millions d'années-lumière de diamètre, le volume dans lequel les étalonnages des SNe Ia avec les Céphéides et les ancres de distance absolue ont été réalisés, si la densité moyenne de matière est deux fois moins importante que dans le reste de l'univers, cette hypothèse résout l'énigme de l'expansion accélérée de l'univers. Explications.

Selon le physicen théoricien Lucas Lombriser, coauteur de cette étude, "l'univers n'est pas aussi homogène qu'on le prétend. Si nous étions dans une sorte de "bulle" gigantesque où la densité de matière était nettement inférieure à la densité moyenne de l'univers, cela aurait des conséquences sur les distances des supernovae et, finalement, sur la détermination de Ho".

A gauche, la galaxie spirale M63 surnommée le "tournesol" (sunflower) appartenant au groupe de M51. Située à 37 millions d'années-lumière, elle mesure ~10'x6' et brille à la magnitude visuelle de +8.6. Deux supernovae furent observées dans cette galaxie (SN 1971I et SN 2017dfc). A droite, M106 alias NGC 4258, une galaxie de Seyfert (un quasar) située à 25 millions d'années-lumière. Elle mesure 19'x8' et brille à la magnitude visuelle de +8.4. Deux supernovae furent observées dans cette galaxie (SN 1981K et SN 2014bc qui figure sur cette photo au dessus du noyau). Documents Iván Eder et Lásló Szeri. Voici l'image de M106 sans la supernova.

Selon les chercheurs, les inhomogénéités observées à l'échelle de 40 Mpc atteignent facilement 40% et plus. Dans ce contexte, les taux d'expansion divergents témoignent de la présence d'une région "locale" peu dense. Selon Lombriser, "La probabilité qu'il y ait une telle fluctuation à cette échelle varie entre 5 et 20%, ce qui signifie que ce n'est pas un fantasme de théoricien. Il y a beaucoup de régions comme la nôtre dans le vaste univers". Conclusion, selon les chercheurs, la meilleure explication semble être que l'univers est peu homogène à l'échelle locale et biaise les résultats appliqués à l'univers considéré dans son ensemble.

Compte tenu des données de Planck qui fixe Ho = 67.8 km/s/Mpc, la probabilité de trouver ce taux d'expansion local est de 95%. Il existerait donc une cohérence limite entre les mesures de la constante de Hubble locales et celles de Planck. Compte tenu de l'incertitude environnementale, la mesure locale peut être réinterprétée comme une contrainte sur la constante de Hubble.

Mais de nouveau, tous les chercheurs ne partagent pas cette idée. Certains affirment, données à l'appui, que l'accélération récente du taux d'expansion de l'univers est bien réel. Reste maintenant à l'expliquer...

En guise de conclusion

Le débat est loin d'être clos. Non seulement les astronomes ont besoin de plus de données sur les supernovae de Type Ia mais ils doivent aussi avoir une meilleure compréhension de leurs propriétés qui limite actuellement la précision avec laquelle elles peuvent être utilisées comme chandelles standards. A cet égard, le modèle Timescape a mis en évidence des effets inattendus significatifs qui n'apparaissent pas quand on se limite à une seule loi d'expansion de l'Univers. Par conséquent, même en tant que modèle simplifié, la cosmologie du modèle Timescape fournit un outil puissant pour tester notre compréhension actuelle et apporte un nouvel éclairage sur les questions fondamentales de la cosmologie.

En revanche, si le modèle Timescale s'avère faux - mais nous ne le saurons pas avant les premiers résultats du satellite Euclide - il restera soit le modèle ΛCDM soit à repenser le modèle cosmologique sur de nouvelles bases et pourquoi en prenant au sérieux la théorie des univers multiples. On y reviendra.

Pour départager les théories, l'idéal serait de trouver de nouvelles méthodes pour déterminer les paramètres cosmologiques, en particulier ceux du modèle ΛCDM de manière indépendante, sans recourir aux supernovae ou au rayonnement cosmologique. L'analyse des grandes structures cosmiques par Nadathur et ses collègues précités est un pas dans ce sens.

A l'avenir, si nous parvenons à déterminer la quantité initiale totale de matière contenue dans l'univers, c'est-à-dire la matière baryonique et les parts de matière et d'énergie sombres, nous pourrons élaborer une recette complète et détaillée de l'univers. Avec ces ingrédients on pourra mesurer les paramètres cosmologiques quelques instants après le Big Bang et prédire à quel taux l'univers devrait s'étendre aujourd'hui. Mais aujourd'hui, en raison des incertitudes qui planent sur les modèles, nous ne possédons pas encore cette compréhension et par conséquent nous ne connaissons pas encore la valeur exacte de la constante de Hubble, ni même si elle peut encore être plus élevée. Bref, il reste encore beaucoup de questions sans réponses et c'est heureux ainsi car il reste assez de travail pour susciter la curiosité de tous les chercheurs.

Pour plus d'informations

Sur ce site

Les découvertes récentes (en cosmologie)

La loi de Hubble-Lemaître

L'avenir de l'univers

L'expansion de l'univers et la constante cosmologique

A propos des Céphéides

Les missions COBE, WMAP et Planck

Les problèmes du modèle Standard

La matière et l'énergie sombres dans l'univers

Généralités

Mega-SH0ES: Ho to 2% and beyond (PDF), Lucas Macri, Texas A&M university

Cepheid variables (surveys), Lucas Macri, Texas A&M university

The Hubble Space Telescope Key Project on the Extragalactic Distance Scale (HST Key Project)

Supernova Cosmology Project (SPC), LBL
The High-Z SN Search, CfA-Harvard

The 2dF Galaxy Redshift Survey (2d GRS)

Page web de Saul Perlmutter, LBL

Page web de Adam Riess, STScI

Page web de Wendy Freedman, U.Chicago

Puckett Observatory World Supernova Search

A propos de la constante de Hubble et de l'expansion de l'univers

Marginal evidence for cosmic acceleration from Type Ia supernovae (PDF), S.Sarkar et al., Nature, Oct 2016

A 2.4% Determination of the Local Value of the Hubble Constant (PDF), Adam Riess et al., ApJ, April 2016

Tests of the Accelerating universe with Near-Infrared Observations of a High-z SNe Ia, Adam Riess et al., ApJ, 536, 2010

Measuring the Hubble constant, Mario Livio et Adam Riess, 2013

Cepheid Period-Luminosity Relations in the Near-Infrared and the Distance to M31 from HST WFC3 (PDF), Adam Riess et al., 2011

The Hubble Constant (PDF), Wendy Freedman et Barry Madore, Ann.Rev.A&A, Vol. 48, 2010

The Cosmic Triangle: Revealing the State of the universe (PDF), Neta Bahcall et al., Science, 284, 1999

Théories alternatives

Apparent cosmic acceleration from Type Ia supernovae (PDF), David L. Wiltshire et al., MNRAS, 2017

How the huge energy of quantum vacuum gravitates to drive the slow accelerating expansion of the Universe (PDF), Qingdi Wang et al., 2017

A propos de la constante cosmologique

Nature et valeur de la constante cosmologique, L.Nottale, CNRS, 2009

La constante cosmologique, F.Bernardeau et J.-P. Uzan, CNRS, 2008

The Acceleration of the Expansion of the Universe, G.Goldhaber, 2009

Supernovae, Dark Energy, and the Accelerating Universe, S.Perlmutter, 1999

Calculettes

Cosmocalc (paramètre de Hubble, taux d'expansion, modèle ΛCDM), ICRAR

CosmoCalc (paramètre de Hubble, taux d'expoansion, énergie du vide, Edward L.Wright, UCLA

Convertisseur de magnitudes (dont le module de distance (m-M))

Cosmological Calculator (modèle ΛCDM)

Cosmology calculator (modèle ΛCDM).

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