L'astronomie
des Dogon
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L'étoile
naine Sirius B scintille faiblement en dessous de Sirius
située à 8.6 années-lumière. Cette petite étoile blanche
gravite à une distance équivalente à 20 fois la distance Terre-Soleil.
Entre 2022 et 2024 elle devrait être visible dans un télescope d'amateur car elle présentera son plus
grand écart angulaire, avec 11.3". Document NASA/ESA/STScI |
Critique
de la cosmogonie dogon telle que retranscrite par M.Griaule (IV)
Ce
que la science nous dit sur Sirius B
Que
nous dit l'astrophysique au sujet de Sirius ? Sirius est l'étoile
la plus brillante du ciel avec une magnitude apparente de -1.46. Elle est située à 8.6 années-lumière
dans la constellation du Grand Chien (Canis Major, A.D.: 6h 45m
08.9s, Décl. -16° 42' 58"). C'est une étoile blanche de classe spectrale
A1 Vm présentant une température effective de 10500 K (contre
5770 K pour le Soleil de classe spectrale G2 V, jaune). Sirius mesure 2.4 millions de km
de diamètre, soit 79% de plus que le Soleil (1.39 million de km).
Elle est 2 fois plus massive que le Soleil et 23 fois plus lumineuse !
Etant située relativement près du système solaire, elle présente un
mouvement propre de 1.32"/an, trois fois inférieur à celui de
Rigil Kentaurus (anc. Alpha du Centaure),
et suit le même courant que les étoiles de la Grande Ourse. Durant la vie
d'un homme Sirius se déplace donc devant les étoiles de plus de 1/20e
du diamètre de la Lune ou du Soleil.
L'existence de Sirius B fut
prédite en 1844 par Friedrich Bessel à partir des perturbations
du mouvement propre de Sirius qu'il observait depuis dix ans.
En 1851, C.H.F.Peters calcula son orbite.
Son
compagnon Sirius B
fut découvert le 31 janvier 1862 au cours de tests visuels réalisés
par le maître opticien Alvan G. Clark avec le nouvel objectif de
470 mm (18.5') équipant la lunette de l'Observatoire Dearborn de
l'Université du Mississippi. Il observa un corps sombre gravitant
à la position indiquée dans le secteur ouest de Sirius. Il recevra
une médaille de l'Académie française des sciences pour sa découverte
du compagnon B.
Ce n'est que vers
1910 que les astronomes se rendirent compte qu'il existait un nouveau type d'étoile très
massive, les étoiles naines, et en 1932 que le physicien Lev
Landau le démontra sur le plan théorique.
Entre-temps, en
1915 Walter Sidney Adams réalisa le premier spectre de Sirius B au télescope du
mont Wilson et démontra qu'il s'agissait d'une étoile naine blanche
affichant principalement les raies de l'hydrogène de la série de
Balmer. Cette abondance de l'hydrogène a permis de la classer dans
la catégorie des étoiles naines de type DA2. Sirius B présente une température
effective d'environ 25200 K, soit 2.5 fois plus élevée que celle de Sirius
pour une luminosité de seulement 0.056 L.
En
conclusion, au milieu du XIXe
siècle, les Occidentaux passionnés d'astronomie connaissaient
l'existence de cette étoile naine et les magazines comme les livres
de vulgarisation y ont fait référence. La possibilité d'un
compagnon C fut déjà évoquée par Camille Flammarion pour
expliquer les "irrégularités de l'orbe du compagnon B".
Les
supposés transits de Sirius B (ou même de l'éventuel Sirius C ou d'une exoplanète qui
resterait à découvrir) n'ont jamais existé car l'étoile n'a
jamais occulté Sirius, du moins vue de la Terre. En 1960, Van Den
Bas détermina précisément sa période orbitale à 50.090 ans,
valeur qui sera ultérieurement affinée grâce aux observatoires
orbitaux à 50.04 ±0.9 ans.
L'étoile naine porte bien son nom. En 2005,
grâce au Telescope
Spatial Hubble on réévalua son diamètre à 12000 km soit 94%
de celui de la Terre ou 0.0084 R
pour une masse de 1.02 M.
Toute cette masse condensée dans la taille d'une planète signifie que la
gravité y est 350000 fois plus forte que sur Terre : un homme de 70
kg pèse 24500 tonnes sur Sirius B ! Mais il existe des astres à
la gravité plus forte encore (pulsar, magnétar et trou noir).
Si
le Soleil représente une étoile ordinaire et même de petite
taille, sa densité moyenne (masse volumique) est de 1.41 g/cm3
! Par comparaison, Sirius B présente une densité 2.25 millions de
fois supérieure à celle de l'eau : 1 cm3
de matière pèse 2.25 tonnes sur Sirius B ! La gravité de surface
log g = 8 soit 100 millions de g ! Comme le disait Ogotommêli
(!), vous ne pouvez même pas soulever un grain de sable !
Sirius B
brille à la magnitude +8.44. Cette étoile naine qui présente à peine
0.56% de la luminosité du Soleil est environ 10000 fois plus pâle
que Sirius en lumière blanche et brille 500 fois moins que le Soleil (Mv
-26.7). L'étoile naine devient plus brillante que Sirius dans les
"lumières" UV lointain, EUV et rayons X mous.
Sirius
B gravite à plus de 20 UA de Sirius, l'équivalent de la distance
d'Uranus au Soleil et vue de la Terre, son orbite se projète actuellement à
quelque 11" du disque de l'étoile; impossible donc qu'il
occulte ou modifie l'éclat apparent du système.
Les amateurs avertis pourront peut-être l'apercevoir entre 2022 et
2024 lorsque la séparation angulaire avec Sirius atteindra son maximum de
11.3" (PA de 61 à
65°, soit secteur NE). Mais du fait de la grande différence d'éclat entre les
deux étoiles, Sirius B demeure pratiquement invisible dans la
plupart des télescopes car elle est noyée dans le rayonnement de
Sirius. Voilà pour la réalité scientifique et ce sont certaines
de ces "coïncidences" qui ont étonné tous les chercheurs.
Il
y a également l'hypothétique Sirius C a priori évoqué par les Dogon
(emma ya tolo) mais que cette fois personne n'a jamais observé. Selon
des études conduites par des astronomes de l'Observatoire
de Paris entre 1985 et 2000, "dans un rayon de 30" autour de
Sirius soit 80 U.A. autour du système A-B, jusqu'à une magnitude
limite de 17 [on peut exclure la présence d'un] objet de masse supérieure
à 0.08 M.
Seule une naine brune, similaire aux plus faibles
actuellement observées avec une magnitude de 18-19, pourrait être
encore indétectée [...] La région la plus centrale (<
30") autour de Sirius reste pour l'instant inexplorée. La
trajectoire possible d'un compagnon de Sirius est une orbite de
longue période (P > 2000 ans) très excentrique (e > 0.9). Selon
l'orientation de cette orbite sur le ciel, il existe une possibilité
qu'un compagnon soit actuellement à une très faible distance
projetée de Sirius."
A
consulter : Simulateur
du système de Sirius
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Symboles
dogons de Pô tolo (Sirius B, à gauche) et emma ya tolo
(Sirius C, à droite). Document M.Griaule. |
|
Et de conclure : "Parmi tous
les couples d'étoiles comportant une naine blanche, Sirius est un
système singulier. Sirius A est l'étoile du type spectral le plus
jeune présente dans les systèmes de ce type et Sirius B est une
naine blanche parmi les plus massives connues. Ces particularités
encore largement inexpliquées pourraient bien être le résultat de
l'évolution d'un système plus complexe comportant une troisième
étoile encore non détectée."
Complément
d'information
Ainsi que nous l'avons dit, les
Dogon connaissaient évidemment Sirius, et ce depuis plus de 400 ans, et se
repéraient par rapport à cette étoile, ainsi que par rapport à
Orion et aux Pléiades pour déterminer les époques des rites
agraires. Toutes les sociétés primitives de l'hémisphère Nord
ont procédé de la sorte pour ne citer que les Égyptiens qui
appelaient Sirius "Sikor", "Siris" ou encore Sothis
signifiant "qui rayonne".
Van
Beek fait judicieusement remarquer que Griaule et Dieterlen sont les seuls
au monde à défendre leur théorie et le secret des Dogon. Pour en
avoir le coeur net, à partir de 1991 Van Beek et une équipe
d'ethnologues enquêtèrent sur la question et publièrent
plusieurs articles sur le sujet dans le magazine "Current
Anthropology" évoqué précédemment.
Griaule prétendait
qu'environ 15% de la tribu dogon connaissaient le secret de Sirius.
L'équipe de Van Beek n'a trouvé aucune trace de cette connaissance
après 10 ans d'enquête ! Ils aboutirent à la conclusion qu'ils
n'y avaient aucune trace d'une tradition autour de Sirius dans la
mythologie Dogon tel qu'évoquée par les deux ethnologues français.
Van
Beek nous rappelle également que Griaule s'intéressait à l'astronomie
et avait étudié cette discipline à Paris. James et Thorpe
précisent également que Griaule avait emporté avec lui des cartes
du ciel et avait l'intention d'initier les Dogon à cette science.
Griaule connaissait Sirius B et, selon les auteurs, il est assez probable
qu'il incita les Dogon à répondre à ses questions de manière
inductives afin qu'elles s'orientent dans un sens confortant sa
théorie. Il va de soi qu'aucun journaliste ou enquêteur qui se
respecte ne doit travailler de la sorte.
Griaule semble avoir procédé comme un mauvais enquêteur, qui plus
est, avec de mauvais traducteurs car ils n'étaient même pas certains
de traduire correctement les termes techniques en français. Et en ce domaine,
l'interprétation est le pire ennemi du scientifique.
En
bref, rien qu'à travers ces exemples la majorité des ethnologues sont d'accord pour admettre que
c'est Griaule qui apprit aux Dogon ce qu'ils savent sur le système
de Sirius et qu'il ne s'agit nullement d'une connaissance originale de cette
tribu, ce qu'Eric Guerrier appelait déjà "l'investigation
participante" dans son livre en pages 95 et suivantes.
La
couleur de Sirius
Une
autre énigme concerne le changement de couleur de Sirius que
plusieurs auteurs décrivent comme ayant été rouge voici environ
2000 ans et que les Dogon auraient soi-disant observé.
Je
cite à nouveau Griaule : "Cette graine, c'est celle du sorgho femelle.
L'étoile qui lui est associée s'appelle donc banalement l'étoile du sorgho femelle.
A sa naissance, elle était rouge comme le sang, ensuite elle a blanchi, donnant
sa couleur aux céréales issues d'elle. Moins fondamentale que l'étoile du fonio,
l'étoile du sorgho femelle est plus volumineuse, et quatre fois plus
légère [...]"
Et
plus loin : "Ce pourquoi pô tolo était
lourd, (c'est que) il avait (en elle) le restant du sang du monde
tourné par le pô. (C'est) le reste du sang de toutes les choses
qu'il a créées. pô tolo est la plus petite de toutes les choses;
elle est l'étoile la plus lourde".
Une
fois de plus, en raison du flou littéraire qui enveloppe cette
traduction, on ne peut pas se prononcer sur ce texte sans nous-même
spéculer sans fondement et réinterpréter les propos de Griaule. Le
lecteur qui y voit la trace de l'activité cataclysmique du
compagnon B ayant atteint la phase géante rouge avant de
s'effondrer, s'y connaît certes en astronomie, mais ferait
un bien piètre linguiste ou traducteur dogon. Reconnaissons qu'il
est préférable de nous tourner vers d'autres sources un peu plus
limpides, peut-être nous aideront-elles à éclaircir le texte
dogon.
Le
changement de couleur de Sirius fut suggéré sur base de plusieurs traités anciens
dont ceux du célèbre avocat et Consul romain Cicéron
(106-43 avant notre ère) qui traduisit "Les
Phénomènes" d'Aratos de Sicyone (271-213 avant notre ère), qui
aurait dit que Sirius est "pokilon", changeante (de couleur).
Mais ce n'est pas ce qui dit le texte original. En effet, Aratos qualifie la
constellation du Grand Chien de "poikilos" (Ποικιλος,), varié,
c'est-à-dire que les étoiles présentent des éclats variés
(allant jusqu'à 7 magnitudes d'écart). En réalité Aratos ne dit
rien de la couleur de Sirius (cf. l'extrait repris sur sur la
page de l'Oncle
Dom).
Cicéron
s'est également fondé sur des textes du philosophe
et auteur Sénèque
(4-65 de notre ère) et surtout de l'Almageste de Ptolémée rédigé vers 150
de notre ère dont certaines copies indiquent que Sirius présente une
couleur "upokirros", rougeâtre (vous trouverez des copies
images de ce catalogue sur le site Gallica).
Toutefois,
les astronomes arabes qui ont traduit les textes de Ptolémée n'ont
pas recopié cet adjectif. Ainsi, au IXe
siècle, Al Battani (Albategnius) ne
mentionne que cinq étoiles rouges dans la version arabe de l’Almageste :
Antarès, Bételgeuse, Aldébaran, Arcturus et Pollux. Au Xe
siècle, Al Suffi qui analysera également le texte original ne mentionne pas
la coloration de Sirius.
Cependant
Ptolémée n'est pas réputé pour ses observations mais pour ses
tables et il aurait qualifié Sirius de "sous-jaunâtre"
et non de rougeâtre.
Le
texte reproduit à gauche écrit par l'astronome et historien
chinois Sima Qian (145-87 avant notre ère)
est tiré de l'ouvrage astronomique "Shiji" XXVII
écrit en 97 avant notre ère. Le passage en caractères gras (lu verticalement de haut
en bas et de gauche à droite) se traduit par : "A l'Est -
se trouve - [une] grande - étoile - [le] Loup (Tianlang, nom chinois
de Sirius) - La pointe - [du] Loup - change - [de] couleur - nombreux
- [sont les] voleurs -[et] bandits".
Enfin,
plus loin l'auteur compare la couleur de Vénus (T'ai-pe) et de
Sirius (Lang) : "Quand T’ai-pe est blanche, elle ressemble à
Lang". Autrement dit, selon Sima Qian, Sirius est de
couleur blanche. Contrairement aux paroles qu'on lui prête parfois,
Sima Qian n'a jamais écrit que Sirius change de couleur ou serait
rouge. Il a juste prédit que lorsqu'elle scintille de toutes les
couleurs, c'est annonciateur de brigandages.
Mais
comme le souligne l'Oncle
Dom dans sa page consacrée à Sima Qian, ce livre ne fut disponible
en français qu'à partir de 1899 et donc plus d'une décennie après la
publication des livres de Camille Flammarion.
L'existence de ces
textes relativement concordants issus de cultures indépendantes a suscité plusieurs
travaux pour tenter d'expliquer le phénomène. Mais ici également, il
ne faut surtout pas interpréter le texte original au risque de commettre
une sérieuse erreur scientifique.
Des
soi-disant scientifiques ont interprété ce phénomène comme un sursaut
cataclysmique de l'étoile naine ayant affecté l'éclat global du
système de Sirius. Or, plusieurs arguments s'opposent à cette
explication.
Tout
d'abord, Sirius est sur la Séquence
principale et donc dans l'état stable de la maturité. Elle ne va
pas changer d'état et donc ni de couleur ni de température avant
plusieurs milliards d'années. Il lui serait donc difficile de
changer d'elle-même de couleur dans l'immédiat, même à l'échelle
des temps astronomiques.
Ensuite, de mémoire d'astronome Sirius B
n'a jamais été considérée comme une étoile variable; elle est donc
physiquement incapable de produire un tel effet et encore moins de
projeter des nuages de gaz et de plasma sur l'étoile hôte qui
affecterait sa luminosité ou sa masse et en corollaire sa couleur.
De la même façon, il reste à inventer une théorie, un modèle astrophysique,
suggérant que Sirius A pourrait projeter des nuages de matière sur Sirius B
dont l'effet modifieraient l'éclat global du système. Enfin, le texte
ne mentionne pas un sursaut ou un changement d'éclat mais il
dit simplement que l'étoile change de couleur et le conjugue au
présent.
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Le
ciel de Babylone (Sumer, 32º33'N, 44º24'E) tel qu'il devait être
le 1er février 100 de notre ère vers 22h simulé avec "TheSky Pro
6". Voici la même vue sous "Starry
Night Enthusiast". Le champ couvre 100°. Sirius, située au-dessus
à droite du centre (en dessous à gauche d'Orion), culmine à plus de 41° au-dessus
de l'horizon sud où apparaît timidement Canopus. Doc T.Lombry. |
Nous savons aujourd'hui que le changement de couleur de Sirius n'est que
l'effet bien connu du scintillement atmosphérique (turbulence) qui
est plus apparent sur les étoiles blanches et brillantes situées
assez bas sur l'horizon, comme c'est le cas de Sirius aux latitudes
moyennes.
De
plus, sa couleur parfois rougeâtre est simplement due à la diffusion
de Rayleigh près de l'horizon, comme c'est le cas pour le Soleil et tous les autres
astres.
La
couleur rouge de Sirius fut réfutée par Camille Flammarion dès avant 1900
qui prétendait que cette couleur n'avait pas été observée par
les observateurs antiques. Il
y consacra plusieurs pages dans son livre "Les étoiles et les curiosités du
ciel" publié en 1882 (p477-479).
D'un
point de vue astrophysique, un changement aussi rapide est en contradiction
avec la théorie de l'évolution stellaire et
reste controversé pour ne pas dire écarté des débats sine die. Mais la découverte de
nouveaux textes indépendants est venue relancer la polémique
à la fin des années 1980. Il a donc bien fallut que les
historiens des sciences ou les archéoastronomes se penchent
sur la question et éclaircissent en même temps l'énigme de
l'observation des Dogon.
Flammarion fait remarquer que curieusement, seuls des
auteurs romains du 1er
siècle et qui n'étaient pas astronomes, imputent une couleur rouge à Sirius.
Or à la même époque, Manilius ("Astronomica", 15 de notre ère)
qualifia Sirius de "coeruleus",
bleue. Le célèbre Hyginus ("De Astronomia II", 10 avant notre ère) décrit Sirius
d'une couleur "candor", c'est-à-dire d'une blancheur
éclatante, ce qu'elle est encore aujourd'hui. Quant à Sima Qian, dans
le "Shiji" XXVII il décrit Sirius comme "bai",
autrement dit blanche. Idem dans un poème persan plus ancien
(IXe siècle avant notre ère) qui exalte la
blancheur de l'astre. Bref, de l'avis général et depuis bientôt 3
millénaires Sirius a toujours été blanche.
Malheureusement,
les comptes-rendus romains ont été rapportés par différents
copistes qui n'ont pas pris le soin de les recouper et de les commenter,
et récemment encore au XXe
siècle. Ainsi, Wolfhard Schlosser et Werner Bergmann par exemple invoquent
dans un article publié dans la revue "Nature" en
1985 (p45) le "De cursu stellarum ratio" de Grégoire de Tours pour qualifier Sirius
de "rubeola", diminutif de rubeus signifiant rouge. Malheureusement,
ainsi que d'autres chercheurs le démontrèrent, ils avaient confondu Arcturus
(étoile géante rouge - en fait orangée - du Bouvier de 4290 K et de classe
spectrale K1.5 III) avec Sirius, une erreur grossière que ne ferait même pas un astronome amateur !
La
cause est donc entendue, les archives des anciens astronomes nous apportent les preuves que
Sirius n'a jamais changé de couleur sur la période évoquée et le
phénomène n'aurait donc pu être observé par les Dogon. S'ils
semblent avoir rapporté cet évènement, il ne peut s'agir que d'un
emprunt à une culture étrangère (et nous verrons que les
magazines de la SAF n'y sont pas étrangers).
Le
satellite de Vénus
Parmi d'autres énigmes il y avait aussi le
problème du satellite de Vénus. Le texte Dogon nous dit : "Là est sortie une toute
petite étoile, dite « étoile qui accompagne Vénus »".
Ainsi
que nous l'expliquerons dans l'article consacré à Vénus,
la présence de ce "satellite" fut suggérée pour la première
fois en 1645 par l'astronome italien Francesco Fontana puis par
Cassini (1672), Short (1740), Lagrange (1761) et de nombreux astronomes. Devant
la répétition des observations, au XIXe
siècle ce satellite putatif de Vénus fut même baptisé
"Neith".
La
question sera discutée dans la revue "L'astronomie"
et le livre "Les terres du ciel" de Flammarion (1877), mais
en 1887 l'astronome belge Paul Stroobant démystifia cette
hypothèse dans son "Étude
sur le satellite énigmatique de Vénus"
Et
de fait, aujourd'hui aucune des missions spatiales vers Vénus n'a permis de détecter
cet éventuel satellite, mis à part la présence temporaire de
l'astéroïde NEA 2002
VE68 qui présente actuellement une orbite dont le demi-grand
axe coïncide pratiquement avec celle de Vénus (0.724 U.A. contre 0.723)
bien qu'elle soit fortement excentrique (e~0.4). Cependant 2002 VE68
est invisible à l'oculaire d'un télescope amateur sans l'aide de la
photographie car sa magnitude est de 20.1. Son diamètre est estimé
à environ 300 mètres.
Mais
à la fin XIXe
siècle peu de gens eurent la possibilité de lire l'article de Stroobant, si bien que
plusieurs décennies plus tard on pouvait encore penser le problème non élucidé.
A
travers cet exemple, le texte Dogon prouve une fois de plus que certaines de leurs connaissances
en astronomie furent influencées par la culture occidentale de la fin du
XIXe siècle.
Les
quatre éléments
Peu
avant de décrire le système de Sirius dans son livre "Le renard pâle" tel que lui explique Ogotommêli, Griaule aborde
les configurations stellaires et discute de la constellation d'Orion
(le "Chariot d'Orion"). Il écrit : "Les pierres
qui sont placées aux angles du champ, qui figurent les 4 étoiles
du Chariot, représentent également les « 4 angles » de
l'espace céleste. Leurs couleurs différentes connotent les 4
éléments [...] Ainsi le Chariot est, dans l'espace stellaire, le
symbole du siège d'Amma; il entoure « atanu », le Baudrier,
soit les 3 vicaires [...]".
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Les
quatre éléments de la philosophie grecque. |
Nous
avons vu un plus tôt à propos de Sirius B que Griaule dit que
Ogotommêli parle des "trois éléments de base «
air, feu et eau », l'élément « terre » est
remplacé par le métal [...]".
Enfin,
il écrit que "pô tolo contient toutes les matières
réparties en 4 x 20 « casiers »; les 4 divisions
fondamentales contiennent respectivement les grains (germes ?), les
métaux, les végétaux (matières organiques ?) et l'eau, les 20 «
casiers » qui les composent déterminant les répartitions
et les formes, soit 80 éléments de base".
En
lisant ces explications on ne peut éviter de faire un rapprochement
avec les philosophies de la Grèce antique et Arabe qui ont développé le concept des
"quatre éléments", air, terre, eau et feu, bien
longtemps avant la cosmogonie dogon. Selon Anaximandre
(610-545 avant notre ère) les quatre éléments fondamentaux de la nature étaient à la
base de tous les changements observés. Le feu ou l'eau pouvaient
provoquer la fin d’un cycle cosmique en provoquant le "feu cosmique"
ou un "cataclysme" (déluge), ramenant ainsi la régénération de la vie. Cette
philosophie perdura jusqu'aux derniers travaux d'alchimie de Newton (~1700).
Dans
le passage sur Orion, le texte dogon décrit également la nature du
monde et de ses manifestations, un concept holistique qui leur
permet de classer le monde naturel d'une manière tout à fait
similaire à celle utilisée par les philosophes grecs.
La
coïncidence est trop forte pour être naturelle car si les textes
japonais et chinois par exemple parlent également de "quatre
éléments", il ne s'agit pas des quatre même substances,
il y a du bois, de l'or, etc.
Le
pays dogon n'étant jamais qu'à quelques jours de marche (30
km/jour) de l'influence islamique et des missions coloniales, il serait
étonnant que ces informations ne soient pas parvenues d'une
manière ou d'une autre jusqu'à leurs villages.
Bref,
ces différents exemples nous démontrent que les Dogon ne furent
pas initiés par de vrais savants; leur contact, qu'il soit
unique ou multiple, n'avait que des connaissances limitées en
astronomie et une documentation très incomplète, typique d'une
oeuvre de vulgarisation du XIXe
siècle. D'autres éléments viendront confirmer cette hypothèse.
Mais
Temple et Guerrier ont proposé une autre explication et préféré
recourir... à l'extraordinaire ! Si nous prenons en considérant tous les éléments de la
cosmogonie dogon (toutes les caractéristiques du système solaire,
du système de Sirius et de la Voie Lactée), si de fait Griaule et Dieterlen n'ont pas
instruit les Dogon sur toutes ces matières, un mauvais enquêteur
pourrait de fait en conclure qu'il est face à une énigme et il fera sans
doute appel à une explication irrationnelle pour résoudre la question. Mais
pour un fin limier adepte de la démarche scientifique, l'enquête n'est pas achevée car c'est
oublier l'influence culturelle de la colonisation, en particulier française.
Dernier
chapitre
La
colonisation française |