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Le respect des droits dans la société de l'information

Document UNESCO adapté par l'auteur.

La lutte contre le piratage et le cybercrime

Aujourd'hui, par l'intermédiaire d'Internet et des pirates informatiques, la violation de la vie privée et la cybercriminalité sont devenus des actes presque ordinaires, si on en juge par le nombre d'affaires soulevées par les médias.

Les autorités européennes ont décidé depuis quelques années de prendre le problème à bras le corps et d'harmoniser les lois européennes pour s'adapter à ce qu'il convient d'appeler la société de l'information. Complété par le travail de plusieurs ONG, cet ensemble de lois, décrets et conventions permettent à de plus en plus de victimes de défendre leurs droits.

Alors que la Sabam (Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs), la principale société de protection des droits d'auteurs, vient de mettre les principaux opérateurs belges de service Internet en garde contre le piratage peer-to-peer (P2P), depuis 2004 le groupe français de rock libre Godon partage et diffuse librement ses morceaux musicaux. Il en est de même de la part de beaucoup de jeunes chanteurs qui ont commencé par diffuser leurs clips sur YouTube ou Myspace, pour citer Coeur de pirate en 2008 avant d'obtenir un disque de diamant (Cf. "Pour un infidèle").

Au quotidien, cela signifie que deux concepts du droit intellectuel s'affrontent : d'un côté les censeurs représentant les auteurs les plus protecteurs, appartenant parfois à l'ancienne génération, de l'autre les auteurs supportant les nouvelles tecnologies et acceptant l'usage privé.

La loi DADVSI

Cela fait plus d'un an que la France a créé la loi DADVSI (Droits d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information), adaptation française de l'EUCD (European Copyright Directive), le pendant européen du DMCA américain, dont le texte fut publié au Journal Officiel le 3 août 2006. Reste bien sûr à l'exécuter, à contrôler les citoyens qui seraient en contravention avec celle-ci.

Cette loi qui a fait couler beaucoup d'encre et qui rencontre toujours beaucoup d'opposition, tant de la part des entreprises que des associations de consommateurs, fait suite à la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 proposant aux Etats membres d'harmoniser certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.

La loi DADVSI est très mal perçue des Français qui voient en elle leurs libertés s'effilocher encore un peu plus plus dans un Etat soi-disant de droits, et notamment à propos de leur droit à la copie privée.

Lutter contre le piratage : le cas du peer-to-peer

La lutte contre le piratage, notamment la copie illégale de CD, DVD et le téléchargement de morceaux musicaux et vidéos par la technique P2P a conduit les autorités françaises à proposer plusieurs systèmes de contrôles des systèmes P2P, ainsi que le rappelle ce compte-rendu juridique publié en 2005 par Juriscom.

Même attitude en Belgique où la Sabam a obtenu du Tribunal de première instance de Bruxelles, le 29 juin 2007, que le fournisseur d'accès Scarlet (ex-Tiscali) bloque les oeuvres protégées qui circuleraient sur son réseau. Quelques semaines plus tôt, l'opérateur Telenet avait reçu le même courrier. Tiscali fut déjà condamnée en 2004 suite à une plainte similaire.

Dans son rapport déposé le 3 janvier 2007, l'expert auprès des tribunaux avait notamment dégagé 11 solutions de blocage ou de filtrage des systèmes de P2P, parmi lesquelles 7 ont été appliquées au réseau de Scarlet. Mais ce dernier a fait appel du jugement le 17 juillet, estimant que puisque le juge lui-même considérait que Scarlet ne pouvait filter que 70 à 90% du contenu, le fournisseur ne pouvait pas supporter seul cette responsabilité. Affaire à suivre comme l'on dit.

Document Yaneslaw Lawoffice

Le 16 juillet, ce fut au tour de Belgacom, le premier opérateur téléphonique et fournisseur d'accès à Internet, de recevoir une mise en demeure de la Sabam. Comme Scarlet, Belgacom ne l'entend pas de cette oreille, jugeant qu'ils n'ont pas à s'immiscer dans la vie privée de leurs clients et qu'ils ne mettent qu'un support et une bande passante au service des utilisateurs.

Notons qu'en parallèle, Belgacom travaille déjà en partenariat avec iTunes d'Apple, qui facture les téléchargements de musique, vidéos et autres livres audios, pour permettre à ses clients ADSL et VDSL de télécharger gratuitement jusqu'à 10 chansons tous les 2 mois.

La Sabam ne peut pas chiffrer le manque à gagner pour les artistes mais quand on sait que chaque jour un million de téléchargements de musique passent par le P2P, on comprend le mécontentement de la Sabam qui cherche à protéger les oeuvres de ses quelque 20000 membres.

Le P2P apparaît ainsi comme un succès à double tranchant pour les artistes qui veulent avant tout qu'on respecte leurs droits.

Si ces décisions de justice peuvent sonner le glas du P2P, en parallèle, la relaxe est envisageable, du moins en France, lorsque le "téléchargement relève de l’exception pour copie privée", telle qu'en témoigne cette décision du Tribunal de grande instance de Paris en décembre 2005.

Mais la loi DADVSI n'est plus de cet avis et criminalise le peer-to-peer, remettant en question le droit à l'exception pour copie privée. En effet, le texte de loi punit de trois ans d'emprisonnement et de 300000 € d'amende le fait "d'éditer et de mettre sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés". Certes, les avocats de la défense soulèveront les ambiguïtés des adverbes "sciemment" et "manifestement", mais le texte expose clairement la préférence du Gouvernement français pour les offres de téléchargement légales proposées par les majors, ce que propose également la Sabam.

Du CD au baladeur : de peer en pire

Cela veut-il dire que nous ne pourrons même plus copier un support numérique à titre privé ? Reconnaissons que chacun aime écouter sur son ordinateur ou son baladeur quelques morceaux choisis "rippés" de ses CD ou visionner sur son PC ou sa télévision le dernier film sorti en Blu-Ray. Mais copier un document destiné à la vente n'est pas légal !

Document EUCD et http://jmtrivial.info/ sous licence GPL.

La loi DAVSI est claire : si la jurisprudence entrevoie bien une tolérance de copie privée, celle-ci peut s'effacer devant les "mesures techniques de protection" envisagées par les distributeurs de disques notamment. La loi DAVSI dispose : "Les titulaires de droits qui recourent aux mesures techniques de protection définies à l'article L. 331-5 peuvent leur assigner pour objectif de limiter le nombre de copies".

Si on écoute certains députés de l'Assemblée nationale, bientôt la France disposera d'un ministre ou d'une police chargée de contrôler les propriétaires de lecteur MP3 et plus probablement encore d'une Commission sur la copie privée ! Bref, il y aura encore un peu plus de censures et un peu moins de liberté dans l'Hexagone.

Au secours, reviens-nous Marianne, tes révolutionnaires s'embourgeoisent ! Marianne c'est la République, c'est l'attachement des citoyens à des valeurs telles que "Liberté, Egalité, Fraternité", du moins jusqu'à aujourd'hui.

La loi DADVSI risque d'énerver les propriétaires français de baladeur, exigeant peut-être demain qu'ils payent un droit de copie pour écouter de la musique à titre privé ! La loi DADVSI fut néanmoins approuvée par les députés et fut même supportée par une Convention sur la Cybercriminalité en 2006. Voyons le contenu de ce document.

La Convention sur la Cybercriminalité

La Convention sur la Cybercriminalité a été approuvée et signée par le Conseil de l'Europe à Budapest le 23 novembre 2001. Cette Convention poursuit "une politique pénale commune destinée à protéger la société contre le cybercrime, notamment par l’adoption d’une législation appropriée et la stimulation de la coopération internationale."

Elle s’articule autour de trois axes de réglementation : l'harmonisation des législations nationales, l'adaptation des moyens d’enquête et de poursuite au terrain du cyberespace, et la mise en place d'un système de coopération internationale rapide et efficace.

La Convention fit l'objet d'une publication au Journal Officiel français le 24 mai 2006. Elle fut complétée par un protocole additionnel voté sous forme de décret le 24 mai 2006 qui criminalise également les actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.

Seul problème, la loi DADVSI, la Convention sur la Cybercriminalité et le décret additionnel ne s'appliquent pas encore dans tous les pays européens et ne sont donc pas opposables ni évocables dans tous les pays. En fait, seuls trois pays à ce jour ont vôté et publié cette Convention : la France ainsi que... l’Ukraine et la Bosnie-Herzégovine ! On ne peut donc pas dire que celle loi soit appréciée ni même recommandée ! Et pour cause, elle criminalise l'usage privé !

Aussi, pour sensibiliser les Etats membres aux problèmes liés aux droits d'auteurs et de la cybercriminalité, et les inciter à agir dans le sens de l'harmonisation prévue par l'Union européenne, des ONG ont décidé de prendre les choses en main tout en améliorant les points controversés de la loi DADVSI qui finalement ne tire ses effets qu'en France.

Bref, dans le village global, le contrôle du piratage et le respect du copyright ont montré leurs limites. Les pirates ont de beaux jours devant eux.

Le rôle des ONG

Le BEUC

Le Bureau Européen des Unions de Consommateurs, le BEUC, a pour but de protéger les droits des consommateurs au sein de l'Union européenne.

L'organisation fut fondée en 1962 en collaboration avec les associations de consommateurs de Belgique, du Luxembourg, de France, des Pays Bas, d’Italie et d’Allemagne. Le BEUC représente aujourd'hui une fédération de 36 associations de protection des consommateurs. C'est notre premier "chien de garde" communautaire.

A l'instar des groupes de pression (lobbies) du secteur privé ou public, en s'installant dans le quartier européen de Bruxelles, le BEUC agit au cœur même de la politique communautaire pour tenter d‘influencer le processus décisionnel, cette fois non pas en faveur des lobbies économiques ou industriels mais des "lobbies" de consommateurs.

Le BEUC protège également les droits fondamentaux des consommateurs, à savoir les droits à la sécurité, à l’information, au choix, à la représentation, au recours, à l’éducation, à la satisfaction des besoins essentiels et à un environnement propre.

Concernant la sécurité et l'information, le BEUC est notamment intervenu récemment contre la détention d'information privée par Google. Son rôle est donc plus que bénéfique pour chacun d'entre nous.

En revanche, si cette organisation s'occupe des droits fondamentaux et de toutes les questions commerciales, y compris du droit d'auteur (Cf. sa position plus nuancée que celle de la Sabam à propos du piratage P2P), elle n'est pas spécialisée en informatique, et c'est ici qu'intervient l'EDRI.

L'EDRI

Si la Convention sur la Cybercriminalité suit une volonté européenne de réduire le piratage des oeuvres numériques, recherchant des "infractions liées aux atteintes à la propriété intellectuelle et aux droits connexes" et la "coopération internationale", ce qui est le propre de la loi DADVSI, qui traque les internautes pirates et autres contrevenants dans tous les pays qui promulgueront cette Convention, en pratique, avec trois pays signataires, c'est encore loin d'être le cas !

C'est la raison pour laquelle l'EDRI (European Digital Rights) fut fondée en 2002. Il s'agit d'une association internationale sans but lucratif, de droit belge. L'EDRI a été fondée par dix organisations dédiées à la protection de la vie privée et des droits civils dans la société de l'information, donc dans le respect strict des idées européennes.

Forte de 25 membres, elle est notamment supportée par les associations Bits of Freedom (Pays-Bas), Chaos Computer Club (Allemagne), Digital Rights (Danemark), EFFi (Finlande), FIPR et Privacy International (Royaume-Uni), Fitug (Allemagne), IRIS (France), Quintessenz et VIBE!AT (Autriche), autant de "watchdogs", de "chiens de garde" qui veillent au respect des libertés des consommateurs.

L'EDRI a pour but de sensibiliser les autorités nationales et européennes sur la nécessité d'une coopération entre les organisations européennes afin d'assurer un meilleur contrôle d'Internet, du droit d'auteur et de la vie privée au sein de l'Union européenne. Dans ce cadre, l'EDRI est en contact avec les 45 Etats membres du Conseil de l'Europe.

L'EDRI s'intéresse en particulier à la rétention d'information, le spam, le phishing, l'interception des télécommunications, la cybercriminalité, les restrictions du droit d'auteur et du droit de citation (fair use), le filtrage et la censure des informations diffusées sur Internet et les procédures de notification et de fermeture des sites webs. Le cas échéant, ses membres n'hésitent pas à envoyer des lettres ouvertes aux autorités européennes comme ce fut le cas récemment à propos de la rétention d'information généralisée au Royaume-Uni suite aux attentats de Londres.

Résolution européenne 2019

En 2019, le Parlement européen approuva de nouvelles règles sur le droit d'auteur sur Internet. Elles furent suivies par une Résolution législative du P.E. et du C.E. sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique (26 mars 2019, ref. P8_TA(2019)0231). Si cette résolution "explique" les conditions du droit d'auteur à tous y compris aux gestionnaires de sites Internet, aux PME et aux GAFAM, encore faut-il que les lois nationales les mettent en action.

A lire : Questions-réponses sur la directive relative au droit d'auteur numérique, PE, 2019

En guise de conclusion

Dans un Etat de droits, personne n'aime être contrôlé ou censuré, et moins encore quand cela concerne une activité strictement privée, comme le fait de copier à son compte un CD ou un DVD sans but lucratif ou de plagier les articles d'autrui !

A côté de cette activité bien innocente mais qui peut être en violation avec la loi, demeure les questions du piratage et de la cybercriminalité qui prennent parfois une tournure dramatique pour les entreprises victimes des hackers ou même des amateurs peu informés des protections existantes, quand cela ne touche pas la violation des lois comme en matière de jeux de hasard sur Internet (cf. le poker).

Espérons qu'à travers les actions conjointes de ces différentes ONG, nous serons un peu moins inquiétés par le cybercrime et que notre vie privée en sera un peu plus protégée, sans pour autant limiter nos droits. Quant aux pirates, ils connaissent les risques qu'ils encourent; personne ne les plaindra.

Si vous recherchez des sites de téléchargement légaux, suivez la suggestion de la Sabam, consultez le site Pro-Music. Rappelons qu'iTunes vous permet de télécharger 26 millions de documents multimédias (2014) moyennant 0.99 € par titre, à l'exception des podcasts qui sont téléchargeables gratuitement.

En parallèle, vous pouvez adopter la déclaration du BEUC qui vise à consacrer dans le droit communautaire le droit à la protection de la vie privée et le droit à ne pas criminaliser un usage privé.

Pour plus d'informations

La cybercriminalité (sur ce site)

Internet pour le meilleur et pour le pire (sur ce site)

Commentaires sur le droit d'auteur (sur ce site)

Nouvelles règles sur le droit d'auteur sur Internet (P.E., 2019)

Résolution législative du P.E. et du C.E. sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, (26 mars 2019, ref. P8_TA(2019)0231)

DADVSI pour les nuls, ODEBI

DADVSI (J.O.)

EUCD

Convention sur la Cybercriminalité

BEUC

EDRI

Sabam 

DMCA

Directive 2001/29/CE

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