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L'eau, l'or bleu

Le lac Moraine dans le parc national Banff situé dans les montagnes Rocheuses d'Alberta au Canada. Sa couleur turquoise provient des fines poussières de roches glacières en suspension dans l'eau qui diffusent la lumière bleue. Photographie réalisée en août 2002 par Dorothy Hall, NASA/GSFC.

Le cycle de l'eau (III)

B. Les flux entre réservoirs d'eau

Un flux d'interactions s'établit entre les différents réservoirs d'eau, produisant au final un bilan hydrologique en équilibre. Cette situation a conduit quelques auteurs peu rigoureux à conclure un peu hâtivement que l'eau était une ressource inépuisable puisque renouvelable.

En fait c'est une fausse vérité car cette conclusion tend à généraliser un cas particulier. En effet, toutes les réserves d'eau n'évoluent pas de la même manière au fil du temps et ne participent même pas toutes aux mêmes cycles hydrologiques.

Si le niveau des fleuves, des lacs et des mers intérieures peut fluctuer de plusieurs dizaines de mètres en quelques siècles en raison d'un changement climatique (cf.au Moyen-Orient), on constate qu'en l'espace d'une génération seulement, des lacs intérieurs peuvent s'assécher soit naturellement (lac Tchad) soit du fait de son exploitation intensive par l'homme (mer d'Aral).

De même, des réservoirs (rivières, nappes phréatiques, zones humides, etc) peuvent être pollués durablement suites aux activités industrielles et notamment pétrolières et minières.

Par nature ou du fait des activités humaines, on ne peut donc pas dire que les réserves d'eau douce sont inépuisables sans commettre une grave erreur d'approximation. Indirectement, cette insouciance favorise l'exploitation de ressources d'eau non renouvelables avec des risques évident de pénurie à moyen ou long terme en fonction des sto exploitation intensive 

Au cours des différents étapes du cycle de l'eau, celle-ci peut stagner plus ou moins longtemps dans chaque réservoir, ce qu'on appelle le temps de résidence. Cette durée varie en fonction des mécanismes et des taux de transfert : plus les flux sont rapides plus les temps de résidence sont courts.

Les durées extrêmes de résidence varient entre quelques heures dans les êtres vivants à 9700 ans dans les glaciers comme l'indique le tableau suivant :

Réservoirs d’eau

Temps de résidence (maximum)

Océans

2500 ans

Eaux continentales

-

Glaciers

1600 à 9700 ans

Eaux souterraines

1400 ans

Mers intérieures

250 ans pour la mer Caspienne

Lacs d’eau douce

17 ans pour les grands lacs,

1 an pour les autres lacs

Humidité des sols

1 an

Rivières

16 jours

Atmosphère (humidité de l’air)

8 jours

Biosphère (cellules vivantes)

quelques heures

Document G.de Marsily

A l'inverse de ce que suggère notre intuition, plus le temps de résidence dans un réservoir est bref, plus cette ressource se renouvelle rapidement. Et bien évidemment plus la capacité du réservoir est vaste, plus l'effet d'une exploitation est insensible. La combinaison de ces deux effets provoque ainsi un faux sentiment de pérennité des ressources si le réservoir est aussi grand qu'un grand lac et qualifié de "mer intérieure". Malheureusement nous savons de tristes expériences qu'une vision à court terme et une mauvaise gestion des ressources naturelles transforment toujours les meilleures intentions en catastrophes, au point de mettre parfois la vie des populations locales en danger.

Prenons par exemple les eaux souterraines, dont le stock est estimé à 8.2 millions de km3 et représente l'essentiel de nos ressources en eau douce.

Dans ce type de réservoir on constate que les temps de résidence sont extrêmement variables. Le réseau hydrologique superficiel qui les alimente se renouvelle en quelques jours voire en quelques semaines quand il s'agit de terrains karstiques (par ex. Fontaine de Vaucluse), mais peut atteindre quelques années ou dizaines d'années dans les milieux sédimentaires. En revanche, dans les entrailles de la Terre où intervient une lente infiltration ou percolation dans les roches ou les sédiments, les eaux se renouvellent beaucoup plus lentement : en quelques centaines d'années et 100000 ans en Europe occidentale. A notre échelle, ces réserves s'épuisent et ne se renouvellent pas.

Ailleurs, certaines nappes aquifères ne se renouvellent tout simplement pas. Il s'agit de réserves fossiles comme celles des grès Nubiens d'Égypte, de Libye, de Tunisie et d'Algérie, qui ne sont plus alimentés du fait de la progression continue du désert et de l'aridité du climat. Ces eaux sont prisonnières des roches depuis 6000 ans, date de la dernière période humide du Sahara.

Les eaux les plus accessibles pour notre consommation quotidienne sont les eaux courantes superficielles. Ces réserves n'excède pas 1700 km3 directement disponible à un instant donné, ce qui est peu. En revanche, elles se renouvellent très rapidement.

Si on effectue le bilan des flux hydriques, on constate avec soulagement que les réserves d'eau douce disponibles pour notre consommation courante sont supérieures à 40000 km3 à l'ensemble des stocks hydriques comme indiqué dans le tableau suivant :

Flux

Volume

Flux

Volume

Évaporation des océans

425000

Précipitations sur les océans

385000

Évaporation sur les continents

71000

Précipitations sur les continents

111000

 

 

Apport des cours d’eau aux océans

40000

Total

496000

Total

536000

Ce surplus net provient de l'eau apportée chaque année par l'ensemble des cours d'eau alimentés par les précipitations et qui s'écoulent vers les océans. Ce flux qui se renouvelle constamment représente un "stock de réserve" dans lequel nous pouvons puiser sans réfléchir au lendemain.

C. La répartition de l'eau sur la Terre

Les actualités nous rappellent régulièrement que si l'eau coule à flot en Occident ou dans les régions équatoriales, il est des contrées où la sécheresse sévit et s'accentue au fil des années, notamment sous les Tropiques, sans parler des îles privées d'eau douce.

Le Reflection canyon faisant partie du canyon Glen situé dans l'Utah (USA). Cette région abrite également le célèbre lac Powell - un lac artificiel - et le canyon d'Antelope. Doc NGS.

Le bilan de l'eau à beau être en équilibre et même positif, la distribution des eaux, le régime des pluies et les écoulements superficiels sont très inégalement répartis à la surface du globe.

Dans les années 1990, les régions touchées par la sécheresse représentaient 31% de la surface des terres émergées (Nord et Sud de l'Afrique, Moyen-Orient, Eurasie centrale, Australie, Sud-Ouest des Etats-Unis, Sud de l'Amérique latine, etc). Selon l'ONU, la superficie des déserts atteint aujourd'hui 40% des terres émergées et le phénomène s'accentue chaque année un peu plus du fait de l'expansion des zones arides tropicales.

L'eau est pratiquement absente de ces régions car en été l'évaporation y est très forte du fait de l'ardeur des rayons du Soleil, de la subsidence des masses d'air et du caractère exceptionnel des précipitations. En hiver, même si le Soleil est relativement plus doux, il ne pleut pas beaucoup plus.

Dans ces contrées arides il tombe à peine quelques millimètres de pluie par an. Les nuits sont parfois fraîches humides mais l'eau n'est pas suffisante pour entretenir une végétation ou faire vivre une population humaine. Dans certains déserts il arrive même qu'il ne pleuve pas durant 15 ans au point que les rares invertébrés (crevettes) trouvés dans la région ont survécu en passant cette période de leur vie en état de stase.

Si en Occident nous pouvons puiser dans nos réserves d'eau sans nous soucier des conséquences, dans les pays désertiques, la population est contrainte de puiser dans des réserves d'eau par nature non renouvelables au risque de les épuiser. Mais que choisir entre scier la branche sur laquelle on vit et mourir de soif.

D. Les eaux souterraines

Nous avons vu que les eaux souterraines et en particulier les nappes phréatiques représentent l'essentiel de nos réserves d'eau douce. A ce titre elles méritent quelques précisions.

Les précipitations qui atteignent le sol s'infiltrent dans les anfractuosités et les pores des roches jusqu'à rencontrer des couches imperméables. Là elles s'accumulent jusqu'à saturer le sous-sol en humidité; il se crée une nappe aquifère. Ces nappes peuvent s'étendre horizontalement sur des centaines de kilomètres et ressortir sur les côtes par exemple pour rejoindre une rivière ou une source.

A voir : Grand Canyon River Trip, RJ. Hooper

A gauche, distribution des différents réservoirs souterrains en fonction de leur taux de renouvellement et de leur propriétés. A droite, la cénote de Dzitnup o X´keken située à 7 km au sud-est de Valladolid, dans le Yucatan, au Mexique. C'est un des nombreux lacs souterrain d'eau douce qu'abrite cette région Maya. Documents Environnement Wallonie et NGS.

Les eaux souterraines représentent environ 30 % du débit global des cours d'eau de la planète, ce qui représente environ 12000 km2 d'eau par an. Leur débit est assez variable, fonction des conditions climatiques qui varient d'une année à l'autre et bien sûr de l'impact éventuel des hommes quand il leur prend l'envie de canaliser les cours d'eau.

Les eaux souterraines sont classées en deux catégories selon qu'elles circulent ou non sous une couche perméable. Les nappes aquifères circulant sous un sol perméable sont dites libres, celles situées entre deux couches imperméables sont dites captives. Au-dessus des nappes d'eau libres, telles les nappes d'accompagnement des rivières, le sol est perméable et partiellement remplis d'eau; il n'est pas saturé d'humidité. Les pluies peuvent donc s'infiltrer dans le sol, faisant varier le niveau des nappes aquifères. Leur renouvellement est assez rapide mais la variation de débit peut présenter une inertie de plusieurs mois, fonction de l'état de la nappe aquifère. Ca peut être avantageux car sur de grandes distances le débit peut ainsi être régulé. Nous y reviendrons.

A l'inverse, lorsque les nappes sont captives, le volume d'eau est relativement stable car il y a peu de contact entre la nappe et la surface, l'eau ne pouvant s'infiltrer dans le sol imperméable. Le renouvellement de ces nappes est donc plus lent que les nappes libres. Elles sont également situées plus profondément, jusqu'à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Si la pente de la nappe aquifère est assez importante, l'eau peut être sous pression. Dans ce cas on parle de nappe artésienne. Si on creuse un puits au-dessus d'une telle nappe, durant plusieurs décennies l'eau peu jaillir jusqu'à 10m au-dessus de la surface du sol. A mesure que le puits est exploité, la pression diminue et finalement il faudra des pompes pour aller chercher l'eau dans les profondeurs de la Terre. On peut alors considérer que la source est épuisée.

Gouffre de Madre de Dios en Patagonie typique d'une formation karstique : la roche faite de calcaire a été érodée et marquée de profondes crevasses par le ruissellement des eaux. Document NGS.

Les eaux souterraines évoluent à différentes vitesses en fonction de la nature des sols : plus la roche est poreuse, plus l'eau se déplace rapidement. La vitesse est lente dans les roches calcaires, sédimentaires ou granitiques compactes (quelques mètres/an dans les sables fins) et beaucoup plus rapide dans les régions karstiques souvent remplies de cavités et de galeries où les eaux de pluie s'engouffrent à grande vitesse.

Lorsque l'eau souterraine s'écoule lentement, elle peut parcourir de très longues distance ce qui lui permet de régulariser son débit. En conséquent, les nappes qu'elle alimente présente également un débit régulier malgré le caractère irrégulier des précipitations en amont. On appelle ce débit régulé le débit de base ou débit d'étiage des cours d'eau.

Même durant les périodes de sécheresse, l'inertie provoquée par ce phénomène permet de continuer d'alimenter les cours d'eau pendant des années. Ce phénomène est particulièrement frappant dans les nappes libres mais il est peu commun dans les nappes captives.

Sous nos latitudes tempérées, les nappes aquifères sont principalement alimentées par les précipitations hivernales car même s'il pleut généralement plus souvent en été, l'évaporation est beaucoup plus faible en hiver, l'humidité favorise l'infiltration d'eau tandis que la végétation en sommeil ne consomme que très peu d'eau.

En été en revanche, les nappes n'accumulent plus d'eau. Le sol est parfois tellement sec qu'il devient temporairement imperméable et le niveau des nappes aquifères diminue car elles continuent à alimenter les cours d'eau.

Dans les pays tropicaux et secs, les nappes aquifères reconstituent leur réserve durant la saison des pluies. Mais à l'inverse des régions tempérées, ces réserves s'épuisent généralement au cours de la saison sèche car elle dure longtemps et les cours d'eau finissent par tarir, un phénomène assez rare dans nos régions, sauf dans les régions méditerranéennes.

Si le climat est aride, les pluies sont souvent exceptionnelles et ne participent pas à l'alimentation des rares nappes aquifères. Au contraire, leurs eaux s'évaporent ou les végétaux tendent leurs racines très loin pour y puiser l'eau nécessaire à leur survie. Ailleurs l'eau ruisselle dans les oueds et à travers les oasis. Quand un orage se déclenche, c'est généralement pour provoquer des crues passagères dont l'eau alimente directement les nappes libres. Ces nappes sont donc toujours situées en profondeur dans les sédiments du lit des oueds (le terme signifiant "rivière" en arabe). Généralement, si le débit est faible, ces rivières se tarissent et les rares eaux des nappes aquifères qui débouchent en surface s'évaporent au Soleil au grand dam des habitants.

Dans les pays sous-développés ou en voie de développement, des organisations internationales essayent bien sûr d'exploiter ces ressources enfouies sous terre en creusant des puits.

A gauche, l'oued de M'Goun dans le sud du Maroc. A droite, le désert salé de Salar de Uyuni en Bolivie. S'il contient encore localement des flaques d'eau, ce n'est plus qu'une immense galette de sel que l'on traverse en 4x4 et que les Boliviens exploitent. Documents U.Koeln et NGS.

Mais si les communautés sont nombreuses, il faut veiller à conserver le débit de ces eaux et ne pas prélever plus d'eau que nécessaire ou que l'écoulement naturel ne peut en offrir. C'est pourquoi dans beaucoup de pays tropicaux, l'extraction de cette eau reste manuelle ou le débit est limité à un filet d'eau. En ayant un comportement responsable, ces habitants préservent ainsi l'eau qui est déjà une denrée rare dans leur pays car s'ils épuisent cette ressource, le pénurie sera irréversible.

Dernière partie

E. Les cours d'eau

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