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A la recherche des exoplanètes

Emplacement de quelques exoplanètes rocheuses et gazeuses dans un diagramme masse-rayon. Notez la taille et la masse élevées de certaines planètes rocheuses comme BD+20594b et GJ 9827b. Document T.Lombry adapté de Sara Gettel et al. (2016) et Steve Shectman at al. (2018).

La relation masse-rayon (IV)

Généralement, comme le résume le graphique présenté à droite, les planètes dont le rayon est supérieur à ~1.6 R ont une enveloppe gazeuse comme Neptune, les plus petites sont rocheuses comme la Terre. Les planètes ayant plus de 6 M présentent une faible densité et/ou sont entourées d'une vaste enveloppe gazeuse. Les planétologues expliquent cette différence par l'effet de la photoévaporation induite par le rayonnement de l'étoile qui dissipe l'atmosphère volatile des planètes peu massives ou trop proches de leur étoile. Si cela se vérifie dans le système solaire et dans de nombreux systèmes exoplanétaires, cette théorie a été ébranlée par la découverte de plusieurs exoplanètes rocheuses un peu plus grandes que la Terre mais surtout beaucoup plus massives.

BD+20594 b

En 2016, Néstor Espinoza et son équipe de l'Université Pontificale Catholique du Chili ont découvert BD+20594b, une exoplanète de la taille de Neptune mais rocheuse gravitant autour d'une étoile de type solaire (classe K0). Cette exoplanète est 16 fois plus massive que la Terre et présente une densité de 8 (contre 5.51 pour la Terre).

BD+20594 b est inhabitable car elle gravite trop près de son étoile, à 0.24 UA soit deux fois plus près que Mercure, accomplissant une révolution en 43 jours, soit deux fois plus vite que Mercure. Vu sa proximité de l'étoile, selon Espinoza elle a perdu son atmosphère et son eau il y a plusieurs milliards d'années (l'étoile est âgée d'environ 3.34 milliards d'années).

GJ 9827 b

Ensuite, dans le cadre de la mission K2 du satellite Kepler, les astronomes ont découvert le système GJ 9827 à environ 100 années-lumière dans la constellation des Poissons. Autour de l'étoile de type solaire (classe K6 V) gravitent trois exoplanètes un peu plus grandes que la Terre (1.64 R pour b, 1.29 R pour c et 2.08 R pour d). Cette taille intermédiaire n'existant pas dans le système solaire, les planétologues ont voulu savoir comment ces trois exoplanètes s'étaient formées et si elles étaient métalliques, rocheuses ou gazeuses. Dans notre graphique, ces trois planètes sont distribuées entre la ligne des super-Terres (rocheuses) et les sous-neptuniennes (un peu gazeuses).

En 2018, Steve Shectman de l'Institut Carnegie de Washington et ses collègues ont analysé ces exoplanètes par spectrographie et découvert que GJ 9827 b est environ 8 fois plus massive que la Terre et contiendrait environ 50% de fer, en faisant l'une des exoplanètes rocheuses les plus denses découvertes à ce jour. La masse des planètes c et d est respectivement d'environ 2.5 et 4 fois celle de la Terre mais l'incertitude reste assez importante. Ces données suggèrent que la planète d présente une enveloppe volatile, laissant la question ouverte concernant la planète c.

On reviendra sur la relation masse-rayon des planètes à propos de la formation du système solaire.

La zone d'habitabilité

Dans la majorité des systèmes exoplanétaires, les exoplanètes identifiées ont généralement une taille comprise entre celle de la Terre et de Neptune, soit entre 1 et 4 R pour une masse variant entre 0.9 et 0.1 Mj. Mais elles ne sont pas à l'image de la Terre car leur atmosphère n'a rien à voir avec celle d'une planète viable; elle est généralement trop épaisse et empêche la lumière de l'étoile hôte d'assurer son rôle dans les processus de photolyse et de photosynthèse.

En modélisant ces systèmes exoplanétaires sur ordinateur, l'équipe du Barrie Jones de l'Open University anglaise estime qu'environ 50% des exoplanètes orbitent dans la zone dite habitable où la température au sol peut être proche de 0°C. Mais comme nous l'avons vu à propos des conditions physiques sur Proxima b et TRAPPIST-1, cela ne veut pas dire que l'activité et le rayonnement de l'étoile hôte permettent le développement de la vie.

En simulant des exoplanètes dont les masses sont comprises entre 0.1-10 M en orbite dans la zone habitable comprise entre 0.8 et 1.8 UA, on observe que les petites planètes sont plus souvent sujettes à des mouvements désordonnés que les planètes massives. Dans quelques systèmes exoplanétaires, la proximité d'une ou plusieurs planètes géantes aussi massives que Jupiter a eu pour conséquence d'éjecter la petite terre en dehors de la zone habitable. Cependant, dans d'autres circonstances, liées à des phénomènes de résonance, il existe des orbites non perturbées dans la zone habitable.

A consulter : Alien Worlds

Dessins d'exoplanètes réalisés par l'auteur

HAT P-11 b

Upsilon Andromedae

Kepler 22 b

55 Cancri

GJ 504 b "Second Jupiter"

Errai et g Cephei b

Documents T.Lombry.

Neuf systèmes exoplanétaires ont ainsi été étudiés par cette technique et ont permis aux chercheurs de dériver quelques règles qui déterminent l'habitabilité dans 90% des cas. Leur analyse montre que 50% des systèmes exoplanétaires pourraient avoir une exoplanète de même taille que la Terre gravitant au moins partiellement dans la zone habitable, et ce durant une période d'au moins un milliard d'années. Cette période a été choisie car on estime que c'est la durée minimale exigée pour que la vie émerge et s'installe sur une planète.

Ces simulations démontrent également que la vie pourrait se développer à un moment donné dans deux-tiers des systèmes exoplanétaires, étant donné que la zone habitable s'étend graduellement vers l'extérieur du système à mesure que l'étoile vieillit et devient plus active (phase géante rouge).

Les planètes océaniques

Parmi les milliers d'exoplanètes cataloguées et les quelques centaines évoluant dans la zone habitable, de la vapeur d'eau a été détectée dans quelques exoplanètes gravitant autour d'étoiles naines de classe M (par exemple le système TRAPPIST, K2-18 b, TOI 674 b, etc.). Certaines exoplanètes qualifiées de "super-Terres", dont la taille varie entre celle de la Terre et de Neptune (~3.8 fois plus grande que la Terre) présentent une faible densité qui ne peut s'expliquer que si une grande partie de leur masse est constituée de matériaux plus légers que les roches qui composent la structure interne de la Terre, comme l'eau. Ces mondes ont été surnommés des "planètes océaniques".

A ce jour, seules deux planètes océaniques ont été identifiées :

- Gliese 1214 b alias GJ 1214 b surnommée "Waterworld" fut découverte en 2009 par la méthode du transit. Elle se situe à 48 années-lumière dans la constellation d'Ophiuchus. Elle gravite sur une orbite excentrique (e < 0.27) entre 0.0143 et 0.0019 UA d'une étoile naine rouge de classe M4.5 d'une température effective de 3026 K. Sa période est de 11.06 jours.

Son rayon est 2.7 fois plus grande que celui de la Terre et sa masse 8.17 fois plus élevée. Sa densité moyenne est de 1.87, suggérant qu'elle contient peu de roches, et sa gravité en surface est de 0.91 g.

Sa température d'équilibre varie entre 393 et 555 K soit entre 120 et 282°C selon le la quantité d'énergie de l'étoile hôte réfléchie par l'exoplanète (cf. D.Charbonneau et al., 2009).

Actuellement, nous n'avons pas la certitude qu'il s'agit d'une planète océan. Il peut s'agir d'une planète rocheuse possédant des étendues liquides (cf. S.Seager et al., 2007) et même qu'elle soit enveloppée d'une épaisse atmosphère représentant 5% de la masse de l'exoplanète.

Si c'est une planète océan, selon les modèles elle pourrait ressembler à une version plus volumineuse et plus chaude de la lune Europe de Jupiter (cf. L.A. Rogers et S.Seager, 2010). Dans ce cas, elle serait composée de 25% de roches et de 75% d'eau, peut-être même de glace VII dans les régions profondes chaudes sous hautes pressions et recouverte d'une épaisse enveloppe de gaz riche en hydrogène mélangé à un peu d'hélium (~0.05%).

GJ 1214 b "Waterworld". Documents T.Lombry

- TOI 1452 b est une super-Terre découverte en 2022 par la méthode du transit. Elle se situe à ~100 années-lumière dans la constellation du Dragon. Elle gravite dans un système binaire composé de deux étoiles naines similaires séparées de 97 UA (l'équivalent de 2.5 fois la distance moyenne du Soleil à Pluton). L'exoplanète gravite à 0.061 UA d'une étoile naine rouge de classe M4 d'une température effective de 3175 K. Sa période est de 11.06 jours.

Son rayon est 1.67 fois plus grand que celui de la Terre (ou 0.15 Rj) et sa masse de ~4.8 fois celle de la Terre (ou 0.015 Mj). Sa densité moyenne est de 5.6, suggérant qu'il s'agit d'une planète rocheuse.

La température d'équilibre au niveau de l'orbite de l'étoile primaire est de ~326 K soit 53°C (contre 255 K ou 18°C pour la Terre sur base d'un albedo moyen de 0.3). Cela veut dire que la température de surface est compatible avec celle de la Terre.

Cette exoplanète est probablement rocheuse et environ 70% de sa surface est couverte d'océans. L'eau ne représente qu'une fraction négligeable de sa masse, inférieure à 1% (cf. C.Cadieux et al., 2022). Mais sachant que sur la Terre, la masse d'eau représente 0.023% de sa masse, cela peut tout de même représenter des centaines de milliards de kilomètres cubes d'eau, bref de vastes océans.

Deux aspects possibles de TOI 1452 b. Documents T.Lombry.

Selon Mykhaylo Plotnykov et Diana Valencia, tout deux de l'Université de Toronto et spécialistes de la modélisation de l'intérieur des exoplanètes et coauteurs de cet article, sur TOI 1452 b l'eau peut représenter jusqu'à 30% de sa masse, une proportion similaire à celle de certains satellites naturels de notre système solaire, comme les lunes de Jupiter Ganymède et Callisto, et les lunes de Saturne Titan et Encélade.

Selon Cadieux, "TOI-1452 b est l'une des meilleures candidates pour une planète océanique que nous ayons trouvé à ce jour. Son rayon et sa masse suggèrent une densité bien inférieure à ce à quoi on pourrait s'attendre pour une planète composée essentiellement de métal et de roche, comme la Terre."

TOI-1452 b est la candidate parfaite pour une observation plus approfondie avec l'instrument NIRISS du télescope spatial James Webb. C'est l'une des rares exoplanètes tempérées connues qui présentent des caractéristiques compatibles avec une planète océanique. Elle est suffisamment proche de la Terre pour que les chercheurs puissent espérer étudier son atmosphère et tester cette hypothèse. Par chance, elle se situe dans une région du ciel que le JWST peut observer toute l'année.

Autres exoplanètes rocheuses

Même si nous avons identifié quelques exoplanètes rocheuses dans la zone habitable d'étoiles proches, ce n'est pas encore synonyme de planète habitable. En effet, des exoplanètes emblématiques comme Proxima b du Centaure, Tau Ceti f ou TRAPPIST-1f, g ou h nous ont démontré que les conditions de vie à leur surface ne sont probablement pas aussi paradisiaques qu'on l'imagine en raison de la trop forte activité de leur étoile.

Passons en revue trois autres systèmes exoplanétaires contenant une ou plusieurs exoplanètes rocheuses et voyons si elles pourraient abriter des conditions compatibles avec le développement de la vie.

Gliese 581 c

La première exoplanète ayant une température superficielle comprise entre -3°C et +40°C est Gliese 581 c (GJ 581 c). Elle fut découverte le 25 avril 2007 par une équipe internationale constituée d'astronomes français, suisses et portugais utilisant le télescope de 3.6 m de l'ESO installé à La Silla au Chili.

L'étoile hôte Gliese 581 alias HO Librae est une naine rouge (spectre M2.5V) située à 20.5 années-lumière dans la constellation de la Balance et brillant d'un éclat rouge à la magnitude 10.55. Cette étoile est parvenue au stade final de son existence. Elle brille 50 fois moins que le Soleil, présente une masse d'environ 0.31 M pour un rayon estimé à 0.38 R. C'est donc une petite étoile.

Suite à son longue évolution, sa métallicité totale est relativement élevée [M/H] = -0.33, son atmosphère stellaire contenant 36 à 62% d'éléments lourds de plus que le Soleil.

A gauche, panorama hypothétique de Gliese 581 c. A droite, la zone habitable de Gliese 581 comparée à celle du Soleil. Documents T.Lombry et ESO adapté par l'auteur.

Ce système abrite 6 exoplanètes et posséderait un disque de débris. L'exoplanète Gliese 581 c gravite 14 fois plus près de son étoile (0.073 UA soit 10.7 millions de km) que la Terre du Soleil et accomplit sa révolution en 12.9 jours seulement, donc six fois plus rapidement que Mercure. Sa masse est environ 5.5 M (0.017 Mj) pour un rayon 50% plus grand que celui de la Terre.

Son indice ESI = 0.70, PHI = 0.40 mais son indice biologique BCI = 1.95 soit supérieur à celui de la Terre (BCI = 1.88 pour la Terre) ! Cette exoplanète est tellurique et donc viable mais nous ignorons si elle abrite une forme de vie faute d'instrument adapté à ce type de recherche.

Wolf 1061 c

Parmi ces exoplanètes telluriques situées dans la zone habitable, donnons une mention spéciale au système Wolf 1061 situé à seulement 14 années-lumière dans la constellation d'Ophiuchus (Serpentaire). L'annonce de sa découverte par l'équipe de Duncan Wright de l'Observatoire australien UNSW fut publiée le 16 décembre 2015.

Wolf 1061 alias BD-12 4523 est une étoile variable (V2306 Oph) de type BY Draconis dont la magnitude apparente varie entre 10.05 et 10.1 et de classe spectrale M3.5 V. Le système Wolf 1061 abrite 3 exoplanètes mais seule Wolf 1061 c orbite dans la région interne de la zone habitable. La masse de ces exoplanètes est respectivement d'au moins 1.4, 4.3 et 5.2 M.

A gauche, localisation du système Wolf 1061 (en orange) à partir d'images du catalogue Aladin Sky Atlas. A droite, une illustration par Ron Miller de la zone crépusculaire du terminateur de Wolf 1061 c de 5.2 masses terrestres où l'eau pourrait exister à l'état liquide.

Wolf 1061 c gravite à seulement 0.084 UA soit 12.6 millions de kilomètres de son étoile et boucle sa révolution en 17.8 jours seulement. Cette exoplanète présente probablement une face assez chaude voire trop chaude pour supporter la vie. En revanche, la région crépusculaire du terminateur conviendrait certainement au développement de la vie comme l'imagina Ron Miller ci-dessus.

Etant située très près du système solaire, Wolf 1061 c est l'une des exoplanètes qui sera certainement le plus étudiée au moyen des grands télescopes spatiaux et les techniques interférométriques. Il est possible que d'ici quelques décennies les astronomes obtiennent la première photographie directe de cette exoplanète.

Quant à l'hypothèse qui prétend que les naines de classe K sont favorables aux biosignatures, on constate que les étoiles de classe M comme Gliese 581 et Wolf 1061 le sont tout autant. On y reviendra.

HD 10180

Le système HD 10180 est le troisième système possédant 7 exoplanètes. Le système planétaire se situe à 127 années-lumière dans la constellation de l'Hydre. L'étoile est de type solaire (classe G1 V) et brille à la magnitude visuelle 7.33.

Document T.Lombry

Le système HD 10180 constitué de 7 exoplanètes. De gauche à droite, une vue générale du champ proche de l'étoile, une photographie de l'étoile de type solaire et une illustration artistique. Documents ESO et T.Lombry.

 Le système HD 10180 comprend 5 planètes géantes gazeuses ressemblant à Neptune (13-25 M), un planète de la taille de Saturne (65 M) et surtout une planète de type terrestre (HD 10180 b, 1.4 M), mais très chaude car située à seulement 0.02 UA soit 15% de la distance qui sépare Mercure du Soleil (ou 50 fois plus près de son étoile que la Terre).

Les super-Terres

Une super-Terre est une exoplanète potentiellement rocheuse ayant au moins 10 fois la masse de la Terre ou au moins 69% de la masse d'Uranus mais qui reste inférieure à celle d'Uranus (14.6 M). Selon sa composition ou sa densité (fer, roches, eau), son rayon varie entre environ 1.4 et 2.6 R (voir le graphique en haut de page). Mais cela ne dit rien sur la nature de sa surface, la composition de son atmosphère ou sur son habitabilité. Cette définition se réfère uniquement à la masse de la planète et n'implique donc rien sur les conditions de surface ou l'habitabilité. Il peut donc s'agir de mondes inhospitaliers en terme de climat, de rayonnement, de pression au sol ou de gravité. On y reviendra (cf. les exoplanètes superhabitables).

Grâce principalement aux télescopes spatiaux TESS et Kepler de la NASA, les astronomes ont découvert des centaines de super-Terres. En 2023, sur 5539 exoplanètes cataloguées, il y avait 1675 super-Terres soit 30% dont les deux-tiers ont une taille comprise entre 1.25 et 2 R, les autres mesurant moins de 1.25 R.

Parmi les premières super-Terres découvertes à partir de 2008, citons OGLE-2005-BLG-390Lb de 5.5 M, HD 69830 b de 10 M, MOA-2007-BLG-192Lb de 3.3 M, les trois super-Terres gravitant autour de HD 40307 (4.2, 6.7 et 9.4 M), HD 181433 b de 7.5 M, Corot 7b de 4.8 M, Gliese 581 e de 1.9 M, 55 Cancri e d'environ 1 M, etc.

En général, les super-Terres qu'on a découvertes sont des planètes inhospitalières orbitant très près de leur étoile et souvent trop chaudes. L'un des moins chaudes est TOI 1452 b qui est une planète océan mais dont la température en surface dépasse 52°C (cf. C.Cadieux et al., 2022).

A gauche, la séquence de formation simulée d'un système exoplanétaire de masse uniforme. A droite, les architectures des systèmes exoplanétaires au moment de la dispersion des disques, générées dans le cadre de cette simulation. Voir l'article de A.Batygin et A.Morbidelli (2023) pour plus de détails.

40% des super-Terres identifiées orbitent autour d'étoiles naines comme le Soleil. A partir de ce nombre, on estime qu'il existe des dizaines de milliards de super-Terres dans la zone habitable des étoiles. Or, contrairement à ce que suggèrent les observations et les simulations, notre système planétaire ne possède aucune super-Terre, pas même une mini-Neptune. Il faut donc comprendre pourquoi.

Les super-Terres sont généralement riches en silicate, à l'image de la Terre elle-même. De plus, les étoiles hébergent souvent plusieurs super-Terres qui sont souvent similaires entre elles, en termes de taille, de masse, d'espacement entre leurs orbites et d'autres caractéristiques clés.

Les simulations montrent qu'en général les systèmes extrasolaires ne savent fabriquer que des planètes d'une seule masse, et les expulse les unes après les autres. Cependant, bien que les super-Terres se révèlent généralement similaires lorsqu'elles orbitent autour de la même étoile, il existe une remarquable diversité de types de super-Terres lorsqu'on compare de nombreux systèmes exoplanétaires. Mais dans ce cas, pourquoi le système solaire ne contient aucune super-Terre ?

C'est pour tenter de répondre à cette question que les planétologues Konstantin Batygin du Caltech et son collègue Alessandro Morbidelli (cf. la formation du système solaire) de l'Observatoire de la Côte d'Azur à Nice, ont étudié au moyen de simulations informatiques divers scénarii afin d'expliquer non seulement l'origine des super-Terres, mais également l'origine des planètes rocheuses et des lunes qui peuplent le système solaire. Les résultats de leur étude ont fait l'objet d'un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2023 (en PDF sur arXiv).

Comme nous venons de l'expliquer, des recherches antérieures ont suggéré que les systèmes planétaires commencent comme de grands disques rotatifs de gaz et de poussière. Ces disques protoplanétaires se consolident en quelques millions d'années, la majeure partie du gaz se concentrant sur la jeune étoile au centre du système, tandis que les matériaux solides fusionnent lentement en graviers, galets, rochers, astéroïdes, comètes, planétésimaux, planètes et lunes.

Illustration d'une super-Terre habitable ayant dix fois la masse de la Terre et deux fois son rayon. Document T.Lombry.

Pour comprendre comment le système solaire en est arrivé à posséder des petites planètes rocheuses près du Soleil et de grandes géantes gazeuses à grande distance, nous avons expliqué qu'en 2021, Morbidelli et ses collègues ont suggéré que la formation de planètes dans le disque protoplanétaire solaire impliquait deux processus distincts : la formation d'un système d'anneaux, un intérieur pour les planètes rocheuses et un extérieur pour les planètes plus massives.

Dans l'étude publiée en 2023, Batygin et Morbidelli ont voulu savoir si ce concept de plusieurs anneaux distincts évoluant dans des disques protoplanétaires pourrait aussi expliquer l'existence des super-Terres. La réponse est positive et très encourageante.

Selon Batygin, "Il s'est avéré que l'hypothèse communément admise selon laquelle le matériau solide des disques protoplanétaires est uniformément dispersé est fausse. En abandonnant cette hypothèse et en supposant à la place que les premiers corps solides se forment dans des anneaux discrets, le nouveau modèle peut expliquer différents types de systèmes planétaires avec un cadre unifié."

Les chercheurs suggèrent que lors de la formation des planètes, la matière solide se concentre dans une bande étroite du disque protoplanétaire où les gaz silicatés se condensent pour former de petits objets rocheux de la taille de grains de sable puis de galets.

Dans un disque protoplanétaire, un grain de poussière ressent fortement le vent de face car le gaz tourne un peu plus lentement et en spirale vers l'étoile. Mais dans le cas d'un gaz, il évolue vers l'extérieur, provoquant dans le disque une expansion du gaz. C'est dans la zone de transition entre l'état gazeux et l'état solide que la matière s'accumule.

Batygin et Morbidelli proposent que cette bande étroite agirait comme une "usine" à fabriquer des planètes, avec des mondes rocheux se formant à l'intérieur jusqu'à ce qu'ils deviennent suffisamment grands pour sortir de l'anneau en raison des forces exercées par le gaz. Au fil du temps, ce processus peut produire plusieurs planètes rocheuses de taille similaire.

Ce scénario pourrait expliquer pourquoi toutes les super-Terres évoluant autour d'une même étoile peuvent se ressembler étroitement mais sont différentes des super-Terres évoluant autour d'une autre étoile, qui pourrait avoir une "usine planétaire" très différente.

Si cet anneau est très massif - contient beaucoup de matière -, les planètes grossiraient jusqu'à ce qu'elles migrent (voir la migration planétaire), ce qui donnerait un système planétaire contenant des super-Terres similaires. Si l'anneau contient peu de matière, il produirait des mondes qui ressembleraient davantage aux planètes telluriques du système solaire.

Les chercheurs eurent l'idée d'une bande étroite donnant naissance à des corps rocheux lorsqu'ils cherchaient à expliquer la formation des quatre plus grandes lunes de Jupiter - Io, Europe, Ganymède et Callisto. Selon Batygin, "Au fil des années, on a souligné à plusieurs reprises que les super-Terres extrasolaires ressemblent beaucoup à des variantes agrandies des lunes galiléennes. Mais la nature physique de cette connexion était restée insaisissable. Parmi les aspects les plus passionnants de notre modèle, il y a le fait qu'il fournit un cadre théorique qui peut expliquer la formation des planètes telluriques du système solaire, des super-Terres extrasolaires, ainsi que l'origine des lunes de Jupiter et de Saturne, d'une manière unifiée."

Où sont passées les petites super-Terres ?

 Les astronomes se sont demandés pourquoi ils découvraient moins de super-Terres que prévu ayant un rayon compris entre ~1.6 et 2.2 R. Et dans la foulée, pourquoi certaines exoplanètes perdent leur atmosphère et "rétrécissent" ? Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2023, l'équipe de Jessie L. Christiansen de l'IPAC du Caltech et responsable scientifique des archives des exoplanètes de la NASA a trouvé des preuves pouvant répondre à ces questions.

Le télescope spatial Kepler de 0.90 m de la NASA. Document ESA/ATG MediaLab, T.Lombry.

Christiansen et ses collègues passèrent plus de cinq ans à créer le catalogue de planètes candidates nécessaire à leur étude. Selon Christiansen, "Les scientifiques des exoplanètes disposent désormais de suffisamment de données pour affirmer que cet écart n’est pas dû au hasard. Il se passe quelque chose qui empêche les planètes d’atteindre et/ou de rester à cette taille."

Les chercheurs pensent que cet écart pourrait s'expliquer par le fait que certains mini-Neptunes (ou sous-Neptunes) perdent leur atmosphère au fil du temps. Cette perte se produirait si la planète n'a pas suffisamment de masse, et donc de force gravitationnelle, pour retenir son atmosphère. Ainsi, les mini-Neptunes qui ne sont pas assez massives se réduiraient à peu près à la taille des super-Terres, laissant un écart entre les deux tailles de planètes.

Mais la manière exacte dont ces planètes perdent leur atmosphère reste un mystère. Les scientifiques ont retenu deux mécanismes probables : la perte de masse due au noyau et la photoévaporation. Dans l'article référencé, les auteurs apportent de nouvelles preuves à l'appui de la première explication.

Christiansen nous rappelle que la perte de masse provoquée par le noyau se produit lorsque le rayonnement émis par le noyau chaud d'une planète repousse l'atmosphère de la planète au fil du temps. Quant à la photoévaporation, elle se produit lorsque l'atmosphère d'une planète est principalement emportée par le rayonnement chaud de son étoile hôte. Dans ce scénario, le rayonnement à haute énergie de l'étoile agit comme "un sèche-cheveux sur un glaçon" pour reprendre l'expression de Christiansen.

Si on estime que la photoévaporation se produit au cours des 100 premiers millions d'années d'une planète, la perte de masse due au noyau se produirait beaucoup plus tard - plus près d'un milliard d'années après la formation d'une planète. Mais quel que soit le mécanisme, si la masse planétaire est trop faible, elle ne peut pas retenir son atmosphère (c'est le cas de Mars comparée à la Terre). Résultat : la mini-Neptune rétrécit et devient une super-Terre.

Taux de formation des mini-Neptunes chaudes en fonction du temps pour deux processus : la photoévaporation (<100 Ma) et la perte de masse alimentés par le noyau (0.5 à 2 Ga) autour d'étoiles jeunes FGK (15-450 Ma) de l'échantillon de TESS et pour l'échantillon K2 de l'étude comprenant des étoiles GKM de l'amas de Praesepe d'âge intermédiaire (600–800 Ma), jusqu'au champ d'étoiles GKM de K2 (3-9 Ga). Document J.L. Christiansen et al. (2023) adapté par l'auteur.

Chistiansen et ses collègues ont utilisé les données de la mission K2 du télescope spatial Kepler de la NASA, aujourd'hui à la retraite, pour observer les amas ouverts de Praesepe et des Hyades, âgés de 600 à 800 millions d'années. Comme on pense généralement que les planètes ont le même âge que leur étoile hôte, les mini-Neptunes de ce système auraient dépassé l'âge où la photoévaporation aurait pu avoir lieu, mais ne seraient pas assez vieilles pour avoir subi une perte de masse sous l'effet du noyau. Si les chercheurs constataient qu'il y avait beaucoup d'étoiles à mini-Neptunes dans ces deux amas stellaires (par rapport aux étoiles plus anciennes d'autres amas), ils pourraient conclure que la photoévaporation n'avait pas eu lieu. Dans ce cas, la perte de masse alimentée par le noyau serait l'explication la plus probable de ce qui arrive au film du temps aux mini-Neptunes les moins massives.

En observant Praesepe et les Hyades, les chercheurs ont découvert que presque 100% des étoiles de ces amas ont encore une mini-Neptune ou une planète candidate sur leur orbite. A en juger par la taille de ces planètes, les chercheurs pensent qu'elles ont conservé leur atmosphère.

Cela diffère des autres étoiles plus anciennes observées par Kepler (des étoiles âgées de plus de 800 millions d’années), dont seulement 25% ont des mini-Neptunes. L'âge plus avancé de ces étoiles est plus proche de la période pendant laquelle on pense que la perte de masse provoquée par le noyau aura lieu.

A partir de ces observations, les chercheurs concluent que la photoévaporation n'aurait pas pu avoir lieu dans Praesepe et les Hyades. Si tel avait été le cas, cela se serait produit des centaines de millions d'années plus tôt et aujourd'hui ces planètes n'auraient plus d'atmosphère ou très peu. Cela laisse la perte de masse due au noyau comme principale explication de ce qui arrive probablement à l'atmosphère de ces mini-Neptunes.

A l'avenir les chercheurs vont continuer leurs recherches et il est possible que la compréhension actuelle de la photoévaporation et/ou de la perte de masse initiée par la chaleur du noyau évolue.

Une nouvelle étude permit finalement de résoudre le casse-tête de la répartition de la taille des mini-Neptunes et autres super-Terres, ce que les planétologues appellent la "vallée du rayon".

Résolution du casse-tête de la vallée du rayon

Habituellement, les planètes des systèmes planétaires évolués, tels que le système solaire, suivent des orbites stables autour de leur étoile hôte. Cependant, de nombreuses observations suggèrent que certaines planètes pourraient quitter leur lieu de naissance au début de leur évolution et migrer vers l'intérieur ou vers l’extérieur. Cette migration planétaire proposée dans les années 1980 et affinée à partir de 2005 (cf. Le modèle de Nice, Le Grand Tack, etc) pourrait également expliquer le nombre relativement faible d'exoplanètes entre ~1.6 et 2.2 R, la fameuse "vallée du rayon" (ou écart du rayon) comme illustré ci-dessous à droite.

La vallée du rayon

D'où vient la vallée du rayon (radius valley) ou écart du rayon ? Son invention fut prédite par calcul - des simulations - avant d'être observée par les astronomes. Le mécanisme le plus souvent suggéré pour expliquer cet écart est que les planètes perdraient une partie de leur atmosphère d'origine en raison du rayonnement de leur étoile hôte, en particulier leurs gaz volatils comme l'hydrogène et l'hélium. Cependant, cette explication néglige l'influence de la migration planétaire qui montre que, dans certaines conditions, les planètes peuvent se déplacer vers l'intérieur et vers l'extérieur des systèmes planétaires. On comprend aisément que l'efficacité de cette migration et son effet sur le développement des systèmes planétaires ont un impact sur la formation de la vallée du rayon.

A gauche, représentation artistique d'une exoplanète dont la glace d'eau de surface se vaporise de plus en plus et forme une atmosphère épaisse lorsqu'elle migre vers son étoile hôte. Ce processus augmente le rayon planétaire par rapport à la taille qu'aurait la planète si elle était restée en son lieu d'origine. A droite, répartition de la taille des exoplanètes observées et simulées dont la taille est inférieure à cinq rayons terrestres. Le nombre d’exoplanètes diminue entre 1.6 et 2.2 rayons terrestres, produisant une vallée (la vallée du rayon) de répartition prononcée. Voir le texte pour les explications. Documents Thomas Müller/MPIA (2024) et R.Burn et al. (2024).

Comme nous l'avons expliqué, deux types différents d'exoplanètes occupent l'éventail de tailles entourant la vallée du rayon : d'une part les planètes rocheuses comprenant les super-Terres et d'autre part les mini-Neptunes qui sont en moyenne légèrement plus grandes que les super-Terres. Or ces deux classes de planètes n'existent pas dans le système solaire. C'est pourquoi les planétologues ne sont toujours pas certains de leur structure et de leur composition et que toute nouvelle observation est la bienvenue.

Malgré ces inconnues, les astronomes s'accordent largement sur le fait que ces planètes possèdent des atmosphères nettement plus étendues que les planètes rocheuses. Par conséquent, comprendre comment les caractéristiques de ces mini-Neptunes et autres super-Terres contribuent à la vallée du rayon est incertain. On a notamment suggéré que cet écart pourrait signifier que ces deux types de planètes se forment différemment. Mais cette hypothèse est peu convaincante.

Dans une étude publiée en 2020, l'équipe de Julia Venturini de l'Université de Genève et membre de la collaboration PlanetS, montra sur base de simulations que l'évolution des mini-Neptunes après leur naissance contribue de manière significative à la vallée du rayon. Dans les régions glacées de leurs lieux de naissance, où les planètes reçoivent peu de chaleur de leur étoile hôte, les mini-Neptunes devraient présenter des tailles manquantes dans la distribution observée. À mesure que ces planètes vraisemblablement glacées se rapprochent de leur étoile, la glace fond, formant finalement une épaisse atmosphère de vapeur d’eau. Dans le même temps, les planètes rocheuses "rétrécissent" en perdant leur atmosphère. Dans l'ensemble, les deux mécanismes produisent un manque de planètes d’une taille autour de 2 R.

Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2024 (en PDF sur arXiv), Remo Burn de l'Institut Max Planck d'Astronomie (MPIA) et ses collègues ont réalisé des simulations de la migration planétaire similaires à celles de l'équipe de Julia Venturini et prouvé à leur tour l'existence de cette "vallée du rayon". La différence est qu'en quatre ans les modèles astrophysiques se sont affinés, en particulier les processus dans les disques d'accrétion de gaz et de poussière entourant les jeunes étoiles. Ces modèles incluent également l'émergence d'atmosphères, le mélange de différents gaz et la migration radiale.

Selon Burn, "Les propriétés de l'eau aux pressions et aux températures présentes à l'intérieur des planètes et de leur atmosphère étaient au cœur de cette étude." Comprendre comment l'eau se comporte dans une large gamme de pressions et de températures est crucial pour les simulations. Ces connaissances n'ont été d'une qualité suffisante que ces dernières années. C'est cette composante qui permet de calculer de manière réaliste le comportement des mini-Neptunes, expliquant ainsi la formation d'atmosphères étendues dans les régions plus chaudes.

Les résultats de ces simulations indiquent que les planètes glacées qui migrent à l'intérieur des systèmes planétaires sont enveloppées d'une épaisse atmosphère de vapeur d'eau. Elles paraissent alors plus grosses que si elles étaient restées à leur emplacement d'origine. Cela produit un pic d'exoplanètes vers 2.4 R. En parallèle, les planètes rocheuses plus petites perdent une partie de leur enveloppe gazeuse primitive au fil du temps, provoquant un rétrécissement de leur rayon contribuant ainsi à l'accumulation de super-Terres à environ 1.4 R.

On découvre ainsi que les propriétés physiques aux niveaux moléculaires influencent les processus astronomiques à grande échelle tels que la formation des atmosphères planétaires.

Selon Christoph Mordasini, coauteur de cette étude et membre de la collaboration PlanèteS, "Si nous devions étendre nos résultats à des régions plus froides, où l'eau est liquide, cela pourrait suggérer l'existence de mondes aquatiques avec des océans profonds. De telles planètes pourraient potentiellement héberger la vie et constitueraient des cibles relativement simples pour la recherche de biomarqueurs grâce à leur taille."

Bien que ces simulations expliquent ce que les chercheurs d'exoplanètes observent, certains détails présentent encore quelques incohérences. Par exemple, dans les simulations trop de planètes glacées se retrouvent trop près de leur étoile hôte. Mais les chercheurs concernés ne perçoivent pas cela comme un inconvénient (il est aussi vrai qu'un auteur ne va pas renier ses travaux) mais espèrent ainsi en apprendre davantage sur la migration planétaire.

Pour en savoir plus, les observations du JWST et du futur le télescope ELT seront utiles car leurs performances leur permettent de déterminer la composition des exoplanètes en fonction de leur taille et pourront, espérons-le, valider les prédictions de ces simulations.

Les exoplanètes géantes

Selon nos critères, toute planète plus grande que la Terre est une planète géante. Mais il y a tout de même une différence de taille entre une super-Terre qui fait 1.4 fois le rayon de la Terre et une Jupiter géante qui est 20 à 30 plus grande que Jupiter (qui est elle-même 11 fois plus grande que la Terre) et jusqu'à 12 fois plus massive que Jupiter (à partir de 13 Mj il s'agit d'une naine brune)

Parmi les milliers d'exoplanètes découvertes à ce jour, environ 15% sont des géantes gazeuses dont la masse (et la taille) est au moins égale à celle de Jupiter (cf. MPG). En 2023, cela représentait environ 800 exoplanètes, une quantité importante.

L'une de ces géantes gazeuses gravite autour de l'étoile Pollux, β des Gémeaux (le jumeau du mythologique Castor), située à 33.9 années-lumière du Soleil. Pollux est la 15e étoile la plus proche du Soleil et compte parmi les 17 plus brillantes du ciel avec une magnitude visuelle de +1.15. De classe spectrale K0 III (orangée), elle est 8.8 fois plus grande que le Soleil et 1.47 fois plus massive.

Pollux possède au moins une exoplanète, Pollux b ou HD 62509 b appelée "Thestias" découverte en 2006 par la méthode de la vitesse radiale (cf. A.P. Atzes et al., 2006). C'est une géante probablement gazeuse de 2.3 à 2.9 Mj dont le rayon est estimé à 1.19 Rj ou ~69200 km soit 13 fois le rayon de la Terre ! Elle gravite à ~1.69 UA de son étoile et boucle sa révolution orbitale en 1.6 an.

Selon des simulations, sa température d'équilibre ou effective oscillerait entre 155 et 533 K soit entre -118 et 260°C (cf. S.Mukherjee et al., 2021). Elle serait donc plutôt chaude, une chaleur probablement entretenue par l'énergie gravitationnelle générée par la compression de son noyau comme dans les cas de Jupiter et Saturne.

Rappelons que c'est pas la plus grande exoplanète, record détenu par HD 100546 b découverte en 2005 qui est ~6.9 fois plus grande que Jupiter et 20 fois plus massive ! Mais en réalité il s'agirait d'une naine brune.

Deux versions du système de Pollux, β Gemini qui abrite l'exoplanète géante gazeuse "Thestias" alias HD 62509 b de 2.3 à 2.9 Mj. Documents T.Lombry.

Paradoxalement, bien que Pollux b soit proche de la Terre et de taille respectable, elle fait l'objet de très peu d'études (cf. aussi Google scholar) et par conséquent on sait peu de choses sur les conditions physico-chimiques régnant sur cette exoplanète.

La principale raison de ce désintérêt relatif est qu'étant une géante gazeuse non habitable, elle n'est pas prioritaire. Les astronomes cherchent avant tout à étudier les exoplanètes telluriques proches du Soleil situées dans la zone habitable ayant une atmosphère "terrestre" et si possible de l'eau. Pollux b n'appartient pas à cette catégorie.

Elle n'est pas pour autant exclue des études. Pollux sert notamment de cible pour tester les nouvelles méthodes de détection dont les coronographes tels celui utilisé par le télescope spatial TPF (cf. J.R. Crepp, 2009). Des chercheurs projètent également de sonder Pollux b avec le radiotélescope chinois FAST de 500 m de diamètre à la recherche d'éventuelles lunes (cf. D.V. Lukic, 2017). Elle reste également un sujet intéressant pour comprendre la mécanique planétaire et pourquoi le système solaire ne possède pas de planète gazeuse de la taille de Jupiter à hauteur de l'orbite de Mars (~1.52 UA). Les simulations offrent ici une grande aide aux chercheurs.

Les Hot Jupiters

Une Hot Jupiter dont l'atmosphère est très colorée en raison de la présence de métaux lourds vue depuis l'une de ses lunes rocheuses possédant une légère atmosphère d'hydrogène. Document T.Lombry.

Les Hot Jupiters ou Jupiter chaudes sont des exoplanètes dont la taille est généralement supérieure à celle de Jupiter. La limite inférieure est la taille d'Uranus ou Neptune et la masse maximale d'environ 10 fois celle de Jupiter. Au-delà de cette masse, on la considère comme une naine brune. La température de leur atmosphère varie entre quelques centaines et plusieurs milliers de degrés Celsius. En 2023, elles représentaient environ 10% des exoplanètes connues.

Formation

Comment se forme une Hot Jupiter ? Les planétologues ont toujours pensé que la taille gigantesque des Hot Jupiters s'explique par la chaleur qu'elles dégagent qui provoque une dilatation démesurée de leur atmosphère gazeuse. Encore fallait-il le démontrer et déterminer si l'origine de cette chaleur était interne à la planète (comme c'est le cas de Jupiter et Saturne) ou externe et liée à l'étoile.

Cette seconde hypothèse fut confirmée ou en tous cas validée sur deux cas concrets par l'équipe dirigée par Samuel K. Grunblatt de l'IfA d'Hawaï suite à l'observation de deux nouvelles exoplanètes gravitant autour d'étoiles géantes rouges. Les résultats de leur étude furent publiés dans "The Astronomical Journal" en 2017.

Grunblatt et ses collègues ont étudié les exoplanètes K2-132 b et K2-97 b au moyen du télescope spatial Kepler (mission K2) et du télescope Keck de 10 m d'Hawaï. Dans les deux cas, l'exoplanète géante orbite autour de son étoile hôte en environ 9 jours. Elles sont 30% plus grandes que Jupiter et malgré leurs grandes tailles, elles sont seulement deux fois moins denses que Jupiter. Les deux exoplanètes sont donc remarquablement proches en termes de périodes orbitales, de rayons et de masses.

Utilisant des modèles de l'évolution planétaire et stellaire, les chercheurs ont calculé l'efficacité des exoplanètes à absorber la chaleur de l'étoile et à la transférer vers les profondeurs de leur atmosphère. Ils ont également étudié de quelle manière ce mécanisme affectait la taille et la densité de ces deux exoplanètes gazeuses. Leurs résultats montrent que ces Hot Jupiters ont probablement besoin de l'intense rayonnement de l'étoile géante rouge pour grossir de cette façon, mais la quantité de rayonnement absorbée reste inférieure aux prévisions.

Bien sûr, on ne peut pas proposer une théorie sur base de deux observations, mais ces résultats permettent d'écarter certaines hypothèses sur l'inflation planétaire et renforcent l'idée que les exoplanètes gazeuses grossissent directement en fonction de la chaleur libérée par leur étoile hôte. Les preuves scientifiques s'accumulant, elles suggèrent que le rayonnement stellaire seul peut directement modifier la taille et la densité d'une exoplanète.

Illustration du système K2-132. Au-dessus à gauche, la taille du système lorsque l'étoile était sur la Séquence principale. Les simulations montrent que la Hot Jupiter enfla sous le rayonnement de l'étoile géante. Document Karen Teramura/UH IfA.

KELT 9 b

Parmi les Hot Jupiters, comme expliqué précédemment, à ce jour l'exoplanète la plus chaude (en excluant les naines brunes) est KELT 9 b alias HD 195689 b découverte en 2017 à 650 années-lumière. Elle est deux fois plus massive que Jupiter et présente une température d'environ 4327°C sur sa face éclairée ! Elle détient le record de température car les astres plus chauds sont tout simplement des étoiles.

Le dernier souffle d'oxygène d'Osiris

Après 51 Pegasis, Gliese 436 b et Gliese 3470 b, l'exoplanète HD 209458B a surpris les astronomes. Découverte en 2003 dans la constellation de Pégase grâce au Télescope Spatial Hubble par Alfred Vidal-Madjar et son équipe de l'Institut d'Astrophysique de Paris (IAP), de l'oxygène ainsi que du carbone ont été découverts dans son atmosphère, s'évaporant à un taux si élevé qu'on peut pratiquement dire qu'elle consomme ses dernières bouffées d'oxygène.

HD 209458B est la première exoplanète découverte alors qu'elle transitait devant son étoile et c'est également la première exoplanète ayant une atmosphère détectable.

Pour distinguer cette extraordinaire planète de ses condisciples, les astronomes l'ont surnommée "Osiris". Rappelons qu'Osiris est le dieu égyptien de la lumière qui perdit une partie de son corps, à l'instar de HD 209458B, après que son frère Set, le dieu à face de chacal, l'ait tué et coupé en morceaux pour l'empêcher de revivre. On reparlera de cette légende à propos de la constellation d'Orion.

Osiris orbite autour d'une étoile de type solaire (classe G5) à une distance de 6.6 millions de km seulement, ce qui représente 1/8e de la distance séparant Mercure du Soleil. Elle boucle sa révolution orbitale en... 3.5 jours seulement ! Vue de la Terre, lors d'un transit son disque couvre 15% de la surface de l'étoile et réduit son éclat d'environ 1.5%, provoquant un "dip" (déclivité) spectaculaire comme on peut le voir sur la courbe lumineuse présentée ci-dessous comparée à celle qu'aurait une planète terrestre à la même échelle (en bleu).

Le diamètre d'Osiris est estimé à 1.35 fois le rayon de Jupiter mais son atmosphère s'étend jusqu'à 4.5 rayons de Jupiter ! En effet, située si près de son étoile, les gaz atmosphériques de l'exoplanète sont fortement chauffés et se dilatent. Etant donné qu'Osiris présente toujours la même hémisphère face à l'étoile, les gaz n'ont pas d'autre voie de sortie que de s'élever vers le sommet un peu plus froid de l'atmosphère où ils sont entraînés vers l'hémisphère plongée dans l'obscurité.

A gauche, courbe lumineuse de l'étoile HD 209458 Pegasi obtenue par le HST et analysée par l'équipe de Timothy Brown. Le "dip" (la déclivité, le creux) de 1.5% est typique du transit d'une exoplanète géante. A titre de comparaison, en bleu on a représenté le dip qu'aurait provoqué une planète de la taille de la Terre. A droite, représentation artistique de l'exoplanète HD 209458 b, alias Osiris qui gravite à 6.6 millions de km seulement de l'étoile. Elle gravite si près de l'étoile qu'elle s'évapore littéralement sous sa chaleur et l'intensité de son rayonnement. Sa surface est portée à environ 1000°C. Son rayon vaut 1.35 fois celui de Jupiter mais son atmosphère s'étend jusqu'à 4.5 rayons de Jupiter. Documents PlanetQuest et T.Lombry.

Très agités et très chauds, ces gaz s'échappent de l'atmosphère comme des tourbillons de poussière à une vitesse supersonique de l'ordre de 3 à 4000 km/h et un taux énorme estimé à au moins 10000 tonnes d'hydrogène par seconde.

Un nuage d'oxygène et de carbone entoure également l'exoplanète formant une enveloppe ellipsoïdale en forme de ballon de rugby qui s'étend sur 200000 km.

Bien que l'oxygène soit un indicateur possible de la vie, si la possibilité de trouver de la vie sur Osiris semble excitante, il faut rappeler que ce n'est pas une grande surprise en soit car l'oxygène est également présent dans les planètes géantes de notre système solaire, comme Jupiter et Saturne. Ce qui est en revanche plus étonnant c'est de trouver des atomes d'oxygène et de carbone dans une enveloppe aussi étendue autour de cette exoplanète.

Sur Jupiter ou Saturne, ces éléments sont toujours combinés au méthane et à l'eau présents dans les couches profondes de l'atmosphère. Dans HD 209458 b les produits chimiques se sont décomposés en éléments simples. Sur Jupiter ou Saturne, même dissociés, ces éléments demeurent dans les profondeurs de l'atmosphère et sont indétectables depuis la Terre. Le fait qu'ils soient détectables dans l'atmosphère supérieure de HD 209458B confirme que son atmosphère subit une évaporation intense similaire à un pompage sous vide. Ce phénomène est provoqué par le fait qu'Osiris gravite si près de son étoile qu'elle rôtit et se consume au point que sa surface est portée à environ 1000°C !

β Pictoris b

β Pictoris est une jeune étoile blanche de classe spectrale A6 V située à 63.4 années-lumière du Soleil et de magnitude apparente +3.86. Grâce au télescope spatial infrarouge IRAS, en 1983 le tout premier disque de poussière fut découvert par des moyens optiques. Il s'agit en fait d'un disque de débris formé par la collision et la fragmentation d'astéroïdes et de comètes. Il mesure au moins 225 milliards de kilomètres soit plus de 1500 UA et comprend plusieurs ceintures de planétésimaux et des milliers d'exocomètes.

Bêta Pictoris présente une masse de 1.75 M et une luminosité de 8.7 L pour une température effective d'environ 8050 K. Elle est âgée d'environ et 20 millions d'années et appartient à l'association stellaire Bêta Pictoris.

Grâce au VLT de l'ESO équipé d'une optique adaptative, en 2008 l'équipe d'Anne-Marie Lagrange du CNRS découvrit β Pictoris b, une exoplanète de 11 ±2 Mj (cf. Snellen et Brown, 2018) présentant une température d'environ 1427°C. Cette Hot Jupiter évolue dans le disque de débris à 11.18 UA de l'étoile Bêta Pictoris, soit juste à l'extérieur de la ceinture principale. La même équipe découvrit une deuxième exoplanète gazeuse, β Pictoris c de 9 Mj gravitant à 2.7 UA de l'étoile (cf. A.-M. Lagrange et al., 2019).

Enfin, grâce au satellite TESS de la NASA, les astronomes ont pu observer ce système planétaire pendant 156 jours au total et ont identifié 30 exocomètes transitant devant bêta Pictoris. La distribution de la taille de leur noyau est similaire à celle des comètes du système solaire avec une prédominance de petits noyaux (rayon < 10 km). Cela suggère qu'elles se forment selon les mêmes mécanismes, c'est-à-dire lors de la formation de planètes et résultent de collisions et de fragmentations de planétésimaux (cf. A.Vidal-Madjar et al., 2022).

A gauche, le disque de débris de β Pictoris enregistré en infrarouge. La zone externe fut enregistrée en 1996 par l'instrument ADONIS installé sur le télescope de 3.6 m de l'ESO. La partie interne fut enregistrée à 3.6 microns par l'instrument NACO du VLT. On distingue clairement l'exoplanète ainsi que l'évasement du disque aux extrémités. A droite, les courbes de lumière du transit de l'exoplanète WASP 189 b devant son étoile. Documents ESO et M.Lendl et al. (2020) adapté par l'auteur.

WASP 189 b

Grâce au télescope orbital CHEOPS (CHaracterising ExOPlanets Satellite) de l'ESA, des astrophysiciens de l'Observatoire de Genève (UNIGE), en Suisse, ont découvert en 2018 l'exoplanète WASP 189 b grâce à la méthode du transit. Son étude par Monika Lendl de l'UNIGE et ses collègues fit l'objet d'un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2020 (cf. aussi le communiqué de l'ESA).

WASP 189 b orbite autour de l'étoile HD 133112 située à environ 322 années-lumière dans la constellation de la Balance. C'est une étoiles bleutée de magnitude 6.5 (G) de classe spectrale A et d'une température effective d'environ 8000 K. Elle est 2 fois plus massive et 2.36 fois plus grande que le Soleil. Elle est âgée d'environ 730 millions d'années et présente une métallicité [Fe/H] = 0.29 ±0.13 (contre 0.012 pour le Soleil).

Comme le montrent la courbe de lumière présentée ci-dessus à droite, les chercheurs ont découvert que le transit de l'exoplanète devant son étoile est asymétrique. Selon l'astrophysicien Willy Benz de l'UNIGE et coauteur des articles, "Cela se produit lorsque l'étoile possède des zones plus claires et plus sombres sur sa surface. Grâce aux données de CHEOPS, nous pouvons conclure que l'étoile elle-même tourne si rapidement que sa forme n'est plus sphérique, mais ellipsoïdale. L'étoile est tirée vers l'extérieur au niveau de son équateur."

Selon les dernières mesures, WASP 189 b est environ 2 fois plus massive que Jupiter (contre 1.6 Mj auparavant). Cette exoplanète est particulièrement intéressante car c'est une géante gazeuse qui orbite très près de son étoile hôte. En effet, elle boucle sa révolution en seulement 2.72 jours à une distance de 0.05 UA ou 7.5 millions de km soit 20 fois plus près de son étoile que la Terre ne l'est du Soleil !

Deux aspects possibles de WASP 189 b (à gauche en UV) dont la température est de 3200°C et l'albedo presque nul. Documents T.Lombry.

WASP 189 b est une exoplanète très exotique. Elle présente une face orientée en permanence vers son étoile et par conséquent une face plongée en permanence dans la nuit; 49% de la face de l'exoplanète est dans l'obscurité. Son climat est par conséquent très différent de celui qu'on observe sur Jupiter dans le système solaire. Sur la base des données enregistrées par CHEOPS, les chercheurs estiment que la température d'équilibre de WASP 189 b est de 3200°C ! Le fer fond à cette température et devient même gazeux.

Cette exoplanète réfléchit très peu de lumière (le calcul de sa température tient compte d'un albedo de 0) car les chercheurs estiment qu'il n'y a pas de nuages sur la face éclairée. En effet, selon les modèles les nuages ne peuvent pas se former à des températures aussi élevées. Le ciel devrait donc être clair en altitude.

WASP 121 b

WASP 121 b est une Hot Jupiter découverte en 2015 à environ 855 années-lumière dans la constellation de la Poupe grâce à la méthode du transit. Sa masse est de 1.184 Mj. Elle boucle sa révolution en 30 heures à seulement 0.025 UA de son étoile hôte, une étoile de classe spectrale F6 V d'une masse équivalent à 1.3 M présentant une température effective de 6460 K.

Cette exoplanète est particulière. D'abord la rotation de WASP 121 b est gravitationnellement verrouillée par l'effet de marée à son étoile hôte, comme la Lune l'est vis-à-vis-de la Terre. Du fait que la même face est toujours exposée à son étoile, la température de la haute atmosphère côté jour atteint 2500 à 3000°C. Cette température ne permet plus de former des nuages d'eau car la vapeur se décompose directement en hydrogène et oxygène. Du côté obscur, la température se maintient à 1500°C.

Des vents horizontaux balayent l'exoplanète d'ouest en est. Cela transporte l'hydrogène et l'oxygène du côté jour vers le côté nuit. Là, les atomes peuvent se recombiner et reformer de la vapeur d'eau. Mais ce n'est que temporaire, car les vents renvoient la vapeur vers le côté jour où l'eau s'évapore.

L'exoplanète WASP 121 b, une Hot Jupiter de 1.2 Mj dont l'atmosphère portée entre 2500 et 3000°C libère des métaux lourds et où il pleut probablement des rubis et des saphirs. Documents T.Lombry et Patricia Klein pour MPIA.

Les astronomes ont découvert un flux de gaz de métaux lourds s'échappant de son atmosphère, une première sur une exoplanète. Vu sa température, son atmosphère contient de l'hydrogène et de l'hélium comme les planètes à l'état primitif mais également des métaux lourds comme le fer, le magnésium, le chrome, le calcium, le sodium et le nickel. Selon David Singer de l'Université Johns Hopkins, ces vapeurs de métaux rendent l'atmosphère plus opaque aux UV, provoquant un important réchauffement de la haute atmosphère (cf. H.J. Hoeijmakers et al., 2020).

Bien que n'ayant pas de nuages d'eau, il pleut sur WASP 121 b. Mais ce n'est pas le même type de pluie que nous connaissons sur Terre. Des nuages de vapeur de métaux lourds composés de fer, de magnésium, de chrome et de vanadium se forment sur la face obscure où les températures sont suffisamment basses pour que les métaux se condensent en nuages. Mais ces nuages de métaux ne persistent pas longtemps. Comme la vapeur d'eau, à mesure que les vents les transportent vers la face éclairée, ils s'évaporent à nouveau.

Mais ces nuages de métaux ne sont peut-être pas l'aspect le plus étrange de WASP 121 b. Les chercheurs furent encore plus étonnés en découvrant qu'il manquait des métaux comme l'aluminium et le titane dans la haute atmosphère de cette exoplanète. Parmi les explications, ces métaux résideraient plus profondément dans l'atmosphère et sont donc indétectables. Si tel est le cas, il est alors possible que l'aluminium se combine avec l'oxygène pour former de l'oxyde d'aluminium (Al2O3) ou corindon. Lorsqu'il est combiné à des impuretés comme le chrome, le fer, le titane ou le vanadium, ce composé forme des rubis ou des saphirs sur Terre. On peut donc imaginer qu'il pleut des gems dans les profondeurs de l'atmosphère de WASP 121 b (cf. T.Mikal-Evans et al., 2022).

La candidate Véga b

Après avoir analysé dix années de données du satellite TESS, des chercheurs de l'Université du Colorado ont acquis la conviction qu'il existe une exoplanète gazeuse chaude en orbite autour de Véga, l'étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre située à 25 années-lumière. L'exoplanète serait au moins aussi grande que Neptune soit 4 fois plus grande que la Terre et présente une période de 2.5 jours. Il pourrait s'agir de l'une des Hot Jupiters les plus chaudes avec une température d'équilibre de 3000°C (cf. S.A. Hurt et al., 2021; CfA Harvard, 2021). On reviendra sur Véga et son disque d'accrétion (cf. page 6).

Le système binaire WD 0032-317

Ce système stellaire aurait pu être décrit dans l'article consacré aux systèmes binaires et multiples, celui consacré aux étoiles naines blanches ou aux naines brunes mais il parut plus pertinent de le décrire parmi les "Hot Jupiters" car il est un peu tout cela.

Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2023, l'équipe de la postdoctorante Na’ama Hallakoun du Département de physique des particules et d'astrophysique de Institut Weizmann des sciences d'Israël rapporte la découverte du système binaire WD 0032-317 situé à environ 1400 années-lumière qui offre une excellente opportunité d'étudier les atmosphères des Hot Jupiters et d'améliorer notre compréhension de l'évolution planétaire et de celle des systèmes stellaires binaires. La découverte de ce système - le plus extrême dans sa catégorie connu à ce jour en termes de température - a été faite grâce à l'analyse des données spectroscopiques enregistrées par le VLA.

Selon Hallakoun, "Nous avons identifié un objet chaud semblable à Jupiter en orbite autour d'une étoile qui est la plus chaude jamais découverte, environ 2000° plus chaude que la surface du Soleil." Contrairement à beaucoup de Hot Jupiters qui sont invisibles en raison de l'éclat de leur étoile, il est possible de voir et d'étudier cet objet car il est très grand par rapport à l'étoile hôte autour de laquelle il orbite, qui est 10000 fois plus pâle qu'une étoile normale, "ce qui en fait un laboratoire parfait pour les futures études des conditions extrêmes des Hots Jupiters", précise Hallakoun.

A gauche, distribution de l'énergie spectrale de WD 0032-317 comparée aux spectres du modèle théorique d'une étoile naine blanche (dominée par l'hydrogène avec une température effective de 37000 K et un log de gravité de surface g = 7.2) et d'une naine brune (pour le côté nocturne, avec [M/H] = -0.5 et log g = 5.5) ainsi que les modèles de corps noir (pour le côté diurne) représentés respectivement en violet et en orange pointillé. Les panneaux du bas montrent les résidus du côté diurne (milieu) et l'adaptation du côté nocturne (en bas). A droite, la relation masse-rayon des naines brunes et des étoiles de faible masse. Les naines brunes en transit connues et les étoiles de très faible masse en orbite autour d'étoiles de la Séquence principale sont représentées par des barres d'erreurs grises tandis que les naines M à éclipse connues en orbite autour de naines blanches sont représentées par des barres d'erreurs vertes. Les lignes grises pointillées sont des isochrones théoriques ATMO2020 d'âges et de métallicités solaires différents. Les lignes grises en pointillés sont les isochrones théoriques BT-DUSTY d'âges différents, avec [M/H] = -0.5. La position de WD 0032-317 est marquée par un cercle rouge (en supposant une naine blanche à noyau He) et un carré bleu (en supposant une naine blanche à noyau hybride). Pour référence, SDSS J0104+1535 représentée par un triangle orange est la naine brune du halo la plus massive connue et la compagne naine M ultra-chaude de NN Ser est représentée par un triangle violet pointant vers le bas. Documents N.Hallakoun et al. (2023).

Le système binaire WD 0032-317 se compose de deux naines mais de nature très différente. L'une est une étoile naine blanche, l'autre est une naine brune (ce n'est pas une étoile). Selon Hallakoun, "La gravité des étoiles peut provoquer la dislocation d'objets trop proches, mais cette naine brune est dense, avec 80 fois la masse de Jupiter comprimée dans la taille de Jupiter. Cela lui permet de survivre intacte et de former un système binaire stable."

Lorsqu'un astre orbite très près de son étoile, les forces différentielles de marée (gravitationnelles) agissant sur les faces proche et éloignée de l'astre entraînent une résonance gravitationnelle qui peut provoquer la synchronisation des périodes orbitale et de rotation de l'astre, dans ce cas-ci de la naine brune. C'est ce qu'on appelle le "verrouillage des marées" (ou verrouillage gravitationnel) qui bloque de manière permanente un côté de l'astre face à l'étoile, de la même manière que la Lune présente toujours la même hémisphère face à la Terre, tandis que sa face cachée reste hors de vue.

Dans le cas du système WD 0032-317, le verrouillage gravitationnel conduit à des différences de température extrêmes entre l'hémisphère diurne de la naine brune bombardée par le rayonnement stellaire direct et l'hémisphère nocturne, orientée vers l'extérieur et l'espace glacial, qui reçoit une quantité de rayonnement beaucoup plus faible.

Le rayonnement intense émis par l'étoile provoque des températures de surface extrêmement élevées sur les Hot Jupiters. Dans le cas du système binaire WD 0032-317, les calculs réalisés par Hallakoun et ses collègues indiquent que la température de surface de la naine brune est dantesque : le côté diurne affiche une température comprise entre 7250 et 9800 K (~7000 à 9500°C), ce qui est aussi chaud qu'une étoile blanche de classe A !

Notons qu'on pourrait créer une nouvelle catégorie d'astre pour cette naine brune ultra chaude qui serait celle des Ultra Hot Jupiter mais ce n'est pas vraiment une exoplanète. On pourrait aussi créer un nouveau type de naine brune ultra chaude dont la température est supérieure à 2100 K. Si nous en découvrons d'autres, l'avenir nous dira quelle classification fut retenue.

Les systèmes planétaires multiples

Cette catégorie regroupe les systèmes planétaires possédant au moins deux étoiles. Décrivons quelques-uns d'entre eux.

HD 188753

Il s'agit d'un système de trois soleils HD 188753 situé dans le Cygne qu'on a surnommé "Tatooine" par référence à la planète aux deux soleils de "Star Wars". Le système découvert en 2005 est constitué d'une étoile de classe spectrale G2 et 1.06 M autour de laquelle gravite une étoile double spectroscopique de 1.6 M à 12.6 UA et probablement une Hot Jupiter de 1.1 Mj en orbite à seulement 0.04 UA, dans une zone instable. Mais à ce jour, l'existence de l'exoplanète n'est pas confirmée.

Illustrations artistiques du système HD 188753 "Tatooine" du Cygne contenant trois étoiles et peut-être une exoplanète de type Hot Jupiter de 1.1 Mj en orbite à 0.04 UA d'une étoile de type solaire. Toutefois l'existence de l'exoplanète n'a pas été confirmée. Documents T.Lombry.

PH1

En 2012, grâce au télescope Kepler les astronomes ont également découvert un système planétaire situé à 5000 années-lumière comprenant 4 étoiles et une exoplanète baptisée "PH1". L'exoplanète 6 fois plus volumineuse que la Terre (de la taille de Neptune) orbite en 138 jours à la distance de 0.6 UA autour de deux étoiles de 1.5 et 0.4 M, qui elles-mêmes tournent l'une autour de l'autre en 20 jours. Les deux étoiles sont séparées d'environ 0.2 UA. Une second système binaire évolue à environ 1000 UA de cet ensemble. On reviendra sur les étoiles doubles et multiples.

Kepler 47

A ce jour Kepler 47 est le seul système binaire autour duquel gravitent 3 exoplanètes, ce qui en fait tout l'intérêt. Il se trouve à environ 3340 années-lumière dans la constellation du Cygne.

Illustration du système K-47. Document T.Lombry.

Les exoplanètes furent détectées grâce à la méthode du transit mais il fallut bénéficier de circonstances exceptionnelles pour débusquer le transit de la troisième exoplanète. En effet, bien que Kepler 47 d soit la plus grande des trois et fut découverte en 2012, paradoxalement son existence et ses paramètres orbitaux ne furent confirmés que sept ans plus tard. Ce système fut étudié par l'équipe de Jérôme Orosz de l'Université d'État de San Diego (SDSU) dont les résultats furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2019.

Les exoplanètes de ce système dit circumbinaire ont une densité très faible, inférieure à celle de Saturne. Bien qu'une faible densité ne soit pas inhabituelle pour des Hot Jupiters, elle est rare pour des exoplanètes ayant des températures douces. En effet, la température d'équilibre de Kepler 47 d est d'environ 10°C, tandis que celle de Kepler 47 c est de 32°C. La planète la plus interne, qui aussi la plus petite exoplanète circumbinaire connue atteint 169°C.

Les planètes interne, intermédiaire et externe ont une taille respectivement égale à 3.1, 7.0 et 4.7 R et mettent respectivement 49, 187 et 303 jours pour accomplir une révolution autour de leurs étoiles. Les étoiles elles-mêmes gravitent autour de leur barycentre en seulement 7.45 jours. L'une des étoiles est semblable au Soleil, tandis que l'autre présente un tiers de la masse du Soleil. L'ensemble du système est compact et s'insérerait dans l'orbite de la Terre.

Les systèmes planétaires compacts sont extrêmement répandus dans notre Galaxie. Kepler 47 prouve que quel que soit le processus qui forma ces planètes - mais différent de celui qui forma le système solaire - il est commun aux systèmes planétaires à une et deux étoiles.

Décrivons à présent les mini-Neptunes, les Hot Neptunes ou Neptunes chaudes et quelques systèmes planétaires plus étranges.

Prochain chapitre

Les mini-Neptunes

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